Déclarations de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur l'action menée en faveur de la gastronomie, et l'élaboration d'une nouvelle politique de l'alimentation axée sur la sécurité, la qualité, la diversité et le dialogue renforcé des acteurs de la chaîne alimentaire, Paris les 12 et 15 octobre, et interview à "Europe 1", le 12 octobre 2003.

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Circonstance : Inauguration de la Semaine du goût 2003 à Paris le 12 octobre 2003

Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-LUC PETITRENAUD
Bonjour. Nous sommes en direct du Sénat à Paris pour faire le lancement de cette 14e semaine du goût. Je vais commencer par vous décrire le contexte. Vous imaginez les jardins du Sénat, au centre de Paris, un chapiteau ouvert au public pendant toute la journée, et puis lorsque vous passez sous ce magnifique chapiteau blanc, vous rencontrez des chefs, vous rencontrez des artisans aux métiers de bouche, vous croisez des assiettes avec des petits trucs, des petits machins et autres amuse-bouche à goûter pour célébrer la bonne table française. Gérard Larcher bonjour, vous êtes président de la commission des affaires économiques du Sénat. Ça vous fait plaisir, je trouve que vous avez déjà une allure qui correspond à la semaine du goût, vous êtes un personnage généreux et ça fait plaisir.
GÉRARD LARCHER
Disons que j'ai une certaine abondance naturelle qui traduit mon goût pour les terroirs de France que j'ai l'honneur de représenter ici au Sénat. Mon premier terroir étant bien sûr la terre d'Yvelines et de Rambouillet qui a une semaine du goût autour de la thématique des gibiers, tout au long de la semaine, parce que chez nous c'est une production naturelle.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Alors pendant toute cette semaine, un peu partout en France, du nord au sud, de l'est à l'ouest, on va célébrer le goût et c'est au-delà de cette première année, on va célébrer la chasse ici, on va célébrer ailleurs le musée du cidre, le musée du pruneau du côté d'Agen, en fait toutes ces institutions rouvrent leurs portes pour pouvoir parler de la France.
GÉRARD LARCHER
Parler de la France dans la diversité de ses terroirs, de ses richesses, de ses savoir-faire, de ses producteurs. Parce que je crois qu'à la base de notre goût il y a d'abord des producteurs. Qu'ils soient agriculteurs, éleveurs. Moi-même je suis vétérinaire d'origine et j'ai vécu dans ma Normandie d'origine, qu'ils soient céréaliers, qu'ils soient betteraviers, qu'ils soient pêcheurs, eh bien ce sont des hommes et des femmes qui, au travers d'un savoir-faire transmis, aujourd'hui fabriquent ces produits, qui ensuite vont être transformés par les artisans, par des chefs, ou tout simplement par des mères de famille qui ont envie aujourd'hui dimanche de faire un excellent déjeuner.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Merci mille fois d'accueillir le lancement de cette 14e semaine du goût, à l'intérieur des jardins du Sénat. Nous avons l'honneur d'accueillir monsieur Hervé Gaymard, ministre de l'Agriculture, ministre de l'alimentation, de la pêche...
HERVÉ GAYMARD
De la pêche, des affaires rurales, de l'enseignement agricole, de la forêt et bien d'autres choses encore.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Alors c'est très intéressant parce que justement pendant de nombreuses années c'est la première fois que vous apportez votre parrainage à cette semaine du goût. Et vous avez dit tout à l'heure, dans un petit discours, qu'en fait on n'avait pas envie de parler toujours du goût que pour parler des problèmes de l'assiette. Et c'est un peu ce que vous avez envie de dire aussi, qu'il y a du plaisir, et notamment en amont de l'assiette, dans les pâturages, dans l'agriculture.
HERVÉ GAYMARD
Oui, je crois que le ministre de l'Agriculture est très fier que les agriculteurs, les éleveurs, les viticulteurs, les pêcheurs et tous les producteurs de bonnes choses, contribuent à notre identité française en matière de goût et de nourriture. Mais il y a aussi la question de l'alimentation, et sur l'alimentation il y a tout d'abord bien évidemment la qualité et la sécurité sanitaire de l'alimentation, vous savez, vous avons 4 000 agents dans nos directions départementales qui s'occupent de ces sujets, mais ce n'est pas que ça, c'est aussi la qualité du produit, les saveurs, les terroirs. Donc il ne faut pas toujours envisager la nourriture comme un risque, mais comme une chance.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Comme une menace, bien entendu, parce qu'on a quand même le plus beau garde-manger du monde... Parce qu'on en a parfois un peu ras-le-bol de lire dans la presse que l'Espagne est en train de donner la leçon à la cuisine française. Mais où a-t-on pris ça, mis à part un exercice merveilleux de certains journalistes qui annoncent ça. On mange très bien en Espagne, on mange très bien en Italie, en Grèce, etc., mais bon sang vive la France parce que le garde-manger est beau !
HERVÉ GAYMARD
Il y a un immense historien, qui s'appelait Fernand Brodel, qui commence son livre sur l'identité de la France en disant " la France se nomme diversité ". Et c'est ô combien vrai en matière de nourriture, parce que nous avons la nourriture la plus variée au monde. Il ne s'agit pas de faire des cocoricos déplacés, mais je crois que c'est la réalité, tous les gens qui voyagent le savent bien.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Monsieur Hervé Gaymard, vous êtes originaire de Savoie. Hier vous y étiez...
HERVÉ GAYMARD
Oui, j'étais à Beaufort. Beaufort qui a donné le nom au prince des gruyères, qui était une des premières AOC fromagères, et Beaufort, depuis maintenant dix ans, est un des premiers sites remarquables du goût et donc chaque année il y a un salon du goût à Beaufort, où des producteurs de la France entière viennent pour vendre leurs produits, les faire partager. Une de vos consoeurs, Sandrine Mercier, vient d'écrire un livre sur tous ces sujets et en est la marraine et cette manifestation sympathique est très symbolique de notre Savoie.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Je vous félicite, parce que tout au long de la semaine vous allez aller sur le marché d'Avignon, vous allez aller dans une école jeudi après-midi avec Xavier Darcos pour voir de quelle manière on s'y prend pour apprendre le goût. Vous êtes content, en tant que savoyard, de savoir que la tartiflette, que le farcement, que le reblochon va être raconté aux enfants, c'est quelque chose qui vous touche ?
HERVÉ GAYMARD
Oui, et puis bien d'autres choses encore. Parce que c'est vrai que nous avons une province qui a des traditions culinaires un peu rustiques d'ailleurs, puisque c'étaient des pays rudes, où les gens n'avaient pas beaucoup de moyens, où par définition, compte tenu de la dureté du climat, on n'avait pas une très grande variété de production, mais tout de même, nous avons une cuisine riche et savoureuse et je suis content qu'on puisse la faire partager.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Mais vous avez des souvenirs, quand vous allez aller par exemple dans une école, vous allez aller dans le 17e arrondissement à Paris, vous entrez, vous avez des souvenirs d'enfance, moi j'ai le souvenir par exemple du verre de lait que l'on buvait à 16 heures, la tartine de pain de campagne avec du chocolat dessus avec le beurre, vous avez comme ça des souvenirs de table ?
HERVÉ GAYMARD
Non, moi c'est la polente, puisque je suis né à quelques kilomètres de ce qui est devenu la frontière italienne en 1860, au fin fond de la haute Tarentaise, et donc le repas du soir c'était souvent une polente chaude avec du lait très froid. Donc la sensation de chaud-froid avec cette polente en grains très gros, elle est difficile à trouver maintenant, parce qu'on trouve beaucoup de polente semoule qui se cuit rapidement mais là c'était la polente grosse, dure, qui met longtemps à cuire, qu'il faut brasser en permanence et qui laisse une sorte de croûte dans le poêlon qui est également délicieux, donc ça c'est ma petite madeleine à moi.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Vous avez encore le temps, en tant que père de famille, de cuisiner ou de raconter un peu la table aux enfants ?
HERVÉ GAYMARD
Je ne vais pas vous raconter d'histoires, je suis un très mauvais cuisinier, d'abord je n'ai pas beaucoup le temps et je crois que pour bien cuisiner il faut avoir le temps. En revanche ce que j'aime bien c'est préparer les ingrédients. Donc je sais acheter, je sais couper, je sais préparer, mais après ça m'échappe.
JEAN-LUC PETITRENAUD
C'est quand même un des plus beaux rôles, puisqu'après justement on fait appel à Didier Garbage, qui est assis à côté de vous, qui est un chef des Landes, tout près de Mont-de-Marsan, à Uchaque-en-Parentis. Didier Garbage, quand on est cuisinier des Landes, d'abord vous n'avez pas de toque, moi je vais vous décrire, vous avez un joli béret parce que vous craignez le coup de soleil parisien sur la tête aujourd'hui, le petit foulard rouge autour du cou, la veste de cuisinier. Vous allez aller à l'école demain dans quel ville ?
DIDIER GARBAGE
Demain je vais à l'école à Mont-de-Marsan, bien sûr, la capitale des Landes.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Vous arrivez avec le cartable, et dans le cartable il y a les salades, le foie gras. Qu'est-ce que vous avez, vous ?
DIDIER GARBAGE
J'arrive avec un foie gras, parce que la première entrée en matière à l'école, la meilleure pédagogie c'est le pain frais, le pain de campagne tout chaud qui sort du fournil, un joli pain de foie gras, une belle terrine, et puis on rassemble les tables dans l'école, on fait deux groupes, et puis c'est un peu l'ambiance de famille, c'est le plat partagé. Il faut faire une dégustation pour capter l'attention. Parce que vous savez les enfants c'est pire que les adultes, en dix minutes ils ne vous écoutent plus. Alors on a du mal à suivre et les enfants, il faut rentrer dans le vif du sujet... Il faut leur donner quelque chose à goûter et après on recueille les impressions et on développe un peu. Et au bout d'un quart d'heure, je leur pose la question d'un morceau de sucre. Il n'y en a pas beaucoup qui savent que c'est la betterave...
JEAN-LUC PETITRENAUD
En fait, monsieur le ministre, Hervé Gaymard, on n'avait rien inventé pour apprendre le goût, le do ré mi fa sol la si do de la musique n'existe pas dans le goût. Donc c'est une sorte de désert. Qu'est-ce que ça veut dire bien manger, et ces chefs qui arrivent dans les écoles avec cette idée de les nourrir dans un premier temps, c'est la vraie définition de la table, c'est d'abord de nourrir, de faire plaisir...
DIDIER GARBAGE
Evidemment, quand on arrive avec un petit gésier de canard confit, tout tiède, c'est insolite, on voit arriver un truc, on dirait une rustine, et puis ils goûtent, on voit les yeux qui s'émoustillent, on leur fait tremper le doigt dans le cacao, un peu de foie gras derrière. Il faut les surprendre, et après si on les surprend ils vous posent des questions, et après on a un terrain favorable pour développer la leçon, elle se fait toute seule. En principe on ne la voit pas passer.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Et avec d'ailleurs cette formidable expérience, une année, des enfants ont confondu le caviar avec des lentilles... C'est rassurant, ça veut dire qu'ils connaissaient les deux.
GÉRARD LARCHER
Surtout pour la valorisation des lentilles du Puy...
JEAN-LUC PETITRENAUD
Avec un bel AOC, vous êtes coureur d'AOC, monsieur le ministre...
HERVÉ GAYMARD
Je suis allé au Puy, chez Jacques Barrot, il y a quelques semaines, le 4 septembre, pour honorer la lentille du Puy, qui mérite de l'être. J'en fais la promotion ici.
GÉRARD LARCHER
Moi l'AOC c'est mon premier débat parlementaire, au travers d'un homme tout à fait extraordinaire, qui était le sénateur Barbier, qui était maire de Nuit Saint-Georges...
HERVÉ GAYMARD
Oui, un très beau personnage.
GÉRARD LARCHER
Le sénateur Barbier était un personnage absolument truculent, d'une certaine largeur, que je tente d'approcher, mais qui parlait des vins avec une passion dans laquelle nous sentions à la fois le rocher qui n'était pas loin, le peu de terres qui l'entourait et son ceps de vigne. Et le travail des hommes. Parce que, souvenons-nous, les grands moments de l'histoire, la Cène, le Banquet de Platon, le Banquet de la Paix, ici au Sénat, ce sont toujours des moments de partage et de repas. Et ce qui construit notre histoire, c'est autour de repas que nous construisons les plus grands moments de notre histoire. Et ce qui a fait basculer notre société, autour d'un certain nombre de valeurs, c'est d'abord un repas de la fête de Pâques, qui est la Cène du Christ. Et je crois qu'il faut le rappeler, que le temps du repas est sans doute un des temps essentiels dans l'histoire de nos sociétés.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Mes enfants, imaginez un peu le rôle et le travail du cuisinier du Sénat. De récolter comme ça toutes ces informations, il est obligé ensuite de faire la cuisine du Sénat. On rappelle que les AOC c'est une appellation d'origine contrôlée, c'est une garantie...
HERVÉ GAYMARD
Il y a un institut, qui s'appelle l'Institut national des appellations d'origine, qui existe depuis 1935, qui fait un travail remarquable, que je voudrais saluer parce que ça fait partie de la France et de ce que nous exportons à l'étranger comme savoir-faire, pour labelliser des productions. Il y a des cahiers des charges extrêmement stricts pour mériter le label d'appellation d'origine contrôlée et c'est un des sujets qui internationalement est un sujet de débat. A Cancun par exemple, où nous étions avec François Loos, le ministre du Commerce extérieur il y a trois semaines, les Américains et les Brésiliens ne voulaient pas que l'on reconnaisse les AOC sur le plan international. Nous, les Européens, nous sommes très attachés à la défense des AOC.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Bravo, monsieur Gaymard. Monsieur le ministre, vous allez partir pour un repas de famille. Je voulais vous présenter Pierre Banquet, qui est un magnifique artisan boucher-charcutier, de Revel dans la Haute-Garonne. C'est un spécialiste du troisième repas, c'est-à-dire qu'une fois que tout le monde a mangé, lui refait un souper parce qu'il pense que c'est drôlement important pour se préparer au sommeil. Qu'est-ce que vous allez raconter demain quand vous irez dans une classe, à Revel ?
PIERRE BANQUET
Non, je vais aller en banlieue de Toulouse. Chaque année l'académie me met soit dans une petite ville de campagne entre Toulouse et Revel, et cette année je vais aller vers Toulouse. Donc c'est peut-être une autre façon d'aborder chaque année, soit on a des enfants de la campagne, donc c'est pas à eux qu'on va raconter les canards, les oies grasses...
JEAN-LUC PETITRENAUD
Quoique, on a besoin aussi peut-être parfois de leur rappeler...
PIERRE BANQUET
Oui mais ils ont encore des grands-mères chez qui ils voient un peu tout cet élevage et tout, parce qu'on est vraiment à Revel dans une zone très rurale. Par contre après, en banlieue de Toulouse, c'est un peu plus dur parce qu'ils ont jamais vu un cochon, ils ont jamais vu un poulet, donc l'approche est un peu différente. Ils sont plus intéressés, depuis la vache folle, aux problèmes de vache folle en banlieue de Toulouse que dans la campagne.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Monsieur le ministre était en train de dire qu'en fait on n'avait pas besoin de sensibiliser les enfants d'agriculteurs à ce qu'était une oie grasse, un canard, et tout. Parfois je suis à moitié d'accord avec ça parce qu'aussi parfois les agriculteurs ont aussi un peu perdu leurs racines, c'est-à-dire qu'à force d'européaniser, de mondialiser, on a peut-être un peu une perte d'identité. Je crois que vous êtes très à cheval là-dessus et vous avez envie que l'on revienne à une identité bretonne, une identité basque, une identité auvergnate ?
HERVÉ GAYMARD
Moi je voudrais tout d'abord saluer tout le travail que font les artisans des métiers de bouche. Parce que nous en avons beaucoup dans notre pays qui ont un immense amour pour leur métier, qui ne comptent pas leurs heures et je crois qu'il est très important de les promouvoir, de les saluer et de les défendre, puisqu'avec les grands chefs ils participent pleinement de notre identité culinaire. Alors s'agissant de l'agriculture, moi je crois pouvoir dire, j'ai visité 60 départements sur 100, et je compte bien visiter les 40 autres dans les mois qui viennent, et je vois dans tous nos terroirs, dans tous nos pays, des agriculteurs souvent désespérés parce que la situation est difficile, la sécheresse, beaucoup de difficultés économiques, mais fiers de leur métier et avec l'envie de produire de bonnes choses et ils le font. Et je trouve que s'agissant de l'Europe, il faut tordre le cou à des idées reçues, puisque nous avons dans le monde une agriculture européenne qui est bien plus respectueuse de l'environnement que les immenses systèmes industriels de production, que ce soit aux Etats-Unis, que ce soit en Australie ou au Brésil, même, et que nous avons en Europe un modèle agricole européen, basés sur une agriculture familiale et sur des produits de qualité. Et c'est ce modèle agricole européen qu'il faut défendre et il faut le défendre partout et toujours.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Voilà, parce qu'à bonne agriculture bonne table, puisque justement on prend en amont ce qui va se passer après dans l'assiette. Et je vous remercie encore et je vous félicite de parrainer cette opération qu'est la semaine du goût. A vos côtés aussi un chef de cuisine, André Signoret, qui est le chef du Train Bleu, qui est un restaurant célèbre à Paris, au-dessus de la gare de Lyon, célèbre aussi par son histoire et par sa table. André Signoret bonjour, vous allez faire un truc qui est sensationnel demain, c'est qu'une classe va venir...
ANDRÉ SIGNORET
Tout à fait. On a pris le problème à l'envers, au lieu d'intervenir dans l'école, on a invité une classe de CM2, dont on aura 12 élèves en cuisine et 12 élèves en salle qui vont faire le service. On a donné des ingrédients à cette classe, ils ont fait des menus, des recettes, et on va exécuter ces recettes jeudi.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Mais ça veut dire que les clients du Train Bleu vont être servis par des enfants ?
ANDRÉ SIGNORET
Ils vont être servis par des enfants et aussi par l'équipe de salle du restaurant du Train Bleu.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Et en cuisine, pareil ?
ANDRÉ SIGNORET
En cuisine pareil, mon second va s'occuper des élèves toute la matinée, en faisant les mises en places, en faisant les recettes avec eux.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Quel bonheur d'arriver à travailler avec aussi le ministère de l'Education nationale, pour que l'on puisse avoir cette autorisation, que des enfants puissent être en salle, découvrir les fabuleux métiers de service en salle, de la découpe de la volaille, de tout ce que l'on avait un peu perdu et que l'on doit retrouver absolument. Là vous allez le remettre à l'honneur... Jeudi 16, les enfants en cuisine, les enfants en salle, avec les adultes bien entendu. Ce sera je pense un moment très poétique.
ANDRÉ SIGNORET
Je pense que ce sera inoubliable pour les enfants qui vont participer.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Patrick Fulgrafe, vous venez d'Alsace, un très jolie restaurant, le Fer Rouge à Colmar. Les enfants vont cuisiner sur un marché, vous, c'est ce que vous avez comme projet ?
PATRICK FULGRAFE
Voilà, avec la ville de Colmar, le syndicat des marchés, les professionnels de la restauration, on a décidé de faire un thème sur une recette. Donc les classes de CM1 et CM2 devaient réaliser une recette sur le principe d'une volaille, avec son pot-au-feu de légumes. Et on a rajouté un deuxième travail, c'est-à-dire que les enfants devaient nous raconter cette histoire, en prenant trois personnages qui étaient Jason le poireau, Adèle la tomate et Rita l'aubergine... JEAN-LUC PETITRENAUD Vous avez eu envie de faire ça avec les enseignants, comment c'est parti ?
PATRICK FULGRAFE
Là on l'a fait avec la ville de Colmar et le syndicat des marchés. Et ce qu'on voulait surtout c'est que Rita l'aubergine n'a rien à voir dans le pot-au-feu, donc c'était un peu l'intruse, elle était là, à tout moment. Donc les enfants nous ont fait sept recettes et dans un deuxième temps on les a également notés sur la façon de raconter un conte magnifique, et ils se sont vraiment défoncés pour faire un travail extraordinaire, illustré de dessins, avec la volaille, les plumes et tout ça.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Et leurs recettes sont surprenantes ? Parce qu'il ne faut pas être toujours gaga devant les enfants aussi, ils ne connaissent pas les bases de la cuisine, donc il peut y avoir des ratages. Mais là il y avait de l'imagination autour de la gamelle ?
PATRICK FULGRAFE
Voilà, dans ce concours on a deux classes qui ont gagné, c'est deux écoles, Saint-Jean et Jean-Jacques Rousseau de Colmar, et chacune a fait une recette différente. Chez certains une classe a mis de la farce, c'est très original, ils ont élaboré, ils ont présenté la chose avec beaucoup de talent et de passion.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Patrick Fulgrafe, vous avez mêlé la ville, c'est ça aussi la semaine du goût, c'est que tout le monde y va pour faire avancer cette idée que le goût soit quand même une des plus belles valeurs en France... Claude Rizac, vous êtes le directeur général d'un collectif du sucre. Vous êtes le partenaire de cette opération, parce qu'il faut toujours quelqu'un qui apporte le financement et qui apporte aussi l'intelligence à cette opération, et vous l'êtes depuis la première année. Qu'est-ce qui vous a le plus surpris, l'an dernier, lorsque vous êtes allé dans une classe ?
CLAUDE RIZAC
Dans une classe avec vous, Jean-Luc, avec Michel Roth, chef du Ritz, ans le 18e arrondissement de Paris. Et un enfant qui voit devant lui du foie gras, des petites tartines de foie gras, il n'ose pas en goûter, c'est un plat qu'il ne connaît pas, il hésite, tous ses camarades en mangent, ça dure de longues minutes. Et finalement il regarde si on ne le regarde pas et là, subrepticement, il avale sa petite tartine de foie gras et ses yeux s'éclairent. Et ça c'est un souvenir merveilleux pour nous, pour vous, pour Michel Roth aussi, qui avait remarqué ce petit garçon. Du coup toute la classe est allée au Ritz. Donc il faut toujours insister, il faut toujours représenter les plats aux enfants, ça c'est une grande leçon.
JEAN-LUC PETITRENAUD
Merci pour ce témoignage, comme quoi parfois les émotions ne passent pas forcément par les mots mais ça passe par le palais. Monsieur Hervé Gaymard, merci mille fois, parce que je sais que vous allez être en retard pour votre repas de famille, mais merci pour votre engagement tout au long de la semaine, en tant que ministre de l'Agriculture, sur cette 14e semaine du goût. Merci aussi au Sénat de nous avoir accueillis. On va débattre du goût, à travers des entreprise magnifiques comme les restaurateurs, les cuisiniers, qui ouvrent leurs restaurants aux étudiants sur présentation de leur carte, à des prix extraordinaires. Et puis pardon à tous ces chefs qui sont autour, du nord, de la Normandie, qui sont venus pour célébrer ce départ de la 14ème semaine du goût.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 15 octobre 2003)
Monsieur le Président de la Commission des Affaires économiques du Sénat, cher Gérard LARCHER,
Messieurs les Directeurs,
Monsieur le Président de la Semaine du goût, cher Stanislas de LARMINAT,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je souhaite, d'abord, vous dire combien je suis heureux de partager avec vous tous le lancement officiel de l'édition 2003 de la Semaine du goût. Un plaisir, si vous me permettez de le dire, au goût d'autant plus agréable que, pour la première fois en 14 ans, cette manifestation est parrainée par le Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales. Par ce geste, j'ai, en effet, souhaité réunir autour de notre alimentation, tous les acteurs de la chaîne alimentaire. Car c'est le meilleur moyen pour faire partager à nos compatriotes la qualité et la diversité de nos produits agricoles et alimentaires.
J'ai également tenu à ce que des jeunes scolarisés dans les établissements d'enseignement agricole participent à l'animation de ces manifestations. Pendant quelques jours, ils vont ainsi participer à l'effort de pédagogie déployé vers les plus jeunes, pour leur faire découvrir les produits agricoles, de leur élaboration à leur transformation. Ce sera également l'occasion pour les élèves et leurs enseignants de montrer au grand public comment, par leur travail et leur savoir-faire, ils contribuent à la qualité de l'alimentation et à la mise en valeur des produits de nos terroirs. Peut-être serez-vous comme moi impressionné par le parterre de quelque 500 betteraves qu'ils ont réalisé pour expliquer le cheminement de la plante au sucre.
Cette Semaine du goût doit également être l'occasion de renouer le dialogue entre nos agriculteurs et les consommateurs : dans chaque région, des producteurs récompensés par le Concours général agricole feront découvrir leurs produits. Enfin, des agriculteurs s'associeront, tout au long de cette semaine, à des artisans des métiers de bouche et iront à la rencontre des écoliers lors des " leçons de goût ".
J'ai personnellement tenu à m'investir dans cette Semaine du goût : j'étais hier à Beaufort, sur l'un des 100 sites remarquables du Goût. Mercredi, j'ai convié à déjeuner au Ministère des représentants des métiers de bouche. J'animerai, le même jour, un débat sur " l'université des saveurs " à la Sorbonne avec Jean-Robert PITTE, son président, et le chef Flora MIKULA. Jeudi, j'assisterai avec Xavier DARCOS à une " leçon de goût " donnée par Dominique CECILLON aux jeunes élèves d'une école élémentaire parisienne. Enfin, vendredi, je profiterai d'un déplacement en Avignon pour visiter un marché en compagnie du chef Christian ETIENNE.
Ces dernières années, les institutions, les prescripteurs d'opinion se sont attachés à des préoccupations d'ordre sanitaire, et cette attention, indispensable - parce qu'il n'y a pas de qualité sans sécurité -, a pu parfois nous éloigner des autres dimensions de l'alimentation. En fait, cette préoccupation nous a conduit à mettre en oeuvre un certain nombre de mesures sanitaires, dont l'application est contrôlée par mes services. Ce faisant, elle a également contribué à nourrir les inquiétudes, conduisant les consommateurs à s'enfermer dans une obsession du risque zéro, alors que l'alimentation est un domaine où les risques sont considérés comme bien maîtrisés, et que la qualité des aliments n'a cessé de s'améliorer au cours des dernières décennies. Cette Semaine du goût doit nous aider à rétablir une relation apaisée et confiante entre les consommateurs et leur alimentation. Les consommateurs n'ont pas perdu leur bon sens et sont plus que jamais très attachés à leur libre choix. Mais ils savent aussi que ce choix se raisonne et qu'il peut être plus ou moins judicieux en fonction de l'activité professionnelle, de l'âge et de certaines circonstances de la vie comme la grossesse ou le vieillissement. Enfin, par leur choix, ils apprécient toutes les dimensions de l'acte alimentaire : le plaisir, la convivialité, l'identité culturelle ou l'insertion sociale. Si la quête de nourriture n'est plus un problème de tous les instants, le paradoxe de l'abondance touche désormais nombre de consommateurs plongés dans l'incertitude des choix. Insensiblement, leurs préoccupations sont passées du registre quantitatif au registre qualitatif.
A partir de ce constat, nous mesurons la sensibilité croissante de nos concitoyens à leur nutrition, au bénéfice d'une alimentation saine et diversifiée et à la préservation des modèles alimentaires traditionnels qui font la réputation de notre gastronomie. Dans leur esprit, la qualité alimentaire englobe également le respect de l'environnement, la préservation de la biodiversité, la prise en compte des modifications du climat, la promotion du commerce équitable ou encore le bien-être animal. L'objectif d'une production alimentaire saine, sûre et qualitativement optimale, tant des points de vue sanitaire, nutritionnel qu'organoleptique, est l'affaire de tous : pouvoirs publics et professionnels.
Agriculteurs, pêcheurs, éleveurs, partenaires du secteur agroalimentaires travaillent chaque jour pour enrichir la palette des produits offerts aux consommateurs. Ils s'efforcent de répondre le mieux possible à leurs nouvelles attentes, en innovant, en créant au besoin de nouveaux produits et en préservant ce qui a fait la réputation et la richesse de notre patrimoine alimentaire.
Ce patrimoine s'exprime notamment par les produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine qui, depuis plus d'un siècle, essayent de faire converger aspirations des consommateurs, préservation de la diversité du patrimoine alimentaire et développement de pratiques agricoles durables, des objectifs plus que jamais d'actualité.
Lors de mes déplacements, j'ai eu l'occasion d'échanger avec les acteurs de plusieurs filières sur les moyens de rendre les signes d'identification de la qualité et de l'origine plus accessibles aux opérateurs économiques, plus lisibles pour les consommateurs, et de mieux prendre en compte leurs attentes. Nous devons y travailler.
A travers notamment les " leçons de goût ", cette manifestation offre une occasion unique de découvrir la variété et la saveur de nos produits, c'est-à-dire la richesse de notre agriculture.
L'alimentation occupe une place importante dans notre société, dans la vie et l'identité de chacun. Claude LEVI-STRAUSS écrivait qu'un aliment doit être non seulement " bon à manger mais aussi bon à penser ", et c'est un fait que notre représentation des aliments varie selon notre milieu et notre culture.
S'il n'est ni possible, ni même souhaitable de s'immiscer dans les choix individuels, il est, en revanche, indispensable que nous répondions aux attentes des consommateurs désireux de redécouvrir le goût des choses. Par mes origines, je suis sensibilisé à l'apprentissage des goûts simples et à la transmission du plaisir que nous apporte notre alimentation. Comme Ministre de l'Alimentation, je souhaite mettre à profit cette Semaine pour initier une " reconquête du goût ". Les grands chefs cuisiniers, qui ont accepté d'être présents ce matin et que je salue et remercie, vous le confirmeront : la convivialité et l'échange font aussi la richesse de nos repas.
L'éducation du goût occupe une place importante dans mon action de Ministre. Je vous l'ai dit, les lycées agricoles illustreront leur savoir-faire et valoriseront leurs produits locaux durant toute cette semaine. A une époque où la recherche de la qualité et les questions d'obésité sont devenues des sujets d'actualité, l'enseignement supérieur et la recherche agronomiques sont ainsi sur " le pied de guerre ". C'est pourquoi je voudrais profiter de cette occasion pour saluer le travail des enseignants et des chercheurs, qui s'intéressent, dans leurs travaux quotidiens, à des sujets aussi divers que la maîtrise de la qualité des produits, la microbiologie de la fermentation lactique ou l'affinage des fromages.
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je ne veux pas vous quitter sans rappeler ici combien les pouvoirs publics sont engagés dans l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique de l'alimentation rénovée, qui concilie les exigences de sécurité, de qualité, de diversité et renforce le dialogue entre tous les acteurs de la chaîne alimentaire.
Je souhaiterais enfin vous rendre hommage, à vous tous, véritables passionnés, qui oeuvrez pour notre identité culinaire et notre patrimoine gastronomique, à l'instar de Jean-Luc PETITRENAUD que je dois rejoindre ce midi pour évoquer justement cette manifestation. Depuis 14 ans déjà, vous nous transmettez le plaisir de choisir de bons produits, de les préparer avec soin et de les partager avec bonheur. Chefs de cuisine, artisans de bouche, professionnels de l'agroalimentaire, vous nous réapprenez à manger ensemble.
Je vous souhaite à tous un plein succès, et je forme avec vous des voeux ardents pour que cette 14ème Semaine du goût sache conquérir un public toujours plus large. Je ne doute pas que votre volonté de restaurer le partage autour de nos assiettes sera entendue. On apprend à lire, on apprend à écrire ; il est temps d'apprendre également à manger.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 13 octobre 2003)
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais, tout d'abord, vous dire combien j'ai plaisir à participer à cette table ronde avec Jean Robert PITTE, Président de la Sorbonne et éminent géographe.
Je voudrais également remercier la SOPEXA d'avoir pris l'initiative d'organiser une université " Saveurs et savoir " sur ce thème de la géographie et de l'alimentation. Je ne peux, au passage, que me réjouir de cette heureuse association de mots : saveurs et savoir. Car on apprend, en effet, à lire, à écrire, à compter, mais on n'apprend pas à manger. Cette lacune est aujourd'hui comblée grâce notamment au succès de la Semaine du goût et, en particulier, aux actions sont menées dans les écoles à cette occasion. Vous l'avez compris, derrière cette remarque, je veux insister sur l'importance de cette question de l'alimentation pour chacun d'entre nous, et c'est la raison pour laquelle le Ministère que j'ai l'honneur de diriger a accordé pour la première fois son haut patronage à cette quatorzième édition de la Semaine du goût.
Claude FISCHLER, un sociologue qui a consacré l'essentiel de ses travaux à l'alimentation, a écrit que " pour savourer ce que l'on mange, il faut savoir ce que l'on mange et pour savoir ce que l'on mange il faut savoir d'où cela vient. "
Le lien très étroit existant entre un produit et son origine est au coeur de la diversité culturelle et de la richesse patrimoniale d'un pays, et c'est précisément ce lien, aujourd'hui un peu distendu, qu'il convient de rétablir.
75% de nos concitoyens vivent désormais dans des villes de plus de 2000 habitants. Cette urbanisation de notre société a éloigné une majorité de nos concitoyens des réalités du monde agricole et de ses modes de production, de même qu'elle a éloigné le consommateur du produit consommé. Cet éloignement s'est parfois accompagné d'une perte de confiance de la part du consommateur, sous l'effet des crises sanitaires de ces dernières années. C'est dans ce contexte que le consommateur privilégie désormais les produits justifiant d'un lien ancien aux hommes, aux territoires, aux savoir-faire : des produits qui trouvent leur légitimité à la fois dans le terroir et la qualité.
La politique d'identification de la qualité et de l'origine conduite sous l'égide du Ministère dont j'ai la charge permet au consommateur de privilégier, à travers son acte d'achat et de consommation, la diversité de saveurs et la richesse de notre patrimoine.
L'Appellation d'Origine Contrôlée (AOC) est le plus ancien de nos signes de qualité. C'est, en effet, en 1905 que la loi a confié à l'administration le soin de délimiter les zones de production viticoles pouvant bénéficier d'une appellation. En 1919, la loi a complété ce lien territorial par une notion de savoir-faire des hommes. Plus tard, l'AOC a été étendue aux autres produits alimentaires.
Les produits sous appellations résultent, en effet, d'une combinaison de facteurs géographiques et climatologiques, valorisée par un savoir-faire ancestral qui leur confèrent leur qualité, leur typicité et leur authenticité. Le cas des vins est, à cet égard, éloquent.
En AOC Bourgogne, la typicité de chaque vin tient aux qualités que leur confèrent le sol, les climats, ainsi que le savoir-faire du vigneron. C'est ainsi qu'un Chablis n'aura pas le même goût qu'un Meursault, alors même qu'ils sont issus du même cépage.
Dans ces conditions, le travail du vigneron et, plus particulièrement, du maître de chai est fondamental.
C'est dire si le lien existant entre l'origine géographique et la spécificité du produit final est essentiel. Nous retrouvons, d'ailleurs, une notion similaire dans les indications géographiques protégées. Ce signe européen valorise un savoir-faire propre à une région géographique. Celle-ci renvoie, elle-même, au climat, à des savoir-faire et à une notoriété particuliers.
Un bon exemple nous en est offert par l'ail rose de Lautrec, une culture traditionnelle qui doit sa notoriété à l'association d'un terroir constitué de terrains argilo-calcaires, d'une histoire régionale et de pratiques locales tenant au choix de la semence, à la maîtrise du séchage et au conditionnement sur l'exploitation. Le produit final se démarque par sa couleur, son aptitude à la conservation et ses qualités organoleptiques. La légende veut que l'ail rose soit apparu dans la région de Lautrec au Moyen-Age, amené par un marchand ambulant qui aurait réglé son repas en gousses roses. Celles-ci auraient été plantées par l'hôtelier. Il s'agit, bien entendu, d'une légende, mais elle illustre parfaitement que le lien d'un produit à son origine géographique trouve parfois ses sources dans l'imaginaire collectif. Aujourd'hui, l'ail rose de Lautrec est célébré dans cette région, une fête annuelle lui est même dédiée.
Ce patrimoine n'existe pas qu'en Europe. L'existence de produits de qualité, obtenus par des méthodes traditionnelles dans des terroirs reconnus caractérise un très grand nombre de pays, notamment dans le monde en développement. Je pense au riz, ou thé, pour des pays tels que l'Inde, la Chine et l'Indonésie.
Notre vision n'est évidemment pas partagée par tous. Certains de nos partenaires voudraient faire prévaloir une approche exclusivement fondée sur les marques, qui constitueraient selon eux les signes " modernes " d'identification de la qualité, tandis que les indications géographiques représenteraient une forme dépassée, s'analysant plutôt comme une forme de protectionnisme déguisé.
Ce débat est encore très vif dans les enceintes internationales, et notamment à l'OMC. L'Europe et la France ont à coeur de promouvoir, avec le plus grand nombre de pays en développement, leur vision de la qualité et de la tradition.
Cette mission est aussi la vôtre. Vous êtes, comme nous tous, des ambassadeurs du goût, des saveurs, d'un patrimoine français et européen vivant et dynamique.
Vous l'avez compris, je souhaite renouer un pacte entre nos concitoyens et les agriculteurs, en mettant en valeur l'acte de produire sur un territoire préservé et l'existence de produits sains et de qualité.
Une agriculture " écologiquement responsable et économiquement forte ", qui correspond aux attentes de la société, constitue pour nous tous une exigence et un défi, notamment c'est le sens de la démarche de l'agriculture raisonnée.
L'agriculture biologique répond, elle aussi, à une demande de nos concitoyens. Par le respect des équilibres naturels, de la biodiversité et de l'environnement, ce mode de production est, en effet, apprécié par les consommateurs.
Chaque fois qu'il est question de notre alimentation, je ne conçois pas de conduire notre politique sans le concours actif de ceux à qui elle est destinée, c'est-à-dire les consommateurs. J'attache, à cet égard, une importance particulière à ce qu'ils ne prennent toute leur part dans les instances de concertation et de décision.
Alors que la Politique Agricole Commune s'adapte pour prendre en compte encore davantage les attentes par les consommateurs d'aliments sains, de qualité, et obtenus dans le respect de l'environnement, l'alimentation constitue une dimension de plus en plus significative de cette politique.
Elle rassemble tous les acteurs, " de la fourche à la fourchette ". Nul mieux que Flora MIKULA ne peut nous en démontrer la pertinence au quotidien ...
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 17 octobre 2003)