Texte intégral
Madame la Présidente du Parlement européen,
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de vous dire, Madame la Présidente et Chère Nicole FONTAINE, combien nous sommes heureux, mes collègues et moi-même, de vous accueillir, en amie et voisine, dans l'hémicycle du Sénat de la République française.
Comme vous le savez, l'ouverture de notre hémicycle à des personnalités extérieures autres que les ministres du Gouvernement français est récente et encore restreinte. Seuls des chefs d'Etat ou de Gouvernement de pays étrangers et une titulaire du prix Nobel de la Paix vous ont précédée dans ce sanctuaire de la République.
Votre venue parmi nous constitue donc à maints égards une grande première.
D'abord, parce que vous avez avec nous deux points communs : votre nationalité française et votre mandat de parlementaire.
Ensuite, parce que vous n'exercez pas une fonction au sommet d'un Etat étranger, mais une responsabilité à la tête d'une des institutions de l'Union européenne, le Parlement, qui vote le budget de l'Union, participe à l'élaboration des normes communautaires et contrôle la Commission européenne.
Enfin, parce que l'institution européenne que vous incarnez ne relève plus des affaires étrangères, mais des affaires intérieures de notre pays.
Tous ces éléments se conjuguent pour souligner la spécificité de la construction européenne, à laquelle le Sénat est très attaché, et l'originalité de votre réception sous la coupole de la Haute Assemblée.
Dans cette brève allocution d'accueil, je voudrais, avant de vous céder la parole, Madame la Présidente, insister sur un aspect à mes yeux essentiel : la nécessité de rapprocher la construction européenne des citoyens, de la mettre résolument au service d'un idéal humaniste et de lui conférer une âme, afin de fonder définitivement sa légitimité.
Certes, l'importance de la place prise par l'Union européenne dans notre vie quotidienne est, à l'évidence, capitale.
C'est vrai pour les citoyens des quinze Etats membres pour lesquels l'Union européenne constitue un espace de liberté politique, économique et culturelle, une zone de prospérité et de paix, une nouvelle frontière et une protection contre les excès uniformisateurs de la mondialisation.
C'est également vrai pour les membres d'une assemblée parlementaire nationale dont le pouvoir législatif est partagé avec les institutions européennes, pour ne pas dire érodé par l'essor du droit communautaire.
C'est encore vrai des Gouvernements que nous contrôlons.
Depuis l'émergence de la construction européenne, nos Gouvernements consacrent une part sans cesse croissante de leurs activités à la coopération avec leurs partenaires de l'Union et à la recherche de solutions européennes à de nombreux problèmes. De même, ils inscrivent leurs politiques, notamment budgétaires, dans des rails européens qui sont autant de garde-fous vertueux.
L'Europe est donc devenue, au fil des ans, une donnée immédiate de nos consciences. Pourtant, force est de constater, pour le déplorer, qu'une certaine désillusion européenne se manifeste à l'encontre d'une Europe parfois eurocratique, voire peu respectueuse des spécificités culturelles ou des traditions ancestrales qui font partie intégrante de certains modes de vie.
Il est donc indispensable et urgent que nous, représentants de la Nation, nous mettions en oeuvre une action résolue pour réconcilier l'Europe et tous ses citoyens.
C'est la raison pour laquelle le Sénat a entrepris de nouer un dialogue avec le Parlement européen. Tel est le but poursuivi par l'installation d'une antenne du Sénat, qui est au service de tous les Sénateurs : au-delà de son rôle de veille normative, elle va être appelée à prêter son concours aux collectivités locales pour l'élaboration de leurs demandes d'accès aux fonds structurels.
De même, notre visite à Strasbourg du 28 octobre dernier avait-elle pour objectif de jeter des ponts entre nous, à la fois au plan personnel et en termes fonctionnels.
Je me félicite tout particulièrement que cette journée ait permis aux membres de certaines commissions du Parlement européen et du Sénat de se rencontrer et d'envisager ensemble l'étude de questions d'intérêt commun.
Je suis également heureux de la signature, à laquelle nous venons de procéder, de la convention entre le Parlement européen et Public Sénat, la toute nouvelle chaîne parlementaire de télévision de notre assemblée. Notre objectif dans cette démarche est de mieux faire connaître les institutions communautaires et de rendre intelligibles les débats de société européenne.
Nous souhaitons une collaboration aussi étroite que possible entre nos deux Assemblées.
Mais la mise en oeuvre pratique de cette coopération n'est pas toujours aisée, notamment parce que nous n'abordons pas les problèmes au même moment. S'il veut avoir la possibilité d'exercer une influence sur l'élaboration des textes de l'Union, le Sénat doit impérativement agir le plus en amont possible.
C'est en effet avant que le Conseil de l'Union n'ait délibéré que les assemblées nationales ont une possibilité de se faire entendre.
Or le Parlement européen, dans sa fonction de co-législateur, n'a, quant à lui, vocation à intervenir qu'après l'adoption par le Conseil de sa position commune.
Il y a de ce fait un décalage chronologique dans les préoccupations et les travaux des parlementaires nationaux et ceux des parlementaires européens. Ce hiatus rend souvent difficile la collaboration des uns et des autres.
C'est pourquoi je tiens à saluer tout particulièrement l'initiative qu'a prise le Conseil européen de réunir parlementaires européens et parlementaires nationaux afin qu'ils travaillent, ensemble et simultanément, sur un même sujet. Je veux parler de la préparation, actuellement en cours, d'une Charte des droits fondamentaux pour l'Union européenne.
Quoi de plus exaltant que de participer à l'élaboration d'une telle Charte ?
Il s'agit en effet de rassembler les principes essentiels qui font l'identité de l'Europe. Car l'Europe, ce n'est pas seulement un espace de liberté économique, mais c'est aussi et surtout l'affirmation d'un ensemble de valeurs issues d'Athènes, de Rome, du christianisme et du Siècle des Lumières. Ces valeurs sont de première importance non seulement pour les Etats membres actuels, mais aussi pour les Etats qui vont rejoindre l'Union au terme du processus d'élargissement en cours.
Or cette Charte est élaborée par une instance originale qui a pris le nom de " Convention ". Ainsi, et pour la première fois, les deux légitimités parlementaires de l'Union européenne -celle qui découle des parlements nationaux et celle qui résulte de l'élection du Parlement européen- se trouvent réunies et en mesure de travailler en complémentarité.
Mais, au-delà de cette heureuse coopération de parlementaires nationaux et européens, je veux souligner l'intérêt de l'association à ces travaux des représentants des chefs d'Etat et de Gouvernement. Nous savons en effet tous ici que, dans nos régimes politiques contemporains, un bon texte résulte de la collaboration étroite du législatif et de l'exécutif.
Il nous faudra tirer les leçons de cette originale expérience qui me paraît être un précédent de toute première importance.
Mes chers Collègues,
Vous vous souvenez qu'il y a un peu plus d'un an, M. Vaclav HAVEL, Président de la République tchèque, nous encourageait ici même à veiller à ce que la construction européenne ait une âme.
Homme de culture, acteur des bouleversements récents, après avoir été victime de la stagnation précédente, il nous a brillamment rappelé que l'élargissement de l'Union n'était pas qu'une affaire d'intégration de l'acquis communautaire.
Il a exprimé ce même souci, de ne pas éloigner cette architecture compliquée de son destinataire, le citoyen européen. Je voudrais apporter mon soutien à une suggestion que le Président HAVEL a récemment faite à Strasbourg, de création d'une deuxième assemblée au niveau européen, destinée à représenter, à côté du Parlement européen, émanation d'une citoyenneté européenne en devenir, les peuples de l'Europe, qui constituent, aujourd'hui comme hier, la richesse, la diversité et l'unicité de notre continent.
Cette idée avait été lancée par un de mes illustres prédécesseurs, le Président Alain POHER. Si elle n'avait alors pas reçu tout l'écho qu'elle méritait, la proposition d'un Sénat européen, représentant des composantes multiples de l'Europe, retrouve, dans le contexte de l'élargissement, une pertinence et une actualité évidentes.
J'ajouterai encore que je mesure, comme chacun, l'importance historique de l'élargissement de l'Union et le retour au bercail européen, en quelque sorte, de nombreux Etats qui n'avaient réellement jamais cessé d'y appartenir. Mais il me semble essentiel qu'avant l'ouverture à l'Est, l'Union et les Etats membres réussissent la Conférence intergouvernementale et la réforme des institutions, sous peine de voir l'Union européenne se diluer et perdre son essence.
Madame la Présidente, vous l'avez compris, l'Europe que nous souhaitons construire est celle des grands principes, mais aussi et surtout des valeurs vivantes et partagées. Notre unique ambition est de rapprocher les peuples qui composent notre cher et vieux continent, afin, tous ensemble, de voir grandir un véritable citoyen européen.
En vous redisant toute la joie qui est la nôtre de vous accueillir aujourd'hui, je vous invite à prendre la parole.
(source http://www.senat.fr, le 23 mars 2000)
Monsieur le Ministre,
Mes Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de vous dire, Madame la Présidente et Chère Nicole FONTAINE, combien nous sommes heureux, mes collègues et moi-même, de vous accueillir, en amie et voisine, dans l'hémicycle du Sénat de la République française.
Comme vous le savez, l'ouverture de notre hémicycle à des personnalités extérieures autres que les ministres du Gouvernement français est récente et encore restreinte. Seuls des chefs d'Etat ou de Gouvernement de pays étrangers et une titulaire du prix Nobel de la Paix vous ont précédée dans ce sanctuaire de la République.
Votre venue parmi nous constitue donc à maints égards une grande première.
D'abord, parce que vous avez avec nous deux points communs : votre nationalité française et votre mandat de parlementaire.
Ensuite, parce que vous n'exercez pas une fonction au sommet d'un Etat étranger, mais une responsabilité à la tête d'une des institutions de l'Union européenne, le Parlement, qui vote le budget de l'Union, participe à l'élaboration des normes communautaires et contrôle la Commission européenne.
Enfin, parce que l'institution européenne que vous incarnez ne relève plus des affaires étrangères, mais des affaires intérieures de notre pays.
Tous ces éléments se conjuguent pour souligner la spécificité de la construction européenne, à laquelle le Sénat est très attaché, et l'originalité de votre réception sous la coupole de la Haute Assemblée.
Dans cette brève allocution d'accueil, je voudrais, avant de vous céder la parole, Madame la Présidente, insister sur un aspect à mes yeux essentiel : la nécessité de rapprocher la construction européenne des citoyens, de la mettre résolument au service d'un idéal humaniste et de lui conférer une âme, afin de fonder définitivement sa légitimité.
Certes, l'importance de la place prise par l'Union européenne dans notre vie quotidienne est, à l'évidence, capitale.
C'est vrai pour les citoyens des quinze Etats membres pour lesquels l'Union européenne constitue un espace de liberté politique, économique et culturelle, une zone de prospérité et de paix, une nouvelle frontière et une protection contre les excès uniformisateurs de la mondialisation.
C'est également vrai pour les membres d'une assemblée parlementaire nationale dont le pouvoir législatif est partagé avec les institutions européennes, pour ne pas dire érodé par l'essor du droit communautaire.
C'est encore vrai des Gouvernements que nous contrôlons.
Depuis l'émergence de la construction européenne, nos Gouvernements consacrent une part sans cesse croissante de leurs activités à la coopération avec leurs partenaires de l'Union et à la recherche de solutions européennes à de nombreux problèmes. De même, ils inscrivent leurs politiques, notamment budgétaires, dans des rails européens qui sont autant de garde-fous vertueux.
L'Europe est donc devenue, au fil des ans, une donnée immédiate de nos consciences. Pourtant, force est de constater, pour le déplorer, qu'une certaine désillusion européenne se manifeste à l'encontre d'une Europe parfois eurocratique, voire peu respectueuse des spécificités culturelles ou des traditions ancestrales qui font partie intégrante de certains modes de vie.
Il est donc indispensable et urgent que nous, représentants de la Nation, nous mettions en oeuvre une action résolue pour réconcilier l'Europe et tous ses citoyens.
C'est la raison pour laquelle le Sénat a entrepris de nouer un dialogue avec le Parlement européen. Tel est le but poursuivi par l'installation d'une antenne du Sénat, qui est au service de tous les Sénateurs : au-delà de son rôle de veille normative, elle va être appelée à prêter son concours aux collectivités locales pour l'élaboration de leurs demandes d'accès aux fonds structurels.
De même, notre visite à Strasbourg du 28 octobre dernier avait-elle pour objectif de jeter des ponts entre nous, à la fois au plan personnel et en termes fonctionnels.
Je me félicite tout particulièrement que cette journée ait permis aux membres de certaines commissions du Parlement européen et du Sénat de se rencontrer et d'envisager ensemble l'étude de questions d'intérêt commun.
Je suis également heureux de la signature, à laquelle nous venons de procéder, de la convention entre le Parlement européen et Public Sénat, la toute nouvelle chaîne parlementaire de télévision de notre assemblée. Notre objectif dans cette démarche est de mieux faire connaître les institutions communautaires et de rendre intelligibles les débats de société européenne.
Nous souhaitons une collaboration aussi étroite que possible entre nos deux Assemblées.
Mais la mise en oeuvre pratique de cette coopération n'est pas toujours aisée, notamment parce que nous n'abordons pas les problèmes au même moment. S'il veut avoir la possibilité d'exercer une influence sur l'élaboration des textes de l'Union, le Sénat doit impérativement agir le plus en amont possible.
C'est en effet avant que le Conseil de l'Union n'ait délibéré que les assemblées nationales ont une possibilité de se faire entendre.
Or le Parlement européen, dans sa fonction de co-législateur, n'a, quant à lui, vocation à intervenir qu'après l'adoption par le Conseil de sa position commune.
Il y a de ce fait un décalage chronologique dans les préoccupations et les travaux des parlementaires nationaux et ceux des parlementaires européens. Ce hiatus rend souvent difficile la collaboration des uns et des autres.
C'est pourquoi je tiens à saluer tout particulièrement l'initiative qu'a prise le Conseil européen de réunir parlementaires européens et parlementaires nationaux afin qu'ils travaillent, ensemble et simultanément, sur un même sujet. Je veux parler de la préparation, actuellement en cours, d'une Charte des droits fondamentaux pour l'Union européenne.
Quoi de plus exaltant que de participer à l'élaboration d'une telle Charte ?
Il s'agit en effet de rassembler les principes essentiels qui font l'identité de l'Europe. Car l'Europe, ce n'est pas seulement un espace de liberté économique, mais c'est aussi et surtout l'affirmation d'un ensemble de valeurs issues d'Athènes, de Rome, du christianisme et du Siècle des Lumières. Ces valeurs sont de première importance non seulement pour les Etats membres actuels, mais aussi pour les Etats qui vont rejoindre l'Union au terme du processus d'élargissement en cours.
Or cette Charte est élaborée par une instance originale qui a pris le nom de " Convention ". Ainsi, et pour la première fois, les deux légitimités parlementaires de l'Union européenne -celle qui découle des parlements nationaux et celle qui résulte de l'élection du Parlement européen- se trouvent réunies et en mesure de travailler en complémentarité.
Mais, au-delà de cette heureuse coopération de parlementaires nationaux et européens, je veux souligner l'intérêt de l'association à ces travaux des représentants des chefs d'Etat et de Gouvernement. Nous savons en effet tous ici que, dans nos régimes politiques contemporains, un bon texte résulte de la collaboration étroite du législatif et de l'exécutif.
Il nous faudra tirer les leçons de cette originale expérience qui me paraît être un précédent de toute première importance.
Mes chers Collègues,
Vous vous souvenez qu'il y a un peu plus d'un an, M. Vaclav HAVEL, Président de la République tchèque, nous encourageait ici même à veiller à ce que la construction européenne ait une âme.
Homme de culture, acteur des bouleversements récents, après avoir été victime de la stagnation précédente, il nous a brillamment rappelé que l'élargissement de l'Union n'était pas qu'une affaire d'intégration de l'acquis communautaire.
Il a exprimé ce même souci, de ne pas éloigner cette architecture compliquée de son destinataire, le citoyen européen. Je voudrais apporter mon soutien à une suggestion que le Président HAVEL a récemment faite à Strasbourg, de création d'une deuxième assemblée au niveau européen, destinée à représenter, à côté du Parlement européen, émanation d'une citoyenneté européenne en devenir, les peuples de l'Europe, qui constituent, aujourd'hui comme hier, la richesse, la diversité et l'unicité de notre continent.
Cette idée avait été lancée par un de mes illustres prédécesseurs, le Président Alain POHER. Si elle n'avait alors pas reçu tout l'écho qu'elle méritait, la proposition d'un Sénat européen, représentant des composantes multiples de l'Europe, retrouve, dans le contexte de l'élargissement, une pertinence et une actualité évidentes.
J'ajouterai encore que je mesure, comme chacun, l'importance historique de l'élargissement de l'Union et le retour au bercail européen, en quelque sorte, de nombreux Etats qui n'avaient réellement jamais cessé d'y appartenir. Mais il me semble essentiel qu'avant l'ouverture à l'Est, l'Union et les Etats membres réussissent la Conférence intergouvernementale et la réforme des institutions, sous peine de voir l'Union européenne se diluer et perdre son essence.
Madame la Présidente, vous l'avez compris, l'Europe que nous souhaitons construire est celle des grands principes, mais aussi et surtout des valeurs vivantes et partagées. Notre unique ambition est de rapprocher les peuples qui composent notre cher et vieux continent, afin, tous ensemble, de voir grandir un véritable citoyen européen.
En vous redisant toute la joie qui est la nôtre de vous accueillir aujourd'hui, je vous invite à prendre la parole.
(source http://www.senat.fr, le 23 mars 2000)