Texte intégral
Monsieur le Garde des Sceaux,
Madame la Ministre,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président,
Monsieur le Délégué Interministériel,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais saluer l'UNAPEI notamment du Rhône et dire à chacune et chacun d'entre vous que je suis venu d'abord sincèrement et profondément vous dire merci. Merci de votre action, merci de votre engagement. Vous avez parlé, à l'instant, monsieur le président, de blessure, et merci de faire de votre blessure un amour qui est la source d'une énergie individuelle et collective utile à tous. Alors, sincèrement à vous, merci.
Merci, cher président, de vos paroles chaleureuses, fortes, vraies, de me permettre de rencontrer ainsi de nombreuses familles et amis des personnes handicapées mentales qui sont autour de vous. Et merci de m'avoir parlé sans détour également de ce que vous avez comme attentes, mais aussi de ce que vous avez comme inquiétudes. Je voudrais entrer avec vous dans le fond du sujet, pour répondre aux attentes, et pour tenter de lever les inquiétudes. C'est un moment important que votre congrès annuel, et je connais l'action de votre organisation, notamment sur le terrain, j'imagine que votre rencontre est un échange d'expériences fort, qui permet de dégager à la fois des convictions communes, mais aussi sans doute cette convivialité dont on a besoin quand on est militant. Lamartine disait déjà que se rassembler, c'est déjà s'émouvoir. Donc chaque congrès de l'UNAPEI, de gens généreux, j'imagine, est aussi pour vous un temps de chaleur humaine.
Alors je voudrais vous dire combien la période que nous vivons en ce moment est importante, et combien l'UNAPEI joue un rôle fort grâce à son investissement dans la concertation engagée autour de l'élaboration de la réforme de la loi de 1975. C'était une grande loi, c'était une étape. La France croyait avoir franchi cette étape pour longtemps, et finalement, ce qui, à une certaine époque, a pu être considéré comme une avancée est progressivement, par rapport à d'autres pays du monde, devenu un retard. Il nous faut donc réformer cette loi, et je voudrais vous dire combien, et votre président et votre nouveau directeur général, Laurent COQUEBERT, ont eu l'occasion de faire la preuve de leur militantisme, mais aussi de leur technicité pour nous aider à définir les lignes d'avenir de ce nouveau texte, qui porte le joli nom de loi pour l'égalité des chances et des droits et la participation et la citoyenneté des personnes handicapées". C'est une dénomination qui, en elle-même, exprime une forte ambition, et nous la devons aux associations qui se sont engagées pour ce texte. C'est aussi pour nous l'occasion de parler de cette loi. Vous en avez parlé ce matin avec Marie-Anne MONTCHAMP ; vous avez parlé aussi d'autres textes, notamment de la tutelle avec le Garde des Sceaux ; nous parlerons aussi de ce qu'il y a après la loi, puisque au fond la loi est une étape, le moment de consacrer un certain nombre de droits nouveaux, mais aussi d'ouvrir des pistes d'avenir et de dégager des volontés communes.
Ma première réponse, Monsieur le président, concerne la vie associative. Je l'ai dit - et vous y faisiez référence tout à l'heure -, : je suis très attaché, dans notre République, à une vie associative particulièrement vivante et porteuse à la fois d'engagement et d'idéal. Je le dis vraiment parce que j'ai une longue expérience de terrain, d'élu de terrain, et j'ai vu très souvent des sujets traités au mieux grâce à la vie associative, dans des formes de partenariat d'ailleurs très diverses avec les collectivités territoriales, Monsieur le président du département, avec l'État, et quelquefois avec l'Europe même, puisque l'Europe est allée jusqu'à confier la gestion d'un certain nombre de programmes européens à des structures associatives. Je crois que l'association est un élément important de notre République, et nous devons nous habituer à ce que l'État n'ait pas le monopole de l'intérêt général. L'État, naturellement, est acteur de l'intérêt général, mais les uns et les autres, engagés pour servir la République, sont porteurs d'un morceau d'intérêt général, et cela, je crois que c'est important à bien mesurer. C'est vrai de la collectivité locale, c'est vrai de la vie associative, c'est vrai de tous les responsables qui portent une part de l'intérêt général. Je dirais que c'est même vrai d'un certain nombre de professionnels, qui ont une part de l'activité qui relève de l'initiative privée, et une autre part de leur activité qui relève de l'intérêt général. Nous avons l'intérêt général en partage, personne n'en a le monopole, et la vie associative est un pilier fondateur de cette cause de l'intérêt général.
Je voudrais, pour répondre aussi à ce que vous avez dit, vous dire combien, pour moi, la fraternité est une valeur qu'il nous faut raviver dans la société. Nous avons expliqué, développé et je dirais, pour reprendre une expression d'un philosophe, que nous avons jardiné la liberté, nous avons jardiné l'égalité ; nous faisons la différence entre l'égalité et l'égalitarisme. Mais nous avons laissé de côté un peu l'idée de fraternité, qui est pourtant sur le fronton de nos établissements publics. Nous l'avons remplacée par différents mots qui n'ont pas tout à fait le même sens. Il ne faut pas opposer fraternité et solidarité ; nous avons besoin de la solidarité. Mais la fraternité, elle, va plus loin. La fraternité, c'est un égale un. Et c'est un engagement personnel, ce n'est pas quelque chose que l'on confie aux autres, à une structure. Ce n'est pas une sorte de décharge. Ce n'est pas une organisation qui assume. La fraternité, c'est une valeur assumée par ses acteurs. C'est un élément très important de notre vivre ensemble. La fraternité est utile au combat contre l'égoïsme, contre l'individualisme, contre toutes les formes de racisme, de repli sur soi, tout ce que nous pouvons connaître dans une société qui ne respecte pas le "un égale un", qui est le fondement même de la fraternité, et cette idée qui est, je crois, essentielle, dans le pacte républicain. Je pense que la vie associative porte ce type de valeurs, et c'est pour cela que je suis très heureux de pouvoir, à cette occasion, vous dire combien je suis favorable à ce que les associations assument leurs responsabilités - et je vous le dirai tout à l'heure, je vous rassure complètement -, y compris sur les responsabilités de gestionnaires.
Je pense que votre association a toute sa place dans ce combat pour la fraternité, notamment parce que, non seulement vous avez, dans votre mission, la capacité de rassembler les parents, mais aussi les amis. Moi je sais ce que c'est que l'amitié avec une personne handicapée mentale, c'est d'une richesse extraordinaire. C'est une valeur très importante qui appartient à chacun. Et c'est pour cela que j'ai noté depuis longtemps que cette idée de parents et d'amis était une de vos richesses. C'est que la valeur, ce n'est pas seulement celle de la famille, qui est au fond un lien de sang, mais c'est aussi l'ami, le lien du cur, qui est essentiel dans cet équilibre-là. Voilà pourquoi ce mot de fraternité, je m'y attarde un peu, mais il fait partie de ces mots qui, je crois, vous ont aidés à traverser les périodes plus ou moins faciles de la vie de votre association, et surtout, vous ont permis de faire preuve de courage, d'imagination, et qui ont donné la possibilité aux pionniers qui vous ont animés de créer ces milliers d'établissements et de services dans toute la France, qui naturellement ont demandé un investissement total des parents et des familles qui se sont engagés pour apporter des solutions et des conditions de vie dignes à des millions de personnes handicapées.
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, la douleur et l'injustice que vous avez ressenties lorsqu'un amendement parlementaire a été déposé visant à empêcher vos associations d'exercer une fonction représentative tout en étant gestionnaires d'établissements. Je voudrais vous dire qu'au nom de cette mésaventure que j'ai ressentie comme vous, de cette réalité, le gouvernement s'est vigoureusement opposé à cet amendement, qui a été rejeté. Je tiens vraiment à ce qu'on reconnaisse cette capacité et de représenter et de gérer. Cela voudrait dire que nous ne pouvons pas aujourd'hui être proche des sujets et participer à la gestion des sujets ? Cela voudrait dire que par définition la compétence est une distance ? Je suis opposé à ces idées-là. Au contraire, la compétence est dans la compréhension, dans le vécu, dans la capacité aujourd'hui et de représenter et de gérer. Vous pouvez compter sur notre engagement dans ce combat qui a été le vôtre, et qui est aussi le nôtre, pour que ce type d'idées soit définitivement repoussé.
Je voudrais vous dire combien, au-delà de cette mission qui est la vôtre de la vie associative, avec les valeurs qu'elle porte, combien il est important en effet de mobiliser l'ensemble des acteurs sur le traitement du handicap mental et sur la capacité que nous avons à mobiliser les énergies publiques pour que vous puissiez trouver, vous les parents, vous les amis, les capacités d'agir, et d'agir pour les personnes victimes du handicap mental. Alors la première étape que nous avons ensemble est ce dont vous avez parlé avec Marie-Anne MONTCHAMP, qui est le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je voudrais vous dire que ce texte est un texte pour lequel le président de la République se sent très personnellement engagé. Il fait partie des trois grands chantiers que le président de la République suit directement : la sécurité routière, le cancer et les personnes handicapées. Et cette mobilisation pour revoir la loi de 1975 et pouvoir à la fois assumer les droits anciens, mais aussi créer des droits nouveaux destinés à assurer le libre choix de vie et à apporter à chaque personne handicapée la réponse appropriée à ses besoins spécifiques, nous introduisons donc le droit à compensation, pour intégrer comme il se doit toutes les aides humaines, l'aide aux aidants, l'accueil en établissement, la protection juridique, pour permettre de rassembler les outils indispensables de cette vie digne que vous demandez pour les personnes que vous représentez.
D'autres solutions auxquelles vous êtes, je le sais, légitimement attachés vont être également améliorées. C'est le cas des différents produits d'assurance, tels que les contrats de rente sur vie et les contrats d'épargne handicap. Le Centre d'aide par le travail constitue, pour de nombreuses personnes handicapées mentales, un moyen privilégié de l'intégration sociale. C'est pour cela que nous sommes vigilants sur le nombre de places en CAT, et nous voulons que, au-delà du quantitatif, on puisse également avoir des progrès qualitatifs, notamment en bénéficiant de nouveaux droits. Les personnes handicapées mentales sont, bien sûr, également concernées par les dispositions ambitieuses, volontaires, qui sont relatives à l'accessibilité. Cela concerne bien sûr l'école, mais aussi l'emploi et les transports. Je ne détaillerai pas davantage les nombreuses dispositions qui font l'objet de ce projet dont vous avez souvent déjà [parlé], sur le terrain, dans vos associations, et tous ensemble réunis, notamment ce matin avec la ministre. Je ne détaillerai pas donc les nombreuses dispositions de ce projet, mais je voudrais vous dire combien il me paraît important pour définir une nouvelle approche de la politique sociale, et combien il peut être fondateur d'une vision nouvelle que nous devons porter sur le sujet, vision quantitative, vision qualitative, vision individuelle, vision collective, c'est-à-dire ce regard que vous appelez de la société, qui doit être un regard différent à ce que nous avons connu déjà.
Cette loi, elle est aujourd'hui au Parlement. Nous avons tout le temps encore d'améliorer les textes ; nous avons une deuxième lecture à préparer, la concertation doit se poursuivre ; le secrétaire d'État est mobilisé sur ce sujet. Il faut bien rester en communication sur ces questions, puisque je crois qu'il est important que nous puissions aboutir avant la fin de l'année, comme nous nous y sommes engagés, et que nous puissions bien ajuster en fonction des débats parlementaires ce que doit être cette nouvelle loi. J'ai noté quand même un détail qui m'a montré que vous aviez quand même une certaine habitude de ce genre de circonstances, car en parlant de projet de loi, vous avez tout de suite parlé de décret d'application. Et en effet, en général, c'est dans les décrets d'application que se voit la rapidité d'exécution et la qualité d'exécution ; et donc, j'ai bien vu que vous étiez attentif à l'essentiel. Nous le sommes aussi. Notre intention même, avec Marie-Anne MONTCHAMP, c'est de préparer les décrets d'application pour que, en même temps que la discussion sur le texte, on puisse se préparer à le publier rapidement, et que nous puissions ainsi entrer très vite. Intégrer autant que possible la question du handicap à tous les aspects de la vie sociale et aux règles qui la régissent, c'est une pensée un peu nouvelle ; c'est une pensée que les Anglais appellent " mainstreaming ", mais qui, au fond, est une pensée globalisante, qui est une pensée qui nous permet, au fond, de traiter toutes les décisions publiques avec cette capacité à intégrer la dimension du handicap dans le traitement des problèmes de notre société. Et donc, que chaque texte de loi, chaque décret, chaque arrêté, chaque action publique doit pouvoir intégrer la préoccupation des personnes handicapées.
Et j'ai confié donc au délégué interministériel Patrick GOHET, que je salue ici chaleureusement, la responsabilité de s'en assurer. C'est sa vocation interministérielle. Chaque ministère doit être vraiment conscient de la problématique qui est posée. Le danger du dossier du handicap, c'est qu'à un moment ou à un autre, on le considère comme un dossier vertical, et qu'on l'isole, et que, l'isolant, on le traite en oubliant qu'il s'agit de personnes humaines, et que les personnes humaines ne peuvent pas être verticalisées, elles sont par définition globales, et que dans la société l'ensemble doit la concerner. C'est pour cela que nous avons voulu cette délégation interministérielle, et que nous voulons que s'intègre à tous les sujets la question qui est posée aux personnes handicapées, quelle que soit la nature même des départements ministériels. C'est pour cela que je suis très attentif à ce qu'on puisse me rendre compte des différentes mesures concernant la vie sociale des personnes handicapées, ce qui concerne pas moins de quinze ministères. Et c'est pour cela que je suis décidé à ce que nous puissions mener ensemble les progrès nécessaires, puisque les personnes handicapées se trouvent au cur de sujets importants que nous sommes en train de traiter ou que nous avons récemment traités : je pense à la réforme des retraites évidemment, je pense à la formation professionnelle et à l'ensemble des sujets qui font partie du travail gouvernemental.
Je connais également l'attention que vous portez donc à la préparation de la réforme de la protection juridique, et je sais que vous avez donc demandé ce matin au Garde des Sceaux que nous puissions accélérer nos travaux préparatoires, il m'en a déjà informé, comme c'est son avis déjà depuis un certain temps et qu'il me harcelait sur ce sujet pour qu'on trouve la place dans notre calendrier gouvernemental. Vous apportez là au Garde des Sceaux un soutien qu'il saura faire valoir.
C'est donc dans cette vision que nous voulons vraiment que les personnes handicapées soient au cur même de notre démarche de cohésion sociale. Nous pensons vraiment qu'aujourd'hui ce qui est un danger de la société, c'est la capacité de mouvement qui est la nôtre et qui aujourd'hui produit un certain nombre de mutations extrêmement rapides et qui, naturellement, entraînent des changements, voire des ruptures. Il faut mesurer les changements du monde, il faut mesurer la vitesse à laquelle aujourd'hui le monde change. On n'en est plus au temps où Alain Peyrefitte écrivait : " Quand la Chine s'éveillera ". La Chine est éveillée, elle a des niveaux de croissance rapides, et on trouve dans tous les pays du monde les grandes zones de développement et les zones de misères. Il y a Bombay et Bangalore dans la même Inde. Il y a aujourd'hui dans le monde entier des mouvements qui se créent, qui nous impliquent, à nous-mêmes en Europe, des mouvements très rapides. Les dix pays qui viennent de nous rejoindre dans l'Union européenne ont dû faire face à de nombreuses mutations pour s'adapter aux critères européens. Ils ont mené des réformes très importantes. Le mouvement aujourd'hui est partout dans le monde. Nous devons veiller à ce que le mouvement n'entraîne pas les ruptures sociales, les brutalités qui sont celles souvent d'un certain nombre de changements. C'est pour cela que, avec le mouvement qui est une nécessité, avec la réforme, avec le changement, qui sont une donnée des temps modernes, il faut avoir la priorité de la cohésion sociale, de manière à protéger ce qui rassemble une communauté nationale comme la nôtre, ou qui rassemble les communautés européennes comme nous voulons nous rassembler dans l'Union.
J'insiste sur ce point parce que la France est particulièrement soumise et exposée à ce type de risques. Nous parlons souvent des changements ; la France adore parler des changements. Quand j'étais étudiant, Jean-Jacques Servan-Schreiber nous faisait des livres merveilleux sur la cybernétique, sur l'informatique, qui allaient changer complètement notre vie. Il nous parlait, il y a trente ans, de ces petits téléphones portables qu'on aurait dans la poche, on verrait même la télévision dessus, on pourrait communiquer les uns avec les autres, par oral et par écrit. On en a parlé pendant trente ans, et on le fait en deux ans. On est aujourd'hui dans une mutation extraordinairement rapide de la société. En deux ans, nous avons rattrapé notre retard pour la société de l'information. Nous avons 24 millions d'internautes. Nous avons aujourd'hui un développement du haut débit qui nous met parmi les premiers d'Europe alors qu'il y a quelques années nous étions en queue du peloton européen. Tout ceci entraîne des mutations profondes dans la société, et nous avons face à tous ces mouvements une exigence de cohésion sociale, pour rester rassemblés, pour toujours tendre la main à ceux qui sont plus brutalement exposés à ces mouvements, à ces changements, à ces mutations. Aujourd'hui personne n'est à l'abri des mutations. Quand on regarde le métier de médecin, on voit combien il change. Quand on regarde le métier d'agriculteur, on voit combien il change. Quand on regarde le métier d'enseignant, on voit combien il change. Tout change. Il nous faut vivre ces changements et ces mutations. Mais nous avons besoin du lien social, nous avons besoin de la cohésion sociale, et toujours en pensant que ceux qui sont les moins mobiles dans la société sont les plus fragiles, et donc que les personnes handicapées sont particulièrement exposées à ce qui est une caractéristique de plus en plus évidente de notre société, qui est l'accélération des changements.
Et donc, nous voulons vraiment, de manière interministérielle, Monsieur le Délégué, veiller à ce que la cohésion sociale soit vraiment pour nous un élément majeur de notre pacte républicain. Et, dans ce pacte républicain, nous voulons que les personnes handicapées aient leur place spécifique. Je le sais, j'y reviendrai, il ne faut pas confondre avec d'autres formes de dépendance, puisqu'il s'agit là d'un statut spécifique que nous voulons traiter de manière identifiée. C'est pour nous un élément important de la politique, et nous avons rassemblé une action prioritaire au sein du gouvernement sur la cohésion sociale, et nous veillerons à ce que les personnes handicapées soient, dans cette politique, directement concernées.
Je voudrais vous dire que tout ceci nous impose des efforts budgétaires ; nous les assumerons. Nous avons une idée précise de ce qu'est le coût social du handicap, il s'élevait à 27,5 milliards d'euros en 2002, et demain, grâce notamment à la Journée nationale de solidarité, grâce à l'engagement personnel de nos concitoyens, un milliard d'euros supplémentaires seront consacrés chaque année à la politique du handicap. Même si je sais que le sujet n'est pas comptable, il est aussi très important de dégager durablement les moyens de financement de cette priorité, car il n'y a pas de priorité qui ne puisse trouver, à un moment ou à un autre, une implication budgétaire. Je suis très attaché, je ne le cache pas, à la Journée nationale de solidarité. J'ai entendu beaucoup de choses sur ce sujet. Mais il faut savoir au moins si on veut la pratiquer, la fraternité, ou si seulement on veut en parler. Et si on veut la pratiquer, il faut donner un peu de soi-même, un peu de son travail, un peu de son identité, un peu de son talent, de son activité, un peu pour les autres. C'est ça, le sens de la Journée nationale de solidarité. Ce n'est pas de faire en sorte qu'on prenne une journée de travail, comme ça, sans donner du sens à l'action. On donne quelque chose de soi-même pour les autres. On donne quelque chose de soi-même pour trouver un financement qui permette de régler durablement un problème qu'autrement on ne peut pas régler. Il faut bien savoir que, dans notre pays, compte tenu de notre situation budgétaire, compte tenu de notre niveau de vie, compte tenu de notre système social, si nous voulons augmenter nos prestations, il faut pouvoir augmenter le nombre total d'heures travaillées. Cela veut dire qu'en augmentant le nombre total travaillé, cela veut dire que chacun puisse travailler, mais aussi qu'il y ait de moins en moins de chômage pour qu'on puisse mettre de plus en plus de Français au travail. C'est par l'augmentation du nombre total d'heures travaillées que nous pourrons financer durablement les politiques sociales avancées qui sont la demande de nos concitoyens. Ne croyons pas que nous pourrions résoudre tous nos problèmes de financement par l'impôt. C'est par la capacité de pouvoir mobiliser l'énergie humaine, au service de la cause humaine, que nous pourrons résoudre des difficultés comme celles que nous avons sur le plan budgétaire.
C'est pour cela que je salue les parlementaires qui sont ici, les députés qui ont voté ce texte. Ce n'était pas facile, mais c'est très important, parce que là nous avons créé un dispositif, avec la Journée nationale de solidarité, qui durablement nous donne les moyens de financer une politique pluriannuelle. On ne peut pas traiter les sujets aussi importants que les sujets qui concernent les personnes handicapées, budget après budget, année après année. Il faut avoir une vision sur le pluriannuel pour pouvoir s'attacher à des politiques durables, avec des choix budgétaires pluriannuels. Cette orientation-là est importante, et j'ai voulu m'y engager parce que je suis sûr que nous aurons ainsi les moyens de pouvoir venir en aide à un secteur, un secteur qui est un secteur social évidemment, qui est un secteur humain bien sûr, mais qui est aussi un secteur qui participe au développement économique et à l'emploi. Les établissements, les services du secteur du handicap fournissent près de 150.000 emplois à notre pays, et grâce à notre programme ainsi pluriannuel, nous pourrons créer des places dans les établissements et améliorer les services médico-sociaux, et ainsi nous participerons, par le secteur social, à la dynamique de l'emploi et à la dynamique de l'intégration, c'est-à-dire de la cohésion sociale. C'est pour cela que nous voulons engager, avec ces moyens nouveaux, nos objectifs ambitieux en faveur de la création de places, plus que deux fois supérieures entre 2003 et 2007 par rapport à la période précédente. C'est un engagement que nous voulons tenir, c'est un engagement que nous tiendrons, puisque nous nous en sommes donnés les moyens.
Je voudrais répondre à votre question sur la branche de protection sociale. Nous avons voulu créer la CNSA, en effet, de manière à avoir cette Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et être ainsi capables d'avoir un lieu qui puisse être le lieu où se mobilisent les moyens au service de cette politique. J'ai entendu de nombreuses confusions, et je crois nécessaire de commencer par rappeler ce que n'est pas la CNSA, comme structure d'organisation sociale. La CNSA n'est pas l'assurance maladie des personnes âgées et des personnes handicapées. Que cela soit clair : les unes comme les autres continueront à relever de la Caisse nationale d'assurance maladie pour les soins dont elles ont besoin. C'est un sujet qui a été traité. La CNSA n'a pas non plus vocation à préfigurer l'évolution des caisses de la Sécurité sociale. La CNSA a cette capacité-là à faire nourrir de nombreux mythes. Vous savez d'où est partie l'idée. L'idée est partie de l'expérience de la vignette. On s'est dit : si on lève de l'argent pour une cause, qu'on ne met pas les choses de manière claire dans une structure particulièrement identifiée, il pourrait advenir que l'argent serve à une autre cause. Nous l'avons vu dans le passé. Et c'est d'abord pour éviter ce genre de dérivation, parce qu'il y a toujours un peu de pertes dans les tuyaux, que nous avons voulu créer une structure parfaitement identifiée, et pour laquelle nous voulons une gestion qui soit ouverte, transparente et paritaire, de manière à ce qu'on puisse véritablement apprécier la gestion et veiller à ce que l'argent qui soit l'argent destiné pour les actions au service des personnes handicapées soit bien pour les personnes handicapées, et qu'il n'y ait pas de dérives. C'est pour ça que nous avons engagé cette logique, et pour nous, la CNSA est le fruit d'une histoire propre, c'est celle de l'émergence d'un nouveau risque et de sa prise en compte. C'est l'image que nous voulons lui donner dès le départ, et nous voulons veiller qu'elle puisse être ouverte, ouverte aux partenaires, aux partenaires que sont les associations et nos différents partenaires liés à cette cause pour les personnes handicapées. Ne soyez pas donc inquiets. Il s'agit vraiment d'un lieu qui nous permettra de mener la politique au service du handicap, et de pouvoir évaluer cette politique régulièrement.
Je sais que, et je vous ai entendu, en ce qui concerne les collectivités locales. Vous savez que j'ai confié une mission à messieurs BRIET et JAMET pour que nous puissions avoir une organisation cohérente et efficace. Alors j'ai bien entendu le message. Le message : il faut gérer dans la proximité. Vous êtes tous d'ailleurs, et toutes, des acteurs de terrain ; vous savez que c'est par la proximité qu'on gère le mieux les relations humaines. Mais en même temps que nous avons cette exigence de proximité, il faut que nous soyons tous traités de la même façon sur le plan national, parce que un Français égale un Français, quel que soit le lieu de son habitation. Et donc nous avons à gérer ces deux dispositifs. Je vous dirais que c'est tout le problème de la décentralisation, parce qu'il nous faut de la cohérence nationale. Si nous n'avons pas de cohérence nationale nous aurons de la dispersion, mais si nous n'avons pas de la proximité, nous aurons du jacobinisme, de la centralisation, et on sait que les systèmes sont souvent congestionnés par le haut. Et donc il faut avancer ; il faut avancer sur ces deux logiques : la cohérence nationale, la cohérence républicaine. Ne soyez pas inquiets, c'est pour ça que nous faisons une loi, les droits sont nationaux pour tous les citoyens. Il n'y a pas les droits pour les Lyonnais et les droits pour les Poitevins, il y a les droits pour les Français, et les personnes handicapées françaises auront toutes les mêmes droits.
Donc, nous avons là une logique qui est, au fond, la logique de la loi ; c'est la logique de la norme. Et donc nous souhaitons vraiment qu'il y ait une norme nationale. Nous souhaitons simplement que sur le terrain, au plus près du terrain, on puisse gérer des normes nationales. Donc les droits et les normes sont nationales, nous gérons sur le terrain, et donc dans la proximité avec les collectivités locales. Il ne s'agit pas qu'on puisse mener des lois au niveau du département du Rhône, malgré sa maturité démocratique, monsieur le Président MERCIER, mais on n'en est pas encore là. Donc, ce sont les lois nationales qui s'appliquent, le département gère les lois nationales, et il a avec l'État une relation financière de confiance qui lui permettra de gérer les politiques qu'il a à gérer, avec la protection - il n'y en avait pas jusqu'ici de meilleure - de la Constitution. Et donc, nous avons vraiment le souhait de faire en sorte que, notamment sur le plan social, on ait bien cette cohérence nationale qui est au cur de notre pacte républicain. Mais si nous voulons avoir des systèmes plus simples, si nous voulons avoir des systèmes plus humains, il faut aussi qu'ils puissent être gérés au plus près du terrain, mais gérés à l'intérieur de normes et de droits qui, eux, sont nationaux. C'est cela notre organisation. Et je peux vous rassurer sur ce sujet : nous ne souhaitons pas que la politique locale puisse dire qu'elle définit ce qu'est la politique pour et en faveur des personnes handicapées, département par département. La politique est nationale, et les partenaires sont responsables au niveau local de sa bonne application. Et l'État, naturellement, se garde la possibilité de pouvoir intervenir dans l'évaluation. Mais je fais toute confiance aux collectivités territoriales, qui sont au plus près des associations. J'ai vécu ça sur le terrain. En général, mesdames messieurs les présidents d'associations départementales ou régionales, vous connaissez les bonnes portes où frapper, où aller faire valoir ce que vous souhaitez, et vous connaissez en général les moyens de vous faire entendre. Je sais, de temps en temps il doit bien y avoir de-ci de-là des gens particulièrement têtus qui ne veulent pas entendre, mais en général vous trouvez les moyens de vous faire entendre sur le terrain. Sachez que vous avez toujours à votre disposition le préfet, représentant de l'État dans le département, pour traiter les problèmes si problèmes il y a. La République est représentée et elle a les moyens de faire appliquer sa politique. Nous sommes ainsi engagés dans un partenariat de confiance avec les départements, et c'est pour cela que je crois que nous pouvons voir l'application de ces politiques avec une capacité d'efficacité, et en même temps une capacité de bonne gestion.
Voilà, monsieur le président, quelques réponses que je voulais apporter à vos inquiétudes et à vos attentes. En terminant, je voudrais simplement vous dire que j'ai vraiment conscience que nous sommes aujourd'hui dans une période où toutes les forces de la France doivent se mobiliser. Et la force associative en est une. Mais je crois aussi que les personnes handicapées mentales peuvent servir la France et servent aussi la France. Elles servent la France comme toute personne qui, aujourd'hui, peut donner à son pays, peut donner par ce qu'il est lui-même, par sa capacité de participer à la vie sociale, par son existence propre, par sa capacité d'amour, par sa capacité à rayonner autour de lui. C'est cela dont le pays doit avoir besoin. Et cette générosité que vous exprimez fait partie de ce dont la France a besoin, c'est-à-dire de se regarder elle-même dans la glace avec une certaine fierté, avec l'honneur de la mission accomplie, avec cette capacité à retrouver confiance en nous. La France peut avoir confiance dans sa générosité, la France peut avoir confiance dans ses capacités. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où tous les indicateurs nous le montrent : la croissance revient. Nous avons tout fait pour cela. La reprise est là. Nous allons dégager des marges d'action. Tout ceci prendra évidemment un peu de temps pour que ce soit perceptible dans chaque foyer, mais les indicateurs sont là, aujourd'hui. Nous avons la capacité, aujourd'hui, d'être en Europe, l'un des pays les plus actifs quant à la croissance. Cette croissance, il faut qu'on la rende juste ; cette croissance, il faut qu'on la partage pour tous. C'est cela, notre ambition : une nouvelle prospérité, mais une nouvelle prospérité mieux partagée. C'est ce que vous apportez par votre engagement. C'est pour cela que j'ai vraiment conscience que des initiatives comme les vôtres sont des initiatives qui servent notre pays, la France. "
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 21 mai 2004
Madame la Ministre,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président,
Monsieur le Délégué Interministériel,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais saluer l'UNAPEI notamment du Rhône et dire à chacune et chacun d'entre vous que je suis venu d'abord sincèrement et profondément vous dire merci. Merci de votre action, merci de votre engagement. Vous avez parlé, à l'instant, monsieur le président, de blessure, et merci de faire de votre blessure un amour qui est la source d'une énergie individuelle et collective utile à tous. Alors, sincèrement à vous, merci.
Merci, cher président, de vos paroles chaleureuses, fortes, vraies, de me permettre de rencontrer ainsi de nombreuses familles et amis des personnes handicapées mentales qui sont autour de vous. Et merci de m'avoir parlé sans détour également de ce que vous avez comme attentes, mais aussi de ce que vous avez comme inquiétudes. Je voudrais entrer avec vous dans le fond du sujet, pour répondre aux attentes, et pour tenter de lever les inquiétudes. C'est un moment important que votre congrès annuel, et je connais l'action de votre organisation, notamment sur le terrain, j'imagine que votre rencontre est un échange d'expériences fort, qui permet de dégager à la fois des convictions communes, mais aussi sans doute cette convivialité dont on a besoin quand on est militant. Lamartine disait déjà que se rassembler, c'est déjà s'émouvoir. Donc chaque congrès de l'UNAPEI, de gens généreux, j'imagine, est aussi pour vous un temps de chaleur humaine.
Alors je voudrais vous dire combien la période que nous vivons en ce moment est importante, et combien l'UNAPEI joue un rôle fort grâce à son investissement dans la concertation engagée autour de l'élaboration de la réforme de la loi de 1975. C'était une grande loi, c'était une étape. La France croyait avoir franchi cette étape pour longtemps, et finalement, ce qui, à une certaine époque, a pu être considéré comme une avancée est progressivement, par rapport à d'autres pays du monde, devenu un retard. Il nous faut donc réformer cette loi, et je voudrais vous dire combien, et votre président et votre nouveau directeur général, Laurent COQUEBERT, ont eu l'occasion de faire la preuve de leur militantisme, mais aussi de leur technicité pour nous aider à définir les lignes d'avenir de ce nouveau texte, qui porte le joli nom de loi pour l'égalité des chances et des droits et la participation et la citoyenneté des personnes handicapées". C'est une dénomination qui, en elle-même, exprime une forte ambition, et nous la devons aux associations qui se sont engagées pour ce texte. C'est aussi pour nous l'occasion de parler de cette loi. Vous en avez parlé ce matin avec Marie-Anne MONTCHAMP ; vous avez parlé aussi d'autres textes, notamment de la tutelle avec le Garde des Sceaux ; nous parlerons aussi de ce qu'il y a après la loi, puisque au fond la loi est une étape, le moment de consacrer un certain nombre de droits nouveaux, mais aussi d'ouvrir des pistes d'avenir et de dégager des volontés communes.
Ma première réponse, Monsieur le président, concerne la vie associative. Je l'ai dit - et vous y faisiez référence tout à l'heure -, : je suis très attaché, dans notre République, à une vie associative particulièrement vivante et porteuse à la fois d'engagement et d'idéal. Je le dis vraiment parce que j'ai une longue expérience de terrain, d'élu de terrain, et j'ai vu très souvent des sujets traités au mieux grâce à la vie associative, dans des formes de partenariat d'ailleurs très diverses avec les collectivités territoriales, Monsieur le président du département, avec l'État, et quelquefois avec l'Europe même, puisque l'Europe est allée jusqu'à confier la gestion d'un certain nombre de programmes européens à des structures associatives. Je crois que l'association est un élément important de notre République, et nous devons nous habituer à ce que l'État n'ait pas le monopole de l'intérêt général. L'État, naturellement, est acteur de l'intérêt général, mais les uns et les autres, engagés pour servir la République, sont porteurs d'un morceau d'intérêt général, et cela, je crois que c'est important à bien mesurer. C'est vrai de la collectivité locale, c'est vrai de la vie associative, c'est vrai de tous les responsables qui portent une part de l'intérêt général. Je dirais que c'est même vrai d'un certain nombre de professionnels, qui ont une part de l'activité qui relève de l'initiative privée, et une autre part de leur activité qui relève de l'intérêt général. Nous avons l'intérêt général en partage, personne n'en a le monopole, et la vie associative est un pilier fondateur de cette cause de l'intérêt général.
Je voudrais, pour répondre aussi à ce que vous avez dit, vous dire combien, pour moi, la fraternité est une valeur qu'il nous faut raviver dans la société. Nous avons expliqué, développé et je dirais, pour reprendre une expression d'un philosophe, que nous avons jardiné la liberté, nous avons jardiné l'égalité ; nous faisons la différence entre l'égalité et l'égalitarisme. Mais nous avons laissé de côté un peu l'idée de fraternité, qui est pourtant sur le fronton de nos établissements publics. Nous l'avons remplacée par différents mots qui n'ont pas tout à fait le même sens. Il ne faut pas opposer fraternité et solidarité ; nous avons besoin de la solidarité. Mais la fraternité, elle, va plus loin. La fraternité, c'est un égale un. Et c'est un engagement personnel, ce n'est pas quelque chose que l'on confie aux autres, à une structure. Ce n'est pas une sorte de décharge. Ce n'est pas une organisation qui assume. La fraternité, c'est une valeur assumée par ses acteurs. C'est un élément très important de notre vivre ensemble. La fraternité est utile au combat contre l'égoïsme, contre l'individualisme, contre toutes les formes de racisme, de repli sur soi, tout ce que nous pouvons connaître dans une société qui ne respecte pas le "un égale un", qui est le fondement même de la fraternité, et cette idée qui est, je crois, essentielle, dans le pacte républicain. Je pense que la vie associative porte ce type de valeurs, et c'est pour cela que je suis très heureux de pouvoir, à cette occasion, vous dire combien je suis favorable à ce que les associations assument leurs responsabilités - et je vous le dirai tout à l'heure, je vous rassure complètement -, y compris sur les responsabilités de gestionnaires.
Je pense que votre association a toute sa place dans ce combat pour la fraternité, notamment parce que, non seulement vous avez, dans votre mission, la capacité de rassembler les parents, mais aussi les amis. Moi je sais ce que c'est que l'amitié avec une personne handicapée mentale, c'est d'une richesse extraordinaire. C'est une valeur très importante qui appartient à chacun. Et c'est pour cela que j'ai noté depuis longtemps que cette idée de parents et d'amis était une de vos richesses. C'est que la valeur, ce n'est pas seulement celle de la famille, qui est au fond un lien de sang, mais c'est aussi l'ami, le lien du cur, qui est essentiel dans cet équilibre-là. Voilà pourquoi ce mot de fraternité, je m'y attarde un peu, mais il fait partie de ces mots qui, je crois, vous ont aidés à traverser les périodes plus ou moins faciles de la vie de votre association, et surtout, vous ont permis de faire preuve de courage, d'imagination, et qui ont donné la possibilité aux pionniers qui vous ont animés de créer ces milliers d'établissements et de services dans toute la France, qui naturellement ont demandé un investissement total des parents et des familles qui se sont engagés pour apporter des solutions et des conditions de vie dignes à des millions de personnes handicapées.
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, la douleur et l'injustice que vous avez ressenties lorsqu'un amendement parlementaire a été déposé visant à empêcher vos associations d'exercer une fonction représentative tout en étant gestionnaires d'établissements. Je voudrais vous dire qu'au nom de cette mésaventure que j'ai ressentie comme vous, de cette réalité, le gouvernement s'est vigoureusement opposé à cet amendement, qui a été rejeté. Je tiens vraiment à ce qu'on reconnaisse cette capacité et de représenter et de gérer. Cela voudrait dire que nous ne pouvons pas aujourd'hui être proche des sujets et participer à la gestion des sujets ? Cela voudrait dire que par définition la compétence est une distance ? Je suis opposé à ces idées-là. Au contraire, la compétence est dans la compréhension, dans le vécu, dans la capacité aujourd'hui et de représenter et de gérer. Vous pouvez compter sur notre engagement dans ce combat qui a été le vôtre, et qui est aussi le nôtre, pour que ce type d'idées soit définitivement repoussé.
Je voudrais vous dire combien, au-delà de cette mission qui est la vôtre de la vie associative, avec les valeurs qu'elle porte, combien il est important en effet de mobiliser l'ensemble des acteurs sur le traitement du handicap mental et sur la capacité que nous avons à mobiliser les énergies publiques pour que vous puissiez trouver, vous les parents, vous les amis, les capacités d'agir, et d'agir pour les personnes victimes du handicap mental. Alors la première étape que nous avons ensemble est ce dont vous avez parlé avec Marie-Anne MONTCHAMP, qui est le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je voudrais vous dire que ce texte est un texte pour lequel le président de la République se sent très personnellement engagé. Il fait partie des trois grands chantiers que le président de la République suit directement : la sécurité routière, le cancer et les personnes handicapées. Et cette mobilisation pour revoir la loi de 1975 et pouvoir à la fois assumer les droits anciens, mais aussi créer des droits nouveaux destinés à assurer le libre choix de vie et à apporter à chaque personne handicapée la réponse appropriée à ses besoins spécifiques, nous introduisons donc le droit à compensation, pour intégrer comme il se doit toutes les aides humaines, l'aide aux aidants, l'accueil en établissement, la protection juridique, pour permettre de rassembler les outils indispensables de cette vie digne que vous demandez pour les personnes que vous représentez.
D'autres solutions auxquelles vous êtes, je le sais, légitimement attachés vont être également améliorées. C'est le cas des différents produits d'assurance, tels que les contrats de rente sur vie et les contrats d'épargne handicap. Le Centre d'aide par le travail constitue, pour de nombreuses personnes handicapées mentales, un moyen privilégié de l'intégration sociale. C'est pour cela que nous sommes vigilants sur le nombre de places en CAT, et nous voulons que, au-delà du quantitatif, on puisse également avoir des progrès qualitatifs, notamment en bénéficiant de nouveaux droits. Les personnes handicapées mentales sont, bien sûr, également concernées par les dispositions ambitieuses, volontaires, qui sont relatives à l'accessibilité. Cela concerne bien sûr l'école, mais aussi l'emploi et les transports. Je ne détaillerai pas davantage les nombreuses dispositions qui font l'objet de ce projet dont vous avez souvent déjà [parlé], sur le terrain, dans vos associations, et tous ensemble réunis, notamment ce matin avec la ministre. Je ne détaillerai pas donc les nombreuses dispositions de ce projet, mais je voudrais vous dire combien il me paraît important pour définir une nouvelle approche de la politique sociale, et combien il peut être fondateur d'une vision nouvelle que nous devons porter sur le sujet, vision quantitative, vision qualitative, vision individuelle, vision collective, c'est-à-dire ce regard que vous appelez de la société, qui doit être un regard différent à ce que nous avons connu déjà.
Cette loi, elle est aujourd'hui au Parlement. Nous avons tout le temps encore d'améliorer les textes ; nous avons une deuxième lecture à préparer, la concertation doit se poursuivre ; le secrétaire d'État est mobilisé sur ce sujet. Il faut bien rester en communication sur ces questions, puisque je crois qu'il est important que nous puissions aboutir avant la fin de l'année, comme nous nous y sommes engagés, et que nous puissions bien ajuster en fonction des débats parlementaires ce que doit être cette nouvelle loi. J'ai noté quand même un détail qui m'a montré que vous aviez quand même une certaine habitude de ce genre de circonstances, car en parlant de projet de loi, vous avez tout de suite parlé de décret d'application. Et en effet, en général, c'est dans les décrets d'application que se voit la rapidité d'exécution et la qualité d'exécution ; et donc, j'ai bien vu que vous étiez attentif à l'essentiel. Nous le sommes aussi. Notre intention même, avec Marie-Anne MONTCHAMP, c'est de préparer les décrets d'application pour que, en même temps que la discussion sur le texte, on puisse se préparer à le publier rapidement, et que nous puissions ainsi entrer très vite. Intégrer autant que possible la question du handicap à tous les aspects de la vie sociale et aux règles qui la régissent, c'est une pensée un peu nouvelle ; c'est une pensée que les Anglais appellent " mainstreaming ", mais qui, au fond, est une pensée globalisante, qui est une pensée qui nous permet, au fond, de traiter toutes les décisions publiques avec cette capacité à intégrer la dimension du handicap dans le traitement des problèmes de notre société. Et donc, que chaque texte de loi, chaque décret, chaque arrêté, chaque action publique doit pouvoir intégrer la préoccupation des personnes handicapées.
Et j'ai confié donc au délégué interministériel Patrick GOHET, que je salue ici chaleureusement, la responsabilité de s'en assurer. C'est sa vocation interministérielle. Chaque ministère doit être vraiment conscient de la problématique qui est posée. Le danger du dossier du handicap, c'est qu'à un moment ou à un autre, on le considère comme un dossier vertical, et qu'on l'isole, et que, l'isolant, on le traite en oubliant qu'il s'agit de personnes humaines, et que les personnes humaines ne peuvent pas être verticalisées, elles sont par définition globales, et que dans la société l'ensemble doit la concerner. C'est pour cela que nous avons voulu cette délégation interministérielle, et que nous voulons que s'intègre à tous les sujets la question qui est posée aux personnes handicapées, quelle que soit la nature même des départements ministériels. C'est pour cela que je suis très attentif à ce qu'on puisse me rendre compte des différentes mesures concernant la vie sociale des personnes handicapées, ce qui concerne pas moins de quinze ministères. Et c'est pour cela que je suis décidé à ce que nous puissions mener ensemble les progrès nécessaires, puisque les personnes handicapées se trouvent au cur de sujets importants que nous sommes en train de traiter ou que nous avons récemment traités : je pense à la réforme des retraites évidemment, je pense à la formation professionnelle et à l'ensemble des sujets qui font partie du travail gouvernemental.
Je connais également l'attention que vous portez donc à la préparation de la réforme de la protection juridique, et je sais que vous avez donc demandé ce matin au Garde des Sceaux que nous puissions accélérer nos travaux préparatoires, il m'en a déjà informé, comme c'est son avis déjà depuis un certain temps et qu'il me harcelait sur ce sujet pour qu'on trouve la place dans notre calendrier gouvernemental. Vous apportez là au Garde des Sceaux un soutien qu'il saura faire valoir.
C'est donc dans cette vision que nous voulons vraiment que les personnes handicapées soient au cur même de notre démarche de cohésion sociale. Nous pensons vraiment qu'aujourd'hui ce qui est un danger de la société, c'est la capacité de mouvement qui est la nôtre et qui aujourd'hui produit un certain nombre de mutations extrêmement rapides et qui, naturellement, entraînent des changements, voire des ruptures. Il faut mesurer les changements du monde, il faut mesurer la vitesse à laquelle aujourd'hui le monde change. On n'en est plus au temps où Alain Peyrefitte écrivait : " Quand la Chine s'éveillera ". La Chine est éveillée, elle a des niveaux de croissance rapides, et on trouve dans tous les pays du monde les grandes zones de développement et les zones de misères. Il y a Bombay et Bangalore dans la même Inde. Il y a aujourd'hui dans le monde entier des mouvements qui se créent, qui nous impliquent, à nous-mêmes en Europe, des mouvements très rapides. Les dix pays qui viennent de nous rejoindre dans l'Union européenne ont dû faire face à de nombreuses mutations pour s'adapter aux critères européens. Ils ont mené des réformes très importantes. Le mouvement aujourd'hui est partout dans le monde. Nous devons veiller à ce que le mouvement n'entraîne pas les ruptures sociales, les brutalités qui sont celles souvent d'un certain nombre de changements. C'est pour cela que, avec le mouvement qui est une nécessité, avec la réforme, avec le changement, qui sont une donnée des temps modernes, il faut avoir la priorité de la cohésion sociale, de manière à protéger ce qui rassemble une communauté nationale comme la nôtre, ou qui rassemble les communautés européennes comme nous voulons nous rassembler dans l'Union.
J'insiste sur ce point parce que la France est particulièrement soumise et exposée à ce type de risques. Nous parlons souvent des changements ; la France adore parler des changements. Quand j'étais étudiant, Jean-Jacques Servan-Schreiber nous faisait des livres merveilleux sur la cybernétique, sur l'informatique, qui allaient changer complètement notre vie. Il nous parlait, il y a trente ans, de ces petits téléphones portables qu'on aurait dans la poche, on verrait même la télévision dessus, on pourrait communiquer les uns avec les autres, par oral et par écrit. On en a parlé pendant trente ans, et on le fait en deux ans. On est aujourd'hui dans une mutation extraordinairement rapide de la société. En deux ans, nous avons rattrapé notre retard pour la société de l'information. Nous avons 24 millions d'internautes. Nous avons aujourd'hui un développement du haut débit qui nous met parmi les premiers d'Europe alors qu'il y a quelques années nous étions en queue du peloton européen. Tout ceci entraîne des mutations profondes dans la société, et nous avons face à tous ces mouvements une exigence de cohésion sociale, pour rester rassemblés, pour toujours tendre la main à ceux qui sont plus brutalement exposés à ces mouvements, à ces changements, à ces mutations. Aujourd'hui personne n'est à l'abri des mutations. Quand on regarde le métier de médecin, on voit combien il change. Quand on regarde le métier d'agriculteur, on voit combien il change. Quand on regarde le métier d'enseignant, on voit combien il change. Tout change. Il nous faut vivre ces changements et ces mutations. Mais nous avons besoin du lien social, nous avons besoin de la cohésion sociale, et toujours en pensant que ceux qui sont les moins mobiles dans la société sont les plus fragiles, et donc que les personnes handicapées sont particulièrement exposées à ce qui est une caractéristique de plus en plus évidente de notre société, qui est l'accélération des changements.
Et donc, nous voulons vraiment, de manière interministérielle, Monsieur le Délégué, veiller à ce que la cohésion sociale soit vraiment pour nous un élément majeur de notre pacte républicain. Et, dans ce pacte républicain, nous voulons que les personnes handicapées aient leur place spécifique. Je le sais, j'y reviendrai, il ne faut pas confondre avec d'autres formes de dépendance, puisqu'il s'agit là d'un statut spécifique que nous voulons traiter de manière identifiée. C'est pour nous un élément important de la politique, et nous avons rassemblé une action prioritaire au sein du gouvernement sur la cohésion sociale, et nous veillerons à ce que les personnes handicapées soient, dans cette politique, directement concernées.
Je voudrais vous dire que tout ceci nous impose des efforts budgétaires ; nous les assumerons. Nous avons une idée précise de ce qu'est le coût social du handicap, il s'élevait à 27,5 milliards d'euros en 2002, et demain, grâce notamment à la Journée nationale de solidarité, grâce à l'engagement personnel de nos concitoyens, un milliard d'euros supplémentaires seront consacrés chaque année à la politique du handicap. Même si je sais que le sujet n'est pas comptable, il est aussi très important de dégager durablement les moyens de financement de cette priorité, car il n'y a pas de priorité qui ne puisse trouver, à un moment ou à un autre, une implication budgétaire. Je suis très attaché, je ne le cache pas, à la Journée nationale de solidarité. J'ai entendu beaucoup de choses sur ce sujet. Mais il faut savoir au moins si on veut la pratiquer, la fraternité, ou si seulement on veut en parler. Et si on veut la pratiquer, il faut donner un peu de soi-même, un peu de son travail, un peu de son identité, un peu de son talent, de son activité, un peu pour les autres. C'est ça, le sens de la Journée nationale de solidarité. Ce n'est pas de faire en sorte qu'on prenne une journée de travail, comme ça, sans donner du sens à l'action. On donne quelque chose de soi-même pour les autres. On donne quelque chose de soi-même pour trouver un financement qui permette de régler durablement un problème qu'autrement on ne peut pas régler. Il faut bien savoir que, dans notre pays, compte tenu de notre situation budgétaire, compte tenu de notre niveau de vie, compte tenu de notre système social, si nous voulons augmenter nos prestations, il faut pouvoir augmenter le nombre total d'heures travaillées. Cela veut dire qu'en augmentant le nombre total travaillé, cela veut dire que chacun puisse travailler, mais aussi qu'il y ait de moins en moins de chômage pour qu'on puisse mettre de plus en plus de Français au travail. C'est par l'augmentation du nombre total d'heures travaillées que nous pourrons financer durablement les politiques sociales avancées qui sont la demande de nos concitoyens. Ne croyons pas que nous pourrions résoudre tous nos problèmes de financement par l'impôt. C'est par la capacité de pouvoir mobiliser l'énergie humaine, au service de la cause humaine, que nous pourrons résoudre des difficultés comme celles que nous avons sur le plan budgétaire.
C'est pour cela que je salue les parlementaires qui sont ici, les députés qui ont voté ce texte. Ce n'était pas facile, mais c'est très important, parce que là nous avons créé un dispositif, avec la Journée nationale de solidarité, qui durablement nous donne les moyens de financer une politique pluriannuelle. On ne peut pas traiter les sujets aussi importants que les sujets qui concernent les personnes handicapées, budget après budget, année après année. Il faut avoir une vision sur le pluriannuel pour pouvoir s'attacher à des politiques durables, avec des choix budgétaires pluriannuels. Cette orientation-là est importante, et j'ai voulu m'y engager parce que je suis sûr que nous aurons ainsi les moyens de pouvoir venir en aide à un secteur, un secteur qui est un secteur social évidemment, qui est un secteur humain bien sûr, mais qui est aussi un secteur qui participe au développement économique et à l'emploi. Les établissements, les services du secteur du handicap fournissent près de 150.000 emplois à notre pays, et grâce à notre programme ainsi pluriannuel, nous pourrons créer des places dans les établissements et améliorer les services médico-sociaux, et ainsi nous participerons, par le secteur social, à la dynamique de l'emploi et à la dynamique de l'intégration, c'est-à-dire de la cohésion sociale. C'est pour cela que nous voulons engager, avec ces moyens nouveaux, nos objectifs ambitieux en faveur de la création de places, plus que deux fois supérieures entre 2003 et 2007 par rapport à la période précédente. C'est un engagement que nous voulons tenir, c'est un engagement que nous tiendrons, puisque nous nous en sommes donnés les moyens.
Je voudrais répondre à votre question sur la branche de protection sociale. Nous avons voulu créer la CNSA, en effet, de manière à avoir cette Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et être ainsi capables d'avoir un lieu qui puisse être le lieu où se mobilisent les moyens au service de cette politique. J'ai entendu de nombreuses confusions, et je crois nécessaire de commencer par rappeler ce que n'est pas la CNSA, comme structure d'organisation sociale. La CNSA n'est pas l'assurance maladie des personnes âgées et des personnes handicapées. Que cela soit clair : les unes comme les autres continueront à relever de la Caisse nationale d'assurance maladie pour les soins dont elles ont besoin. C'est un sujet qui a été traité. La CNSA n'a pas non plus vocation à préfigurer l'évolution des caisses de la Sécurité sociale. La CNSA a cette capacité-là à faire nourrir de nombreux mythes. Vous savez d'où est partie l'idée. L'idée est partie de l'expérience de la vignette. On s'est dit : si on lève de l'argent pour une cause, qu'on ne met pas les choses de manière claire dans une structure particulièrement identifiée, il pourrait advenir que l'argent serve à une autre cause. Nous l'avons vu dans le passé. Et c'est d'abord pour éviter ce genre de dérivation, parce qu'il y a toujours un peu de pertes dans les tuyaux, que nous avons voulu créer une structure parfaitement identifiée, et pour laquelle nous voulons une gestion qui soit ouverte, transparente et paritaire, de manière à ce qu'on puisse véritablement apprécier la gestion et veiller à ce que l'argent qui soit l'argent destiné pour les actions au service des personnes handicapées soit bien pour les personnes handicapées, et qu'il n'y ait pas de dérives. C'est pour ça que nous avons engagé cette logique, et pour nous, la CNSA est le fruit d'une histoire propre, c'est celle de l'émergence d'un nouveau risque et de sa prise en compte. C'est l'image que nous voulons lui donner dès le départ, et nous voulons veiller qu'elle puisse être ouverte, ouverte aux partenaires, aux partenaires que sont les associations et nos différents partenaires liés à cette cause pour les personnes handicapées. Ne soyez pas donc inquiets. Il s'agit vraiment d'un lieu qui nous permettra de mener la politique au service du handicap, et de pouvoir évaluer cette politique régulièrement.
Je sais que, et je vous ai entendu, en ce qui concerne les collectivités locales. Vous savez que j'ai confié une mission à messieurs BRIET et JAMET pour que nous puissions avoir une organisation cohérente et efficace. Alors j'ai bien entendu le message. Le message : il faut gérer dans la proximité. Vous êtes tous d'ailleurs, et toutes, des acteurs de terrain ; vous savez que c'est par la proximité qu'on gère le mieux les relations humaines. Mais en même temps que nous avons cette exigence de proximité, il faut que nous soyons tous traités de la même façon sur le plan national, parce que un Français égale un Français, quel que soit le lieu de son habitation. Et donc nous avons à gérer ces deux dispositifs. Je vous dirais que c'est tout le problème de la décentralisation, parce qu'il nous faut de la cohérence nationale. Si nous n'avons pas de cohérence nationale nous aurons de la dispersion, mais si nous n'avons pas de la proximité, nous aurons du jacobinisme, de la centralisation, et on sait que les systèmes sont souvent congestionnés par le haut. Et donc il faut avancer ; il faut avancer sur ces deux logiques : la cohérence nationale, la cohérence républicaine. Ne soyez pas inquiets, c'est pour ça que nous faisons une loi, les droits sont nationaux pour tous les citoyens. Il n'y a pas les droits pour les Lyonnais et les droits pour les Poitevins, il y a les droits pour les Français, et les personnes handicapées françaises auront toutes les mêmes droits.
Donc, nous avons là une logique qui est, au fond, la logique de la loi ; c'est la logique de la norme. Et donc nous souhaitons vraiment qu'il y ait une norme nationale. Nous souhaitons simplement que sur le terrain, au plus près du terrain, on puisse gérer des normes nationales. Donc les droits et les normes sont nationales, nous gérons sur le terrain, et donc dans la proximité avec les collectivités locales. Il ne s'agit pas qu'on puisse mener des lois au niveau du département du Rhône, malgré sa maturité démocratique, monsieur le Président MERCIER, mais on n'en est pas encore là. Donc, ce sont les lois nationales qui s'appliquent, le département gère les lois nationales, et il a avec l'État une relation financière de confiance qui lui permettra de gérer les politiques qu'il a à gérer, avec la protection - il n'y en avait pas jusqu'ici de meilleure - de la Constitution. Et donc, nous avons vraiment le souhait de faire en sorte que, notamment sur le plan social, on ait bien cette cohérence nationale qui est au cur de notre pacte républicain. Mais si nous voulons avoir des systèmes plus simples, si nous voulons avoir des systèmes plus humains, il faut aussi qu'ils puissent être gérés au plus près du terrain, mais gérés à l'intérieur de normes et de droits qui, eux, sont nationaux. C'est cela notre organisation. Et je peux vous rassurer sur ce sujet : nous ne souhaitons pas que la politique locale puisse dire qu'elle définit ce qu'est la politique pour et en faveur des personnes handicapées, département par département. La politique est nationale, et les partenaires sont responsables au niveau local de sa bonne application. Et l'État, naturellement, se garde la possibilité de pouvoir intervenir dans l'évaluation. Mais je fais toute confiance aux collectivités territoriales, qui sont au plus près des associations. J'ai vécu ça sur le terrain. En général, mesdames messieurs les présidents d'associations départementales ou régionales, vous connaissez les bonnes portes où frapper, où aller faire valoir ce que vous souhaitez, et vous connaissez en général les moyens de vous faire entendre. Je sais, de temps en temps il doit bien y avoir de-ci de-là des gens particulièrement têtus qui ne veulent pas entendre, mais en général vous trouvez les moyens de vous faire entendre sur le terrain. Sachez que vous avez toujours à votre disposition le préfet, représentant de l'État dans le département, pour traiter les problèmes si problèmes il y a. La République est représentée et elle a les moyens de faire appliquer sa politique. Nous sommes ainsi engagés dans un partenariat de confiance avec les départements, et c'est pour cela que je crois que nous pouvons voir l'application de ces politiques avec une capacité d'efficacité, et en même temps une capacité de bonne gestion.
Voilà, monsieur le président, quelques réponses que je voulais apporter à vos inquiétudes et à vos attentes. En terminant, je voudrais simplement vous dire que j'ai vraiment conscience que nous sommes aujourd'hui dans une période où toutes les forces de la France doivent se mobiliser. Et la force associative en est une. Mais je crois aussi que les personnes handicapées mentales peuvent servir la France et servent aussi la France. Elles servent la France comme toute personne qui, aujourd'hui, peut donner à son pays, peut donner par ce qu'il est lui-même, par sa capacité de participer à la vie sociale, par son existence propre, par sa capacité d'amour, par sa capacité à rayonner autour de lui. C'est cela dont le pays doit avoir besoin. Et cette générosité que vous exprimez fait partie de ce dont la France a besoin, c'est-à-dire de se regarder elle-même dans la glace avec une certaine fierté, avec l'honneur de la mission accomplie, avec cette capacité à retrouver confiance en nous. La France peut avoir confiance dans sa générosité, la France peut avoir confiance dans ses capacités. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où tous les indicateurs nous le montrent : la croissance revient. Nous avons tout fait pour cela. La reprise est là. Nous allons dégager des marges d'action. Tout ceci prendra évidemment un peu de temps pour que ce soit perceptible dans chaque foyer, mais les indicateurs sont là, aujourd'hui. Nous avons la capacité, aujourd'hui, d'être en Europe, l'un des pays les plus actifs quant à la croissance. Cette croissance, il faut qu'on la rende juste ; cette croissance, il faut qu'on la partage pour tous. C'est cela, notre ambition : une nouvelle prospérité, mais une nouvelle prospérité mieux partagée. C'est ce que vous apportez par votre engagement. C'est pour cela que j'ai vraiment conscience que des initiatives comme les vôtres sont des initiatives qui servent notre pays, la France. "
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 21 mai 2004