Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur le logement et le passeport-mobilité des étudiants d'outre-mer, Paris le 14 mai 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Inauguration de la Maison des Provinces de France à la Cité internationale universitaire à Paris le 14 mai 2004

Texte intégral

Monsieur le Président de la Cité internationale universitaire,
Monsieur le Président Poudroux,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureuse de participer aujourd'hui à vos côtés à l'inauguration de ce pavillon de la " Maison des Provinces " qui retrouve une nouvelle jeunesse après de lourds travaux de rénovation et de modernisation. Cette " Maison des Provinces " va ainsi pouvoir à nouveau accueillir les étudiants d'outre-mer et notamment ceux originaires de La Réunion, ce qui vous explique ma présence parmi vous ce soir.
La collaboration entre le département de La Réunion et la Cité internationale universitaire de Paris est en effet une longue histoire qui débute en 1950. Depuis cette date, le Conseil général de La Réunion finance la réservation de chambres pour ses étudiants et cet engagement n'a jusqu'ici jamais failli. L'effort consenti a même augmenté au fil des ans et la signature, en 2003, d'une nouvelle convention entre le Conseil général et la Cité universitaire se traduit par un droit de réservation pour 25 ans de 30 chambres supplémentaires qui s'ajoutent aux 30 chambres déjà réservées.
Au delà du plaisir de me trouver aux côtés de Jean-Luc poudroux, je voudrais saisir l'occasion que me donne cette inauguration pour vous dire mon ambition pour la jeunesse de l'outre-mer qui est au cur de l'action que je mène pour nos compatriotes.
Vous le savez, la jeunesse, outre-mer, est nombreuse (44 % de la population a moins de 25 ans) et elle constitue la première richesse de nos collectivités d'outre-mer. Cette jeunesse a des attentes et des espoirs légitimes. Je veux contribuer à lui donner les moyens de construire son avenir autour de trois axes indissociables que sont :
La formation
La mobilité
Le logement

1. La formation, c'est sans doute le meilleur atout pour faire face à son avenir.
A cet égard, les efforts de rattrapage engagés par les pouvoirs publics depuis de nombreuses années en matière de constructions scolaires doivent être poursuivis, et même accentués pour faire bénéficier les jeunes ultramarins des mêmes chances de réussite qu'en métropole. Sachez qu'avec mon collègue François fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous avons bien intégré cette priorité dans notre action.
Je pense en particulier à la Guyane, à Mayotte mais aussi à La Réunion. Ces trois collectivités ont en effet à faire face à une démographie particulièrement dynamique, auquel s'ajoute, pour la Guyane et Mayotte, le problème préoccupant de l'immigration clandestine qui vient peser sur le système éducatif au risque de le déstabiliser.

2. Le renforcement de la continuité territoriale est le second axe de mon engagement pour les jeunes d'outre-mer.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, en mai 2002, l'une de mes premières actions a consisté à mettre en place ce que j'ai appelé le " passeport mobilité ", afin de faciliter leurs déplacements vers la métropole.
Aujourd'hui en effet, l'outre-mer compte plus de 45 000 étudiants. Parmi eux, près de 21 000 jeunes poursuivent leurs études supérieures dans des universités de métropole. Pour certains, ceci résulte de leur choix personnel ; mais pour la majorité d'entre eux, cette situation s'impose à eux, du fait de l'absence, dans leur collectivité d'origine, des filières qu'ils souhaitent suivre. Dans ces cas, il convient de leur faciliter leurs déplacements, ce qui n'est bien évidemment pas exclusif de l'action que l'Etat mène par ailleurs pour conforter le développement des universités d'outre-mer qui n'ont pas à rougir de la comparaison qui peut être faite avec leurs homologues métropolitaines.
Il convient de souligner par ailleurs que la mobilité n'est pas une fin en soi mais seulement un moyen privilégié de formation et d'acquisition d'expérience dans la perspective d'accéder à un emploi durable ou à un emploi mieux qualifié. Cette mobilité ne doit pas être vécue comme une rupture mais bien au contraire comme un enrichissement personnel dans une société sans cesse en mouvement.
C'est cette logique qui a présidé à la création du " passeport mobilité ". Le " passeport mobilité " est destiné aux jeunes de 18 à 30 ans qui doivent se rendre en métropole pour étudier, suivre une formation ou prendre un premier emploi. Il permet à chaque jeune d'obtenir la gratuité d'un voyage aller-retour entre sa collectivité d'origine et la métropole. Au 31 décembre 2003, ce sont plus de 10 600 jeunes, dont plus de 4 800 étudiants, qui ont ainsi pu en bénéficier.
J'ai souhaité également, en accord avec mon collègue Jean-François lamour, ministre des sports et de la vie associative, que la mobilité des jeunes sportifs d'outre-mer soit facilitée. Car vous savez combien est grande la place de l'outre-mer dans les succès remportés par la France au plan sportif, que ce soit en athlétisme, bien sûr, mais aussi dans des disciplines moins connues comme l'escrime, la natation ou encore le cyclisme sur piste pour ne citer que les principales.
C'est pour faciliter cette mobilité des jeunes sportifs, notamment qui ne sont pas originaires des DOM et donc non éligibles aux fonds d'échanges sportifs, qu'une convention a été signée à la fin de l'année dernière entre les deux ministères de l'outre-mer et des sports, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et le mouvement sportif olympique et sportif local pour permettre aux jeunes sportifs calédoniens de pouvoir plus facilement se déplacer dans leur environnement régional ou vers la métropole dans le cadre de stages de formation et d'entraînement ou bien de compétitions. Un projet de convention du même type est en cours de discussion avec les autorités de la Polynésie française et d'autres projets devraient suivre, notamment avec Mayotte.
3. Le troisième axe de mon action en faveur des jeunes d'outre-mer est le logement en métropole. En effet, au delà de faciliter la mobilité géographique grâce au " passeport mobilité ", il m'est vite apparu nécessaire de chercher les moyens d'améliorer les conditions de logement des jeunes d'outre-mer en métropole.
C'est aujourd'hui la difficulté principale que rencontrent ces jeunes pour réussir leur installation en métropole. Ainsi, s'agissant des étudiants, moins d'un quart d'entre eux (4427, soit, précisément, 21 %) obtiennent une place dans des logements étudiants en métropole, selon les conclusions d'une étude réalisée à ma demande par la SCET-DOM (bureau d'étude de la caisse des dépôts). Au niveau national, la demande en logements des jeunes ultramarins représente 14% du parc de logements gérés par les CROUS alors qu'ils ne constituent que 1% de la population étudiante de métropole. Certaines académies, comme Aix en Provence, Reims ou Strasbourg, arrivent à absorber 60 à 73 % de ces demandes. En revanche, dans les académies de Paris et de Créteil, la situation est particulièrement préoccupante, puisqu'elles n'absorbent respectivement que 2 et 3 % des demandes des étudiants ultramarins.
Consciente de ces difficultés et déterminée à agir pour améliorer la situation, j'ai mis en place, dés 2003, un groupe de travail, ce qui a permis, et je suis heureuse de pouvoir vous l'annoncer aujourd'hui, la signature d'une convention entre mon ministère et l'agence nationale pour l'insertion et la promotion du travail outre-mer, l'ANT. Cette convention a pour objectif de réserver chaque année 800 chambres en métropole au profit des jeunes ultramarins qui sont en formation professionnelle, mais également pour ceux qui sont étudiants, par l'intermédiaire du réseau des CROUS.
L'ANT va ainsi pouvoir procéder d'ici la fin du mois de juin à ces réservations, par le biais de conventions auprès de foyers ou de centres d'hébergement. Le dispositif sera en conséquence pleinement opérationnel à la rentrée prochaine. Pour l'Île-de-France, cela représentera 220 réservations.
Les étudiants d'outre-mer qui n'auraient pas pu trouver de solutions dans le cadre des filières classiques que proposent les CROUS, auront ainsi une opportunité supplémentaire de trouver un hébergement.
C'est donc là une première étape importante que nous franchissons pour aller vers ce que j'ai coutume d'appeler le " passeport logement ". Disposer d'un logement doit en effet de moins en moins constituer une cause de retard, voire d'abandon pour de nombreux projets de formation professionnelle ou supérieure.
Je sais aussi que l'éloignement rend plus difficile la recherche à distance d'un logement. C'est pourquoi j'ai souhaité faciliter cette recherche, en permettant la mise en relation des différents acteurs qui, en métropole, peuvent apporter des solutions de logement, que ce soit dans le parc privé ou dans le parc public.
Ainsi, le site internet de mon ministère ouvre aujourd'hui une nouvelle rubrique sur la recherche d'un logement en métropole, comprenant des conseils et des adresses utiles.
Il faut par ailleurs combattre certaines pratiques discriminatoires, trop largement répandues en matière de recherche d'un logement dans le secteur privé, voire public. Comment admettre en effet qu'une caution apportée par une personne résidant outre-mer soit refusée ? Comme si le fait de vivre dans une collectivité d'outre-mer pour un parent ou un tuteur ne constituait pas une garantie légale suffisante !
Il faudra aussi développer de nouveaux partenariats. A cet égard, le projet de loi sur les responsabilités locales en cours de discussion au Parlement, prévoit d'ouvrir la possibilité pour les collectivités locales de prendre en gestion les logements étudiants, mais également de pouvoir développer ce parc. Ainsi, les collectivités d'outre-mer pourront mettre en place des partenariats avec celles de métropole pour contribuer au financement de nouveaux logements et obtenir en retour des droits de réservation pour leurs étudiants.
La loi prévoit également des dispositions particulières pour l'île de France, puisque la Région sera chargée d'élaborer un schéma régional de la politique du logement étudiant, et pourra si elle le souhaite, prendre cette compétence. Je ne doute pas que la Région Île-de-France où les besoins sont les plus importants saura utiliser ces nouvelles possibilités.
Les actions menées dans ce domaine depuis de longues années par le Conseil général de la Réunion sont à cet égard exemplaires. Elles ont permis de développer des relations avec la Cité internationale universitaire de Paris et ont changé la façon de venir étudier en métropole pour les jeunes réunionnais. Étudier dans de bonnes conditions, avec l'esprit libéré des difficultés quotidiennes, c'est donner de meilleures chances de réussite.
Voilà en quelques mots l'essentiel de l'action que je mène pour favoriser la mobilité de la jeunesse d'outre-mer dans les meilleurs conditions d'égalité de chances avec la métropole. En 24 mois, je crois pouvoir dire que le travail accompli est important et que cela n'a été possible que grâce aux efforts de tous.
J'ai conscience cependant que beaucoup reste à faire. L'attente de la jeunesse d'outre-mer est forte. Nous avons le devoir de ne pas la décevoir. Elle est sans aucun doute le meilleur atout de l'outre-mer. C'est cette profonde conviction qui m'anime chaque jour pour continuer à agir toujours plus en sa faveur.
Girardin

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr,le 17 mai 2004)