Texte intégral
(Partie 1)
Éric GUILLON, Président du Comité 21 : Bonjour à tous. Monsieur le Ministre je dois vous signaler que vous battez un record puisque, depuis dix ans que le Comité 21 invite régulièrement des personnalités clés du monde de l'environnement, qu'ils soient issus des pouvoirs publics, des collectivités territoriales, de l'industrie ou des associations. 190 personnes sont présentes et ce sont les conditions de sécurité qui nous ont obligés à nous limiter à ce nombre. Je tiens à remercier aussi mon ami François GOURDON et le Conseil d'Administration du Comité 21 de m'avoir donné cette chance inestimable de démarrer ma présidence du Comité 21, avec un parterre de cette qualité. Notre ministre de l'Écologie et du Développement durable va donc traiter du thème : "Pour une politique de développement durable pragmatique et ambitieuse". Nous sommes tous très attachés à ces deux qualificatifs lorsqu'il s'agit d'environnement, d'écologie et de développement durable.
Comme il est d'usage, et si vous me le permettez en quelques instants, je voudrais donner quelques éléments clés de votre cursus et de vos fonctions électives. Monsieur LEPELTIER est un jeune quinquagénaire, qui a commencé sa carrière dans le secteur privé. Il est diplômé de l'École des hautes études commerciales. A partir de 1998, il entre au Conseil municipal de Bourges et, très rapidement, va conquérir la plupart des mandats électifs territoriaux jusqu'à prendre le mandat national qui nous réunit ensemble ce matin. En 1989, il est conseiller municipal, de 1992 à 1994 conseiller régional, de 1993 à 1997 député RPR du Cher, de 1994 à 1995 conseiller général. Vous constatez que les périodes se recoupent pour la bonne raison que le cumul des mandats l'a obligé à en laisser quelques-uns à ses compères. En 1998, il est sénateur du Cher. Donc, depuis 1998 jusqu'au printemps de cette année, il était sénateur maire de Bourges.
Au-delà de ces mandats électifs, je ne sais pas comment vous trouvez le temps nécessaire, mais vous avez écrit un très joli ouvrage sur Jacques Cur.
Serge LEPELTIER : Entre deux mandats. Remarquez qu'entre député et sénateur, j'ai eu un an quand même. On nous a dissous à un moment donné (Rires)
Éric GUILLON : Néanmoins, le moins que l'on puisse dire est que les rebondissements sont rapides. Vous avez donc, en 1999, écrit un livre sur Jacques Cur, "l'Argentier du Roi". Écrire sur l'argentier quand on est Ministre de l'Écologie est intéressant à souligner. Vous avez récemment rédigé, au Sénat, deux rapports importants, "Comment réconcilier la France et la mondialisation" et "Mondialisation, une chance pour l'environnement ?"
Merci, monsieur le Ministre, d'être avec nous ce matin. Le sujet que vous allez traiter est à la fois vaste et complexe, mais absolument passionnant pour l'ensemble des personnes présentes. Comme nous devrons mettre un terme à ce débat à 10 heures, j'ai le plaisir de vous donner immédiatement la parole.
Exposé de Serge LEPELTIER
Merci, Monsieur le Président, de me recevoir aussi gentiment. Je suis très heureux qu'un record soit aujourd'hui battu, et comme ils sont faits pour l'être, vous allez devoir trouver la personne qui battra le suivant. D'après ce que vous dites, il faudra agrandir les locaux, ce qui pourrait poser des problèmes d'organisation. Sachez que je suis très, très sensible à votre si nombreuse présence. J'y vois un gage pour l'avenir concernant le thème en question. Le sujet d'aujourd'hui, sur lequel vous avez l'habitude de débattre, le développement durable, prend progressivement corps et je vous en dirai quelques mots.
Merci de me recevoir aujourd'hui, merci à votre équipe, à vos partenaires, et permettez-moi, Monsieur le Président, de vous féliciter de votre prise de fonction qui, comme vous le disiez, est récente. Je ne veux pas, comme vous venez de le faire, lire votre curriculum vitae, mais vos fonctions précédentes et ce que je connais de la réussite d'Éco-Emballages, témoignent de votre intérêt pour le sujet que nous évoquons aujourd'hui. C'est pour moi aussi l'occasion de remercier vos prédécesseurs pour leur implication, en particulier François GOURDON, qui d'après de ce que l'on me dit, mais à voir aujourd'hui c'est bien le cas, vous lègue un outil tout à fait performant, et aussi Serge ANTOINE, fondateur du Comité 21.
Vous le savez mieux que moi, mais il faut tout de même le noter : le Comité 21 fête ses dix ans. Il a été créé en 1994, sous l'impulsion de Michel BARNIER. Pour moi, cette impulsion est importante, car il a beaucoup inscrit dans notre pays. J'ai d'ailleurs le plaisir de voir face à moi Michèle PAPPALARDO, qui, à l'époque, devait avoir quelques responsabilités à ses côtés. On me disait tout à l'heure que Simone WEIL avait aussi contribué à la naissance du Comité 21. Il est vrai que, depuis, beaucoup de chemin a été parcouru. Je suis d'autant plus heureux d'être ici que mon ministère est, depuis le début, membre de droit à part entière de votre association. J'ai aussi vu avec plaisir que le ministère de l'Industrie, qui est aussi très concerné par ce sujet, fait partie de votre Comité depuis que Nicole FONTAINE l'a eu en charge. C'est évidemment très important, merci pour tout cela.
Le thème sur lequel nous allons aujourd'hui débattre, "Pour une politique de développement durable pragmatique et ambitieuse", est presque un sujet à la mode. Il faut d'ailleurs se méfier des modes. Je voudrais déjà que nous inversions les termes "pragmatique et ambitieuse", car il faut d'abord être ambitieux puis ensuite, pour mener à bien son ambition, il faut, comme dans toute chose, être pragmatique. J'ai donc plutôt tendance, si vous me le permettez, à inverser ces deux termes.
Ce sujet est tellement à la mode qu'actuellement on y met tout : ainsi tout est durable. Vous aurez peut-être remarqué qu'il n'existe plus un mot aujourd'hui qui ne soit pas suivi de "durable", sans que personne ne connaisse sa réelle signification, sauf, je l'espère, ceux qui l'emploient. C'est assez grave et préoccupant, car employer des termes que la population ne s'approprie pas réellement dans sa compréhension peut provoquer un hiatus entre les personnes qui l'emploient, les responsables et la population qui peut ne pas suivre, ou suivre dans le flou.
Qu'est-ce que le développement durable ? Il faut toujours le redéfinir pour que les uns et les autres sachions ce dont nous parlons. Ma définition du développement durable est le progrès dans la durée, un développement économique qui favorise le progrès social tout en préservant l'environnement dans le temps, donc nos ressources énergétiques et naturelles. Ce sont les trois piliers que nous évoquons toujours : le développement économique, le progrès social et l'environnement. Il faut voir comment tout cela s'harmonise. Il s'agit donc d'un développement économique qui favorise le progrès social tout en préservant l'environnement.
Quels sont, aujourd'hui, les grands enjeux environnementaux ? Depuis une trentaine d'années, ce qui est à peu près l'âge du ministère de l'Environnement en France, appelé aujourd'hui "ministère de l'Écologie", nous avons fait beaucoup d'écologie de proximité, c'est-à-dire que nous avons développé des politiques qui préservent l'écologie, donc les conséquences de nos actions, de notre comportement sur notre proximité, notre environnement proche. Il s'agit de la qualité de l'eau, des déchets, tout un processus qui nous concerne.
Nous avons agi sur l'écologie de proximité et il faudra faire encore plus dans de nombreux domaines, mais, progressivement, nous voyons bien un autre enjeu qui est l'écologie globale. L'écologie qui fait que, quand nous avons un mauvais comportement, cela induit non seulement des conséquences sur nous-mêmes mais aussi sur l'ensemble de la planète. Ainsi ce que nous faisons a des conséquences sur Pékin, et inversement.
Il existe là deux grands domaines :
- Le premier regroupe tout ce qui concerne le changement climatique, car la concentration des gaz à effet de serre se fait autour de la planète de façon absolument neutre, sans qu'il y ait un lieu précis au-dessus de la Terre (je rappelle que ce n'est pas du tout le problème de la couche d'ozone).
- Le second grand domaine est la biodiversité.
Par rapport à cette écologie de proximité, cette écologie globale, nous avons aujourd'hui deux grands enjeux que nous devons bien comprendre ; ils sont majeurs pour au moins les vingt à trente ans à venir, sinon plus :
- Le premier est donc le changement climatique. C'est aujourd'hui l'enjeu majeur qui ramène à l'écologie globale, avec le défi énergétique qui fait que nous devons absolument au moins amorcer la transition pour sortir de la société du "tout pétrole". Nous sommes actuellement totalement construits autour du pétrole. Or, cela pose nombre de problèmes tout à fait considérables : tout d'abord, des problèmes de pollution, car quand nous consommons du pétrole, nous émettons des gaz à effet de serre ; des problèmes économiques avec les fluctuations du cours du pétrole qui, à un moment donné, peuvent avoir des conséquences majeures sur les économies occidentales ; puis, évidemment, des problèmes géostratégiques majeurs, car les réserves de pétrole sont principalement concentrées dans une seule partie du monde. Nous en voyons aujourd'hui les conséquences avec ce qui se passe dans cette zone, notamment en Iraq. Le premier grand enjeu est donc le changement climatique avec le défi énergétique. Cela nous ramène à toutes les énergies renouvelables, les économies d'énergie, les nouvelles énergies.
- Le deuxième grand enjeu est la question de la santé et l'environnement. Nous sommes au début de la connaissance de ces questions. Cela concerne tout ce qui est qualité de l'eau, produits chimiques, pesticides, phytosanitaires, ce que nous avons utilisé dans le passé sans trop nous en préoccuper, car cela avait à court terme des conséquences très positives, mais surtout les phénomènes de pollutions diffuses.
Nous savons aujourd'hui à peu près gérer les pollutions fortes, élevées, à un endroit précis. L'industrie a fait des efforts considérables dans ce domaine et nous progressons. Cependant, nous ne maîtrisons pas les pollutions diffuses, c'est-à-dire le fait que nous intégrions dans la nature, et la nature humaine en particulier, des produits à très faibles doses, qui s'accumulent dans le temps et dont nous ne connaissons pas aujourd'hui les conséquences. Nous commençons tout de même à comprendre qu'elles pourraient être très importantes.
Je voulais définir ces deux enjeux en introduction pour que nous soyons sur la même longueur d'onde concernant le développement durable. Au départ de l'ambition se déterminent donc ces deux grands enjeux et, comme dans toute action, il faut être pragmatique. Si nous sommes trop dans la théorie, nous reculons, et si nous ne sommes pas réellement dans l'action, nous perdons alors énormément de temps et d'applications. Il faut donc être profondément pragmatique.
Il est vrai que le diagnostic sur ce développement durable, je le faisais très rapidement, est clair et partagé par tous : les symptômes sont visibles. Le gouvernement, les administrations, l'État jouent leur rôle dans ce domaine, et la stratégie nationale du développement durable décidée en France constitue en quelque sorte sa feuille de route. Un premier bilan est cours.
Cette stratégie que nous appelons "stratégie nationale du développement durable" n'est pas un aboutissement. Bien au contraire, elle doit être un commencement. Sachez qu'elle comporte un très grand nombre d'actions : nous avons en effet défini 180 objectifs. C'est d'ailleurs peut-être trop, car cela amène une confusion alors que tout doit être lisible, mais c'est aussi l'occasion pour nous de revenir à l'essentiel. Derrière ces 180 objectifs, 600 actions ont été définies par l'État pour avancer. Le Président me le disait tout à l'heure et à un certain nombre de personnes, en particulier à Robert LION, ce n'est finalement pas simple : la fin du printemps sur certaines propositions que j'ai faites Nous voyons combien c'est difficile et que le chantier est extrêmement vaste.
Le développement durable est compliqué parce qu'il est, par nature, interministériel. Je dis souvent que je suis un peu "l'empêcheur de tourner en rond", car je ne peux rien faire tout seul. Je dois toujours travailler avec un autre département ministériel, que ce soit l'Industrie, les Transports, l'Agriculture, mais aussi parce que la conjoncture économique et surtout budgétaire ne nous est pas tout à fait favorable. Nous pouvons malgré tout utiliser avec pragmatisme un certain nombre d'actions. Je vais vous en citer quelques-unes en prenant volontairement le petit bout de la lorgnette pour vous montrer comment les choses se construisent. Il faut utiliser ces petites actions de levier pour obtenir un effet démultiplicateur autour de soi et engager les changements.
Pour me faire comprendre, je vais commencer avec un exemple simple et très concret. Dans la loi d'orientation sur l'énergie que nous avons élaborée, nous avons adopté ce que nous appelons un "crédit d'impôt" pour favoriser les énergies renouvelables. Il sera de 40 %, ce qui est loin d'être négligeable et rend à peu près compétitives de nombreuses énergies renouvelables. Dans ma ville, à Bourges, où j'ai mis en place un contrat environnemental avec les Berruyers, avant ce crédit d'impôt, j'avais élaboré une prime pour favoriser notamment l'achat de chauffe-eau solaires. J'ai alors constaté qu'aucun plombier n'en installait. Vous pouvez établir un dispositif très performant, avec de l'argent, des crédits d'impôts, des subventions ou des primes, si vous n'avez pas d'artisans, des plombiers qui les installent ou si, pour l'achat d'un chauffe-eau solaire, un plombier vous annonce des prix quatre à cinq fois plus élevés qu'un chauffe-eau normal, il est évident que ce sera un échec.
Nous devons être pragmatiques, c'est là que je réponds au thème de votre petit-déjeuner. Il faut mettre en place des crédits d'impôt. Il est nécessaire aussi de mener une action générale et parallèle en direction de ceux qui sont, en quelque sorte, les prescripteurs, car vous savez que l'installation d'un nouveau matériel se fait souvent sur proposition du professionnel. La semaine dernière, je recevais le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers. Nous avons décidé de mettre en place, par des échanges, une formation dans certains corps de métiers, orientée vers ce que nous appelons les "énergies renouvelables" ou le "développement durable".
Vous voyez que, lorsque nous la prenons par le petit bout, une question devient très vite globale et implique des enjeux très importants. Cela nécessite du temps, car il ne s'agit pas seulement comme le voudraient parfois les médias, de faire un effet d'annonce avec une mesure. Vous avez remarqué que si le Gouvernement n'annonce pas au moins une mesure par jour, cela signifie qu'il ne fait rie n. Il faut prendre en compte la globalité de la mesure et cela nécessite beaucoup de temps. Comme nous le disions avec le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers, mettre en place ce type de dispositif implique de la formation et de l'information.
Nous faisons parfois face à des blocages beaucoup plus culturels que techniques. Lorsque j'évoque les chauffe-eau solaires, on me dit : "Oui, mais il n'y a pas de soleil dans certaines parties de France". Pourtant, la région de France où est installé le plus grand nombre de chauffe-eau solaires est l'Alsace. Elle produit du bon vin, elle est donc forcément ensoleillée mais tout de même, d'autres régions françaises ont le même ensoleillement annuel. Le premier département français doit être la Réunion en matière de chauffe-eau solaires car ils ont fait des efforts. Pourtant, si cela a fonctionné en Alsace, c'est simplement parce que cette région et ses départements ont réellement appliqué une politique de promotion.
Dans la stratégie nationale du développement durable, il existe évidemment d'autres sujets, d'autres actions à l'échelle de l'État. Nous avons notamment la très importante question de la commande publique, les marchés publics. Durant les mois et années précédents, nous avons fait évoluer le Code des marchés publics qui intègre cette donnée environnementale. Ce n'était pas le cas, car le moins-disant était toujours le critère principal. Je vous assure qu'aujourd'hui, dans une Commission d'appel d'offres, il est encore très compliqué d'expliquer aux représentants de la Concurrence et des Prix que le choix se fait en fonction de critères environnementaux, qui ont pourtant été mis dans le marché public, plutôt que sur le seul critère du prix. C'est pourquoi de nombreux maîtres d'ouvrage, des maires, ne veulent pas affronter cette donnée et préfèrent aller au moins-disant.
J'ai un autre exemple. Puisque le thème est le pragmatisme, il faut citer des exemples précis. Dans ma ville, j'ai maintenant investi dans des bus au GNV, le gaz naturel véhicule. C'est un gaz qui n'est pas totalement propre mais, malgré tout, il l'est nettement plus que le pétrole ou le diesel. Le GNV nécessite une énorme station de livraison du gaz, cela ne peut pas se faire de façon ponctuelle. A Bourges, nous avons maintenant la chance d'avoir investi dans une station considérable, en liaison avec Gaz de France. Dans la ville, nous pouvons donc avoir des véhicules individuels ou de livraison, fonctionnant au GNV. J'ai alors demandé à mes services d'inclure aux appels d'offres la demande de proposition pour des véhicules GNV de type Kangoo qui existent aujourd'hui. Les réponses n'ont jamais comporté de propositions de véhicules au GNV. Cela prouve qu'il faut être vraiment motivé pour faire de l'écologie et de l'environnement.
J'étais avant-hier avec le président de Peugeot-Citroën pour lancer la "Stop and start". Je vous propose d'ailleurs de l'essayer, car c'est tout à fait spectaculaire de voir le confort de cette voiture et l'apport dû à ce dispositif. Je lui expliquais l'absence de propositions de véhicules au GNV, et il m'a répondu que c'était dû aux délais de livraison, car nos délais pour des véhicules GNV étaient identiques aux autres types de véhicules, c'est-à-dire que nous mettons environ neuf mois dans les services municipaux pour faire l'appel d'offres, bien que les budgets aient été votés largement en temps voulu, et nous demandons aux concessionnaires de livrer les voitures en quinze jours. C'est éventuellement faisable pour des véhicules habituels, mais le GNV nécessite plus de temps. C'est pourquoi personne ne répond aux appels d'offres sur ces véhicules : les délais sont beaucoup trop courts.
Si nous voulions ne pas faire d'écologie, nous ne ferions pas mieux. Je n'en suis plus le maire, mais j'ai aussitôt indiqué aux services municipaux de la ville de Bourges qu'il fallait changer les appels d'offres. Les véhicules existent effectivement, mais nous bloquons sur des questions de détail. Comme je suis un peu sensibilisé à ces questions, j'ai interrogé mes services municipaux qui m'ont dit : "Que voulez-vous que nous fassions ? Ils ne répondent pas", sans évidemment donner la vraie raison. Cela prouve que, dans toute chose, il ne faut jamais lâcher, et nous revenons au pragmatisme. Il faut toujours aller au bout de la raison, trouver le réel motif. Ce n'est pas toujours très facile, mais pour nombre d'entre vous qui êtes chefs d'entreprise, ou cadres, vous savez ce qu'il en est.
Donc, la commande publique peut aussi être un levier important. D'autres sujets peuvent sensibiliser à la question environnementale, notamment l'éducation à l'environnement. Je suis comme vous convaincu que tout passe par les enfants, les jeunes. Nous avons là de vrais motifs d'espoir, car la sensibilisation est progressive et très forte chez les jeunes. Le week-end dernier, j'étais dans les hautes montagnes du côté d'Avoriaz, au milieu de jeunes d'un parti politique français et, de vous à moi, ce n'est pas forcément le parti qui est le plus concerné par les questions d'écologie Ils ne sont d'ailleurs pas nombreux en France à gauche comme à droite. J'étais très surpris car les jeunes venaient très spontanément vers moi en me disant : "Il faut que vous teniez, il faut réussir car nous en avons besoin." Je ne suis pas certain que des adultes m'aient dit la même chose. Nous devons donc poursuivre cette sensibilisation des jeunes.
Un autre motif d'espoir, et je m'adresse à toutes les femmes présentes, est que les femmes sont beaucoup plus sensibles à l'environnement. J'écoutais Ferrat ce matin sur France Inter, "La femme est l'avenir de l'homme", nous avons donc là quelque espoir. Toutes les analyses le montrent : vous êtes, mesdames, beaucoup plus sensibilisées que nous à ces questions.
Concernant l'environnement et l'école, durant la dernière année scolaire, nous avons expérimenté l'éducation à l'environnement dans dix académies. Lors de cette rentrée scolaire, nous venons de la généraliser à l'ensemble du territoire français, à la fois dans le primaire, les collèges et les lycées. C'est un sujet t très important. J'ai pu constater en allant voir des expérimentations que l'Éducation nationale a formidablement bien joué le jeu. Le monde enseignant concerné par ces questions s'est formidablement motivé. Il faut le souligner, car ce n'est pas toujours le cas sur des réformes.
Ces quelques exemples permettent de regarder les choses par le petit bout de la lorgnette, car c'est important de voir les difficultés que nous pouvons rencontrer. Nous devons aussi prendre du recul et mettre en place des outils qui favorisent l'environnement et, comme nous sommes en développement durable, des outils qui favorisent l'environnement dans une économie naturellement de développement économique, donc ouverte. Je souhaite appliquer des dispositifs incitatifs, plus incitatifs que des outils d'interdiction, car l'interdiction ou la normalisation forcée coûtent très cher à l'économie. En passant par l'incitation, dont je vais vous donner des exemples, nous pouvons arriver à ce que les choses coûtent moins cher à l'économie, tout en atteignant les objectifs.
(Source http://www.comite21.org, le 8 octobre 2004)
(Partie 2)
Je rappelle que le développement durable, c'est le développement économique. Il s'agit donc d'une économie ouverte puisque, aujourd'hui -sauf quelques personnes à la marge, même si je respecte complètement ce qu'elles défendent-, nous ne pouvons pas envisager de revenir à des économies fermées car elles se paupérisent et déclinent progressivement. Nous l'avons constaté dans le passé.
Puis, et c'est peut-être l'essentiel en matière d'écologie, nous ne défendons et ne pouvons défendre l'écologie qu'en économie ouverte. Il suffit de regarder ce qui s'est passé en terme d'environnement derrière le rideau de fer dans les économies fermées, la pire détérioration de l'environnement Souvenez-vous de Tchernobyl Ce que nous découvrons aujourd'hui dans les pays de l'Est en matière de pollution est absolument catastrophique, simplement parce que, sans contre-pouvoir, tout est possible. L'écologie ne peut donc se concevoir que dans une économie ouverte.
Cela pose aussi la question de la mondialisation et ce grand sujet des délocalisations. Parler de délocalisations ne date pas d'aujourd'hui. Le président rappelait mon passé politique, car je commence à en avoir un Lors de ma première campagne électorale en 1978, une campagne législative, j'avais à peine vingt-cinq ans et il était déjà question de délocalisation. Ne disons donc pas que c'est un thème d'aujourd'hui, cela l'a toujours été. J'ai fait un rapport au Sénat après de multiples auditions sur cette question qui me paraissait très importante, celle de la mondialisation et l'environnement. Votre président le rappelait précédemment, le titre de mon rapport est : "Mondialisation : une chance pour l'environnement ?" Cela avait évidemment un caractère un peu provocateur.
J'en ai tiré deux enseignements :
- Le premier est que l'on ne délocalise pas pour des raisons d'environnement. Il est faux de dire que l'augmentation des normes environnementales dans un pays aura pour conséquence la délocalisation des entreprises. Ce n'est pas vrai. J'ai auditionné un très grand nombre de personnes, nous avons étudié les choses très précisément. La différence de normes environnementales plus sévères dans un pays plutôt que dans un autre est, non pas marginale, mais peu importante par rapport à d'autres facteurs. Les deux facteurs essentiels de délocalisation sont évidemment les normes sociales avec les problèmes de coûts salariaux, et la proximité du marché, c'est-à-dire qu'une entreprise se délocalise pour se rapprocher d'un marché.
En début de semaine, j'étais à un déjeuner avec l'industrie cimentière où il était question, je vous en parlerai, des quotas d'émissions des gaz à effet de serre. On me disait : "Si vous êtes trop durs, nous allons délocaliser !" Le ciment est un produit pondéreux Parce qu'une norme environnementale en France est un peu plus élevée, nous n'allons quand même pas faire du ciment en Turquie pour le rapporter sur des bateaux ! Le coût du transport par rapport au produit serait beaucoup trop important, il ne s'agit pas de diamants ! N'utilisons pas d'arguments généraux qui ne correspondent pas directement à certains secteurs économiques. On ne délocalise pas pour des raisons environnementales.
- Le deuxième enseignement est peut-être le plus important. Lorsque, à l'échelle de l'Europe, un pays décide d'augmenter, de durcir ses normes environnementales, nous constatons alors que, par le biais de l'interconnexion des grandes entreprises multinationales, ces normes plus respectueuses de l'environnement sont progressivement appliquées dans d'autres pays du monde où elles ne sont même pas obligatoires. Nous pouvons donc par ce biais progresser en matière d'environnement dans des pays émergents comme l'Inde ou la Chine.
Dans les grands groupes internationaux, on gère d'abord des hommes et, pour progresser en matière environnementale, et je le disais concernant les artisans, il faut une vraie formation, une sensibilisation. Cela se fait de façon globale avec les hommes. Nous ne dirions pas à un cadre qui aujourd'hui est en France, demain en Turquie, après-demain au Mexique, qu'il ne devra pas faire d'environnement au Mexique alors qu'il en faisait ailleurs. Cette question se développe vraiment, par une irrigation progressive, pas totale, ni immédiate, mais très importante, d'où ma conviction qu'à l'échelle de l'Europe nous devons avancer en matière environnementale pour entraîner le reste du monde. Nous ne devons surtout pas nous dédouaner en disant que l'Europe n'agit pas parce que le reste du monde ne suit pas. Je reviendrai sur ce point en conclusion.
Au-delà des questions pratiques, il faut que nous recherchions des outils pour faire avancer l'environnement, des outils notamment économiques et fiscaux. Quelques exemples en matière d'outils économiques : la question du plan. Je ne sais pas si tout le monde connaît ce dispositif : il s'agit du plan national d'allocation des quotas d'émission des gaz à effet de serre. En effet, nous allons appliquer Kyoto à partir du 1er janvier 2005. Même si ce n'est pas obligatoire, l'Europe a décidé de l'appliquer. Nous mettons donc en place des quotas d'émission de gaz à effet de serre.
Nous aurions pu décider de normes. Je reviens au secteur que j'évoquais précédemment qui est l'essentiel de l'économie française : le ciment. Il faut d'ailleurs souligner que les premières entreprises cimentières au monde sont françaises, tout comme pour l'eau. Il faut le rappeler, car nos grandes entreprises françaises sont très critiquées. Pourtant, la Lyonnaise, l'ancienne entreprise Vivendi qui est Veolia Environnement, sont les premières au monde dans ce domaine. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Nous aurions pu, en matière d'allocation de quotas, déterminer que, pour 1 tonne de ciment, nous émettrons tant de gaz à effet de serre, pas plus. Ainsi, dans une installation ancienne ou moderne, nous aurions obligé à la limitation des quotas. Pourtant, il est bien évident que, pour une installation ancienne, il coûterait beaucoup plus cher de réduire les émissions de gaz à effet de serre que dans une installation moderne. Cela aurait en l'occurrence coûté très cher d'obliger toutes les installations à réduire leurs émissions. Nous mettons alors en place un échange de quotas, et l'entreprise décidera de baisser ses émissions là où cela lui coûte le moins cher. Ainsi, nous aurons globalement atteint le même objectif et cela sera beaucoup plus économique pour l'entreprise et, en macroéconomie, pour le pays. Ce sont des outils économiques souples, obligatoires, mais beaucoup plus incitatifs que des normes contraignantes.
Puis, il nous faut travailler sur des outils fiscaux, assez neutres, et c'est un enjeu majeur pour moi l'année prochaine. Vous pourriez me dire que, dès qu'il est question de fiscalité, cela veut dire que les taxes vont augmenter pour finir à Bercy. C'est précisément ma hantise car, dans ce cas, cela se perdrait, on ne retrouverait jamais rien. Cela ne doit donc pas aller à Bercy. Nous allons dans quelques jours annoncer le budget. C'est une donnée importante car, dans notre pays, toute taxation supplémentaire est un risque, nous avons trop de taxes, trop de charges. Nous devons donc trouver des outils fiscaux qui ne soient pas des taxes supplémentaires mais, au contraire, qui aillent plus dans le sens d'une baisse de taxes, et en incitant les usagers, les consommateurs à utiliser des produits moins polluants.
Je suis très frappé par le fait que notre économie libérale aboutisse à ce que le comportement polluant coûte moins cher que le comportement propre. C'est une vraie difficulté, car acheter du bio coûte plus cher que d'autres produits. Nous devons trouver des solutions pour que le comportement propre ne soit pas seulement réservé aux catégories les plus favorisées. Il s'agit là d'un réel sujet et nous devons y parvenir dans notre système fiscal de taxation.
C'est l'enjeu du système de bonus-malus que j'ai proposé, qui a tant fait parler et dont nous abordons aujourd'hui une phase de concertation avec le Parlement. Quel que soit le dispositif, l'objectif est avant tout de faire en sorte que rouler dans une voiture propre ne coûte pas plus cher que dans une voiture polluante. Nous ne pouvons quand même pas demander à nos concitoyens d'être à la fois vertueux sur le plan environnemental et financier, alors que c'est beaucoup plus onéreux. Au sein de mon ministère, j'ai entamé une réflexion technique pour trouver des dispositifs qui, progressivement, amènent nos concitoyens vers des comportements plus vertueux. Je voulais faire un tour d'horizon, mais je ne suis pas certain d'avoir été très complet par rapport au sujet, pour ensuite aborder les questions.
La dernière question, et pas la moindre, avant que vous me la posiez, est de savoir si, finalement, tout cela sert à quelque chose, si seuls les Français et les Européens agissent. Nous songeons immédiatement aux États-Unis qui polluent allègrement, malgré les campagnes présidentielles qui devraient évoquer ces sujets, notamment et avant tout avec les gaz à effet de serre. Ils ont pris la décision, jusqu'à aujourd'hui, de ne pas ratifier Kyoto. Est-ce que nous ne nous pénalisons pas par rapport à d'autres pays en faisant cela ? Je vais vous donner ma conviction.
En Europe, nous avons 450 millions d'habitants, c'est considérable en matière de consommation. Nous avons une très grande partie de consommateurs de niveau élevé, et l'Europe de l'Est est progressivement intégrée dans le dispositif global. Nous ne retrouvons pas du tout ces schémas dans d'autres pays du monde, même dans les pays émergents. L'Inde, qui représente 1 milliard d'habitants, dont 50 millions de consommateurs de niveau occidental, correspond aujourd'hui en termes de consommation, pour des produits de type occidental à peine à la France. 450 millions de consommateurs, c'est donc tout à fait considérable.
A partir de ce constat, j'ai deux convictions :
- La première est que les entreprises qui veulent s'attaquer à ce marché devront, dans la plupart des cas, s'installer en Europe. Les entreprises américaines sont évidemment présentes en Europe et devront donc respecter les normes que nous mettrons en place pour respecter Kyoto, ce qui est déjà un atout absolument considérable.
- Le deuxième atout est qu'en appliquant des normes environnementales chez nous, avec un système incitatif sur le plan économique, comme les allocations de quotas dont je parlais, nous obligeons et orientons nos entreprises vers des nouvelles technologies d'avenir. Ainsi, nos entreprises européennes vont prendre un temps d'avance. Je suis convaincu que les entreprises américaines ne laisseront pas faire cela très longtemps, car elles ne peuvent pas prendre de retard sur une trop longue durée. Elles seront donc motivées pour mettre au point des technologies nouvelles vertueuses sur le plan environnemental. Cela se passe déjà : pour les automobiles, le président Bush a mis en place un budget de 1 milliard 400 millions de dollars pour développer l'hydrogène. Je vous assure qu'en Europe nous sommes très loin de ce montant de recherche. Cela prouve bien que les Américains ont conscience de l'enjeu à terme. Cela correspond simplement au fait que l'écologie est de toute façon source et facteur de progrès technologique.
Je vais conclure par ce dernier exemple : les biocarburants. Le Premier ministre a lancé avant-hier le plan "biocarburants" en France. Cela va nous faire changer d'échelle et donc sortir un peu de notre côté pionnier pour passer à une ère industrielle du biocarburant. C'est en ce sens que l'écologie peut être source de progrès, car le biocarburant, c'est plus d'environnement. Lorsque nous consommons 1 tonne de biocarburant plutôt qu'un carburant traditionnel, nous économisons 3 tonnes de gaz à effet de serre. C'est donc considérable.
Le biocarburant est bénéfique pour l'environnement et génère plus d'emplois. Il représente environ 6 000 emplois supplémentaires. Il est donc préférable qu'il soit chez nous plutôt qu'importé; C'est aussi plus d'indépendance énergétique, et c'est évidemment essentiel face aux problèmes du pétrole et des difficultés géostratégiques évoquées précédemment.
Aujourd'hui, la France a un aspect très particulier compte tenu de son histoire avec les véhicules diesel. Nous consommons 38 millions de tonnes de gasoil, produit final, sur lesquels nous importons 8 millions de tonnes. Il est évident que si nous produisons du biocarburant, si nous fabriquons 1 tonne de diester, cela équivaut à 1 tonne de gasoil qui ne sera pas importé. Nous retrouvons là le problème de l'indépendance énergétique.
J'espère vous avoir transmis que tout cela est source d'espoir au moment où nous sommes parfois trop tristes et autocritiques, il s'agit d'une démarche qui peut être positive pour l'avenir.
Je vous remercie de votre attention.
Éric GUILLON : Merci, Monsieur le Ministre, pour cet exposé tout à fait encourageant dans le domaine de l'écologie et du développement durable. Nous allons maintenant passer aux questions. Vous avez remarqué que nous sommes très nombreux, je suis convaincu que votre exposé va soulever de nombreuses questions.
Serge LEPELTIER : Les réponses seront donc courtes.
Éric GUILLON : En effet, vous donnez déjà la première réponse que nous attendions (rires). Je souhaite que les questions soient courtes, autant que faire se peut. Évitons les déclarations pour permettre au maximum de questions d'être posées à Monsieur LEPELTIER.
Nathalie FRONTREL, Journaliste : Vous avez évoqué le plan national d'allocations de gaz à effet de serre. Il semble que la Commission européenne vous ait renvoyé votre copie, disant que cela ne suffisait pas. Que faisons-nous maintenant ?
Serge LEPELTIER : Sans trahir de secret, j'étais dès le départ, absolument convaincu que le plan que nous avions proposé n'était pas suffisant au niveau du périmètre. Néanmoins, la position de la France, qui est gouvernementale, était rationnelle, car au départ nous avons interprété la directive de façon assez restrictive ; nous étions parfaitement cohérents avec elle quant à son périmètre d'application. Cela a abouti en France à ce qu'environ 700 installations soient concernées. A partir de là, la position de la France était évidemment tenable sur le plan juridique mais difficile sur le plan politique. Lorsque nous l'avons déposé, fin juin, j'ai eu en direct une longue discussion avec la Commissaire, au Conseil du Luxembourg. Je lui ai très clairement dit que je ne souhaitais pas de bataille juridique sur cette question et que nous tenterions d'avancer et d'aboutir ensemble. Nous nous sommes donc mis d'accord sur la forme que pourrait prendre cette question et nous allons maintenant travailler à un élargissement du domaine d'application. Au lieu de 700 installations, en travaillant avec une interprétation large de la directive comme l'ont fait les autres pays, nous parviendrons à environ 1 500. Que faisons nous maintenant ? Nous travaillons sur un élargissement du périmètre, que nous allons présenter dans les prochaines semaines à Bruxelles en accord avec eux. Il n'existe pas de conflit car, au fond, c'est la première fois que ce processus est mis en place et c'est évidemment très interactif avec la Commission européenne. Les relations avec Margot WALLSTRÖM sont très franches et cordiales.
Philippe D'ESTAINTOT, Conseiller municipal délégué au développement durable, Mairie de Rueil-Malmaison : La ville de Rueil-Malmaison est très engagée dans le développement durable suite à l'impulsion de Patrick OLLIER. Nous avons donc réalisé de nombreuses choses, notamment sur les flottes de véhicules, car nous avons effectivement installé une pompe de diester pour réduire considérablement les gaz à effet de serre. Comme vous l'avez dit les deux enjeux essentiels sont bien les changements climatiques et l'internationalisation due précisément à cette mondialisation de tous nos échanges.
J'ai juste une question concernant ces permis d'émissions de gaz à effet de serre. Sur ce sujet, les collectivités locales pourraient justement être dynamiques mais, malheureusement, elles ont des quotas beaucoup plus faibles que de nombreuses industries. Je voudrais simplement un point d'entrée chez vous, avec un service technique me permettant d'agir en tant que Ville de Rueil, pour faire en sorte que les collectivités travaillent sur cette capacité à pouvoir récupérer des permis de dégagement de gaz à effet de serre.
Serge LEPELTIER : C'est véritablement une très bonne question, car elle correspond complètement à mes préoccupations. Je voudrais d'ailleurs dire que je travaille aussi directement à l'Assemblée avec Patrick OLLIER, car c'est avec lui que nous allons mettre en place, dans les prochains jours, un groupe de travail sur toute cette question de la fiscalité écologique, et notamment la question de l'écologie et des transports afin de trouver un processus qui nous dirige réellement vers des véhicules propres.
Dans le plan climat que j'ai annoncé fin juillet, j'ai vraiment souhaité que soit prise en compte la question de la territorialisation des gaz à effet de serre. Je suis convaincu que nous avancerons dans ce domaine si nous faisons un peu comme en matière de la qualité de l'air, c'est-à-dire qu'au niveau d'une région, d'un département, d'une agglomération, d'une commune, nous connaissons nos émissions de gaz à effet de serre. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas motiver une population en lui parlant de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Par contre, si nous déterminons qu'une commune comme Rueil-Malmaison a, durant une année, émis tant de gaz à effet de serre et l'année suivant 5 ou 10 % de plus, cela prouvera à sa population qu'il faudra s'engager vers des actions.
Dans le plan climat, au-delà de l'obligation du plan national d'allocations de quotas, qui d'ailleurs, par le biais de l'élargissement des installations, va peut-être concerner certaines collectivités, il y a donc cette territorialisation. Vous pouvez ainsi faire un acte volontaire, car il s'agit de volontariat, en liaison avec l'ADEME. C'est elle qui peut vous accompagner et vous aider à mettre en place un dispositif de calcul, car les gaz à effet de serre ne se mesurent pas comme la pollution de l'air. Il faut les calculer à partir de vos industries existantes, du transport que vous utilisez en ville. Ainsi, la connaissance est bien la première source de l'action. Vous pouvez donc avoir cette volonté, et c'est l'ADEME qui va se mobiliser sur ces questions à la demande du ministère.
Alain LIEBARD, Président, Fondation Énergies pour le monde : Merci, monsieur le Président. Je suis président de l'Observatoire des énergies renouvelables. Monsieur le Ministre, ma question est extrêmement courte pensez-vous que la France pourra respecter en 2010 son engagement de produire 21 % de sa part de consommation en électricité d'origine renouvelable ?
Serge LEPELTIER : En tant que Ministre, si je vous disais non, vu les excellents journalistes présents dans la salle, notamment Nathalie FRONTREL, je prendrais un risque majeur. (Rires) Naturellement, oui. Nous nous donnons en tout cas les moyens de respecter cet engagement.
Cela n'est pas simple, ni facile. Je voudrais quand même rappeler quelques données : la France n'est pas aussi en retard qu'on le dit sur les énergies renouvelables. En effet, nous avons aujourd'hui 16 % d'énergies renouvelables par rapport à l'électricité que nous consommons. Je rappelle que, malgré tout ce qui est dit sur elle, l'Allemagne est largement en dessous de la France. Évidemment nous sommes avantagés car, dans le passé, nous avions une politique en hydraulique très importante grâce aux barrages. La première énergie renouvelable est quand même l'hydraulique, ce qui représente pour nous un avantage tout à fait considérable. Nous sommes donc aujourd'hui entre 15 et 16 %, plus près de 16 %, en énergies renouvelables et l'objectif est de 21 %.
Il est vrai que nous n'avons pas de marge de manuvre : les 5 % qui restent à construire sont des énergies hors hydraulique, car il n'y a plus de possibilités en matière d'hydraulique. Cela veut donc dire des énergies renouvelables comme l'éolien, le solaire... Sachez que nous nous donnons aujourd'hui les moyens d'atteindre cet objectif. La loi d'orientation sur les énergies, dont je parlais en liaison avec le plan climat que le gouvernement a adopté, doit nous permettre d'y parvenir, car les crédits d'impôts concernés ne sont pas négligeables.
Concernant les chauffe-eau solaires que j'ai évoqués, il s'agit bien d'un changement de comportement individuel. L'écologie a besoin de vous tous, de nous tous dans nos comportements. Lorsque vous changez votre chauffe-eau, interrogez-vous car c'est un dispositif extrêmement simple. Au-delà de ce que cela peut représenter en termes d'économies d'énergie ou d'énergies renouvelables, cela sensibilise l'ensemble de la chaîne, notamment les artisans, sur le fait que la population est maintenant beaucoup plus réceptive à tout cela. Aujourd'hui, nous nous donnons vraiment ces moyens. Je ne peux pas vous garantir que nous réussirons, mais nous ferons tout pour y parvenir.
Robert LION, Président, Agrisud International : Monsieur le Ministre, à propos des chauffe-eau et de la difficulté que vous avez rencontrée à Bourges, je voudrais, car je suis vieux, rappeler un vieux souvenir
Serge LEPELTIER : Tous ceux qui ont des cheveux blancs ne sont pas forcément vieux !
(Rires)
Robert LION : J'évoque quand même une carrière lointaine : c'était dans les années 70. J'avais l'honneur d'être membre de l'Agence pour les économies d'énergie, ancêtre de l'ADEME. A l'époque, nous avions mis en place un important dispositif financier pour aider à la formation de milliers de spécialistes du chauffage dans le secteur des HLM dont je m'occupais. Cela représentait alors 700 spécialistes que nous avions formés, à la fois pour établir des diagnostics, et ensuite pour conduire des opérations de réhabilitation avec des professionnels à leurs côtés, à qui ils sous-traitaient, avec également un volet juridique car il fallait renégocier les contrats de chauffe.
Je ne suis pas certain que dire : "Changeons notre chauffe-eau pour un chauffe-eau solaire" suffise. Il existe des blocages, mais peut-être aussi que la conviction que c'est faisable n'est pas suffisamment passée dans le pays. On dit : "Il n'y a pas de soleil, donc je ne peux installer de chauffe-eau solaire". Le pragmatisme, si vous me le permettez, est certainement très bien mais il faut aussi des messages qui expliquent les enjeux et disent que c'est à portée de main.
Puis-je me permettre de faire une seconde remarque ? Elle est institutionnelle. Vous avez dit que, dans votre position de ministre, vous n'avez pas prononcé le mot, mais je me permets irrespectueusement de le faire, "de ministre vertical", vous êtes l'empêcheur de tourner en rond. Le développement durable est un thème suffisamment horizontal pour que celui qui en a la charge compte dans la hiérarchie de l'État, comme nous le voyons dans certains pays essentiellement d'Europe du Nord ou d'Amérique du Nord, en étant par exemple un vice-Premier ministre ayant une autorité non seulement dans le domaine de l'environnement, où vous êtes en principe responsable même si cela concerne bien d'autres de vos confrères, mais également dans l'ensemble des politiques de transport, de santé, d'énergies, etc., une position donc plus hiérarchique.
Il n'existe plus de secrétaire d'État au Développement durable, je m'en réjouis car cela ne devait pas se situer tout en bas de l'échelle ; nous avons un Ministre du développement durable. Pouvons-nous un jour espérer, mais bien entendu vous n'avez pas la réponse, Monsieur le Ministre, qu'il y ait un Vice-Premier Ministre, voire un Premier Ministre, pénétré par ces sujets, qui fasse passer le message de manière horizontale dans toute l'action gouvernementale ?
Serge LEPELTIER : (Rires) Ce n'est de toute façon pas dans notre culture d'avoir un vice-Premier ministre car cela ne serait pas simple entre les Ministres d'État, les Premiers ministres et les Vice-Premiers Ministres. Nous ne fonctionnons pas de cette façon, mais je comprends ce que vous voulez dire et vous avez tout à fait raison. Cette verticalité de notre organisation est une vraie difficulté dans notre pays. Le secrétariat d'État au Développement durable devait avoir cette fonction de transversalité, cela a vraiment été voulu par le Président de la République et le Premier Ministre. Comme vous le dites très bien, nous avons constaté que cela n'était pas suffisant au plan de la hiérarchie gouvernementale pour avoir du poids vis-à-vis des autres ministères.
Néanmoins, et c'est important, l'action de Tokia SAÏFI a d'abord inscrit l'action de développement durable dans le paysage, et dans les ministères nous avons aujourd'hui des réflexes qui n'existaient pas auparavant. Dans chaque ministère, à l'impulsion à l'époque de Roselyne BACHELOT et de Tokia SAÏFI, nous avons maintenant un haut fonctionnaire chargé de réfléchir à ces questions de développement durable. Je suis d'accord avec vous, cela n'est pas suffisant, mais nous l'inscrivons progressivement.
Nous avons déterminé qu'il s'agit d'abord d'une question structurelle, et au fond administrative. Ainsi, plutôt que de passer par ce qui peut sembler être une faiblesse dans la hiérarchie gouvernementale, nous avons fait le choix de créer, et nous sommes en train de le faire, une délégation interministérielle au Développement durable. Le Premier ministre a nommé Christian BRODHAG, pour assurer cette fonction ; c'est un des grands spécialistes de cette question.
Mon espoir aujourd'hui est que, par cette fonction structurelle, nous puissions progressivement irriguer l'administration. Néanmoins, comme vous je suis absolument convaincu que cela passe d'abord par la sensibilisation des hauts responsables politiques de notre pays. Ainsi, les biocarburants dans le plan climat représentent quand même l'économie de 7 millions de tonnes de CO2 : c'est environ 10 % du plan climat, ce qui est très important. C'est un sujet dont nous ne sortions pas depuis quelques années et dont nous avons fait l'annonce en début de semaine. Je ne peux que rappeler l'engagement extrêmement fort du président de la République qui, en quelque sorte, donne le "la" sur ces questions.
Quels qu'ils soient, sur tel ou tel sujet technique, pour progresser en matière d'environnement, les débats sont utiles. En tant que ministre, je n'occulterai jamais le débat, même sur des sujets très difficiles car, même si nous n'aboutissons pas, ce débat rend nécessaire et évident le besoin d'une solution. Si j'occultais le débat avant qu'il n'ait lieu, alors nous perdrions systématiquement.
(Source http://www.comite21.org, le 8 octobre 2004)
(Partie 3, suite et fin)
Hervé DOMENACH, Administrateur, UNCPIE : Monsieur le Ministre, je suis administrateur de l'UNCPIE, l'Union nationale pour les centres permanents d'initiatives pour l'environnement.
J'ai trouvé dans votre intervention un certain nombre de motifs très enthousiasmants pour l'action associative, mais je m'interroge, à partir du mot "pragmatique" qui figure dans le titre de votre intervention, sur l'articulation entre le monde associatif et l'action ministérielle que vous menez. Actuellement, les associations passent au statut d'entreprises associatives; avec un budget, des salariés et des choix d'actions à mener. Est-ce que ce passage au statut d'entreprises associatives dans l'économie ouverte que vous avez évoquée implique des mutations dans les relations avec votre ministère ? Tout à l'heure, vous avez présenté l'économie ouverte en l'opposant à l'économie fermée. Nous sommes dans une mutation de société où le positionnement associatif est très difficile à définir. À partir du moment où votre ministère ne nous donne pas de lignes claires, cela devient un peu angoissant pour nos associations de trouver le bon positionnement par rapport au thème que vous avez évoqué. Je vous remercie.
Serge LEPELTIER : Merci, c'est une réflexion que j'ai ouverte et que nous devons mener, celle de la place des associations dans notre domaine. J'aime bien votre formulation qui, d'ailleurs, pose question : associations ou entreprises associatives ? Aujourd'hui, je constate, il est vrai, que de nombreuses associations vivent à partir de mon ministère et qu'en son nom elles mènent un très grand nombre d'actions pour nous, du fait soit des subventions générales, soit des actions financées par mon ministère, car il ne faut pas oublier que ce ne sont pas des subventions sans retours.
Vous avez donc raison de le souligner, nous devons mener une réflexion sur le moyen terme, car une association ne peut pas chaque année se poser des questions. Nous mettons alors en place des conventions d'objectifs sur plusieurs années, mais c'est un sujet de grande préoccupation, compte tenu des contraintes budgétaires. Sachez, mais vous le savez, que ma volonté est d'intégrer les associations dans ma politique. Demain, j'ai encore une réunion avec un certain nombre d'associations, car je ne veux avancer qu'en relation avec les personnes directement concernées. Il sera question des parcs nationaux, et c'est d'abord la sensibilisation sur le terrain qui doit nous faire progresser, nous donner la ligne à suivre.
Éric GUILLON : Voilà une réponse qui intéresse particulièrement le Comité 21.
Léon-Christophe ETILE, Chargé de Mission RSE, les Amis de la Terre : Je souscris tout à fait à ce qui a été dit sur les associations. J'ai trois questions.
La première est que, dans votre discours, j'ai eu du mal à percevoir la notion d'ambition. Je me situe peut-être trop au niveau de l'homme de la rue, du monde associatif, de la ménagère de cinquante ans. La deuxième question concerne la notion de prix, d'incitation financière, etc. J'avoue que j'ai là aussi des difficultés à comprendre la démarche dans la mesure où le prix que nous payons doit intégrer l'idée de prix complet, c'est-à-dire les effets à long terme. Ainsi, ce que je ne paye pas quand j'achète un produit, je vais être obligé de le financer par les impôts. Cela me pose un souci, notamment quand nous sentons que les impôts diminuent : il reste donc de moins en moins d'argent à redistribuer.
Pour un produit que je vais acheter, que je ne vais pas payer cher, même s'il est écologiquement parfait, est-ce que cela signifie qu'en tant que contribuable, mon autre main devra aussi payer ? Nous sentons que la main invisible du marché disparaît quand même un peu.
Ma troisième question concerne l'idée de participation citoyenne. Nous l'avons aussi évoquée avec les associations. Dans votre discours, nous avons le sentiment que la notion de participation de la population a du mal à apparaître.
Serge LEPELTIER : Concernant l'ambition, je ne sais pas comment formuler, mais c'est une réelle ambition de vouloir lutter contre le changement climatique et de raisonner en termes d'écologie globale et pas seulement en écologie de proximité. Si nous réussissions ce que je disais dans mon propos, je peux vous assurer que nous aurions fait beaucoup.
Nous pourrions nous perdre dans des ambitions surréalistes. Aujourd'hui, il faut s'axer sur quelques objectifs, sans quoi trop d'ambition tue l'ambition. Ces trente dernières années, j'ai entendu des discours complètement utopiques sur les transports publics, le ferroutage. Tout peut être dit, mais il existe aujourd'hui certains sujets où l'on tue le débat, car les solutions ne sont pas applicables. Je ne suis évidemment pas contre les transports publics, ni le ferroutage, mais lorsque je vois les sommes d'argent parfois investies pour ne travailler qu'à la marge Nous devons nous poser la question de savoir où les investir, c'est ce qui est important.
Si nous parlons d'ambition, nous ne pouvons raisonner de la même façon dans tous les domaines. Nous l'avons fait parfois, notamment en matière de transport où nous voudrions raisonner à Paris comme à Bourges, mais cela n'a pas de sens. Ces ambitions ne sont en réalité pas applicables sur le terrain, et ce type de discours noie totalement le sujet.
Permettez-moi de dire que je suis pragmatique sur cette question. Je préfère mobiliser nos opinions publiques sur ce qui est faisable. J'évoquais le changement climatique et la santé et l'environnement, mais il existe bien d'autres sujets comme le patrimoine, la nature et le paysage, le patrimoine naturel, les parcs en particulier sur lesquels je travaille aujourd'hui, qui sont autant d'autres ambitions, mais il faut bien ramener aussi à des choses simples
Concernant l'incitation financière, je me suis peut-être mal expliqué ou bien j'ai mal compris votre question. Il ne faut pas mélanger tous les outils que nous utilisons. Lorsque j'évoque l'incitation financière, elle est évidemment environnementale. Je souhaite que les produits polluants soient plus taxés que les moins polluants. Aujourd'hui, dans notre pays, par exemple des lessives sont très polluantes alors que d'autres ne le sont quasiment pas. Or, le taux de TVA est le même, c'est donc neutre, et la lessive la plus polluante est évidemment moins chère que l'autre. C'est un vrai problème. Il faut faire entrer le coût "environnement" dans le coût du produit. Cependant, les charges, je le dis très clairement, les taxations sont trop importantes actuellement dans notre pays. Il faut absolument que nous trouvions des incitations qui soient neutres, c'est-à-dire qui chargent le produit polluant et déchargent le moins polluant. Je mets de côté toute la question de la fiscalité globale sur le revenu, il s'agit de redistribution avec, avant tout, un objectif social et parfois économique.
Votre troisième question concerne la participation citoyenne. C'est une vraie question pour notre pays, notamment en matière d'écologie. Hier, j'ai mis en place une Commission consultative sur les enquêtes publiques. Je constate sur le terrain que la procédure des enquêtes publiques est contraignante, vécue comme telle et non pas comme l'opportunité de faire participer la population et nos citoyens à l'élaboration d'un projet. Il faut donc absolument que nous fassions participer nos concitoyens à l'élaboration de certains projets.
C'est un chantier considérable. Je veux le tenir dans un délai assez court, sinon nous nous perdrons dans de grands débats sans avancer. Sur le plan local, dans nos villes, lors de l'élaboration de certains projets, nous ne rencontrons que 15 à 20 personnes, celles qui sont présentes partout et se disent représentatives de la population, beaucoup plus que les élus. Elles ne sont pourtant jamais allées devant les électeurs. Je me fais l'avocat du diable, mais c'est parfois nécessaire sur des sujets aussi importants. Ces gens se disent détenteurs de l'intérêt général, alors même que, sur tous les sujets, la population n'est pas concernée et n'a pas été consultée. C'est une question de démocratie. Sur des sujets très importants, nous ne pouvons pas toujours avoir les mêmes interlocuteurs, qui ne sont parfois représentatifs que d'eux-mêmes. Je n'évoque naturellement pas les associations nationales, mais les locales.
Vous évoquiez la participation citoyenne. Lors de réunions comme nous en avons de nombreuses en France, telles que les comités et réunions de quartiers, quand on est maire comme je l'étais il y a quelques mois, je faisais de la concertation et j'ai constaté que, si lors d'une réunion publique, personne n'était présent, cela signifiait que le projet était bon. Par contre, si la salle était pleine, cela prouvait le contraire : les gens ne viennent qu'en opposition. Il s'agit d'une question fondamentale pour notre démocratie.
Nous devons absolument trouver des solutions, et j'ai donc engagé une réflexion. J'ai dit hier en ouvrant la Commission que je souhaite dans six mois obtenir des propositions extrêmement concrètes pour que, d'ici un an, ce droit des enquêtes publiques soit réformé. Nous réalisons ce travail avec le Président MANSILLON, qui est le Président de la Commission Nationale du Débat Public, avec l'ensemble des associations concernées. Votre question est fondamentale : nous devons progresser sur ce sujet. Il faut faire en sorte que les élus, comme les représentants d'associations, nous ne nous considérions pas aujourd'hui comme détenteurs de la vérité. La population, nos concitoyens doivent vraiment participer.
Dominique MARTIN-FERRARI, Journaliste : J''enchaîne sur la question précédente. Il faut effectivement que la participation aussi débouche sur un respect des décisions. Ce n'est souvent malheureusement pas le cas. C'est pourquoi nombre de nos concitoyens sont découragés de ces participations qui ne sont que des symboles de débats. Avez-vous l'intention, ou comment envisagez-vous de reprendre le débat sur les OGM, qui est en train de légitimement se dégrader faute d'informations, de transparence ou de respect de certaines règles du jeu qui avaient été adoptées ?
Mardi, vous avez participé au lancement de France Écologie et j'aurais donc aimé que vous nous disiez deux mots de cette initiative, cette nouvelle association, vers un nouveau parti. Merci.
Serge LEPELTIER : Pour revenir sur le respect des décisions, nous avons d'abord un véritable problème de procédure. Aujourd'hui, lorsque nous lançons une enquête publique, la population est complètement décontenancée. Une enquête publique ne permet pas de modifier un projet, c'est même impossible, car elle concerne un projet bouclé. Pour modifier un projet après une concertation, il faudrait repartir de zéro.
Cela pose une difficulté. C'est pourquoi je disais que la procédure est vécue comme une contrainte et non comme une opportunité de concertation. Il faut que nous mettions en place de façon législative ou juridique, réglementaire, une procédure qui permette à une concertation d'aboutir à une évolution des projets en première phase, puis évidemment à un bouclage. C'est pourquoi nous arrivons à des situations que la population ne comprend pas puisque, comme il faut une concertation, nous la faisons parfois pendant six mois durant lesquels nous discutons réellement des projets pour les faire évoluer. Ensuite, nous recommençons tout pour respecter la loi sur les enquêtes publiques. Les gens disent alors que nous les réinvitons à ces réunions pour leur répéter les mêmes choses. Vous voyez dans quelle contradiction nous sommes, et je vous assure qu'en tant que responsable de collectivité locale, cela n'est pas simple.
Vous avez évoqué le respect des décisions. Il ne faut pas que le politique démissionne. La concertation n'est pas la démission, c'est l'écoute. Mais il ne s'agit pas non plus d'adopter systématiquement la volonté des autres ; la concertation, c'est l'échange. Un élu a une responsabilité, il est représentatif de l'ensemble de la population. C'est donc à lui de décider. Une concertation n'a pas pour objectif de prendre pour "pain béni" les projets d'une association ou d'une dizaine de personnes, ce qui est trop souvent le cas. Elle doit permettre d'écouter, de prendre conscience et de faire évoluer un projet. À l'échelle locale, nous constatons trop souvent que les gens viennent se plaindre de ne pas avoir été écoutés, et que les décisions sont prises a priori, ce qui à juste titre hérisse les élus locaux.
Ce n'est pas toujours vrai : des changements peuvent se produire mais nous n'allons pas forcément complètement dans le sens de ce que l'on nous dit. Dans ce domaine aussi, il faut de la pédagogie, pour savoir ce dont nous parlons lorsqu'il est question de réflexion, de concertation. Cela ne se résume pas à adopter la décision de l'autre. Je suis vraiment un militant du politique au sens responsabilité du politique. Il est représentatif de plus de 50 % de la population, ce qui signifie quelque chose dans notre pays. Ces échanges doivent avoir lieu, mais la responsabilité du politique est majeure.
Concernant les OGM, j'ai là aussi entamé une réflexion au-delà du débat en cours, et vous imaginez bien que je suis tout à fait en phase avec ce qu'à dit le garde des Sceaux, sur le respect des textes et de la réglementation. Je souhaite dans notre pays un débat pédagogique. Nous devons discuter de ce sujet, mais il faut parallèlement que la réglementation soit respectée. En France, le problème est aussi qu'en termes de démocratie, nous considérons trop souvent pouvoir déroger aux règles sans conséquences. Je mène donc une réflexion sur ce thème, en relation avec le président de la Commission nationale du débat public pour définir la façon d'aborder cette question dans un grand débat, mais ce n'est pas simple.
Nous ne pouvons, de toute façon, pas en rester là. Ces échanges doivent avoir lieu et l'objectif doit être de dédramatiser, de pouvoir aborder cette question de façon rationnelle, en parlant recherche, commercialisation des produits, respect des filières non OGM, tout ce que cela implique, mais aussi en termes d'objectifs. Des OGM ont des objectifs positifs, d'autres seulement mercantiles. Tout doit être abordé, et nous devons en discuter avec la population française. Je suis très demandeur en ce sens. Il ne faut naturellement pas le faire n'importe comment. Cela fait partie de mes réflexions actuelles.
Concernant France Écologie, je ne vais évidemment pas devant vous faire de discours politique, ce ne serait pas le lieu. Je constate aujourd'hui, et je le disais en introduction, que la sensibilisation de la population est de plus en plus forte sur les questions écologiques et environnementales, et je m'en réjouis. Cependant, entre sensibilisation et passage à l'action, nos concitoyens sont un peu schizophrènes. Comme pour nous tous, après le discours et notre appréhension du sujet, il n'est pas facile de passer à l'acte. La sensibilisation peut néanmoins être à l'origine de l'action, c'est très important. Aujourd'hui, je constate qu'à droite comme à gauche il n'existe pas de déclinaison politique de cette sensibilisation grandissante de la population.
Actuellement, sur le plan politique, l'écologie est présente dans des partis, ou dans un parti qui existe depuis très longtemps et qui, sans que ce soit péjoratif, est né dans les années 70 sur des sujets qui ne sont plus les grands thèmes environnementaux d'aujourd'hui, comme le changement climatique. Il faut une déclinaison politique et je suis très attentif à une initiative comme celle de France Écologie. L'écologie n'est ni de droite ni de gauche, elle est transversale et doit dépasser les clivages politiques. Cela ne nous empêche pas d'avoir nos convictions politiques par ailleurs, je le disais précédemment en matière d'économie ouverte. Il faut qu'à droite et à gauche nous fassions vivre l'écologie.
Or, aujourd'hui, elle ne vit politiquement pas. C'est un problème, car en politique comme ailleurs, mais surtout en politique, le rapport de force compte pour faire avancer les dossiers. Voilà pourquoi j'ai vu de manière assez positive la création de France Écologie, avec un regroupement de personnes qui n'ont manifestement pas toutes les mêmes idées politiques, mais qui veulent avancer dans ce domaine. Les réflexions, les travaux seront nécessaires pour progresser car, en termes d'écologie, rien n'est simple. Nous sommes dans des sujets complexes, dont il faut totalement s'imprégner. Nous ne pouvons, au détour d'une formule médiatique, résoudre un problème écologique. La solution nécessite parfois des années de réflexion. Il est d'ailleurs possible que, dans les jours ou semaines à venir, je prenne une initiative à cet égard.
Alain CHOSSON, Secrétaire Général Adjoint, CLCV : Nous sommes une des associations qui a été partenaire du ministère. Je voudrais revenir sur la notion de prix. Nous partageons votre approche concernant la fiscalité écologique : le produit vertueux doit être le moins cher, dans le sens où vous l'avez indiqué. Cependant, ne pensez-vous pas qu'il faudrait aussi agir plus en amont sur les produits non vertueux, dont nous pouvons considérer qu'ils sont une forme de concurrence déloyale vis-à-vis des autres, et notamment sur la question d'autorisation de mise sur le marché au vu simplement du nombre de mesures prises a posteriori de retrait du marché de certains produits. Il faudrait peut-être mener une réflexion plus en amont avec les producteurs, les distributeurs et les consommateurs.
L'autre volet est le développement durable galvaudé. Nous sommes dans des systèmes où la notion de publicité de nature à induire en erreur a été définie dans les années 70. Or, les choses ont aussi beaucoup évolué. Il faudrait peut-être redéfinir les choses au regard des enjeux et des principes dont nous venons de parler.
Serge LEPELTIER : Sur ce plan, nous avons l'exemple des constructeurs automobiles qui, aujourd'hui, proposent une prime "écolo" de 500 euros. C'est une bonne annonce du bonus, ils ont anticipé. Une prime "écolo" de 500 euros, cela correspond exactement à ce que nous voulons faire.
Je suis totalement d'accord avec vous concernant les produits les plus polluants. Ce que je dis sur l'incitation plutôt que l'interdiction, naturellement, n'enlève pas la normalisation dans de nombreux domaines. Dans de nombreux cas, il faut effectivement passer par la norme. Avec les constructeurs automobiles, par exemple, nous travaillons aujourd'hui très clairement sur ce que nous appelons Euro 5. Les normes à l'horizon 2010 seront beaucoup plus contraignantes, interdisant certains produits, notamment en matière d'habitat, de pesticides, de produits toxiques. Tout ce que j'ai dit n'empêche pas, naturellement, l'interdiction de certains produits et la normalisation dans de nombreux domaines.
Éric GUILLON : Je prie ceux qui avaient d'autres questions de m'excuser, mais j'ose espérer, monsieur le Ministre, que vous nous ferez l'honneur et l'amitié de revenir nous voir.
Serge LEPELTIER : Pour battre le record !
Éric GUILLON : Pour battre le record, et nous préparerons cela avec Bercy, car il me semble que c'est là que nous devons maintenant nous situer.
Serge LEPELTIER : Vous pourriez prévoir un co-débat entre le ministre de l'Économie et des Finances et celui de l'Écologie pour faire progresser l'écologie avec vous. Je suis preneur.
(Applaudissements)
Éric GUILLON : Je vous remercie.
Je tiens à vous rappeler que le 29 septembre nous recevrons Dominique RIQUET, le Maire de Valenciennes, qui est une des villes de France qui a le mieux développé le concept de développement durable. Je vous incite à venir nombreux. C'est l'occasion de créer le challenge avec Monsieur LEPELTIER. Nous évoquerons la démarche Agenda 21 local. Rendez-vous donc le 29 septembre.
(Source http://www.comite21.org, le 8 octobre 2004)
Éric GUILLON, Président du Comité 21 : Bonjour à tous. Monsieur le Ministre je dois vous signaler que vous battez un record puisque, depuis dix ans que le Comité 21 invite régulièrement des personnalités clés du monde de l'environnement, qu'ils soient issus des pouvoirs publics, des collectivités territoriales, de l'industrie ou des associations. 190 personnes sont présentes et ce sont les conditions de sécurité qui nous ont obligés à nous limiter à ce nombre. Je tiens à remercier aussi mon ami François GOURDON et le Conseil d'Administration du Comité 21 de m'avoir donné cette chance inestimable de démarrer ma présidence du Comité 21, avec un parterre de cette qualité. Notre ministre de l'Écologie et du Développement durable va donc traiter du thème : "Pour une politique de développement durable pragmatique et ambitieuse". Nous sommes tous très attachés à ces deux qualificatifs lorsqu'il s'agit d'environnement, d'écologie et de développement durable.
Comme il est d'usage, et si vous me le permettez en quelques instants, je voudrais donner quelques éléments clés de votre cursus et de vos fonctions électives. Monsieur LEPELTIER est un jeune quinquagénaire, qui a commencé sa carrière dans le secteur privé. Il est diplômé de l'École des hautes études commerciales. A partir de 1998, il entre au Conseil municipal de Bourges et, très rapidement, va conquérir la plupart des mandats électifs territoriaux jusqu'à prendre le mandat national qui nous réunit ensemble ce matin. En 1989, il est conseiller municipal, de 1992 à 1994 conseiller régional, de 1993 à 1997 député RPR du Cher, de 1994 à 1995 conseiller général. Vous constatez que les périodes se recoupent pour la bonne raison que le cumul des mandats l'a obligé à en laisser quelques-uns à ses compères. En 1998, il est sénateur du Cher. Donc, depuis 1998 jusqu'au printemps de cette année, il était sénateur maire de Bourges.
Au-delà de ces mandats électifs, je ne sais pas comment vous trouvez le temps nécessaire, mais vous avez écrit un très joli ouvrage sur Jacques Cur.
Serge LEPELTIER : Entre deux mandats. Remarquez qu'entre député et sénateur, j'ai eu un an quand même. On nous a dissous à un moment donné (Rires)
Éric GUILLON : Néanmoins, le moins que l'on puisse dire est que les rebondissements sont rapides. Vous avez donc, en 1999, écrit un livre sur Jacques Cur, "l'Argentier du Roi". Écrire sur l'argentier quand on est Ministre de l'Écologie est intéressant à souligner. Vous avez récemment rédigé, au Sénat, deux rapports importants, "Comment réconcilier la France et la mondialisation" et "Mondialisation, une chance pour l'environnement ?"
Merci, monsieur le Ministre, d'être avec nous ce matin. Le sujet que vous allez traiter est à la fois vaste et complexe, mais absolument passionnant pour l'ensemble des personnes présentes. Comme nous devrons mettre un terme à ce débat à 10 heures, j'ai le plaisir de vous donner immédiatement la parole.
Exposé de Serge LEPELTIER
Merci, Monsieur le Président, de me recevoir aussi gentiment. Je suis très heureux qu'un record soit aujourd'hui battu, et comme ils sont faits pour l'être, vous allez devoir trouver la personne qui battra le suivant. D'après ce que vous dites, il faudra agrandir les locaux, ce qui pourrait poser des problèmes d'organisation. Sachez que je suis très, très sensible à votre si nombreuse présence. J'y vois un gage pour l'avenir concernant le thème en question. Le sujet d'aujourd'hui, sur lequel vous avez l'habitude de débattre, le développement durable, prend progressivement corps et je vous en dirai quelques mots.
Merci de me recevoir aujourd'hui, merci à votre équipe, à vos partenaires, et permettez-moi, Monsieur le Président, de vous féliciter de votre prise de fonction qui, comme vous le disiez, est récente. Je ne veux pas, comme vous venez de le faire, lire votre curriculum vitae, mais vos fonctions précédentes et ce que je connais de la réussite d'Éco-Emballages, témoignent de votre intérêt pour le sujet que nous évoquons aujourd'hui. C'est pour moi aussi l'occasion de remercier vos prédécesseurs pour leur implication, en particulier François GOURDON, qui d'après de ce que l'on me dit, mais à voir aujourd'hui c'est bien le cas, vous lègue un outil tout à fait performant, et aussi Serge ANTOINE, fondateur du Comité 21.
Vous le savez mieux que moi, mais il faut tout de même le noter : le Comité 21 fête ses dix ans. Il a été créé en 1994, sous l'impulsion de Michel BARNIER. Pour moi, cette impulsion est importante, car il a beaucoup inscrit dans notre pays. J'ai d'ailleurs le plaisir de voir face à moi Michèle PAPPALARDO, qui, à l'époque, devait avoir quelques responsabilités à ses côtés. On me disait tout à l'heure que Simone WEIL avait aussi contribué à la naissance du Comité 21. Il est vrai que, depuis, beaucoup de chemin a été parcouru. Je suis d'autant plus heureux d'être ici que mon ministère est, depuis le début, membre de droit à part entière de votre association. J'ai aussi vu avec plaisir que le ministère de l'Industrie, qui est aussi très concerné par ce sujet, fait partie de votre Comité depuis que Nicole FONTAINE l'a eu en charge. C'est évidemment très important, merci pour tout cela.
Le thème sur lequel nous allons aujourd'hui débattre, "Pour une politique de développement durable pragmatique et ambitieuse", est presque un sujet à la mode. Il faut d'ailleurs se méfier des modes. Je voudrais déjà que nous inversions les termes "pragmatique et ambitieuse", car il faut d'abord être ambitieux puis ensuite, pour mener à bien son ambition, il faut, comme dans toute chose, être pragmatique. J'ai donc plutôt tendance, si vous me le permettez, à inverser ces deux termes.
Ce sujet est tellement à la mode qu'actuellement on y met tout : ainsi tout est durable. Vous aurez peut-être remarqué qu'il n'existe plus un mot aujourd'hui qui ne soit pas suivi de "durable", sans que personne ne connaisse sa réelle signification, sauf, je l'espère, ceux qui l'emploient. C'est assez grave et préoccupant, car employer des termes que la population ne s'approprie pas réellement dans sa compréhension peut provoquer un hiatus entre les personnes qui l'emploient, les responsables et la population qui peut ne pas suivre, ou suivre dans le flou.
Qu'est-ce que le développement durable ? Il faut toujours le redéfinir pour que les uns et les autres sachions ce dont nous parlons. Ma définition du développement durable est le progrès dans la durée, un développement économique qui favorise le progrès social tout en préservant l'environnement dans le temps, donc nos ressources énergétiques et naturelles. Ce sont les trois piliers que nous évoquons toujours : le développement économique, le progrès social et l'environnement. Il faut voir comment tout cela s'harmonise. Il s'agit donc d'un développement économique qui favorise le progrès social tout en préservant l'environnement.
Quels sont, aujourd'hui, les grands enjeux environnementaux ? Depuis une trentaine d'années, ce qui est à peu près l'âge du ministère de l'Environnement en France, appelé aujourd'hui "ministère de l'Écologie", nous avons fait beaucoup d'écologie de proximité, c'est-à-dire que nous avons développé des politiques qui préservent l'écologie, donc les conséquences de nos actions, de notre comportement sur notre proximité, notre environnement proche. Il s'agit de la qualité de l'eau, des déchets, tout un processus qui nous concerne.
Nous avons agi sur l'écologie de proximité et il faudra faire encore plus dans de nombreux domaines, mais, progressivement, nous voyons bien un autre enjeu qui est l'écologie globale. L'écologie qui fait que, quand nous avons un mauvais comportement, cela induit non seulement des conséquences sur nous-mêmes mais aussi sur l'ensemble de la planète. Ainsi ce que nous faisons a des conséquences sur Pékin, et inversement.
Il existe là deux grands domaines :
- Le premier regroupe tout ce qui concerne le changement climatique, car la concentration des gaz à effet de serre se fait autour de la planète de façon absolument neutre, sans qu'il y ait un lieu précis au-dessus de la Terre (je rappelle que ce n'est pas du tout le problème de la couche d'ozone).
- Le second grand domaine est la biodiversité.
Par rapport à cette écologie de proximité, cette écologie globale, nous avons aujourd'hui deux grands enjeux que nous devons bien comprendre ; ils sont majeurs pour au moins les vingt à trente ans à venir, sinon plus :
- Le premier est donc le changement climatique. C'est aujourd'hui l'enjeu majeur qui ramène à l'écologie globale, avec le défi énergétique qui fait que nous devons absolument au moins amorcer la transition pour sortir de la société du "tout pétrole". Nous sommes actuellement totalement construits autour du pétrole. Or, cela pose nombre de problèmes tout à fait considérables : tout d'abord, des problèmes de pollution, car quand nous consommons du pétrole, nous émettons des gaz à effet de serre ; des problèmes économiques avec les fluctuations du cours du pétrole qui, à un moment donné, peuvent avoir des conséquences majeures sur les économies occidentales ; puis, évidemment, des problèmes géostratégiques majeurs, car les réserves de pétrole sont principalement concentrées dans une seule partie du monde. Nous en voyons aujourd'hui les conséquences avec ce qui se passe dans cette zone, notamment en Iraq. Le premier grand enjeu est donc le changement climatique avec le défi énergétique. Cela nous ramène à toutes les énergies renouvelables, les économies d'énergie, les nouvelles énergies.
- Le deuxième grand enjeu est la question de la santé et l'environnement. Nous sommes au début de la connaissance de ces questions. Cela concerne tout ce qui est qualité de l'eau, produits chimiques, pesticides, phytosanitaires, ce que nous avons utilisé dans le passé sans trop nous en préoccuper, car cela avait à court terme des conséquences très positives, mais surtout les phénomènes de pollutions diffuses.
Nous savons aujourd'hui à peu près gérer les pollutions fortes, élevées, à un endroit précis. L'industrie a fait des efforts considérables dans ce domaine et nous progressons. Cependant, nous ne maîtrisons pas les pollutions diffuses, c'est-à-dire le fait que nous intégrions dans la nature, et la nature humaine en particulier, des produits à très faibles doses, qui s'accumulent dans le temps et dont nous ne connaissons pas aujourd'hui les conséquences. Nous commençons tout de même à comprendre qu'elles pourraient être très importantes.
Je voulais définir ces deux enjeux en introduction pour que nous soyons sur la même longueur d'onde concernant le développement durable. Au départ de l'ambition se déterminent donc ces deux grands enjeux et, comme dans toute action, il faut être pragmatique. Si nous sommes trop dans la théorie, nous reculons, et si nous ne sommes pas réellement dans l'action, nous perdons alors énormément de temps et d'applications. Il faut donc être profondément pragmatique.
Il est vrai que le diagnostic sur ce développement durable, je le faisais très rapidement, est clair et partagé par tous : les symptômes sont visibles. Le gouvernement, les administrations, l'État jouent leur rôle dans ce domaine, et la stratégie nationale du développement durable décidée en France constitue en quelque sorte sa feuille de route. Un premier bilan est cours.
Cette stratégie que nous appelons "stratégie nationale du développement durable" n'est pas un aboutissement. Bien au contraire, elle doit être un commencement. Sachez qu'elle comporte un très grand nombre d'actions : nous avons en effet défini 180 objectifs. C'est d'ailleurs peut-être trop, car cela amène une confusion alors que tout doit être lisible, mais c'est aussi l'occasion pour nous de revenir à l'essentiel. Derrière ces 180 objectifs, 600 actions ont été définies par l'État pour avancer. Le Président me le disait tout à l'heure et à un certain nombre de personnes, en particulier à Robert LION, ce n'est finalement pas simple : la fin du printemps sur certaines propositions que j'ai faites Nous voyons combien c'est difficile et que le chantier est extrêmement vaste.
Le développement durable est compliqué parce qu'il est, par nature, interministériel. Je dis souvent que je suis un peu "l'empêcheur de tourner en rond", car je ne peux rien faire tout seul. Je dois toujours travailler avec un autre département ministériel, que ce soit l'Industrie, les Transports, l'Agriculture, mais aussi parce que la conjoncture économique et surtout budgétaire ne nous est pas tout à fait favorable. Nous pouvons malgré tout utiliser avec pragmatisme un certain nombre d'actions. Je vais vous en citer quelques-unes en prenant volontairement le petit bout de la lorgnette pour vous montrer comment les choses se construisent. Il faut utiliser ces petites actions de levier pour obtenir un effet démultiplicateur autour de soi et engager les changements.
Pour me faire comprendre, je vais commencer avec un exemple simple et très concret. Dans la loi d'orientation sur l'énergie que nous avons élaborée, nous avons adopté ce que nous appelons un "crédit d'impôt" pour favoriser les énergies renouvelables. Il sera de 40 %, ce qui est loin d'être négligeable et rend à peu près compétitives de nombreuses énergies renouvelables. Dans ma ville, à Bourges, où j'ai mis en place un contrat environnemental avec les Berruyers, avant ce crédit d'impôt, j'avais élaboré une prime pour favoriser notamment l'achat de chauffe-eau solaires. J'ai alors constaté qu'aucun plombier n'en installait. Vous pouvez établir un dispositif très performant, avec de l'argent, des crédits d'impôts, des subventions ou des primes, si vous n'avez pas d'artisans, des plombiers qui les installent ou si, pour l'achat d'un chauffe-eau solaire, un plombier vous annonce des prix quatre à cinq fois plus élevés qu'un chauffe-eau normal, il est évident que ce sera un échec.
Nous devons être pragmatiques, c'est là que je réponds au thème de votre petit-déjeuner. Il faut mettre en place des crédits d'impôt. Il est nécessaire aussi de mener une action générale et parallèle en direction de ceux qui sont, en quelque sorte, les prescripteurs, car vous savez que l'installation d'un nouveau matériel se fait souvent sur proposition du professionnel. La semaine dernière, je recevais le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers. Nous avons décidé de mettre en place, par des échanges, une formation dans certains corps de métiers, orientée vers ce que nous appelons les "énergies renouvelables" ou le "développement durable".
Vous voyez que, lorsque nous la prenons par le petit bout, une question devient très vite globale et implique des enjeux très importants. Cela nécessite du temps, car il ne s'agit pas seulement comme le voudraient parfois les médias, de faire un effet d'annonce avec une mesure. Vous avez remarqué que si le Gouvernement n'annonce pas au moins une mesure par jour, cela signifie qu'il ne fait rie n. Il faut prendre en compte la globalité de la mesure et cela nécessite beaucoup de temps. Comme nous le disions avec le président de l'Assemblée permanente des chambres de métiers, mettre en place ce type de dispositif implique de la formation et de l'information.
Nous faisons parfois face à des blocages beaucoup plus culturels que techniques. Lorsque j'évoque les chauffe-eau solaires, on me dit : "Oui, mais il n'y a pas de soleil dans certaines parties de France". Pourtant, la région de France où est installé le plus grand nombre de chauffe-eau solaires est l'Alsace. Elle produit du bon vin, elle est donc forcément ensoleillée mais tout de même, d'autres régions françaises ont le même ensoleillement annuel. Le premier département français doit être la Réunion en matière de chauffe-eau solaires car ils ont fait des efforts. Pourtant, si cela a fonctionné en Alsace, c'est simplement parce que cette région et ses départements ont réellement appliqué une politique de promotion.
Dans la stratégie nationale du développement durable, il existe évidemment d'autres sujets, d'autres actions à l'échelle de l'État. Nous avons notamment la très importante question de la commande publique, les marchés publics. Durant les mois et années précédents, nous avons fait évoluer le Code des marchés publics qui intègre cette donnée environnementale. Ce n'était pas le cas, car le moins-disant était toujours le critère principal. Je vous assure qu'aujourd'hui, dans une Commission d'appel d'offres, il est encore très compliqué d'expliquer aux représentants de la Concurrence et des Prix que le choix se fait en fonction de critères environnementaux, qui ont pourtant été mis dans le marché public, plutôt que sur le seul critère du prix. C'est pourquoi de nombreux maîtres d'ouvrage, des maires, ne veulent pas affronter cette donnée et préfèrent aller au moins-disant.
J'ai un autre exemple. Puisque le thème est le pragmatisme, il faut citer des exemples précis. Dans ma ville, j'ai maintenant investi dans des bus au GNV, le gaz naturel véhicule. C'est un gaz qui n'est pas totalement propre mais, malgré tout, il l'est nettement plus que le pétrole ou le diesel. Le GNV nécessite une énorme station de livraison du gaz, cela ne peut pas se faire de façon ponctuelle. A Bourges, nous avons maintenant la chance d'avoir investi dans une station considérable, en liaison avec Gaz de France. Dans la ville, nous pouvons donc avoir des véhicules individuels ou de livraison, fonctionnant au GNV. J'ai alors demandé à mes services d'inclure aux appels d'offres la demande de proposition pour des véhicules GNV de type Kangoo qui existent aujourd'hui. Les réponses n'ont jamais comporté de propositions de véhicules au GNV. Cela prouve qu'il faut être vraiment motivé pour faire de l'écologie et de l'environnement.
J'étais avant-hier avec le président de Peugeot-Citroën pour lancer la "Stop and start". Je vous propose d'ailleurs de l'essayer, car c'est tout à fait spectaculaire de voir le confort de cette voiture et l'apport dû à ce dispositif. Je lui expliquais l'absence de propositions de véhicules au GNV, et il m'a répondu que c'était dû aux délais de livraison, car nos délais pour des véhicules GNV étaient identiques aux autres types de véhicules, c'est-à-dire que nous mettons environ neuf mois dans les services municipaux pour faire l'appel d'offres, bien que les budgets aient été votés largement en temps voulu, et nous demandons aux concessionnaires de livrer les voitures en quinze jours. C'est éventuellement faisable pour des véhicules habituels, mais le GNV nécessite plus de temps. C'est pourquoi personne ne répond aux appels d'offres sur ces véhicules : les délais sont beaucoup trop courts.
Si nous voulions ne pas faire d'écologie, nous ne ferions pas mieux. Je n'en suis plus le maire, mais j'ai aussitôt indiqué aux services municipaux de la ville de Bourges qu'il fallait changer les appels d'offres. Les véhicules existent effectivement, mais nous bloquons sur des questions de détail. Comme je suis un peu sensibilisé à ces questions, j'ai interrogé mes services municipaux qui m'ont dit : "Que voulez-vous que nous fassions ? Ils ne répondent pas", sans évidemment donner la vraie raison. Cela prouve que, dans toute chose, il ne faut jamais lâcher, et nous revenons au pragmatisme. Il faut toujours aller au bout de la raison, trouver le réel motif. Ce n'est pas toujours très facile, mais pour nombre d'entre vous qui êtes chefs d'entreprise, ou cadres, vous savez ce qu'il en est.
Donc, la commande publique peut aussi être un levier important. D'autres sujets peuvent sensibiliser à la question environnementale, notamment l'éducation à l'environnement. Je suis comme vous convaincu que tout passe par les enfants, les jeunes. Nous avons là de vrais motifs d'espoir, car la sensibilisation est progressive et très forte chez les jeunes. Le week-end dernier, j'étais dans les hautes montagnes du côté d'Avoriaz, au milieu de jeunes d'un parti politique français et, de vous à moi, ce n'est pas forcément le parti qui est le plus concerné par les questions d'écologie Ils ne sont d'ailleurs pas nombreux en France à gauche comme à droite. J'étais très surpris car les jeunes venaient très spontanément vers moi en me disant : "Il faut que vous teniez, il faut réussir car nous en avons besoin." Je ne suis pas certain que des adultes m'aient dit la même chose. Nous devons donc poursuivre cette sensibilisation des jeunes.
Un autre motif d'espoir, et je m'adresse à toutes les femmes présentes, est que les femmes sont beaucoup plus sensibles à l'environnement. J'écoutais Ferrat ce matin sur France Inter, "La femme est l'avenir de l'homme", nous avons donc là quelque espoir. Toutes les analyses le montrent : vous êtes, mesdames, beaucoup plus sensibilisées que nous à ces questions.
Concernant l'environnement et l'école, durant la dernière année scolaire, nous avons expérimenté l'éducation à l'environnement dans dix académies. Lors de cette rentrée scolaire, nous venons de la généraliser à l'ensemble du territoire français, à la fois dans le primaire, les collèges et les lycées. C'est un sujet t très important. J'ai pu constater en allant voir des expérimentations que l'Éducation nationale a formidablement bien joué le jeu. Le monde enseignant concerné par ces questions s'est formidablement motivé. Il faut le souligner, car ce n'est pas toujours le cas sur des réformes.
Ces quelques exemples permettent de regarder les choses par le petit bout de la lorgnette, car c'est important de voir les difficultés que nous pouvons rencontrer. Nous devons aussi prendre du recul et mettre en place des outils qui favorisent l'environnement et, comme nous sommes en développement durable, des outils qui favorisent l'environnement dans une économie naturellement de développement économique, donc ouverte. Je souhaite appliquer des dispositifs incitatifs, plus incitatifs que des outils d'interdiction, car l'interdiction ou la normalisation forcée coûtent très cher à l'économie. En passant par l'incitation, dont je vais vous donner des exemples, nous pouvons arriver à ce que les choses coûtent moins cher à l'économie, tout en atteignant les objectifs.
(Source http://www.comite21.org, le 8 octobre 2004)
(Partie 2)
Je rappelle que le développement durable, c'est le développement économique. Il s'agit donc d'une économie ouverte puisque, aujourd'hui -sauf quelques personnes à la marge, même si je respecte complètement ce qu'elles défendent-, nous ne pouvons pas envisager de revenir à des économies fermées car elles se paupérisent et déclinent progressivement. Nous l'avons constaté dans le passé.
Puis, et c'est peut-être l'essentiel en matière d'écologie, nous ne défendons et ne pouvons défendre l'écologie qu'en économie ouverte. Il suffit de regarder ce qui s'est passé en terme d'environnement derrière le rideau de fer dans les économies fermées, la pire détérioration de l'environnement Souvenez-vous de Tchernobyl Ce que nous découvrons aujourd'hui dans les pays de l'Est en matière de pollution est absolument catastrophique, simplement parce que, sans contre-pouvoir, tout est possible. L'écologie ne peut donc se concevoir que dans une économie ouverte.
Cela pose aussi la question de la mondialisation et ce grand sujet des délocalisations. Parler de délocalisations ne date pas d'aujourd'hui. Le président rappelait mon passé politique, car je commence à en avoir un Lors de ma première campagne électorale en 1978, une campagne législative, j'avais à peine vingt-cinq ans et il était déjà question de délocalisation. Ne disons donc pas que c'est un thème d'aujourd'hui, cela l'a toujours été. J'ai fait un rapport au Sénat après de multiples auditions sur cette question qui me paraissait très importante, celle de la mondialisation et l'environnement. Votre président le rappelait précédemment, le titre de mon rapport est : "Mondialisation : une chance pour l'environnement ?" Cela avait évidemment un caractère un peu provocateur.
J'en ai tiré deux enseignements :
- Le premier est que l'on ne délocalise pas pour des raisons d'environnement. Il est faux de dire que l'augmentation des normes environnementales dans un pays aura pour conséquence la délocalisation des entreprises. Ce n'est pas vrai. J'ai auditionné un très grand nombre de personnes, nous avons étudié les choses très précisément. La différence de normes environnementales plus sévères dans un pays plutôt que dans un autre est, non pas marginale, mais peu importante par rapport à d'autres facteurs. Les deux facteurs essentiels de délocalisation sont évidemment les normes sociales avec les problèmes de coûts salariaux, et la proximité du marché, c'est-à-dire qu'une entreprise se délocalise pour se rapprocher d'un marché.
En début de semaine, j'étais à un déjeuner avec l'industrie cimentière où il était question, je vous en parlerai, des quotas d'émissions des gaz à effet de serre. On me disait : "Si vous êtes trop durs, nous allons délocaliser !" Le ciment est un produit pondéreux Parce qu'une norme environnementale en France est un peu plus élevée, nous n'allons quand même pas faire du ciment en Turquie pour le rapporter sur des bateaux ! Le coût du transport par rapport au produit serait beaucoup trop important, il ne s'agit pas de diamants ! N'utilisons pas d'arguments généraux qui ne correspondent pas directement à certains secteurs économiques. On ne délocalise pas pour des raisons environnementales.
- Le deuxième enseignement est peut-être le plus important. Lorsque, à l'échelle de l'Europe, un pays décide d'augmenter, de durcir ses normes environnementales, nous constatons alors que, par le biais de l'interconnexion des grandes entreprises multinationales, ces normes plus respectueuses de l'environnement sont progressivement appliquées dans d'autres pays du monde où elles ne sont même pas obligatoires. Nous pouvons donc par ce biais progresser en matière d'environnement dans des pays émergents comme l'Inde ou la Chine.
Dans les grands groupes internationaux, on gère d'abord des hommes et, pour progresser en matière environnementale, et je le disais concernant les artisans, il faut une vraie formation, une sensibilisation. Cela se fait de façon globale avec les hommes. Nous ne dirions pas à un cadre qui aujourd'hui est en France, demain en Turquie, après-demain au Mexique, qu'il ne devra pas faire d'environnement au Mexique alors qu'il en faisait ailleurs. Cette question se développe vraiment, par une irrigation progressive, pas totale, ni immédiate, mais très importante, d'où ma conviction qu'à l'échelle de l'Europe nous devons avancer en matière environnementale pour entraîner le reste du monde. Nous ne devons surtout pas nous dédouaner en disant que l'Europe n'agit pas parce que le reste du monde ne suit pas. Je reviendrai sur ce point en conclusion.
Au-delà des questions pratiques, il faut que nous recherchions des outils pour faire avancer l'environnement, des outils notamment économiques et fiscaux. Quelques exemples en matière d'outils économiques : la question du plan. Je ne sais pas si tout le monde connaît ce dispositif : il s'agit du plan national d'allocation des quotas d'émission des gaz à effet de serre. En effet, nous allons appliquer Kyoto à partir du 1er janvier 2005. Même si ce n'est pas obligatoire, l'Europe a décidé de l'appliquer. Nous mettons donc en place des quotas d'émission de gaz à effet de serre.
Nous aurions pu décider de normes. Je reviens au secteur que j'évoquais précédemment qui est l'essentiel de l'économie française : le ciment. Il faut d'ailleurs souligner que les premières entreprises cimentières au monde sont françaises, tout comme pour l'eau. Il faut le rappeler, car nos grandes entreprises françaises sont très critiquées. Pourtant, la Lyonnaise, l'ancienne entreprise Vivendi qui est Veolia Environnement, sont les premières au monde dans ce domaine. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Nous aurions pu, en matière d'allocation de quotas, déterminer que, pour 1 tonne de ciment, nous émettrons tant de gaz à effet de serre, pas plus. Ainsi, dans une installation ancienne ou moderne, nous aurions obligé à la limitation des quotas. Pourtant, il est bien évident que, pour une installation ancienne, il coûterait beaucoup plus cher de réduire les émissions de gaz à effet de serre que dans une installation moderne. Cela aurait en l'occurrence coûté très cher d'obliger toutes les installations à réduire leurs émissions. Nous mettons alors en place un échange de quotas, et l'entreprise décidera de baisser ses émissions là où cela lui coûte le moins cher. Ainsi, nous aurons globalement atteint le même objectif et cela sera beaucoup plus économique pour l'entreprise et, en macroéconomie, pour le pays. Ce sont des outils économiques souples, obligatoires, mais beaucoup plus incitatifs que des normes contraignantes.
Puis, il nous faut travailler sur des outils fiscaux, assez neutres, et c'est un enjeu majeur pour moi l'année prochaine. Vous pourriez me dire que, dès qu'il est question de fiscalité, cela veut dire que les taxes vont augmenter pour finir à Bercy. C'est précisément ma hantise car, dans ce cas, cela se perdrait, on ne retrouverait jamais rien. Cela ne doit donc pas aller à Bercy. Nous allons dans quelques jours annoncer le budget. C'est une donnée importante car, dans notre pays, toute taxation supplémentaire est un risque, nous avons trop de taxes, trop de charges. Nous devons donc trouver des outils fiscaux qui ne soient pas des taxes supplémentaires mais, au contraire, qui aillent plus dans le sens d'une baisse de taxes, et en incitant les usagers, les consommateurs à utiliser des produits moins polluants.
Je suis très frappé par le fait que notre économie libérale aboutisse à ce que le comportement polluant coûte moins cher que le comportement propre. C'est une vraie difficulté, car acheter du bio coûte plus cher que d'autres produits. Nous devons trouver des solutions pour que le comportement propre ne soit pas seulement réservé aux catégories les plus favorisées. Il s'agit là d'un réel sujet et nous devons y parvenir dans notre système fiscal de taxation.
C'est l'enjeu du système de bonus-malus que j'ai proposé, qui a tant fait parler et dont nous abordons aujourd'hui une phase de concertation avec le Parlement. Quel que soit le dispositif, l'objectif est avant tout de faire en sorte que rouler dans une voiture propre ne coûte pas plus cher que dans une voiture polluante. Nous ne pouvons quand même pas demander à nos concitoyens d'être à la fois vertueux sur le plan environnemental et financier, alors que c'est beaucoup plus onéreux. Au sein de mon ministère, j'ai entamé une réflexion technique pour trouver des dispositifs qui, progressivement, amènent nos concitoyens vers des comportements plus vertueux. Je voulais faire un tour d'horizon, mais je ne suis pas certain d'avoir été très complet par rapport au sujet, pour ensuite aborder les questions.
La dernière question, et pas la moindre, avant que vous me la posiez, est de savoir si, finalement, tout cela sert à quelque chose, si seuls les Français et les Européens agissent. Nous songeons immédiatement aux États-Unis qui polluent allègrement, malgré les campagnes présidentielles qui devraient évoquer ces sujets, notamment et avant tout avec les gaz à effet de serre. Ils ont pris la décision, jusqu'à aujourd'hui, de ne pas ratifier Kyoto. Est-ce que nous ne nous pénalisons pas par rapport à d'autres pays en faisant cela ? Je vais vous donner ma conviction.
En Europe, nous avons 450 millions d'habitants, c'est considérable en matière de consommation. Nous avons une très grande partie de consommateurs de niveau élevé, et l'Europe de l'Est est progressivement intégrée dans le dispositif global. Nous ne retrouvons pas du tout ces schémas dans d'autres pays du monde, même dans les pays émergents. L'Inde, qui représente 1 milliard d'habitants, dont 50 millions de consommateurs de niveau occidental, correspond aujourd'hui en termes de consommation, pour des produits de type occidental à peine à la France. 450 millions de consommateurs, c'est donc tout à fait considérable.
A partir de ce constat, j'ai deux convictions :
- La première est que les entreprises qui veulent s'attaquer à ce marché devront, dans la plupart des cas, s'installer en Europe. Les entreprises américaines sont évidemment présentes en Europe et devront donc respecter les normes que nous mettrons en place pour respecter Kyoto, ce qui est déjà un atout absolument considérable.
- Le deuxième atout est qu'en appliquant des normes environnementales chez nous, avec un système incitatif sur le plan économique, comme les allocations de quotas dont je parlais, nous obligeons et orientons nos entreprises vers des nouvelles technologies d'avenir. Ainsi, nos entreprises européennes vont prendre un temps d'avance. Je suis convaincu que les entreprises américaines ne laisseront pas faire cela très longtemps, car elles ne peuvent pas prendre de retard sur une trop longue durée. Elles seront donc motivées pour mettre au point des technologies nouvelles vertueuses sur le plan environnemental. Cela se passe déjà : pour les automobiles, le président Bush a mis en place un budget de 1 milliard 400 millions de dollars pour développer l'hydrogène. Je vous assure qu'en Europe nous sommes très loin de ce montant de recherche. Cela prouve bien que les Américains ont conscience de l'enjeu à terme. Cela correspond simplement au fait que l'écologie est de toute façon source et facteur de progrès technologique.
Je vais conclure par ce dernier exemple : les biocarburants. Le Premier ministre a lancé avant-hier le plan "biocarburants" en France. Cela va nous faire changer d'échelle et donc sortir un peu de notre côté pionnier pour passer à une ère industrielle du biocarburant. C'est en ce sens que l'écologie peut être source de progrès, car le biocarburant, c'est plus d'environnement. Lorsque nous consommons 1 tonne de biocarburant plutôt qu'un carburant traditionnel, nous économisons 3 tonnes de gaz à effet de serre. C'est donc considérable.
Le biocarburant est bénéfique pour l'environnement et génère plus d'emplois. Il représente environ 6 000 emplois supplémentaires. Il est donc préférable qu'il soit chez nous plutôt qu'importé; C'est aussi plus d'indépendance énergétique, et c'est évidemment essentiel face aux problèmes du pétrole et des difficultés géostratégiques évoquées précédemment.
Aujourd'hui, la France a un aspect très particulier compte tenu de son histoire avec les véhicules diesel. Nous consommons 38 millions de tonnes de gasoil, produit final, sur lesquels nous importons 8 millions de tonnes. Il est évident que si nous produisons du biocarburant, si nous fabriquons 1 tonne de diester, cela équivaut à 1 tonne de gasoil qui ne sera pas importé. Nous retrouvons là le problème de l'indépendance énergétique.
J'espère vous avoir transmis que tout cela est source d'espoir au moment où nous sommes parfois trop tristes et autocritiques, il s'agit d'une démarche qui peut être positive pour l'avenir.
Je vous remercie de votre attention.
Éric GUILLON : Merci, Monsieur le Ministre, pour cet exposé tout à fait encourageant dans le domaine de l'écologie et du développement durable. Nous allons maintenant passer aux questions. Vous avez remarqué que nous sommes très nombreux, je suis convaincu que votre exposé va soulever de nombreuses questions.
Serge LEPELTIER : Les réponses seront donc courtes.
Éric GUILLON : En effet, vous donnez déjà la première réponse que nous attendions (rires). Je souhaite que les questions soient courtes, autant que faire se peut. Évitons les déclarations pour permettre au maximum de questions d'être posées à Monsieur LEPELTIER.
Nathalie FRONTREL, Journaliste : Vous avez évoqué le plan national d'allocations de gaz à effet de serre. Il semble que la Commission européenne vous ait renvoyé votre copie, disant que cela ne suffisait pas. Que faisons-nous maintenant ?
Serge LEPELTIER : Sans trahir de secret, j'étais dès le départ, absolument convaincu que le plan que nous avions proposé n'était pas suffisant au niveau du périmètre. Néanmoins, la position de la France, qui est gouvernementale, était rationnelle, car au départ nous avons interprété la directive de façon assez restrictive ; nous étions parfaitement cohérents avec elle quant à son périmètre d'application. Cela a abouti en France à ce qu'environ 700 installations soient concernées. A partir de là, la position de la France était évidemment tenable sur le plan juridique mais difficile sur le plan politique. Lorsque nous l'avons déposé, fin juin, j'ai eu en direct une longue discussion avec la Commissaire, au Conseil du Luxembourg. Je lui ai très clairement dit que je ne souhaitais pas de bataille juridique sur cette question et que nous tenterions d'avancer et d'aboutir ensemble. Nous nous sommes donc mis d'accord sur la forme que pourrait prendre cette question et nous allons maintenant travailler à un élargissement du domaine d'application. Au lieu de 700 installations, en travaillant avec une interprétation large de la directive comme l'ont fait les autres pays, nous parviendrons à environ 1 500. Que faisons nous maintenant ? Nous travaillons sur un élargissement du périmètre, que nous allons présenter dans les prochaines semaines à Bruxelles en accord avec eux. Il n'existe pas de conflit car, au fond, c'est la première fois que ce processus est mis en place et c'est évidemment très interactif avec la Commission européenne. Les relations avec Margot WALLSTRÖM sont très franches et cordiales.
Philippe D'ESTAINTOT, Conseiller municipal délégué au développement durable, Mairie de Rueil-Malmaison : La ville de Rueil-Malmaison est très engagée dans le développement durable suite à l'impulsion de Patrick OLLIER. Nous avons donc réalisé de nombreuses choses, notamment sur les flottes de véhicules, car nous avons effectivement installé une pompe de diester pour réduire considérablement les gaz à effet de serre. Comme vous l'avez dit les deux enjeux essentiels sont bien les changements climatiques et l'internationalisation due précisément à cette mondialisation de tous nos échanges.
J'ai juste une question concernant ces permis d'émissions de gaz à effet de serre. Sur ce sujet, les collectivités locales pourraient justement être dynamiques mais, malheureusement, elles ont des quotas beaucoup plus faibles que de nombreuses industries. Je voudrais simplement un point d'entrée chez vous, avec un service technique me permettant d'agir en tant que Ville de Rueil, pour faire en sorte que les collectivités travaillent sur cette capacité à pouvoir récupérer des permis de dégagement de gaz à effet de serre.
Serge LEPELTIER : C'est véritablement une très bonne question, car elle correspond complètement à mes préoccupations. Je voudrais d'ailleurs dire que je travaille aussi directement à l'Assemblée avec Patrick OLLIER, car c'est avec lui que nous allons mettre en place, dans les prochains jours, un groupe de travail sur toute cette question de la fiscalité écologique, et notamment la question de l'écologie et des transports afin de trouver un processus qui nous dirige réellement vers des véhicules propres.
Dans le plan climat que j'ai annoncé fin juillet, j'ai vraiment souhaité que soit prise en compte la question de la territorialisation des gaz à effet de serre. Je suis convaincu que nous avancerons dans ce domaine si nous faisons un peu comme en matière de la qualité de l'air, c'est-à-dire qu'au niveau d'une région, d'un département, d'une agglomération, d'une commune, nous connaissons nos émissions de gaz à effet de serre. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas motiver une population en lui parlant de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Par contre, si nous déterminons qu'une commune comme Rueil-Malmaison a, durant une année, émis tant de gaz à effet de serre et l'année suivant 5 ou 10 % de plus, cela prouvera à sa population qu'il faudra s'engager vers des actions.
Dans le plan climat, au-delà de l'obligation du plan national d'allocations de quotas, qui d'ailleurs, par le biais de l'élargissement des installations, va peut-être concerner certaines collectivités, il y a donc cette territorialisation. Vous pouvez ainsi faire un acte volontaire, car il s'agit de volontariat, en liaison avec l'ADEME. C'est elle qui peut vous accompagner et vous aider à mettre en place un dispositif de calcul, car les gaz à effet de serre ne se mesurent pas comme la pollution de l'air. Il faut les calculer à partir de vos industries existantes, du transport que vous utilisez en ville. Ainsi, la connaissance est bien la première source de l'action. Vous pouvez donc avoir cette volonté, et c'est l'ADEME qui va se mobiliser sur ces questions à la demande du ministère.
Alain LIEBARD, Président, Fondation Énergies pour le monde : Merci, monsieur le Président. Je suis président de l'Observatoire des énergies renouvelables. Monsieur le Ministre, ma question est extrêmement courte pensez-vous que la France pourra respecter en 2010 son engagement de produire 21 % de sa part de consommation en électricité d'origine renouvelable ?
Serge LEPELTIER : En tant que Ministre, si je vous disais non, vu les excellents journalistes présents dans la salle, notamment Nathalie FRONTREL, je prendrais un risque majeur. (Rires) Naturellement, oui. Nous nous donnons en tout cas les moyens de respecter cet engagement.
Cela n'est pas simple, ni facile. Je voudrais quand même rappeler quelques données : la France n'est pas aussi en retard qu'on le dit sur les énergies renouvelables. En effet, nous avons aujourd'hui 16 % d'énergies renouvelables par rapport à l'électricité que nous consommons. Je rappelle que, malgré tout ce qui est dit sur elle, l'Allemagne est largement en dessous de la France. Évidemment nous sommes avantagés car, dans le passé, nous avions une politique en hydraulique très importante grâce aux barrages. La première énergie renouvelable est quand même l'hydraulique, ce qui représente pour nous un avantage tout à fait considérable. Nous sommes donc aujourd'hui entre 15 et 16 %, plus près de 16 %, en énergies renouvelables et l'objectif est de 21 %.
Il est vrai que nous n'avons pas de marge de manuvre : les 5 % qui restent à construire sont des énergies hors hydraulique, car il n'y a plus de possibilités en matière d'hydraulique. Cela veut donc dire des énergies renouvelables comme l'éolien, le solaire... Sachez que nous nous donnons aujourd'hui les moyens d'atteindre cet objectif. La loi d'orientation sur les énergies, dont je parlais en liaison avec le plan climat que le gouvernement a adopté, doit nous permettre d'y parvenir, car les crédits d'impôts concernés ne sont pas négligeables.
Concernant les chauffe-eau solaires que j'ai évoqués, il s'agit bien d'un changement de comportement individuel. L'écologie a besoin de vous tous, de nous tous dans nos comportements. Lorsque vous changez votre chauffe-eau, interrogez-vous car c'est un dispositif extrêmement simple. Au-delà de ce que cela peut représenter en termes d'économies d'énergie ou d'énergies renouvelables, cela sensibilise l'ensemble de la chaîne, notamment les artisans, sur le fait que la population est maintenant beaucoup plus réceptive à tout cela. Aujourd'hui, nous nous donnons vraiment ces moyens. Je ne peux pas vous garantir que nous réussirons, mais nous ferons tout pour y parvenir.
Robert LION, Président, Agrisud International : Monsieur le Ministre, à propos des chauffe-eau et de la difficulté que vous avez rencontrée à Bourges, je voudrais, car je suis vieux, rappeler un vieux souvenir
Serge LEPELTIER : Tous ceux qui ont des cheveux blancs ne sont pas forcément vieux !
(Rires)
Robert LION : J'évoque quand même une carrière lointaine : c'était dans les années 70. J'avais l'honneur d'être membre de l'Agence pour les économies d'énergie, ancêtre de l'ADEME. A l'époque, nous avions mis en place un important dispositif financier pour aider à la formation de milliers de spécialistes du chauffage dans le secteur des HLM dont je m'occupais. Cela représentait alors 700 spécialistes que nous avions formés, à la fois pour établir des diagnostics, et ensuite pour conduire des opérations de réhabilitation avec des professionnels à leurs côtés, à qui ils sous-traitaient, avec également un volet juridique car il fallait renégocier les contrats de chauffe.
Je ne suis pas certain que dire : "Changeons notre chauffe-eau pour un chauffe-eau solaire" suffise. Il existe des blocages, mais peut-être aussi que la conviction que c'est faisable n'est pas suffisamment passée dans le pays. On dit : "Il n'y a pas de soleil, donc je ne peux installer de chauffe-eau solaire". Le pragmatisme, si vous me le permettez, est certainement très bien mais il faut aussi des messages qui expliquent les enjeux et disent que c'est à portée de main.
Puis-je me permettre de faire une seconde remarque ? Elle est institutionnelle. Vous avez dit que, dans votre position de ministre, vous n'avez pas prononcé le mot, mais je me permets irrespectueusement de le faire, "de ministre vertical", vous êtes l'empêcheur de tourner en rond. Le développement durable est un thème suffisamment horizontal pour que celui qui en a la charge compte dans la hiérarchie de l'État, comme nous le voyons dans certains pays essentiellement d'Europe du Nord ou d'Amérique du Nord, en étant par exemple un vice-Premier ministre ayant une autorité non seulement dans le domaine de l'environnement, où vous êtes en principe responsable même si cela concerne bien d'autres de vos confrères, mais également dans l'ensemble des politiques de transport, de santé, d'énergies, etc., une position donc plus hiérarchique.
Il n'existe plus de secrétaire d'État au Développement durable, je m'en réjouis car cela ne devait pas se situer tout en bas de l'échelle ; nous avons un Ministre du développement durable. Pouvons-nous un jour espérer, mais bien entendu vous n'avez pas la réponse, Monsieur le Ministre, qu'il y ait un Vice-Premier Ministre, voire un Premier Ministre, pénétré par ces sujets, qui fasse passer le message de manière horizontale dans toute l'action gouvernementale ?
Serge LEPELTIER : (Rires) Ce n'est de toute façon pas dans notre culture d'avoir un vice-Premier ministre car cela ne serait pas simple entre les Ministres d'État, les Premiers ministres et les Vice-Premiers Ministres. Nous ne fonctionnons pas de cette façon, mais je comprends ce que vous voulez dire et vous avez tout à fait raison. Cette verticalité de notre organisation est une vraie difficulté dans notre pays. Le secrétariat d'État au Développement durable devait avoir cette fonction de transversalité, cela a vraiment été voulu par le Président de la République et le Premier Ministre. Comme vous le dites très bien, nous avons constaté que cela n'était pas suffisant au plan de la hiérarchie gouvernementale pour avoir du poids vis-à-vis des autres ministères.
Néanmoins, et c'est important, l'action de Tokia SAÏFI a d'abord inscrit l'action de développement durable dans le paysage, et dans les ministères nous avons aujourd'hui des réflexes qui n'existaient pas auparavant. Dans chaque ministère, à l'impulsion à l'époque de Roselyne BACHELOT et de Tokia SAÏFI, nous avons maintenant un haut fonctionnaire chargé de réfléchir à ces questions de développement durable. Je suis d'accord avec vous, cela n'est pas suffisant, mais nous l'inscrivons progressivement.
Nous avons déterminé qu'il s'agit d'abord d'une question structurelle, et au fond administrative. Ainsi, plutôt que de passer par ce qui peut sembler être une faiblesse dans la hiérarchie gouvernementale, nous avons fait le choix de créer, et nous sommes en train de le faire, une délégation interministérielle au Développement durable. Le Premier ministre a nommé Christian BRODHAG, pour assurer cette fonction ; c'est un des grands spécialistes de cette question.
Mon espoir aujourd'hui est que, par cette fonction structurelle, nous puissions progressivement irriguer l'administration. Néanmoins, comme vous je suis absolument convaincu que cela passe d'abord par la sensibilisation des hauts responsables politiques de notre pays. Ainsi, les biocarburants dans le plan climat représentent quand même l'économie de 7 millions de tonnes de CO2 : c'est environ 10 % du plan climat, ce qui est très important. C'est un sujet dont nous ne sortions pas depuis quelques années et dont nous avons fait l'annonce en début de semaine. Je ne peux que rappeler l'engagement extrêmement fort du président de la République qui, en quelque sorte, donne le "la" sur ces questions.
Quels qu'ils soient, sur tel ou tel sujet technique, pour progresser en matière d'environnement, les débats sont utiles. En tant que ministre, je n'occulterai jamais le débat, même sur des sujets très difficiles car, même si nous n'aboutissons pas, ce débat rend nécessaire et évident le besoin d'une solution. Si j'occultais le débat avant qu'il n'ait lieu, alors nous perdrions systématiquement.
(Source http://www.comite21.org, le 8 octobre 2004)
(Partie 3, suite et fin)
Hervé DOMENACH, Administrateur, UNCPIE : Monsieur le Ministre, je suis administrateur de l'UNCPIE, l'Union nationale pour les centres permanents d'initiatives pour l'environnement.
J'ai trouvé dans votre intervention un certain nombre de motifs très enthousiasmants pour l'action associative, mais je m'interroge, à partir du mot "pragmatique" qui figure dans le titre de votre intervention, sur l'articulation entre le monde associatif et l'action ministérielle que vous menez. Actuellement, les associations passent au statut d'entreprises associatives; avec un budget, des salariés et des choix d'actions à mener. Est-ce que ce passage au statut d'entreprises associatives dans l'économie ouverte que vous avez évoquée implique des mutations dans les relations avec votre ministère ? Tout à l'heure, vous avez présenté l'économie ouverte en l'opposant à l'économie fermée. Nous sommes dans une mutation de société où le positionnement associatif est très difficile à définir. À partir du moment où votre ministère ne nous donne pas de lignes claires, cela devient un peu angoissant pour nos associations de trouver le bon positionnement par rapport au thème que vous avez évoqué. Je vous remercie.
Serge LEPELTIER : Merci, c'est une réflexion que j'ai ouverte et que nous devons mener, celle de la place des associations dans notre domaine. J'aime bien votre formulation qui, d'ailleurs, pose question : associations ou entreprises associatives ? Aujourd'hui, je constate, il est vrai, que de nombreuses associations vivent à partir de mon ministère et qu'en son nom elles mènent un très grand nombre d'actions pour nous, du fait soit des subventions générales, soit des actions financées par mon ministère, car il ne faut pas oublier que ce ne sont pas des subventions sans retours.
Vous avez donc raison de le souligner, nous devons mener une réflexion sur le moyen terme, car une association ne peut pas chaque année se poser des questions. Nous mettons alors en place des conventions d'objectifs sur plusieurs années, mais c'est un sujet de grande préoccupation, compte tenu des contraintes budgétaires. Sachez, mais vous le savez, que ma volonté est d'intégrer les associations dans ma politique. Demain, j'ai encore une réunion avec un certain nombre d'associations, car je ne veux avancer qu'en relation avec les personnes directement concernées. Il sera question des parcs nationaux, et c'est d'abord la sensibilisation sur le terrain qui doit nous faire progresser, nous donner la ligne à suivre.
Éric GUILLON : Voilà une réponse qui intéresse particulièrement le Comité 21.
Léon-Christophe ETILE, Chargé de Mission RSE, les Amis de la Terre : Je souscris tout à fait à ce qui a été dit sur les associations. J'ai trois questions.
La première est que, dans votre discours, j'ai eu du mal à percevoir la notion d'ambition. Je me situe peut-être trop au niveau de l'homme de la rue, du monde associatif, de la ménagère de cinquante ans. La deuxième question concerne la notion de prix, d'incitation financière, etc. J'avoue que j'ai là aussi des difficultés à comprendre la démarche dans la mesure où le prix que nous payons doit intégrer l'idée de prix complet, c'est-à-dire les effets à long terme. Ainsi, ce que je ne paye pas quand j'achète un produit, je vais être obligé de le financer par les impôts. Cela me pose un souci, notamment quand nous sentons que les impôts diminuent : il reste donc de moins en moins d'argent à redistribuer.
Pour un produit que je vais acheter, que je ne vais pas payer cher, même s'il est écologiquement parfait, est-ce que cela signifie qu'en tant que contribuable, mon autre main devra aussi payer ? Nous sentons que la main invisible du marché disparaît quand même un peu.
Ma troisième question concerne l'idée de participation citoyenne. Nous l'avons aussi évoquée avec les associations. Dans votre discours, nous avons le sentiment que la notion de participation de la population a du mal à apparaître.
Serge LEPELTIER : Concernant l'ambition, je ne sais pas comment formuler, mais c'est une réelle ambition de vouloir lutter contre le changement climatique et de raisonner en termes d'écologie globale et pas seulement en écologie de proximité. Si nous réussissions ce que je disais dans mon propos, je peux vous assurer que nous aurions fait beaucoup.
Nous pourrions nous perdre dans des ambitions surréalistes. Aujourd'hui, il faut s'axer sur quelques objectifs, sans quoi trop d'ambition tue l'ambition. Ces trente dernières années, j'ai entendu des discours complètement utopiques sur les transports publics, le ferroutage. Tout peut être dit, mais il existe aujourd'hui certains sujets où l'on tue le débat, car les solutions ne sont pas applicables. Je ne suis évidemment pas contre les transports publics, ni le ferroutage, mais lorsque je vois les sommes d'argent parfois investies pour ne travailler qu'à la marge Nous devons nous poser la question de savoir où les investir, c'est ce qui est important.
Si nous parlons d'ambition, nous ne pouvons raisonner de la même façon dans tous les domaines. Nous l'avons fait parfois, notamment en matière de transport où nous voudrions raisonner à Paris comme à Bourges, mais cela n'a pas de sens. Ces ambitions ne sont en réalité pas applicables sur le terrain, et ce type de discours noie totalement le sujet.
Permettez-moi de dire que je suis pragmatique sur cette question. Je préfère mobiliser nos opinions publiques sur ce qui est faisable. J'évoquais le changement climatique et la santé et l'environnement, mais il existe bien d'autres sujets comme le patrimoine, la nature et le paysage, le patrimoine naturel, les parcs en particulier sur lesquels je travaille aujourd'hui, qui sont autant d'autres ambitions, mais il faut bien ramener aussi à des choses simples
Concernant l'incitation financière, je me suis peut-être mal expliqué ou bien j'ai mal compris votre question. Il ne faut pas mélanger tous les outils que nous utilisons. Lorsque j'évoque l'incitation financière, elle est évidemment environnementale. Je souhaite que les produits polluants soient plus taxés que les moins polluants. Aujourd'hui, dans notre pays, par exemple des lessives sont très polluantes alors que d'autres ne le sont quasiment pas. Or, le taux de TVA est le même, c'est donc neutre, et la lessive la plus polluante est évidemment moins chère que l'autre. C'est un vrai problème. Il faut faire entrer le coût "environnement" dans le coût du produit. Cependant, les charges, je le dis très clairement, les taxations sont trop importantes actuellement dans notre pays. Il faut absolument que nous trouvions des incitations qui soient neutres, c'est-à-dire qui chargent le produit polluant et déchargent le moins polluant. Je mets de côté toute la question de la fiscalité globale sur le revenu, il s'agit de redistribution avec, avant tout, un objectif social et parfois économique.
Votre troisième question concerne la participation citoyenne. C'est une vraie question pour notre pays, notamment en matière d'écologie. Hier, j'ai mis en place une Commission consultative sur les enquêtes publiques. Je constate sur le terrain que la procédure des enquêtes publiques est contraignante, vécue comme telle et non pas comme l'opportunité de faire participer la population et nos citoyens à l'élaboration d'un projet. Il faut donc absolument que nous fassions participer nos concitoyens à l'élaboration de certains projets.
C'est un chantier considérable. Je veux le tenir dans un délai assez court, sinon nous nous perdrons dans de grands débats sans avancer. Sur le plan local, dans nos villes, lors de l'élaboration de certains projets, nous ne rencontrons que 15 à 20 personnes, celles qui sont présentes partout et se disent représentatives de la population, beaucoup plus que les élus. Elles ne sont pourtant jamais allées devant les électeurs. Je me fais l'avocat du diable, mais c'est parfois nécessaire sur des sujets aussi importants. Ces gens se disent détenteurs de l'intérêt général, alors même que, sur tous les sujets, la population n'est pas concernée et n'a pas été consultée. C'est une question de démocratie. Sur des sujets très importants, nous ne pouvons pas toujours avoir les mêmes interlocuteurs, qui ne sont parfois représentatifs que d'eux-mêmes. Je n'évoque naturellement pas les associations nationales, mais les locales.
Vous évoquiez la participation citoyenne. Lors de réunions comme nous en avons de nombreuses en France, telles que les comités et réunions de quartiers, quand on est maire comme je l'étais il y a quelques mois, je faisais de la concertation et j'ai constaté que, si lors d'une réunion publique, personne n'était présent, cela signifiait que le projet était bon. Par contre, si la salle était pleine, cela prouvait le contraire : les gens ne viennent qu'en opposition. Il s'agit d'une question fondamentale pour notre démocratie.
Nous devons absolument trouver des solutions, et j'ai donc engagé une réflexion. J'ai dit hier en ouvrant la Commission que je souhaite dans six mois obtenir des propositions extrêmement concrètes pour que, d'ici un an, ce droit des enquêtes publiques soit réformé. Nous réalisons ce travail avec le Président MANSILLON, qui est le Président de la Commission Nationale du Débat Public, avec l'ensemble des associations concernées. Votre question est fondamentale : nous devons progresser sur ce sujet. Il faut faire en sorte que les élus, comme les représentants d'associations, nous ne nous considérions pas aujourd'hui comme détenteurs de la vérité. La population, nos concitoyens doivent vraiment participer.
Dominique MARTIN-FERRARI, Journaliste : J''enchaîne sur la question précédente. Il faut effectivement que la participation aussi débouche sur un respect des décisions. Ce n'est souvent malheureusement pas le cas. C'est pourquoi nombre de nos concitoyens sont découragés de ces participations qui ne sont que des symboles de débats. Avez-vous l'intention, ou comment envisagez-vous de reprendre le débat sur les OGM, qui est en train de légitimement se dégrader faute d'informations, de transparence ou de respect de certaines règles du jeu qui avaient été adoptées ?
Mardi, vous avez participé au lancement de France Écologie et j'aurais donc aimé que vous nous disiez deux mots de cette initiative, cette nouvelle association, vers un nouveau parti. Merci.
Serge LEPELTIER : Pour revenir sur le respect des décisions, nous avons d'abord un véritable problème de procédure. Aujourd'hui, lorsque nous lançons une enquête publique, la population est complètement décontenancée. Une enquête publique ne permet pas de modifier un projet, c'est même impossible, car elle concerne un projet bouclé. Pour modifier un projet après une concertation, il faudrait repartir de zéro.
Cela pose une difficulté. C'est pourquoi je disais que la procédure est vécue comme une contrainte et non comme une opportunité de concertation. Il faut que nous mettions en place de façon législative ou juridique, réglementaire, une procédure qui permette à une concertation d'aboutir à une évolution des projets en première phase, puis évidemment à un bouclage. C'est pourquoi nous arrivons à des situations que la population ne comprend pas puisque, comme il faut une concertation, nous la faisons parfois pendant six mois durant lesquels nous discutons réellement des projets pour les faire évoluer. Ensuite, nous recommençons tout pour respecter la loi sur les enquêtes publiques. Les gens disent alors que nous les réinvitons à ces réunions pour leur répéter les mêmes choses. Vous voyez dans quelle contradiction nous sommes, et je vous assure qu'en tant que responsable de collectivité locale, cela n'est pas simple.
Vous avez évoqué le respect des décisions. Il ne faut pas que le politique démissionne. La concertation n'est pas la démission, c'est l'écoute. Mais il ne s'agit pas non plus d'adopter systématiquement la volonté des autres ; la concertation, c'est l'échange. Un élu a une responsabilité, il est représentatif de l'ensemble de la population. C'est donc à lui de décider. Une concertation n'a pas pour objectif de prendre pour "pain béni" les projets d'une association ou d'une dizaine de personnes, ce qui est trop souvent le cas. Elle doit permettre d'écouter, de prendre conscience et de faire évoluer un projet. À l'échelle locale, nous constatons trop souvent que les gens viennent se plaindre de ne pas avoir été écoutés, et que les décisions sont prises a priori, ce qui à juste titre hérisse les élus locaux.
Ce n'est pas toujours vrai : des changements peuvent se produire mais nous n'allons pas forcément complètement dans le sens de ce que l'on nous dit. Dans ce domaine aussi, il faut de la pédagogie, pour savoir ce dont nous parlons lorsqu'il est question de réflexion, de concertation. Cela ne se résume pas à adopter la décision de l'autre. Je suis vraiment un militant du politique au sens responsabilité du politique. Il est représentatif de plus de 50 % de la population, ce qui signifie quelque chose dans notre pays. Ces échanges doivent avoir lieu, mais la responsabilité du politique est majeure.
Concernant les OGM, j'ai là aussi entamé une réflexion au-delà du débat en cours, et vous imaginez bien que je suis tout à fait en phase avec ce qu'à dit le garde des Sceaux, sur le respect des textes et de la réglementation. Je souhaite dans notre pays un débat pédagogique. Nous devons discuter de ce sujet, mais il faut parallèlement que la réglementation soit respectée. En France, le problème est aussi qu'en termes de démocratie, nous considérons trop souvent pouvoir déroger aux règles sans conséquences. Je mène donc une réflexion sur ce thème, en relation avec le président de la Commission nationale du débat public pour définir la façon d'aborder cette question dans un grand débat, mais ce n'est pas simple.
Nous ne pouvons, de toute façon, pas en rester là. Ces échanges doivent avoir lieu et l'objectif doit être de dédramatiser, de pouvoir aborder cette question de façon rationnelle, en parlant recherche, commercialisation des produits, respect des filières non OGM, tout ce que cela implique, mais aussi en termes d'objectifs. Des OGM ont des objectifs positifs, d'autres seulement mercantiles. Tout doit être abordé, et nous devons en discuter avec la population française. Je suis très demandeur en ce sens. Il ne faut naturellement pas le faire n'importe comment. Cela fait partie de mes réflexions actuelles.
Concernant France Écologie, je ne vais évidemment pas devant vous faire de discours politique, ce ne serait pas le lieu. Je constate aujourd'hui, et je le disais en introduction, que la sensibilisation de la population est de plus en plus forte sur les questions écologiques et environnementales, et je m'en réjouis. Cependant, entre sensibilisation et passage à l'action, nos concitoyens sont un peu schizophrènes. Comme pour nous tous, après le discours et notre appréhension du sujet, il n'est pas facile de passer à l'acte. La sensibilisation peut néanmoins être à l'origine de l'action, c'est très important. Aujourd'hui, je constate qu'à droite comme à gauche il n'existe pas de déclinaison politique de cette sensibilisation grandissante de la population.
Actuellement, sur le plan politique, l'écologie est présente dans des partis, ou dans un parti qui existe depuis très longtemps et qui, sans que ce soit péjoratif, est né dans les années 70 sur des sujets qui ne sont plus les grands thèmes environnementaux d'aujourd'hui, comme le changement climatique. Il faut une déclinaison politique et je suis très attentif à une initiative comme celle de France Écologie. L'écologie n'est ni de droite ni de gauche, elle est transversale et doit dépasser les clivages politiques. Cela ne nous empêche pas d'avoir nos convictions politiques par ailleurs, je le disais précédemment en matière d'économie ouverte. Il faut qu'à droite et à gauche nous fassions vivre l'écologie.
Or, aujourd'hui, elle ne vit politiquement pas. C'est un problème, car en politique comme ailleurs, mais surtout en politique, le rapport de force compte pour faire avancer les dossiers. Voilà pourquoi j'ai vu de manière assez positive la création de France Écologie, avec un regroupement de personnes qui n'ont manifestement pas toutes les mêmes idées politiques, mais qui veulent avancer dans ce domaine. Les réflexions, les travaux seront nécessaires pour progresser car, en termes d'écologie, rien n'est simple. Nous sommes dans des sujets complexes, dont il faut totalement s'imprégner. Nous ne pouvons, au détour d'une formule médiatique, résoudre un problème écologique. La solution nécessite parfois des années de réflexion. Il est d'ailleurs possible que, dans les jours ou semaines à venir, je prenne une initiative à cet égard.
Alain CHOSSON, Secrétaire Général Adjoint, CLCV : Nous sommes une des associations qui a été partenaire du ministère. Je voudrais revenir sur la notion de prix. Nous partageons votre approche concernant la fiscalité écologique : le produit vertueux doit être le moins cher, dans le sens où vous l'avez indiqué. Cependant, ne pensez-vous pas qu'il faudrait aussi agir plus en amont sur les produits non vertueux, dont nous pouvons considérer qu'ils sont une forme de concurrence déloyale vis-à-vis des autres, et notamment sur la question d'autorisation de mise sur le marché au vu simplement du nombre de mesures prises a posteriori de retrait du marché de certains produits. Il faudrait peut-être mener une réflexion plus en amont avec les producteurs, les distributeurs et les consommateurs.
L'autre volet est le développement durable galvaudé. Nous sommes dans des systèmes où la notion de publicité de nature à induire en erreur a été définie dans les années 70. Or, les choses ont aussi beaucoup évolué. Il faudrait peut-être redéfinir les choses au regard des enjeux et des principes dont nous venons de parler.
Serge LEPELTIER : Sur ce plan, nous avons l'exemple des constructeurs automobiles qui, aujourd'hui, proposent une prime "écolo" de 500 euros. C'est une bonne annonce du bonus, ils ont anticipé. Une prime "écolo" de 500 euros, cela correspond exactement à ce que nous voulons faire.
Je suis totalement d'accord avec vous concernant les produits les plus polluants. Ce que je dis sur l'incitation plutôt que l'interdiction, naturellement, n'enlève pas la normalisation dans de nombreux domaines. Dans de nombreux cas, il faut effectivement passer par la norme. Avec les constructeurs automobiles, par exemple, nous travaillons aujourd'hui très clairement sur ce que nous appelons Euro 5. Les normes à l'horizon 2010 seront beaucoup plus contraignantes, interdisant certains produits, notamment en matière d'habitat, de pesticides, de produits toxiques. Tout ce que j'ai dit n'empêche pas, naturellement, l'interdiction de certains produits et la normalisation dans de nombreux domaines.
Éric GUILLON : Je prie ceux qui avaient d'autres questions de m'excuser, mais j'ose espérer, monsieur le Ministre, que vous nous ferez l'honneur et l'amitié de revenir nous voir.
Serge LEPELTIER : Pour battre le record !
Éric GUILLON : Pour battre le record, et nous préparerons cela avec Bercy, car il me semble que c'est là que nous devons maintenant nous situer.
Serge LEPELTIER : Vous pourriez prévoir un co-débat entre le ministre de l'Économie et des Finances et celui de l'Écologie pour faire progresser l'écologie avec vous. Je suis preneur.
(Applaudissements)
Éric GUILLON : Je vous remercie.
Je tiens à vous rappeler que le 29 septembre nous recevrons Dominique RIQUET, le Maire de Valenciennes, qui est une des villes de France qui a le mieux développé le concept de développement durable. Je vous incite à venir nombreux. C'est l'occasion de créer le challenge avec Monsieur LEPELTIER. Nous évoquerons la démarche Agenda 21 local. Rendez-vous donc le 29 septembre.
(Source http://www.comite21.org, le 8 octobre 2004)