Texte intégral
Messieurs les Ministres et Secrétaires d'État,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord, Monsieur Pavel Nastase, de vous remercier de votre accueil au sein de l'Institut national d'administration (INA), une institution encore jeune mais ô combien essentielle.
La France s'honore d'être, comme l'a souligné le 14 juillet dernier le président de la Roumanie, le premier partenaire de votre pays dans la réforme de son administration publique. Nous le constatons depuis plusieurs années avec le renforcement des échanges entre l'INA et l'École nationale d'administration. Nous en avons eu bien d'autres confirmations ces derniers temps, par exemple, par l'intensification de notre coopération pour l'adoption d'importantes lois sur la décentralisation ou sur la dépolitisation du corps préfectoral, ou encore la mise en place d'un mécanisme de coordination interministérielle pour les affaires européennes.
Et aujourd'hui même, je suis particulièrement heureuse de pouvoir inaugurer un nouveau jumelage PHARE, le 36ème conduit par la France comme chef de file, consacré à la réforme de l'administration publique.
Ce jumelage est placé sous le signe de la continuité d'une coopération fructueuse avec le ministère français de la Fonction publique et de la Réforme de l'État. Il nous permettra de contribuer à la modernisation de l'administration publique roumaine, à travers l'unité centrale pour la réforme et son réseau national de modernisateurs. Je salue à cette occasion nos partenaires roumains mais aussi néerlandais et je remercie la Commission européenne de sa confiance.
Notre coopération bilatérale repose sur une tradition ancienne, celle des premiers pas de la Roumanie indépendante, qui fut aidée par de nombreux experts français. Mais la tradition et l'amitié sont surtout pour nous des gages de réussite pour conduire avec efficacité une coopération tournée vers l'avenir, vers l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne. Le succès de l'adhésion suppose en effet que la Roumanie dispose d'une fonction publique professionnelle, imperméable à toute tentative de corruption, politiquement neutre, capable de répondre aux besoins d'une société moderne et démocratique, en un mot au service des citoyens. C'est sur ce chantier que la France, elle aussi confrontée au vaste défi de la modernisation de l'État, souhaite manifester une présence active au côté de la Roumanie.
Je suis très heureuse, et même émue, de m'adresser aujourd'hui à un public largement francophone.
La Francophonie fait partie de notre patrimoine commun. Deux écrivains aussi différents que Emil Cioran et Panaït Istrati, venus de Roumanie, ont écrit leur oeuvre magistrale en langue française. Nos échanges culturels ont toujours été très intenses. Permettez-moi d'évoquer le souvenir d'un trio de cousines célèbres, amies de Marcel Proust, qui roumanisèrent le Tout-Paris de l'après-guerre : Hélène Vacaresco, Anna Brancovan de Noailles et Marthe Bibesco, dont l'une, grande poétesse, a donné son nom au lycée français de Bucarest. Et nous pourrions citer bien d'autres exemples de l'extraordinaire échange intellectuel entre nos cultures que quatre décennies de dictature en Roumanie ne sont pas parvenues à interrompre, évoquant avec l'historien Victor Duruy : "ces hommes spirituels parlant français comme si la France était leur seconde patrie".
Vous êtes la preuve vivante que cet héritage s'épanouit aujourd'hui, comme les 4.000 jeunes Roumains qui font actuellement leurs études dans nos universités et nos grandes écoles - le deuxième groupe de l'Union élargie après celui des étudiants allemands - comme aussi les 1.500 étudiants des 14 filières d'enseignement francophone dans les universités roumaines.
Oui, la Francophonie, malgré la progression de la langue anglaise, est ici une valeur actuelle, et même une valeur d'avenir. La Roumanie, membre de l'Organisation internationale de la Francophonie depuis 11 ans, est candidate à l'accueil du sommet de cette organisation en 2006. Au côté de la France, elle défend la diversité culturelle qui sera bientôt ancrée dans une convention de l'UNESCO et qui figure dans la future Constitution européenne.
Le français est une langue de l'Europe, la langue traditionnelle du droit communautaire, la langue véhiculaire des trois capitales de l'Union. En 2002, les pays francophones de l'Union ont lancé un Plan pluriannuel d'action pour le français, en vue de l'élargissement de l'Union européenne et en coopération avec l'Agence intergouvernementale de la Francophonie. Pour la seule année 2003, ce plan a permis la formation au français de plus de 6.000 personnes à travers toute l'Europe.
La signature en juillet 2004 d'un mémorandum par M. Abdou Diouf, Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie et par le Premier ministre roumain, prévoit dans le même cadre multilatéral et francophone la relance de l'apprentissage du français dans la fonction publique roumaine. Étendu à l'ensemble des administrations dès 2005, ce programme s'adresse actuellement aux ministères des Affaires étrangères, de l'Intégration européenne, de l'Agriculture, mais aussi au Sénat et à l'INA. Les 250 premiers fonctionnaires bénéficiaires de ce programme, dont le budget initial s'élève à 70 000 euros, seront capables, à l'issue de leur formation, d'utiliser couramment la langue française dans leur activité. Nous sommes convaincus qu'ils sauront ensuite utiliser concrètement cette compétence.
La Francophonie est de plus en plus une dimension essentielle du partenariat franco-roumain pour l'Europe de demain. C'est un atout pour la jeunesse roumaine qui, au sein de l'Union européenne, maîtrisera plusieurs langues étrangères. C'est un atout, en particulier, pour vous ici présents, en vue des concours que vous passerez peut-être dès 2006 pour entrer dans la fonction publique communautaire.
La Francophonie est également un trait d'union puissant entre deux pays amis qui se retrouvent au sein de l'Union européenne élargie, un ferment de coopération précieux pour se mobiliser ensemble sur les grands chantiers de l'Europe de demain.
Je voudrais évoquer trois domaines où notre partenariat est déjà important et pour lesquels nous devons redoubler d'efforts pour réaliser toutes ses promesses.
a) Tout d'abord, la croissance, la compétitivité et la solidarité, autrement dit le modèle de Lisbonne. La France est l'un des tous premiers investisseurs en Roumanie, présente sur le long terme, avec une croissance impressionnante des échanges commerciaux bilatéraux (pas loin de 50 % au premier semestre de 2004.) Nos entreprises ont apporté ici non seulement près de deux milliards d'euros en capital et plusieurs dizaines de milliers d'emplois, mais aussi un savoir-faire qui prépare déjà la Roumanie à son entrée sur le grand marché unique européen. Il ne s'agit pas d'une relation à sens unique. Orange, Alcatel, La Société générale, Renault, Lafarge, Danone, L'Oréal, Michelin, Saint-Gobain, Gaz de France, et bien d'autres encore, recrutent des cadres roumains pour leurs sièges en France ou leurs filiales dans le monde entier. Le potentiel de votre pays est impressionnant dans le domaine des logiciels. Cet échange des compétences est un vrai facteur de compétitivité pour nos deux économies.
Cependant, au-delà de la performance économique, nos pays aspirent ensemble à faire vivre un modèle social. Des milliers d'ONG françaises se sont mobilisées, humainement et financièrement, pour moderniser le système de protection de l'enfance en Roumanie, qui a connu de grandes améliorations ces dernières années. Près de 800 collectivités locales françaises, avec leurs partenaires roumains, font aussi un travail formidable, au plus près du terrain, dans le domaine de l'action sociale. L'exclusion est toutefois un défi énorme à relever et notre mobilisation doit rester très forte : nous sommes fiers de contribuer à la création d'un Samu Social à Bucarest pour venir en aide aux sans abris.
La solidarité s'exprime aussi entre les États membres actuels et futurs. En 2004, la France contribue déjà pour près de 150 millions d'euros au soutien de la Roumanie. Elle s'est prononcée pour une augmentation très forte des aides de pré-adhésion jusqu'en 2007. La France souhaite aussi que, dans la prochaine période de programmation financière de l'Union, entre 2007 et 2013, les fonds communautaires soient alloués en priorité aux pays qui connaissent les plus grands retards de développement, afin que la Roumanie, par exemple, puisse voir le niveau de vie de ses habitants se rapprocher le plus vite possible des moyennes européennes dont elle est encore très éloignée, afin aussi qu'elle puisse se doter rapidement d'infrastructures modernes de transport, gérer la très coûteuse mise à niveau de sa politique environnementale, et assurer un développement rural harmonieux.
Encore faut-il que les sommes ainsi allouées à votre pays, et qui sont considérables, soient correctement administrées et honnêtement réparties. Dans le cadre de son partenariat avec la Roumanie, la France est prête à engager ici toute son expertise.
b) Notre deuxième défi, pour l'Europe de demain, est de faire fonctionner correctement l'espace de libre circulation, de sécurité et de justice auquel la Roumanie appartient déjà largement depuis la suppression des visas de court séjour pour les pays de l'espace Schengen, début 2002.
La Roumanie coopère de manière loyale et compétente avec les pays Schengen pour lutter contre l'immigration clandestine, les trafics d'êtres humains et le crime organisé. Mais les résultats doivent être meilleurs et nous allons y travailler ensemble. Les ressortissants d'origine roumaine constituent, dans nos pays d'Europe occidentale, une part trop importante de la délinquance dont ils sont d'ailleurs souvent eux aussi des victimes. Nous devons absolument prévenir la sortie du territoire roumain de mineurs promis à une abominable exploitation par les réseaux de prostitution ou de mendicité. Nous devons aussi, dans toute l'Europe du Sud-Est, remonter à la racine des mafias qui contrôlent ces réseaux, pour mieux les détruire.
Il y va de la crédibilité, aux yeux de nos citoyens, de l'intégration européenne. Il y va aussi de l'image de la Roumanie dans les pays d'Europe occidentale, injustement ternie par ces phénomènes de nature criminelle.
Une réforme réelle de la justice, une lutte sans merci contre la corruption, sont les conditions nécessaires, en Roumanie, de la réussite de ce combat. Là aussi, l'expertise française vous est acquise, pour consolider les progrès déjà accomplis.
c) Notre troisième objectif est de renforcer la présence de l'Europe au plan international, dans ses valeurs, mais aussi dans sa vision du monde.
La Roumanie, par son expérience historique, par sa situation au voisinage de zones stratégiques pour l'Europe, a un rôle majeur à jouer dans la construction de la politique étrangère européenne. Nous devons partager nos idées et faire preuve d'imagination pour bâtir avec les nouveaux voisins de l'Europe élargie, une relation intime et confiante. La France se réjouit de nourrir avec elle un dialogue stratégique, qui s'enrichit, cette année et en 2005, de la présence de nos deux pays au Conseil de sécurité des Nations unies.
L'Union européenne doit aussi travailler au développement d'une défense européenne en parfaite harmonie avec l'OTAN. C'est ainsi que la France conçoit son engagement au sein de l'OTAN et de l'Union européenne comme pleinement compatibles. Contrairement à une idée très répandue, la France ne se tient à l'écart de l'OTAN : je vous rappelle qu'elle est l'un des principaux contributeurs de troupes dans les opérations de l'OTAN et que, depuis le début du mois de septembre, les deux plus grosses opérations de l'OTAN, en Afghanistan et au Kosovo, sont commandées par des généraux français.
Le renforcement des capacités de défense des Européens ne peut qu'être bénéfique à l'Alliance atlantique. Nous y travaillons actuellement, avec par exemple les projets de groupements tactiques ou de force de gendarmerie européenne, avec aussi la mise en place de l'Agence européenne de défense. La Roumanie pour sa part modernise courageusement ses forces armées, avec un appui technique de divers pays, dont la France.
Pour finir, je voudrais vous faire part de trois convictions fortes :
- La Constitution européenne, qui vient d'être adoptée par les États et qui est désormais soumise à ratification, comporte des avancées considérables sur tous les points que j'ai développés ici, et sur bien d'autres dont je n'ai pas parlé, tels que le fonctionnement démocratique de nos institutions. C'est ce que le gouvernement français est déterminé à expliquer à notre opinion publique lors d'une vaste campagne de communication, en vue du référendum que le président de la République a décidé d'organiser. J'espère que cet indispensable effort d'explication publique se déploiera dans toute l'Union européenne, et y compris en Roumanie.
- Ma deuxième conviction est que la Roumanie a joué un rôle important dans la mise au point de cette Constitution, par l'intermédiaire de ses représentants à la Convention sur l'avenir de l'Europe, qui y ont travaillé en étroite liaison avec les représentants français. La Constitution européenne est un texte fondamental pour votre pays puisqu'il devrait entrer en vigueur à peu près au moment où la Roumanie adhèrera à l'Union. Aussi je me réjouis que vos dirigeants puissent, avec ceux des 25, signer l'Acte final de la Conférence intergouvernementale, le 29 octobre prochain à Rome.
- Ma troisième conviction, et ce sera aussi ma conclusion, est que la Roumanie parviendra à achever en cette fin d'année 2004 ses négociations d'adhésion, signera, en même temps que la Bulgarie, le plus tôt possible en 2005, le Traité d'adhésion et entrera effectivement dans l'Union en janvier 2007. Certes, nous attendons la publication dans quelques jours du prochain rapport de la Commission européenne, qui donnera comme les années précédentes une image objective, et donc nécessairement nuancée, de l'état de préparation de votre pays. Certes, nous devons aussi attendre les délibérations des chefs d'État et de gouvernement, seuls à même de décider la clôture des négociations d'adhésion. Certes, le chemin est encore long à parcourir et les années 2005/2006 seront décisives pour la mise en uvre effective des réformes annoncées en Roumanie. Or, l'adhésion ne sera un succès que si ces réformes sont elles-mêmes un succès.
Mais une double certitude l'emporte sur tous les doutes : la Roumanie est un grand pays européen et la France l'attend avec impatience au sein de l'Europe nouvelle, de l'Union élargie. L'évocation solennelle par Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères français, il y a 70 ans devant le Parlement roumain, de la "fraternité séculaire de la Roumanie et de la France" résonne encore aujourd'hui, comme elle résonnera toujours demain. Notre Premier ministre aura lui-même l'occasion de le souligner à Bucarest prochainement, lors de la première réunion du séminaire gouvernemental franco-roumain.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2004)
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord, Monsieur Pavel Nastase, de vous remercier de votre accueil au sein de l'Institut national d'administration (INA), une institution encore jeune mais ô combien essentielle.
La France s'honore d'être, comme l'a souligné le 14 juillet dernier le président de la Roumanie, le premier partenaire de votre pays dans la réforme de son administration publique. Nous le constatons depuis plusieurs années avec le renforcement des échanges entre l'INA et l'École nationale d'administration. Nous en avons eu bien d'autres confirmations ces derniers temps, par exemple, par l'intensification de notre coopération pour l'adoption d'importantes lois sur la décentralisation ou sur la dépolitisation du corps préfectoral, ou encore la mise en place d'un mécanisme de coordination interministérielle pour les affaires européennes.
Et aujourd'hui même, je suis particulièrement heureuse de pouvoir inaugurer un nouveau jumelage PHARE, le 36ème conduit par la France comme chef de file, consacré à la réforme de l'administration publique.
Ce jumelage est placé sous le signe de la continuité d'une coopération fructueuse avec le ministère français de la Fonction publique et de la Réforme de l'État. Il nous permettra de contribuer à la modernisation de l'administration publique roumaine, à travers l'unité centrale pour la réforme et son réseau national de modernisateurs. Je salue à cette occasion nos partenaires roumains mais aussi néerlandais et je remercie la Commission européenne de sa confiance.
Notre coopération bilatérale repose sur une tradition ancienne, celle des premiers pas de la Roumanie indépendante, qui fut aidée par de nombreux experts français. Mais la tradition et l'amitié sont surtout pour nous des gages de réussite pour conduire avec efficacité une coopération tournée vers l'avenir, vers l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne. Le succès de l'adhésion suppose en effet que la Roumanie dispose d'une fonction publique professionnelle, imperméable à toute tentative de corruption, politiquement neutre, capable de répondre aux besoins d'une société moderne et démocratique, en un mot au service des citoyens. C'est sur ce chantier que la France, elle aussi confrontée au vaste défi de la modernisation de l'État, souhaite manifester une présence active au côté de la Roumanie.
Je suis très heureuse, et même émue, de m'adresser aujourd'hui à un public largement francophone.
La Francophonie fait partie de notre patrimoine commun. Deux écrivains aussi différents que Emil Cioran et Panaït Istrati, venus de Roumanie, ont écrit leur oeuvre magistrale en langue française. Nos échanges culturels ont toujours été très intenses. Permettez-moi d'évoquer le souvenir d'un trio de cousines célèbres, amies de Marcel Proust, qui roumanisèrent le Tout-Paris de l'après-guerre : Hélène Vacaresco, Anna Brancovan de Noailles et Marthe Bibesco, dont l'une, grande poétesse, a donné son nom au lycée français de Bucarest. Et nous pourrions citer bien d'autres exemples de l'extraordinaire échange intellectuel entre nos cultures que quatre décennies de dictature en Roumanie ne sont pas parvenues à interrompre, évoquant avec l'historien Victor Duruy : "ces hommes spirituels parlant français comme si la France était leur seconde patrie".
Vous êtes la preuve vivante que cet héritage s'épanouit aujourd'hui, comme les 4.000 jeunes Roumains qui font actuellement leurs études dans nos universités et nos grandes écoles - le deuxième groupe de l'Union élargie après celui des étudiants allemands - comme aussi les 1.500 étudiants des 14 filières d'enseignement francophone dans les universités roumaines.
Oui, la Francophonie, malgré la progression de la langue anglaise, est ici une valeur actuelle, et même une valeur d'avenir. La Roumanie, membre de l'Organisation internationale de la Francophonie depuis 11 ans, est candidate à l'accueil du sommet de cette organisation en 2006. Au côté de la France, elle défend la diversité culturelle qui sera bientôt ancrée dans une convention de l'UNESCO et qui figure dans la future Constitution européenne.
Le français est une langue de l'Europe, la langue traditionnelle du droit communautaire, la langue véhiculaire des trois capitales de l'Union. En 2002, les pays francophones de l'Union ont lancé un Plan pluriannuel d'action pour le français, en vue de l'élargissement de l'Union européenne et en coopération avec l'Agence intergouvernementale de la Francophonie. Pour la seule année 2003, ce plan a permis la formation au français de plus de 6.000 personnes à travers toute l'Europe.
La signature en juillet 2004 d'un mémorandum par M. Abdou Diouf, Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie et par le Premier ministre roumain, prévoit dans le même cadre multilatéral et francophone la relance de l'apprentissage du français dans la fonction publique roumaine. Étendu à l'ensemble des administrations dès 2005, ce programme s'adresse actuellement aux ministères des Affaires étrangères, de l'Intégration européenne, de l'Agriculture, mais aussi au Sénat et à l'INA. Les 250 premiers fonctionnaires bénéficiaires de ce programme, dont le budget initial s'élève à 70 000 euros, seront capables, à l'issue de leur formation, d'utiliser couramment la langue française dans leur activité. Nous sommes convaincus qu'ils sauront ensuite utiliser concrètement cette compétence.
La Francophonie est de plus en plus une dimension essentielle du partenariat franco-roumain pour l'Europe de demain. C'est un atout pour la jeunesse roumaine qui, au sein de l'Union européenne, maîtrisera plusieurs langues étrangères. C'est un atout, en particulier, pour vous ici présents, en vue des concours que vous passerez peut-être dès 2006 pour entrer dans la fonction publique communautaire.
La Francophonie est également un trait d'union puissant entre deux pays amis qui se retrouvent au sein de l'Union européenne élargie, un ferment de coopération précieux pour se mobiliser ensemble sur les grands chantiers de l'Europe de demain.
Je voudrais évoquer trois domaines où notre partenariat est déjà important et pour lesquels nous devons redoubler d'efforts pour réaliser toutes ses promesses.
a) Tout d'abord, la croissance, la compétitivité et la solidarité, autrement dit le modèle de Lisbonne. La France est l'un des tous premiers investisseurs en Roumanie, présente sur le long terme, avec une croissance impressionnante des échanges commerciaux bilatéraux (pas loin de 50 % au premier semestre de 2004.) Nos entreprises ont apporté ici non seulement près de deux milliards d'euros en capital et plusieurs dizaines de milliers d'emplois, mais aussi un savoir-faire qui prépare déjà la Roumanie à son entrée sur le grand marché unique européen. Il ne s'agit pas d'une relation à sens unique. Orange, Alcatel, La Société générale, Renault, Lafarge, Danone, L'Oréal, Michelin, Saint-Gobain, Gaz de France, et bien d'autres encore, recrutent des cadres roumains pour leurs sièges en France ou leurs filiales dans le monde entier. Le potentiel de votre pays est impressionnant dans le domaine des logiciels. Cet échange des compétences est un vrai facteur de compétitivité pour nos deux économies.
Cependant, au-delà de la performance économique, nos pays aspirent ensemble à faire vivre un modèle social. Des milliers d'ONG françaises se sont mobilisées, humainement et financièrement, pour moderniser le système de protection de l'enfance en Roumanie, qui a connu de grandes améliorations ces dernières années. Près de 800 collectivités locales françaises, avec leurs partenaires roumains, font aussi un travail formidable, au plus près du terrain, dans le domaine de l'action sociale. L'exclusion est toutefois un défi énorme à relever et notre mobilisation doit rester très forte : nous sommes fiers de contribuer à la création d'un Samu Social à Bucarest pour venir en aide aux sans abris.
La solidarité s'exprime aussi entre les États membres actuels et futurs. En 2004, la France contribue déjà pour près de 150 millions d'euros au soutien de la Roumanie. Elle s'est prononcée pour une augmentation très forte des aides de pré-adhésion jusqu'en 2007. La France souhaite aussi que, dans la prochaine période de programmation financière de l'Union, entre 2007 et 2013, les fonds communautaires soient alloués en priorité aux pays qui connaissent les plus grands retards de développement, afin que la Roumanie, par exemple, puisse voir le niveau de vie de ses habitants se rapprocher le plus vite possible des moyennes européennes dont elle est encore très éloignée, afin aussi qu'elle puisse se doter rapidement d'infrastructures modernes de transport, gérer la très coûteuse mise à niveau de sa politique environnementale, et assurer un développement rural harmonieux.
Encore faut-il que les sommes ainsi allouées à votre pays, et qui sont considérables, soient correctement administrées et honnêtement réparties. Dans le cadre de son partenariat avec la Roumanie, la France est prête à engager ici toute son expertise.
b) Notre deuxième défi, pour l'Europe de demain, est de faire fonctionner correctement l'espace de libre circulation, de sécurité et de justice auquel la Roumanie appartient déjà largement depuis la suppression des visas de court séjour pour les pays de l'espace Schengen, début 2002.
La Roumanie coopère de manière loyale et compétente avec les pays Schengen pour lutter contre l'immigration clandestine, les trafics d'êtres humains et le crime organisé. Mais les résultats doivent être meilleurs et nous allons y travailler ensemble. Les ressortissants d'origine roumaine constituent, dans nos pays d'Europe occidentale, une part trop importante de la délinquance dont ils sont d'ailleurs souvent eux aussi des victimes. Nous devons absolument prévenir la sortie du territoire roumain de mineurs promis à une abominable exploitation par les réseaux de prostitution ou de mendicité. Nous devons aussi, dans toute l'Europe du Sud-Est, remonter à la racine des mafias qui contrôlent ces réseaux, pour mieux les détruire.
Il y va de la crédibilité, aux yeux de nos citoyens, de l'intégration européenne. Il y va aussi de l'image de la Roumanie dans les pays d'Europe occidentale, injustement ternie par ces phénomènes de nature criminelle.
Une réforme réelle de la justice, une lutte sans merci contre la corruption, sont les conditions nécessaires, en Roumanie, de la réussite de ce combat. Là aussi, l'expertise française vous est acquise, pour consolider les progrès déjà accomplis.
c) Notre troisième objectif est de renforcer la présence de l'Europe au plan international, dans ses valeurs, mais aussi dans sa vision du monde.
La Roumanie, par son expérience historique, par sa situation au voisinage de zones stratégiques pour l'Europe, a un rôle majeur à jouer dans la construction de la politique étrangère européenne. Nous devons partager nos idées et faire preuve d'imagination pour bâtir avec les nouveaux voisins de l'Europe élargie, une relation intime et confiante. La France se réjouit de nourrir avec elle un dialogue stratégique, qui s'enrichit, cette année et en 2005, de la présence de nos deux pays au Conseil de sécurité des Nations unies.
L'Union européenne doit aussi travailler au développement d'une défense européenne en parfaite harmonie avec l'OTAN. C'est ainsi que la France conçoit son engagement au sein de l'OTAN et de l'Union européenne comme pleinement compatibles. Contrairement à une idée très répandue, la France ne se tient à l'écart de l'OTAN : je vous rappelle qu'elle est l'un des principaux contributeurs de troupes dans les opérations de l'OTAN et que, depuis le début du mois de septembre, les deux plus grosses opérations de l'OTAN, en Afghanistan et au Kosovo, sont commandées par des généraux français.
Le renforcement des capacités de défense des Européens ne peut qu'être bénéfique à l'Alliance atlantique. Nous y travaillons actuellement, avec par exemple les projets de groupements tactiques ou de force de gendarmerie européenne, avec aussi la mise en place de l'Agence européenne de défense. La Roumanie pour sa part modernise courageusement ses forces armées, avec un appui technique de divers pays, dont la France.
Pour finir, je voudrais vous faire part de trois convictions fortes :
- La Constitution européenne, qui vient d'être adoptée par les États et qui est désormais soumise à ratification, comporte des avancées considérables sur tous les points que j'ai développés ici, et sur bien d'autres dont je n'ai pas parlé, tels que le fonctionnement démocratique de nos institutions. C'est ce que le gouvernement français est déterminé à expliquer à notre opinion publique lors d'une vaste campagne de communication, en vue du référendum que le président de la République a décidé d'organiser. J'espère que cet indispensable effort d'explication publique se déploiera dans toute l'Union européenne, et y compris en Roumanie.
- Ma deuxième conviction est que la Roumanie a joué un rôle important dans la mise au point de cette Constitution, par l'intermédiaire de ses représentants à la Convention sur l'avenir de l'Europe, qui y ont travaillé en étroite liaison avec les représentants français. La Constitution européenne est un texte fondamental pour votre pays puisqu'il devrait entrer en vigueur à peu près au moment où la Roumanie adhèrera à l'Union. Aussi je me réjouis que vos dirigeants puissent, avec ceux des 25, signer l'Acte final de la Conférence intergouvernementale, le 29 octobre prochain à Rome.
- Ma troisième conviction, et ce sera aussi ma conclusion, est que la Roumanie parviendra à achever en cette fin d'année 2004 ses négociations d'adhésion, signera, en même temps que la Bulgarie, le plus tôt possible en 2005, le Traité d'adhésion et entrera effectivement dans l'Union en janvier 2007. Certes, nous attendons la publication dans quelques jours du prochain rapport de la Commission européenne, qui donnera comme les années précédentes une image objective, et donc nécessairement nuancée, de l'état de préparation de votre pays. Certes, nous devons aussi attendre les délibérations des chefs d'État et de gouvernement, seuls à même de décider la clôture des négociations d'adhésion. Certes, le chemin est encore long à parcourir et les années 2005/2006 seront décisives pour la mise en uvre effective des réformes annoncées en Roumanie. Or, l'adhésion ne sera un succès que si ces réformes sont elles-mêmes un succès.
Mais une double certitude l'emporte sur tous les doutes : la Roumanie est un grand pays européen et la France l'attend avec impatience au sein de l'Europe nouvelle, de l'Union élargie. L'évocation solennelle par Louis Barthou, ministre des Affaires étrangères français, il y a 70 ans devant le Parlement roumain, de la "fraternité séculaire de la Roumanie et de la France" résonne encore aujourd'hui, comme elle résonnera toujours demain. Notre Premier ministre aura lui-même l'occasion de le souligner à Bucarest prochainement, lors de la première réunion du séminaire gouvernemental franco-roumain.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2004)