Déclaration de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, sur la gestion prévisionnelle des emplois et les tendances de l'évolution de l'emploi public, Paris le 9 décembre 2003.

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Texte intégral

Monsieur le Sénateur,
Madame le Député,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie de participer à cette réunion du Conseil d'Orientation de l'Observatoire de l'emploi public consacré à l'examen du 3ème rapport annuel de cette institution, jeune encore mais déjà très expérimentée.
Je tiens, tout de suite, à remercier tous les rédacteurs et consultants qui ont participé à l'élaboration de ce document en 4 volumes dont seul le premier, pour des raisons à la fois d'économie et de facilité d'utilisation, vous a été remis sous une forme " papier ", le reste ayant été gravé sur un CD-ROM dont la découverte aura été pour vous, je l'espère, une agréable surprise. L'administration électronique est en marche !
Après avoir évoqué avec vous les principales têtes de chapitre du nouveau rapport, je vous rappellerai les grandes lignes de l'action du Gouvernement en matière de gestion de l'emploi public.
I - Un rapport de référence
Le rapport annuel de l'Observatoire de l'emploi public tend à devenir un outil de référence tant pour la connaissance des personnels en place que pour la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences.
A - Le rapport donne un aperçu de plus en plus précis de la situation des effectifs dans chacune des trois fonctions publiques
Au-delà des aspects méthodologiques qui sont toujours présents et que les services d'information sur les ressources humaines (SIRH) s'efforcent au sein de chaque ministère et au niveau interministériel de régler, le tableau donné de la situation de l'emploi public se précise d'année en année.
La précédente livraison s'était penchée sur les statistiques de l'année 1999, le présent rapport décrit la situation au 31 décembre 2001, avec, bien entendu, le relais pour l'année 2000.
Mme ZAIDMAN, secrétaire générale de l'Observatoire, vous présentera tout à l'heure les données chiffrées essentielles, mais je voudrais, pour ma part, insister sur deux points : les progrès de la cohérence interministérielle et les tendances de l'évolution de l'emploi public.
1 - S'agissant de la cohérence des travaux menés par les différents ministères et encore plus entre les trois fonctions publiques, on est frappé des progrès réalisés en l'espace de quelques années. On se souvient que c'est la Cour des comptes qui, à partir de 1994, a entrepris un recensement général et exhaustif des emplois et des effectifs réels, distinction fondamentale qu'elle avait elle-même posée, pour l'ensemble des services de l'Etat. Après cinq ans, les travaux de la Cour ont été poursuivis par l'OEP qui s'est efforcé à son tour, non sans succès, d'étendre ses travaux à la fonction publique territoriale et à la fonction publique hospitalière.
Depuis lors, ces deux fonctions publiques se sont dotées d'outils d'analyse qui se perfectionnent au fil des années mais qui ont déjà donné des résultats remarquables, comme l'enquête publiée cette année sur la situation des non-titulaires dans la fonction publique territoriale.
Bien que les objectifs de ces travaux statistiques puissent être différents, ils répondent tous à un besoin de base qui est de connaître précisément et à échéance périodique la situation de l'emploi dans chacune des fonctions publiques.
2 - S'agissant maintenant de l'évolution des tendances de l'emploi public depuis une vingtaine d'années, on remarque que la croissance de l'emploi a été régulière et continue depuis les années 80. Globalement, l'augmentation des effectifs rémunérés par les collectivités (selon le concept qui a été retenu par l'OEP, il pourrait y en avoir d'autres, mais l'important est de conserver le même champ de référence dans le temps), a été de 15 % de 1980 à 2001, le rythme d'augmentation étant toutefois plus marqué au cours de la première décennie (1980-1990) qu'au cours de la seconde (1990-2001).
Le deuxième constat est que, sur l'ensemble de la période et encore plus au cours des dernières années, la croissance de l'emploi public résulte principalement de l'augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale. Faut-il y voir un signe de mauvaise gestion ? Je ne le crois pas, et sans retrouver ici les habits de Président de l'Association des Maires de France, je voudrais dire qu'une partie de cette évolution me paraît résulter de contraintes extérieures, je pense à l'effet des 35 heures, qu'une loi a imposées aux collectivités locales, ou du dispositif des emplois jeunes qui, avec une prise en charge du salaire à 80 % par l'Etat, a constitué une formidable tentation pour les gestionnaires locaux.
Mais la deuxième étape de la décentralisation transfèrera également demain aux collectivités locales (essentiellement les Régions et les Départements) près de 130 000 agents supplémentaires, qu'ils soient détachés ou qu'ils optent pour l'intégration dans la fonction publique territoriale.
On ne saurait bien sûr exclure que certains recrutements aient été opérés, ici ou là, avec une excessive abondance, mais il appartient à chacun de mener sa propre réflexion à ce sujet.
Il reste qu'à ce rythme, le jour où la fonction publique territoriale aura numériquement rejoint la fonction publique d'Etat se rapproche. Quand il sera atteint, quelque chose aura changé dans ce pays !
Le rapport, dont l'analyse s'arrête au 31 décembre 2001, n'est pas en mesure de rendre compte d'une inflexion de l'emploi public au cours des dernières années. En ce domaine, le seul indicateur dont nous disposions est celui des emplois budgétaires dont on sait que le nombre a légèrement diminué au cours de l'exercice 2003 et qu'il devrait en être de même en 2004.
Sur ce point toutefois une difficulté méthodologique tient à la non description dans les lois de finances des " emplois non-budgétaires ", c'est-à-dire des supports juridiques et financiers qui permettent de recruter et de payer des agents en dehors de tout emploi budgétaire : je vise ici les agents payés sur crédits, les vacataires, les emplois jeunes ou même les enseignants du secteur privé sous contrat Tous ces personnels ne sont jamais pris en compte dans le recensement des emplois publics. La Cour des comptes a fait des travaux très précis sur cette question pour les années 1995 à 1999, j'invite l'OEP à poursuivre ce travail, de façon à disposer de séries longues en ce domaine, en attendant le passage aux normes de la nouvelle loi organique.
3 - Ce 3ème rapport est également riche d'informations sur l'insertion des handicapés dans la fonction publique, sur la féminisation de certains métiers (il apparaît que la part des femmes dans la haute fonction publique n'est pas aussi faible qu'on le dit) ou sur le nombre et la qualité des non-titulaires.
Je vous laisse découvrir ces chiffres sous le commentaire éclairé de Mme ZAIDMAN et je voudrais maintenant vous dire quelques mots de la gestion prévisionnelle.
B - En matière de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences les résultats sont inégaux
Le rapport présente un tableau des travaux engagés en matière de gestion prévisionnelle au sein des trois fonctions publiques.
On voit que les choses bougent, et il y a lieu de s'en réjouir, on voit aussi que les difficultés ne manquent pas et que les objectifs poursuivis sont assez différents.
1 - La fonction publique hospitalière s'est dotée d'un observatoire des métiers hospitaliers dont les premiers travaux sont disponibles, tant en matière statistique qu'en matière d'évolution des métiers et des compétences.
2 - Le principal problème de la fonction publique territoriale est la connaissance et la centralisation des informations. Déjà le recensement des personnels n'était pas chose facile, mais des concepts communs se sont imposés et des lieux de centralisation sont apparus. Mais demander aux 36 000 collectivités locales d'établir et de présenter des plans de gestion prévisionnelle un tant soit peu homogènes est une véritable gageure.
Il reste néanmoins souhaitable de parvenir à une certaine coordination des efforts car, après tout, les départs à la retraite seront nombreux partout dans les années à venir et la question du recrutement se posera dans les mêmes termes dans bien des collectivités. Une concurrence excessive, faute d'outils de prévision adéquats, serait alors une conséquence fâcheuse d'un manque d'anticipation.
3 - S'agissant de l'Etat, les résultats des travaux menés en matière de gestion prévisionnelle sont aussi inégaux.
Tous les ministères n'ont pas encore la capacité de réaliser des travaux de cette nature. D'autres l'ont, mais redoutent qu'une trop grande transparence ne soit la cause de difficultés sociales.
Il importe, au demeurant, de bien distinguer les trois domaines de la GPEEC.
La gestion prévisionnelle des emplois renvoie aux missions de l'Etat et aux moyens que celui-ci entend mettre à la disposition des administrations pour les atteindre.
Elle se distingue à cet égard de l'exercice budgétaire : la gestion prévisionnelle se situe à un horizon d'au moins cinq ans (dix ans est mieux) alors que le budget est annuel ; la gestion prévisionnelle des emplois est un exercice d'anticipation, mais n'a pas de caractère normatif, contrairement à la loi de finances ; la réflexion sur la gestion prévisionnelle peut réunir un grand nombre d'acteurs alors que l'élaboration du projet de loi de finances est un exercice interne à l'administration.
La gestion prévisionnelle des effectifs est d'une essence différente. Il ne s'agit plus de réfléchir à la meilleure allocation de moyens à des missions, mais d'étudier l'évolution à cinq, dix ou quinze ans des populations en place.
On peut " faire vieillir " ces populations pour détecter les points de friction ou de blocage possibles.
Il y a lieu aussi de rapprocher les besoins qualitatifs et quantitatifs des administrations (tels qu'ils ressortent de la gestion prévisionnelle des emplois) de la " ressource " pour en tirer des enseignements en matière de recrutement : dans quel secteur ? A quel niveau de qualification ? Avec quel statut ?
De ce rapprochement résultera une politique de formation, initiale ou continue, afin d'attirer de bons éléments vers la fonction publique, les former et les préparer à l'exercice de leur fonctions, ainsi qu'une politique de mobilité à l'intérieur de chaque fonction publique comme entre les trois fonctions publiques.
La gestion prévisionnelle des compétences est le troisième volet de l'action prospective de l'Observatoire de l'emploi public.
En ce domaine, l'action des ministères est essentielle. Un certain nombre d'entre eux ont mis en place des structures de réflexion et de concertation. Le rôle interministériel de l'Observatoire reste toutefois central tant pour donner l'impulsion initiale ou des conseils de méthode que pour diffuser les résultats et réaliser des synthèses.
II - L'action du Gouvernement en matière de gestion de l'emploi public
La première préoccupation du Gouvernement a été de mettre en place de nouveaux outils de gestion de l'emploi public. Très vite cependant s'est imposée la nécessité de concevoir en parallèle une nouvelle gestion des ressources humaines.
A - La nécessité de mettre en place de nouveaux outils de gestion de l'emploi public s'est très vite imposée au Gouvernement
La gestion de l'emploi public dans le cadre annuel de la loi de Finances avait depuis longtemps montré ses limites.
Là où l'action s'inscrit dans la durée, le coup par coup annuel ne peut être efficace. Là où une vision globale est requise, l'approche verticale par ministère ne peut suffire.
Un des objectifs de la réforme de l'Etat est que l'emploi public évolue au mieux des besoins du service public. Ce qui signifie que l'on doit rechercher en permanence à ajuster les moyens en personnels aux missions des services.
Pour y parvenir, le Gouvernement a mis en uvre deux procédures nouvelles :
- tout d'abord, le Premier ministre a demandé à chaque ministère d'élaborer une stratégie ministérielle de réforme (SMR) afin de faire ressortir les tendances de l'évolution des missions de chaque département ou service ministériel.
Quelques unes de ces stratégies ont été présentées aux Assemblées à l'occasion du débat sur le PLF - 2004 ;
- dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, le Premier ministre a également souhaité que chaque ministère présente plusieurs scenarii d'évolution de leurs emplois à un horizon de cinq à dix ans.
Cet exercice qui devait être terminé pour le mois de mai dernier s'est un peu prolongé, mais des réunions interministérielles sont en cours pour examiner et arrêter définitivement ces travaux qui pourront être revus chaque année. Les schémas proposés par un grand nombre de départements ministériels sont donnés dans le présent rapport de l'Observatoire de l'emploi public.
Il va de soi que ces outils sont de long terme et appelés à être repris régulièrement. L'évolution de l'emploi public ne doit plus être un sujet tabou que l'on traite en catimini, ni un sujet de confrontation entre les pouvoirs publics et les organisations syndicales, mais un sujet de fonction publique parmi d'autres, que le Gouvernement, les organisations syndicales, le Parlement et l'opinion publique doivent pouvoir se saisir de manière facile et éclairée, c'est là, d'ailleurs, une des raisons d'être de l'Observatoire.
A moyen terme, de nouveaux outils devront être conçus et adaptés aux normes de la loi organique sur les lois de finances. Cependant la gestion prévisionnelle des emplois ne doit pas être subordonnée aux préoccupations budgétaires. C'est un outil complémentaire, mais autonome, de réflexion et d'action pour le Gouvernement.
B - Le besoin de concevoir en parallèle une nouvelle gestion des ressources humaines a été également ressenti
Derrière les chiffres, il y a les hommes.
Comment ne pas faire le lien entre la gestion macro-économique des emplois ou des effectifs, et la gestion collective ou individuelle des carrières ?
Très vite, la nécessité d'ouvrir de nouveaux champs à la gestion des ressources humaines s'est imposée, en parallèle des travaux de gestion prévisionnelle.
J'en rappellerai les orientations.
Un premier axe a consisté à ouvrir avec les organisations syndicales des consultations sur toute une série de thèmes généraux de la fonction publique : recrutement, avancement, déroulement de carrière, mobilité, formation
Interrompues par le grand débat sur les retraites, ces rencontres devront être reprises et conduites à leur terme.
Un deuxième axe a été ouvert par la communication que j'ai faite en Conseil des ministres sur l'encadrement supérieur et la réforme de l'ENA. A cette occasion, a été annoncée la mise en place de structures de pilotage de la haute fonction publique. Celles-ci doivent permettre de brasser les viviers, rendre les carrières plus fluides, notamment par le biais de la promotion interne. Par ailleurs, le Gouvernement se soucie d'introduire un début de gestion par " objectifs " pour les personnels de direction, associée à un système de modulation d'une partie de leur rémunération.
S'agissant de la réforme de l'ENA, elle repose fondamentalement sur l'ouverture, d'une part, à l'administration territoriale et, d'autre part, aux ressortissants communautaires. Renforcée dans sa vocation d'école d'application, l'ENA verra une profonde réforme de sa scolarité et l'introduction, à côté du classement, de mécanismes d'évaluation et d'orientation.
Ces principes sont appelés à se diffuser dans d'autres écoles ou établissements de formation, internes à l'administration.
Le troisième axe de l'action du Gouvernement réside dans l'élaboration d'un projet de loi de modernisation de la fonction publique qui comportera deux grands volets, l'un consacré à la fonction publique de l'Etat, l'autre à la fonction publique territoriale. Issu des concertations nombreuses et multiformes qui ont émaillés ces dix-huit derniers mois, ce projet de loi permettra de donner à notre fonction publique un regain de dynamisme et des perspectives qui s'inscrivent dans les préoccupations qui nous réunissent aujourd'hui à propos de l'emploi public.
En vous remerciant d'avoir participé à cette réunion qui est un rendez-vous annuel autour d'un travail collectif au service de tous, je souhaite que, après la présentation plus technique du rapport qui vous sera faite dans un instant, vous n'hésitiez pas à me faire part de vos avis, de vos attentes et, éventuellement, de vos critiques sur la gestion et le devenir de l'emploi public.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 11 décembre 2003)