Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, sur le rôle des associations dans l'Union européenne, notamment par rapport à la directive européenne sur les services, à Paris le 16 novembre 2004.

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Circonstance : Colloque sur "Les enjeux des projets de réglementation de l'Union européenne pour les associations", à Paris le 16 novembre 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je souhaite en préambule remercier Jean François Lamour pour avoir organisé ce colloque sur "les enjeux des projets de réglementation de l'Union européenne pour les associations".
Je souhaiterais bien sûr aborder ce matin les questions qui sont à l'ordre du jour de ce colloque en les resituant dans la perspective de la construction européenne.
Mais auparavant, je voudrais revenir sur ce qu'a évoqué Jean François Lamour, mais aussi donner mon sentiment sur le rôle des associations dans l'Europe telle qu'elle fonctionne aujourd'hui et telle qu'elle fonctionnera demain, tout particulièrement si le projet de traité constitutionnel est ratifié par l'ensemble des Etats membres.
Jean François Lamour vient tout juste d'évoquer avec force et conviction le partenariat que le gouvernement souhaite proposer au monde associatif pour favoriser l'information des associations sur les questions européennes. Je souhaite devant vous lui assurer tout mon soutien dans cette démarche de concertation étroite et régulière avec les représentants des associations sur les questions européennes. Je suis toute disposée à le favoriser et à m'y impliquer dans le cadre de mes fonctions.
Pourquoi ce dialogue avec le monde associatif est-il aussi indispensable ?
Parce que le fonctionnement de l'Union européenne élargie l'exige. Dans une Union élargie à vingt-cinq membres sans cesse plus étroite, la France doit faire passer ses messages par différents canaux, dans le respect évidemment de l'indépendance des différents acteurs : Etat, collectivités locales, entreprises et bien sûr les associations et toutes les organisations non gouvernementales. Parce que nous ne serons pas forts en Europe si nous sommes incohérents et désorganisés en France.
Les institutions européennes elles-mêmes nous donnent l'exemple en sollicitant l'avis des "experts" de la société civile. Toute personne qui est en contact étroit avec "Bruxelles" connaît l'importance du dialogue entre les institutions européennes et la société civile, que ce soit pendant la phase amont de la législation européenne (consultations menées par la Commission) ou encore au cours de la procédure législative (intervention des groupes de pression auprès des députés européens).
Le projet de constitution européenne conforte cette dimension en renforçant le rôle du Parlement européen, en introduisant des mécanismes de démocratie directe et en reconnaissant officiellement la place du dialogue civil.
Afin de pouvoir tirer partie le moment venu des innovations importantes en matière de démocratie directe ou participative que le projet de constitution propose, il est indispensable que davantage d'associations françaises soient représentées à Bruxelles pour participer activement à la défense de leurs intérêts et de leurs idées. Je suis disposée à réfléchir avec vous aux moyens concrets de faciliter le renforcement de cette présence.
J'ai d'ores et déjà exprimé lundi 8 novembre le souhait du gouvernement d'engager une relation de confiance réciproque, lorsque j'ai réuni, avec Michel Barnier, un nombre important de partenaires de la société civile pour présenter la campagne d'information du gouvernement sur le projet de constitution européenne. Quoi qu'en pensent certains, je crois que le gouvernement et les associations peuvent, en respectant certaines conditions d'objectivité qui relèvent du bon sens et du respect de la diversité des sensibilités de chacun, marcher main dans la main pour remplir des missions d'intérêt général et répondre aux attentes de nos concitoyens en matière d'information sur l'Europe.
Mesdames et Messieurs, vous allez aujourd'hui débattre ensemble sur les enjeux des projets de réglementation de l'Union européenne pour les associations avec des élus, des représentants de différents départements ministériels et le SGCI.
Je ne peux rester ce matin pour aborder avec vous l'impact des textes qui sont à l'ordre du jour du colloque, ni écouter vos interventions ou répondre à vos questions car je dois me rendre à Strasbourg.
Je souhaitais néanmoins vous assurer de l'intérêt que je porte à vos débats et j'espère que le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative pourra me transmettre les principales conclusions.
Vous savez que je participe aux réunions du conseil compétitivité qui traite de sujets importants pour la construction européenne dont certains concernent directement les associations. Je souhaite revenir brièvement devant vous sur la directive sur les services parce que ce texte fera l'objet d'un débat d'orientation politique dès le 25 novembre. Son adoption devrait cependant relever d'un processus long de négociation au cours de l'année 2005 : vos discussions interviennent donc à un moment très pertinent et pourront nourrir les réflexions en cours au plan français et européen.
L'approfondissement du marché intérieur dans le domaine des services est à l'évidence un volet essentiel de la construction européenne qui s'inscrit aujourd'hui tout particulièrement dans la stratégie de Lisbonne, dont l'objectif est de faire de l'Europe l'économie la plus compétitive du monde d'ici 2010.
Le gouvernement est favorable à cette proposition de directive et il est résolu à l'examiner dans un esprit constructif. Il est en effet vain de vouloir construire l'Europe sans apporter concrètement à nos concitoyens, au-delà d'une perspective politique, davantage de croissance et d'emploi. Le secteur des services génère entre 50 % et 70 % du PIB de l'Union européenne et contribue à la création d'emplois pour 60 à 70 %; en France, il y a clairement des "gisements d'emplois" dans le secteur des services. Je pense que vous conviendrez aisément que cette directive devrait permettre des avancées importantes, et pour la France, et pour l'Europe.
Par son ampleur et sa complexité, la proposition de directive présentée par la Commission en janvier dernier nécessite une évaluation attentive. Il convient donc de se donner le temps de cette évaluation, afin de faire de la négociation qui s'annonce un succès pour l'Europe.
Nous devrons notamment être particulièrement attentifs au champ de la proposition, à son articulation avec l'acquis communautaire, parfois dans des secteurs d'une grande sensibilité politique, et à la prise en compte des impératifs d'intérêt général.
Certains secteurs appellent un traitement adapté en raison de leurs spécificités. C'est le cas notamment des services de santé qui devraient à mon sens être exclus du champ de cette proposition de directive. Il faut également veiller à une bonne articulation avec d'autres exercices en cours au niveau communautaire et auxquels la France attache une importance particulière, comme les services sociaux d'intérêt général et les services d'intérêt économique général.
Par ailleurs, le gouvernement veillera tout particulièrement à ce que l'approfondissement du marché intérieur des services ne conduise pas à un alignement par le bas de la protection des consommateurs, et en particulier des publics vulnérables. Le gouvernement a décidé d'en faire une priorité dans notre négociation de ce texte.
Pour autant, nous ne pouvons adopter une posture purement défensive sur cette directive, tout d'abord parce que nous serions isolés, mais surtout, parce qu'elle nous offre l'occasion de renforcer notre position dans un domaine où la France dispose déjà de nombreux atouts.
De même, le principe du pays d'origine qui suscite chez certains d'entre vous des craintes légitimes ne peut être rejeté a priori, notamment parce qu'il s'applique déjà pour certains services comme les communications électroniques ou l'audiovisuel (directive Télévisions sans frontière). Son impact doit bien entendu être évalué avec la plus grande attention et c'est pourquoi le gouvernement a saisi le Conseil d'Etat sur sa compatibilité avec la constitution. Il est probablement souhaitable de spécifier précisément les domaines où ce principe pourrait s'appliquer et ceux qui devraient relever plutôt de la reconnaissance mutuelle, ou encore d'une démarche d'harmonisation complète. C'est dans ce sens que la France travaille actuellement. A cet égard, tous vos travaux peuvent nous être très utiles.
Vous le sentez, nous sommes au coeur d'une discussion importante et délicate. Dans ce contexte, il ne faut pas perdre de vue l'enjeu de la construction européenne, processus fondé depuis l'origine sur la confiance entre les partenaires européens et in fine sur le rôle d'arbitre de la Commission et de la CJCE.
Voici, Mesdames et Messieurs, brièvement rappelée, la position du gouvernement.
Je vous propose de faire un nouveau bilan vers la mi-décembre lors de la prochaine réunion du "Groupe permanent de suivi des questions européennes".
En attendant, je vous souhaite des débats fructueux et je vous remercie pour votre attention
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 novembre 2004)