Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
En lançant, le 15 janvier dernier, les travaux dont vous me remettez aujourd'hui les résultats, Madame la Présidente et Chère Carole Bouquet, le ministre de la Famille et moi-même avons souhaité franchir une nouvelle étape dans la campagne de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants, un fléau dont la gravité et l'ampleur ne cessent de nous préoccuper.
Je tiens, à cet égard, à vous redire combien j'ai été sensible à l'implication très forte, voire la passion qui vous a animée dans la préparation de ce rapport et à remercier en particulier les associations, les ONG et les professionnels pour leur grande disponibilité et la qualité de leurs contributions.
Ainsi que vous l'aviez souhaité, Chère Carole Bouquet, trois commissions ont été formées pour mieux appréhender les différents aspects à traiter : prévention et communication, arsenal juridique et applications, coopération internationale et actions de terrain. Parallèlement, de nombreuses auditions de personnalités qualifiées ont été menées, dont les compte-rendus intégraux figurent en annexe des documents. Ce souci d'exhaustivité est à la mesure de l'intensité de la lutte à mener.
Car les réalités de l'exploitation sexuelle dans le tourisme sont proprement effrayantes et, malgré les actions menées jusqu'à présent, ce phénomène se déplace et s'amplifie. C'est pourquoi j'ai résolu de faire de ce combat l'un des objectifs prioritaires de l'action de mon ministère. Vos propositions nous permettrons de lancer des initiatives concrètes, fondées sur des expériences de terrain.
Ces propositions s'articulent autour de trois grandes idées.
La lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants doit être appréhendée de façon globale, elle est l'affaire de tous : voyageurs, enseignants, professionnels, familles, gouvernements. Cette lutte doit s'exercer partout, c'est-à-dire dans les pays récepteurs comme dans les pays émetteurs. Enfin, la France doit être une référence mondiale en matière de "tourisme éthique".
Premier point : la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants étant l'affaire de tous, vous relevez à juste titre le rôle de l'éducation, de l'information et de la formation dans la famille, à l'école, dans l'enseignement supérieur et dans les milieux professionnels. Il s'agit là d'apprendre à respecter l'enfant et à tordre le cou à certains préjugés désastreux tels que "la prostitution enfantine constitue un soutien financier pour l'enfant et sa famille" ou "les traditions culturelles de certains pays permettent d'avoir des relations sexuelles avec un enfant" qui favorisent le passage à l'acte lors de voyages ou de déplacements. Il faut d'ailleurs être très clair sur ce point et si je n'avais qu'un seul message à faire passer aujourd'hui, ce serait celui-là : la prostitution enfantine ne se justifie jamais. Ces enfants sont comme les nôtres. Les parents ont une responsabilité importante dans ce cadre et je remercie le professeur Joyeux pour son implication déterminée dans ce groupe de travail.
Deuxième idée, cette lutte doit s'exercer partout. Dans les pays récepteurs, vous proposez le développement d'actions bilatérales avec les gouvernements qui ont pris conscience de leur responsabilité : il s'agit de les aider sur le plan économique car c'est toujours la misère qui engendre la prostitution enfantine. C'est ainsi que la proposition de partenariat de formation professionnelle pour les enfants de plus de 14 ans avec des entreprises françaises implantées dans ces pays me paraît particulièrement pertinente. Avec une formation, on peut trouver un emploi, subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Aussi, n'oublions jamais que la scolarisation de ces enfants est la première des priorités.
Les pays émetteurs doivent également être sensibilisés : la proposition de créer une obligation légale d'insertion du rappel de la loi française dans les contrats de travail des salariés ou fonctionnaires expatriés ainsi que dans les contrats de voyages à forfait me paraît nécessaire pour informer les ressortissants français s'expatriant ou voyageant à l'étranger. Car, même si nul n'est censé ignorer la loi, il est toujours bon de la rappeler.
Vous proposez ensuite qu'une véritable politique en faveur du respect des droits des enfants soit engagée, avec, par exemple, la création d'une marque repère "tourisme respectueux des enfants" qui permettrait aux consommateurs de bien repérer les secteurs et activités qui seront soumis au respect d'une norme AFNOR sur laquelle reposerait la marque.
Troisième idée, il nous faut définir une stratégie qui ferait de la France la référence mondiale de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme. C'est ce que je vous avais demandé en janvier et j'ai noté avec satisfaction que le rapport s'intitule "Pour une stratégie française".
La France est en effet une référence mondiale en matière de tourisme, non seulement en raison de ses atouts intrinsèques, mais aussi en raison de son savoir-faire reconnu à l'étranger et pour lequel nous sommes sollicités dans le cadre d'accords de coopération. Par delà le caractère odieux de l'exploitation sexuelle des enfants qui en appelle à la responsabilité des Etats, le développement d'une éthique du secteur touristique me paraît incontournable. Les pays émergents ont bien compris cette nécessité. C'est pourquoi je reste persuadé que l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme n'est pas une fatalité : une lutte organisée et pragmatique en liaison avec les pays touchés portera ses fruits. Lors de mon déplacement au Cambodge et en Thaïlande, j'ai pu constater la détermination des gouvernements épaulés par les ONG et les associations, malgré les menaces qui pèsent parfois sur eux.
Mais nous devons, nous, Français, être irréprochables. La législation française reste mal appliquée. Nous devons travailler avec les pays et nos représentations diplomatiques pour que, en cas de délits, nos ressortissants soient arrêtés et jugés. Un bilan des actions pénales engagées et des condamnations devrait être régulièrement diffusé auprès du grand public à titre dissuasif.
Vous proposez également de généraliser les bonnes pratiques qui méritent d'être signalées. Je pense aux initiatives locales prises dans certains hôtels visant à interdire l'entrée de mineurs non accompagnés de leurs parents. J'ai pu constater moi-même que cela fonctionnait à Bangkok dans les hôtels du groupe Accor. Ces mesures très concrètes et faciles à appliquer vont dans le bon sens. Elles en appellent à la responsabilité et à la conscience de chacun.
Pour conclure, Madame la Présidente, je voudrais vous renouveler mes remerciements pour le travail accompli. Comme je l'ai indiqué précédemment, la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme est l'affaire de tous. Nous ne sommes malheureusement pas au bout de nos peines, c'est un combat de très longue haleine qu'il nous faut mener. Conjuguons nos forces, coopérons pour épargner les enfants de la barbarie.
Notre responsabilité est immense, et ce, à un double titre : il nous faut à la fois réprimer la demande en condamnant sévèrement les pédophiles qui se livrent à leurs exactions à l'étranger pensant bénéficier d'une relative impunité. Mais nous ne devons pas nous mentir à nous-même et reconnaître que le fonds du problème demeure l'attrait du gain dans des pays souvent très pauvres. Le tourisme est un facteur de développement incontestable mais il nous faut, à l'avenir, privilégier un tourisme respectueux des équilibres écologiques, économiques et socioculturels. Un tourisme qui protège les droits des enfants et des groupes les plus vulnérables. En un mot, un tourisme équitable qui permettre aux populations locales de vivre dignement du fruit de leurs efforts. Pour que plus jamais le mot tourisme ne soit accolé au mot sexuel.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 septembre 2004)
Chers Amis,
En lançant, le 15 janvier dernier, les travaux dont vous me remettez aujourd'hui les résultats, Madame la Présidente et Chère Carole Bouquet, le ministre de la Famille et moi-même avons souhaité franchir une nouvelle étape dans la campagne de lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants, un fléau dont la gravité et l'ampleur ne cessent de nous préoccuper.
Je tiens, à cet égard, à vous redire combien j'ai été sensible à l'implication très forte, voire la passion qui vous a animée dans la préparation de ce rapport et à remercier en particulier les associations, les ONG et les professionnels pour leur grande disponibilité et la qualité de leurs contributions.
Ainsi que vous l'aviez souhaité, Chère Carole Bouquet, trois commissions ont été formées pour mieux appréhender les différents aspects à traiter : prévention et communication, arsenal juridique et applications, coopération internationale et actions de terrain. Parallèlement, de nombreuses auditions de personnalités qualifiées ont été menées, dont les compte-rendus intégraux figurent en annexe des documents. Ce souci d'exhaustivité est à la mesure de l'intensité de la lutte à mener.
Car les réalités de l'exploitation sexuelle dans le tourisme sont proprement effrayantes et, malgré les actions menées jusqu'à présent, ce phénomène se déplace et s'amplifie. C'est pourquoi j'ai résolu de faire de ce combat l'un des objectifs prioritaires de l'action de mon ministère. Vos propositions nous permettrons de lancer des initiatives concrètes, fondées sur des expériences de terrain.
Ces propositions s'articulent autour de trois grandes idées.
La lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants doit être appréhendée de façon globale, elle est l'affaire de tous : voyageurs, enseignants, professionnels, familles, gouvernements. Cette lutte doit s'exercer partout, c'est-à-dire dans les pays récepteurs comme dans les pays émetteurs. Enfin, la France doit être une référence mondiale en matière de "tourisme éthique".
Premier point : la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants étant l'affaire de tous, vous relevez à juste titre le rôle de l'éducation, de l'information et de la formation dans la famille, à l'école, dans l'enseignement supérieur et dans les milieux professionnels. Il s'agit là d'apprendre à respecter l'enfant et à tordre le cou à certains préjugés désastreux tels que "la prostitution enfantine constitue un soutien financier pour l'enfant et sa famille" ou "les traditions culturelles de certains pays permettent d'avoir des relations sexuelles avec un enfant" qui favorisent le passage à l'acte lors de voyages ou de déplacements. Il faut d'ailleurs être très clair sur ce point et si je n'avais qu'un seul message à faire passer aujourd'hui, ce serait celui-là : la prostitution enfantine ne se justifie jamais. Ces enfants sont comme les nôtres. Les parents ont une responsabilité importante dans ce cadre et je remercie le professeur Joyeux pour son implication déterminée dans ce groupe de travail.
Deuxième idée, cette lutte doit s'exercer partout. Dans les pays récepteurs, vous proposez le développement d'actions bilatérales avec les gouvernements qui ont pris conscience de leur responsabilité : il s'agit de les aider sur le plan économique car c'est toujours la misère qui engendre la prostitution enfantine. C'est ainsi que la proposition de partenariat de formation professionnelle pour les enfants de plus de 14 ans avec des entreprises françaises implantées dans ces pays me paraît particulièrement pertinente. Avec une formation, on peut trouver un emploi, subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Aussi, n'oublions jamais que la scolarisation de ces enfants est la première des priorités.
Les pays émetteurs doivent également être sensibilisés : la proposition de créer une obligation légale d'insertion du rappel de la loi française dans les contrats de travail des salariés ou fonctionnaires expatriés ainsi que dans les contrats de voyages à forfait me paraît nécessaire pour informer les ressortissants français s'expatriant ou voyageant à l'étranger. Car, même si nul n'est censé ignorer la loi, il est toujours bon de la rappeler.
Vous proposez ensuite qu'une véritable politique en faveur du respect des droits des enfants soit engagée, avec, par exemple, la création d'une marque repère "tourisme respectueux des enfants" qui permettrait aux consommateurs de bien repérer les secteurs et activités qui seront soumis au respect d'une norme AFNOR sur laquelle reposerait la marque.
Troisième idée, il nous faut définir une stratégie qui ferait de la France la référence mondiale de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme. C'est ce que je vous avais demandé en janvier et j'ai noté avec satisfaction que le rapport s'intitule "Pour une stratégie française".
La France est en effet une référence mondiale en matière de tourisme, non seulement en raison de ses atouts intrinsèques, mais aussi en raison de son savoir-faire reconnu à l'étranger et pour lequel nous sommes sollicités dans le cadre d'accords de coopération. Par delà le caractère odieux de l'exploitation sexuelle des enfants qui en appelle à la responsabilité des Etats, le développement d'une éthique du secteur touristique me paraît incontournable. Les pays émergents ont bien compris cette nécessité. C'est pourquoi je reste persuadé que l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme n'est pas une fatalité : une lutte organisée et pragmatique en liaison avec les pays touchés portera ses fruits. Lors de mon déplacement au Cambodge et en Thaïlande, j'ai pu constater la détermination des gouvernements épaulés par les ONG et les associations, malgré les menaces qui pèsent parfois sur eux.
Mais nous devons, nous, Français, être irréprochables. La législation française reste mal appliquée. Nous devons travailler avec les pays et nos représentations diplomatiques pour que, en cas de délits, nos ressortissants soient arrêtés et jugés. Un bilan des actions pénales engagées et des condamnations devrait être régulièrement diffusé auprès du grand public à titre dissuasif.
Vous proposez également de généraliser les bonnes pratiques qui méritent d'être signalées. Je pense aux initiatives locales prises dans certains hôtels visant à interdire l'entrée de mineurs non accompagnés de leurs parents. J'ai pu constater moi-même que cela fonctionnait à Bangkok dans les hôtels du groupe Accor. Ces mesures très concrètes et faciles à appliquer vont dans le bon sens. Elles en appellent à la responsabilité et à la conscience de chacun.
Pour conclure, Madame la Présidente, je voudrais vous renouveler mes remerciements pour le travail accompli. Comme je l'ai indiqué précédemment, la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants dans le tourisme est l'affaire de tous. Nous ne sommes malheureusement pas au bout de nos peines, c'est un combat de très longue haleine qu'il nous faut mener. Conjuguons nos forces, coopérons pour épargner les enfants de la barbarie.
Notre responsabilité est immense, et ce, à un double titre : il nous faut à la fois réprimer la demande en condamnant sévèrement les pédophiles qui se livrent à leurs exactions à l'étranger pensant bénéficier d'une relative impunité. Mais nous ne devons pas nous mentir à nous-même et reconnaître que le fonds du problème demeure l'attrait du gain dans des pays souvent très pauvres. Le tourisme est un facteur de développement incontestable mais il nous faut, à l'avenir, privilégier un tourisme respectueux des équilibres écologiques, économiques et socioculturels. Un tourisme qui protège les droits des enfants et des groupes les plus vulnérables. En un mot, un tourisme équitable qui permettre aux populations locales de vivre dignement du fruit de leurs efforts. Pour que plus jamais le mot tourisme ne soit accolé au mot sexuel.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 septembre 2004)