Déclaration de M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales, sur la valorisation du patrimoine rural bâti et non bâti dans l'enseignement agricole et son impact sur le développement touristique, à Paris le 3 juin 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Assemblée générale des Vieilles Maisons Françaises à Paris le 3 juin 2004

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous aujourd'hui, pour votre assemblée générale. Tout d'abord, parce que c'est pour moi l'occasion de saluer avec beaucoup de respect l'action que vous menez depuis de longues années, et bénévolement, en faveur de la préservation de notre patrimoine collectif. Mais aussi parce que vous m'avez demandé de remettre des prix, que vous venez de créer cette année, à des élèves de l'enseignement agricole, des élèves en formation horticole et aménagement paysager. C'est un pan très important de notre patrimoine, celui des paysages, des parcs et des jardins, que vous valorisez, à juste titre, à travers ces nouveaux prix ; c'est aussi une reconnaissance de la qualité de notre enseignement agricole, de sa richesse, de sa contribution à une indispensable transmission des savoirs, que vous permettez aujourd'hui.
En tant que Secrétaire d'Etat à l'Agriculture, à l'Alimentation, à la Pêche et aux Affaires Rurales, j'ai dans mes trois grands domaines de compétences, à côté des affaires rurales et des industries agro-alimentaires, la charge de l'enseignement agricole. C'est une filière d'excellence qu'il convient de mieux valoriser et je vous remercie de m'y aider, par votre action.
Ce lien entre formation et patrimoine, dont je suis intimement convaincu, vous le mettez donc en lumière avec votre expérience, votre implication constante, votre détermination. Ainsi, vous participez au soutien du développement de nos territoires ruraux. N'en doutez pas : à cet égard, vous trouverez à vos côtés le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, dont l'engagement en faveur du monde rural est total depuis son arrivée. Le maintien et la valorisation du patrimoine sont, j'en suis convaincu, des outils essentiels pour le développement économique de ce monde rural; ce sont des éléments forts de confiance en son avenir. Je vous remercie sincèrement du travail que vous menez pour maintenir intact notre patrimoine.
J'ajoute qu'en innovant cette année, avec des prix récompensant un travail paysager ou horticole, vous vous êtes inscrits de façon résolue dans la dynamique initiée par le gouvernement. Pour cela aussi, je souhaite vous remercier. En effet, comme vous le savez, demain débute la 2ème édition des Rendez-vous aux Jardins, qui durera jusqu'à dimanche et ouvre à tous nos concitoyens plus de 1300 parcs et jardins en France. Mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication, a insisté encore récemment sur l'importance de ce patrimoine qu'il entend bien préserver.
Le patrimoine, un atout du monde rural que le gouvernement entend valoriser
Par votre action, par ces prix, vous concourez donc à sensibiliser l'opinion à la nécessité de sauvegarder notre patrimoine. Et c'est effectivement une impérieuse nécessité. Les richesses de nos terroirs en termes de patrimoine, bâti ou non bâti, sont un atout indiscutable pour conforter leur attractivité, développer le tourisme rural mais aussi, par un effet d'image et de qualité, pour attirer de nouveaux habitants, maintenir des infrastructures. Si ce patrimoine venait à disparaître, par indifférence ou résignation, ce sont des territoires entiers qui seraient menacés dans leur identité et fragilisés pour leur avenir. Nous ne devons pas l'accepter.
Sachez que le gouvernement en est conscient et a engagé depuis bientôt deux ans une vaste démarche afin de revitaliser le monde rural. Jamais sans doute, il n'y avait eu autant de moyens, autant d'outils mis à disposition des projets des acteurs du monde rural : que ce soit à travers les CIADT (les comités interministériels d'aménagement du territoire) de septembre et décembre dernier ; les mesures en faveur de la couverture du territoire en téléphonie mobile ou de l'accès à Internet haut débit ; le projet de loi sur le développement des territoires ruraux, en cours d'examen au Parlement et sur lequel je vais revenir dans un instant ; la future loi de modernisation agricole à laquelle, avec Hervé Gaymard, nous travaillons ; ou encore le grand partenariat national pour l'agro-alimentaire, dont le Premier Ministre m'a confié l'élaboration.
Ces mesures forment une action cohérente et résolue, un effort sans précédent, pour donner au monde rural les moyens de son dynamisme. Et parmi ces moyens figure la préservation du patrimoine. A cet égard, je voudrais souligner quelques dispositions du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, qui vient d'être voté en 1ère lecture au Sénat. Toutes ont pour objectif d'encourager les démarches de maintien ou de rénovation du patrimoine bâti, souvent par des incitations fiscales... Car nous le savons tous, aujourd'hui plus que jamais, la fiscalité reste le nerf de l'action, y compris dans ce domaine ! A cet égard, je ne rappellerai pas aujourd'hui les dispositions fiscales existantes concernant les bâtiments anciens, qu'ils soient " normaux " ou historiques ; vous les connaissez.
Je reviens au projet de loi. Sans les détailler, j'évoquerais ainsi l'exonération de taxe foncière prévue dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) pour les logements bénéficiant d'une aide à l'amélioration de l'habitat ; la création des SIDER, détenues par les régions et dont l'un des objets sera de favoriser l'acquisition et la réhabilitation de logements dégradés ou vacants en vue de leur remise sur le marché ; je pense aussi à l'exonération d'impôt sur le revenu pour la réalisation de travaux dans les villages résidentiels de tourisme classés.
Le projet de loi prévoit aussi l'extension du champ d'application du régime de déclaration des installations classées : très concrètement, nous instaurons un régime simplement déclaratif pour les carrières de pierres de faible importance destinées à la restauration de monuments historiques, qu'ils soient classés ou inscrits. J'ajoute encore la possibilité de reprise par la bailleur de bâtiments de ferme présentant un intérêt architectural. Et je terminerais par une mesure très importante, le " Robien rural ", qui prévoit, dans les zones de revitalisation rurale, que l'amortissement fiscal pour les investissements locatifs notamment dans l'ancien réhabilité ou transformé voit la déduction portée de 6 à 40 %.
Vous le constatez, l'effort engagé est réel et global : ce sont véritablement des outils de confiance et de projets que nous mettons à disposition du monde rural. Je tenais à vous en faire part.
Préservation du patrimoine : l'exemple de l'Indre
Le Secrétaire d'Etat que je suis est donc aujourd'hui, avec vous, un homme heureux. Mais il faut maintenant que je vous livre un secret : si je suis très sensible, depuis longtemps, à cette problématique de la préservation et de la mise en valeur de notre patrimoine, c'est sans doute par goût personnel mais aussi parce que, enfant et adolescent, je parcourais déjà la revue des VMF chez mes grands-parents, qui avaient d'ailleurs dépensé du temps et de l'énergie à rénover leur maison. Et je me souviens aussi de Michel Péricard, qui fut d'abord le défenseur de Chefs d'oeuvre en péril avant d'être l'homme politique que chacun a connu. Il a lui aussi rénové avec soin une maison ancienne, près d'Argenton sur Creuse, dans ma circonscription du Berry.
Dans notre société au rythme accéléré, il est décidément utile de prendre le temps de respecter notre histoire architecturale, même la plus modeste (et je pense notamment aux corps de ferme, aux granges qui animent nos paysages) comme les parcs et jardins. Nous avons connu des époques récentes - et vous le savez mieux que quiconque - où l'indifférence face au passé ou un modernisme mal contrôlé, ont conduit à abattre ce qui serait sans doute considéré aujourd'hui comme des chefs d'oeuvre du patrimoine.
Tout récemment, retrouvant de vieilles cartes postales de ma ville, j'ai ainsi été choqué de constater que de très belles maisons à colombages avaient été démolies, à l'époque des Trente Glorieuses, pour construire un parking près de l'église. Je suis persuadé que si ces maisons avaient existé aujourd'hui, elles auraient largement contribué à l'attrait touristique de ma ville. Sans nier bien évidemment l'utilité d'améliorer les infrastructures et l'attente de confort, sans doute peut-on trouver un équilibre qui ancre le patrimoine dans la modernité. C'est, je le crois, aujourd'hui le cas. Même si nous devons toujours rester vigilants. Et je sais que vous l'êtes.
Elu de l'Indre, qui est un département rural, maire d'une ville et d'une agglomération de 9000 habitants - La Châtre -, j'ai donc choisi d'y conduire une action résolue de mise en valeur et de restauration du patrimoine bâti. Je ne suis évidemment pas le seul à le faire, mais je suis convaincu que cela contribue de façon forte à l'image, à la qualité de vie, au charme d'une ville. Et donc à son attrait pour le tourisme ou pour l'implantation de néo-ruraux.
En quelques mots, dans ma région où la pierre prédomine, j'ai instauré une politique de soutien à la restauration des façades - en privilégiant les enduits à pierres vues -, des toitures traditionnelles en petites tuiles - en respectant leur harmonie - et des colombages, le tout avec un cahier des charges précis, établi avec l'aide de l'architecte des Bâtiments de France et grâce à des subventions. Et j'ai tenu à donner l'exemple sur les bâtiments publics. Je me souviens toujours avec plaisir de la revue VMF de février 2000, qui avait consacré son numéro 181 au département de l'Indre ! L'année 2004 sera d'ailleurs, dans mon département, emblématique de l'effort consacré à la rénovation de notre patrimoine, avec tous les évènements liés au bicentenaire de la naissance de George Sand, car sa maison à Nohant, parmi de nombreux autres travaux, a été particulièrement bien restaurée.
Notre patrimoine dépend aussi de ceux qui sauront le préserver demain
Mettre en valeur le patrimoine, c'est précisément assurer le lien entre le passé et le futur (en formant celles et ceux qui demain sauront le gérer, le restaurer, le préserver). En créant, pour la première fois, des prix destinés à récompenser des élèves de l'enseignement agricole qui suivent des formations dans le domaine paysager, vous mettez très justement l'accent sur cette nécessaire transmission des savoirs. Et vous soulignez également la grande qualité de notre enseignement agricole. C'est en effet une filière d'excellence, qui offre un taux d'insertion professionnelle particulièrement élevé.
L'enseignement agricole, je le dis avec force, joue un rôle déterminant en matière d'animation rurale, de formation des acteurs du monde agricole et agro-alimentaire de demain. Il sait accompagner les évolutions de la société et répondre, au plus près, aux demandes des jeunes et de leurs familles. Sa richesse trouve son origine dans la qualité des femmes et des hommes qui le font vivre au quotidien, dans la diversité des familles qui le composent, dans la pluralité des approches, des expériences, des compétences qu'il offre.
Les prix que vous avez créés, et que je vais bientôt remettre, traduisent cette diversité et ces qualités. Et sans aucun doute les attentes, récentes, de la société française qui apprécie de plus en plus la valeur d'un patrimoine paysager préservé. Il est vrai que l'enseignement agricole offre une large palette de formations dans ce domaine. Peut-être faut-il aller encore plus loin, pour " pérenniser les jardins ", comme le suggérait un article de votre revue en avril 2003, et je suis ouvert à vos propositions.
Mais il n'en reste pas moins que nos filières de formation sont d'ores et déjà bien sensibilisées à cette dimension patrimoniale et culturelle. Certains établissements proposent, de plus, désormais des licences professionnelles dédiées, comme par exemple à Grenoble avec la licence " promoteur du patrimoine rural " ou la maîtrise " valorisation du patrimoine rural " de l'Institut Universitaire Professionnalisé de l'Université de Limoges, en partenariat avec le lycée d'Ahun, dans la Creuse.
Ce sont ainsi, pour l'année 2003/2004, près de 21 000 élèves qui sont inscrits dans les formations scolaires et par apprentissage du domaine paysager et ce, dans tous les départements français. On peut y ajouter d'ailleurs la formation professionnelle continue, mise en uvre dans les CFPPA publics et les centres privés.
J'ajouterai que ces élèves trouvent des emplois à la sortie de leurs études, puisque les taux d'insertion relevés lors des dernières enquêtes effectuées par le ministère de l'Agriculture, varient de près de 80% à plus de 94% suivant le diplôme de fin d'études. Les collectivités locales, les entreprises et les organismes dotés d'espaces verts recrutent de plus de plus de jeunes formés par notre enseignement agricole, mais je reconnais que du chemin reste encore à parcourir pour mieux faire connaître la qualité et la richesse de cet enseignement.
Je compte donc aussi sur votre action pour nous aider à communiquer davantage sur les atouts de l'enseignement agricole français. C'est en poursuivant cet effort de transmission de savoirs, qu'ils soient traditionnels ou innovants, que nous conserverons mais aussi que nous continuerons de pouvoir restaurer notre patrimoine collectif. Car il me semble que l'intérêt pour cette démarche de valorisation de notre patrimoine augmente chez nos concitoyens J'ai moi-même, à La Châtre et en partenariat avec le Conseil Régional du centre et le Conseil Général de l'Indre, créé voici quelques années une association (FOREPABE : Formation pour la Restauration du Patrimoine en Berry) qui propose des cycles de formation concrète sur les techniques traditionnelles de restauration des bâtiments anciens (taille de pierre, ornementation...) : eh bien, je dois vous dire que le nombre d'heures de stages a explosé en deux ans de plus de 100 % !
En conclusion, je vous dirai simplement que non seulement nous partageons une passion, celle de la préservation de notre patrimoine, encore une fois bâti ou non bâti mais encore qu'il s'y ajoute un intérêt évident : celui du développement touristique et donc économique de nos territoires ruraux. Le gouvernement ne pouvait donc être insensible à ce travail qui a pour finalité de construire un avenir dynamique pour notre monde rural. A ce double titre, je voudrais saluer à nouveau le remarquable travail que les VMF accomplissent sans relâche.
Je vous remercie.
(Source http://www.vmf.org, le 30 juin 2004)