Texte intégral
Monsieur le Président, cher Jérôme DESPEY,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
C'est avec beaucoup de plaisir que je viens aujourd'hui clôturer cette première réunion du Comité National de l'Installation. C'est pour moi l'occasion de tirer avec vous un bilan de l'avancement du programme de travail que nous avions élaboré ensemble lors de la Journée nationale de l'installation, le 13 mars dernier, à Romilly-sur-Seine, dans l'Aube.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué l'urgence de relancer une politique volontariste en faveur de l'installation, et je veux vous dire combien le renouvellement des générations en agriculture est pour moi une priorité.
Ce projet que nous avons initié intéresse l'avenir du monde rural, et tous ceux qui y vivent et y travaillent. C'est pourquoi je souhaite, qu'au delà de l'action - au demeurant essentielle - des Jeunes Agriculteurs, l'ensemble des partenaires du monde agricole et du monde rural considèrent ce projet comme une " grande cause " et s'en saisissent comme d'une " ardente obligation ". C'est, d'ailleurs, le sens que vous avez souhaité donner à la création de ce Comité National à l'Installation ; j'y adhère totalement.
Lors de la journée de Romilly, nous avions élaboré un programme d'actions poursuivant trois objectifs : adapter le dispositif des aides à l'installation, mettre en place une politique de transmission attractive et promouvoir le métier d'agriculteur.
A l'issue de cette rencontre, les Jeunes Agriculteurs et le Ministère ont engagé sans délai un travail d'adaptation du dispositif des aides à l'exploitations. Et plusieurs mesures ont déjà trouvé leur concrétisation.
- Le versement de la DJA en une fois
Votre première préoccupation concernait les difficultés rencontrées par les jeunes agriculteurs pour obtenir le versement de la deuxième fraction de la DJA quand leur revenu n'atteignait pas le montant requis. J'ai donné pour cela instruction aux services départementaux de traiter les dossiers en cours avec le maximum de souplesse. A ma connaissance, la quasi-totalité des dossiers a pu être ainsi réglée.
Depuis de nombreuses années, vous réclamiez, par ailleurs, que la DJA soit versée en une seule fois. Comme vous, j'estime que c'est lors de son installation, et non trois ans plus tard, que le nouvel installé a le plus besoin de l'aide des pouvoirs publics. Comme vous, il m'a également paru important de simplifier le plus possible les règles et les procédures en ce domaine.
C'est dans cet esprit que j'ai fait du versement de la DJA en une seule fois une des priorités du budget 2004. Le Projet de Loi de Finances pour 2004 prévoit ainsi les crédits nécessaires à son versement en une fois, dès cette année. Nous devrons, par ailleurs, introduire une modification du Plan de Développement Rural National (PDRN). J'ai voulu que nous arrêtions cette modification, dont le dispositif a fait l'objet de consultations interministérielles la semaine dernière, en concertation étroite avec vous. Cette mesure pourra être mise en uvre dès que nous aurons obtenu l'accord de la Commission en ce sens. Comme nous l'avions envisagé ensemble, je veux, par ailleurs, proposer aux jeunes agriculteurs qui s'installent dans des conditions fragiles, le bénéfice d'un accompagnement spécifique.
- L'exonération de cotisations sociales
J'ai également obtenu que la DJA soit totalement exonérée de cotisations sociales. Je sais combien cette disposition, prévue à l'article 4 du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, vous tenait à coeur. Elle représente également un effort budgétaire significatif mais qui m'a paru justifié, tant au regard de son efficacité que de l'équité que nous devons aux agriculteurs.
- Les prêts bonifiés
Vous m'aviez également demandé de garantir l'avenir des prêts bonifiés, dont vous savez qu'ils sont fortement critiqués par la Commission européenne. C'est désormais chose faite, puisque j'ai signé en mai dernier une convention avec les banques permettant de stabiliser le dispositif jusqu'en 2006. En ce qui concerne plus spécifiquement les prêts spéciaux à l'installation, vous souhaitiez également que nous en simplifions le dispositif, et notamment les différents sous-plafonds. Comme vous le savez, j'ai demandé à mes services d'y travailler avec vous.
- Le stage 6 mois
Vous m'aviez enfin demandé de faire évoluer les modalités du stage 6 mois, afin de mieux prendre en compte la diversité des expériences des jeunes qui font le choix de s'installer. C'est aujourd'hui chose faite avec la publication, le 9 novembre dernier, d'un arrêté qui permet de prendre en compte l'expérience professionnelle pour la validation totale du stage 6 mois.
Avec cet ensemble de mesures, je pense avoir rendu répondu de façon très concrète à la plupart de vos souhaits d'assouplissement.
En mars, nous avions également souhaiter - c'était le deuxième axe de notre programme de travail - mettre en place une politique attractive d'incitation à la transmission des exploitations. Comme nous l'avons souvent évoqués ensemble, les freins dans ce domaine sont de plusieurs ordres. Mais ils sont, d'abord, fiscaux.
- Les mesures fiscales
Nous avons, à cet égard, franchi une étape importante avec l'adoption de la loi sur l'initiative économique, qui a relevé les seuils d'exonération des plus-values professionnelles. Cette disposition bénéficie aux exploitations agricoles, ce qui n'était pas acquis par avance. Je sais que vous souhaiteriez l'étendre au cas de la transmission d'une exploitation à un jeune qui s'installe. C'est un point auquel nous devrons travailler à l'avenir.
La discussion par le Parlement du projet de loi sur le développement des territoires ruraux marquera une deuxième étape de notre action en faveur de la transmission des exploitations. Il consacrera - vous le savez - la possibilité de transmettre les dotations pour aléa ou pour investissement, dans le cadre d'une transmission d'exploitation à titre gratuit.
Enfin, j'ai obtenu de pérenniser le dispositif d'abattement de 50% sur les bénéfices agricoles dont bénéficient les jeunes pendant les 5 ans suivant leur installation. Cette disposition a fait l'objet d'un amendement parlementaire dans le cadre de l'examen du Projet de Loi de Finances pour 2004.
- La pérennisation de l'Allocation pour Transmission d'Exploitation (ATE)
J'ai, enfin, pérennisé le financement de l'Allocation pour Transmission d'Exploitation.
Vous auriez également souhaiter la voir revalorisée et défiscalisée. Il n'a hélas pas été possible de faire droit à cette demande, mais j'ai souhaité ouvrir aux collectivités territoriales la possibilité de les compléter dans le cadre des PIDIL.
- La promotion des actions d'animation et d'information en faveur des cédants
Enfin, dans le cadre de la relance des PIDIL et de la création du FICIA, vous m'aviez fait part de la nécessité de développer les actions d'animation et d'incitation en direction des agriculteurs en fin de carrière, et notamment de ceux qui n'ont pas de successeurs. Comme vous le savez, j'ai assoupli les règles de fonctionnement du FICIA par rapport à celles régissant les programmes précédents. A l'instar des Points information-installation, nous pourrons ainsi mettre en place des Points information-transmission dans les régions où cela s'avère le plus nécessaire.
Au total, je retire de ce premier bilan l'impression que, si nous avons largement réussi à adapter et à améliorer le dispositif d'accompagnement de l'installation, beaucoup de chemin reste encore à parcourir si nous voulons améliorer les conditions de transmission des exploitations. Cet objectif demeure au coeur de mes préoccupations.
Le troisième axe de notre programme de travail de Romilly était la promotion du métier d'agriculteur. Cela est d'autant plus nécessaire que la noblesse et la diversité de vos métiers ne sont pas suffisamment reconnues. Souvent, de mauvais procès sont intentés aux agriculteurs, et l'image que les Français en conservent ne correspond plus à la réalité. Or, il n'y a aucune raison de " raser les murs ". Car nous avons tout lieu d'être fiers de ce qui a été fait, et le temps est venu de le faire savoir. C'est la raison pour laquelle j'ai voulu faire du Fonds de communication une réalité. Prévu par la loi d'Orientation Agricole, celui-ci était, en effet, resté lettre morte depuis 1999. Plusieurs réunions ont rassemblé les représentants des jeunes agriculteurs et les acteurs du monde agricole autour de mon Directeur de Cabinet, afin de définir une stratégie d'identité et d'image pour le monde agricole et rural. Ce travail préalable, long mais nécessaire, étant désormais bien engagé, nous pourrons maintenant mettre en oeuvre des actions concrètes de communication dans les tous prochains mois. Les établissements d'enseignement agricole devront être associés à cet effort de promotion des métiers agricoles.
Après ce rapide bilan, je souhaiterais m'attarder quelques instants avec vous sur les préoccupations qui ont été au coeur de vos débats. Car je suis frappé de voir combien les enjeux que vous avez soulevés rejoignent l'approche qui a présidé à la préparation du projet de loi sur le développement des territoires ruraux.
Vous connaissez cette approche. J'ai déjà eu l'occasion de la présenter à plusieurs reprises. Elle s'appuie sur le constat posé par l'étude de la DATAR : " Quelle France rurale pour 2020 ? ". Cette étude fait ressortir les trois visages des campagnes françaises : les campagnes des villes où les conflits d'usage peuvent être importants, les campagnes les plus fragiles où la solidarité nationale doit s'exercer, les nouvelles campagnes, enfin, où les dynamiques de projet doivent être mieux soutenues.
Cette évolution différenciée de nos campagnes s'est accompagnée d'une diversification des fonctions de l'espace rural.
L'activité économique n'y est plus aujourd'hui dominée par l'agriculture, même si celle-ci - et vous l'avez fort justement souligné - conserve un rôle essentiel dans la gestion de l'espace rural et des activités qui s'y développent. Parallèlement, les zones résidentielles se développent souvent très au-delà de la périphérie immédiate des villes. Enfin, le développement de la société des loisirs a donné un écho de plus en plus fort aux activités liées à la " nature " ou à l' " environnement ".
C'est à la lumière de ces évolutions que nous devons aujourd'hui appréhender les enjeux du monde rural.
Souvent, la concurrence pour l'utilisation de l'espace constitue la problématique dominante dans les zones périurbaines, alors que l'entretien de l'espace, le maintien de l'activité ou la lutte contre la déprise sont les enjeux prioritaires des campagnes fragiles. Entre les deux, c'est dans les nouvelles campagnes que se manifeste l'attente la plus forte pour ce que d'aucuns appellent la multifonctionnalité de l'agriculture.
Pour répondre à la diversité de ces enjeux, le Gouvernement a souhaité adapter ses moyens d'actions. Sans me livrer à un exposé exhaustif des différentes dispositions du projet de loi et des mesures du CIADT, je me contenterai d'évoquer aujourd'hui quelques-uns de celles qui répondent plus particulièrement aux questions que vous avez évoquées ce matin.
L'accueil de nouvelles populations dans les territoires ruraux, tout d'abord. En ce domaine, il s'agit à la fois de rendre ces territoires plus attractifs et de permettre une meilleure cohabitation entre leurs différentes activités traditionnelles, dont l'agriculture fait partie. Plusieurs dispositions du projet de loi répondent très concrètement à cet enjeu.
Plusieurs mesures favorisent, tout d'abord, la rénovation du patrimoine bâti, afin d'augmenter l'offre de logements. Dans les Zones de Rénovation Rurale (ZRR), le projet de loi améliore le dispositif de déduction fiscale instauré par la loi ROBIEN, de façon à faciliter le financement de la construction ou de la rénovation de logements destinés à la location. En complément, le CIADT a prévu d'allonger le dispositif d'animation des Opérations Programmées d'Amélioration de l'Habitat (OPAH) et de conduire prioritairement ces opérations dans les zones rurales fragiles.
Plusieurs mesures viennent également améliorer l'accès aux soins médicaux et vétérinaires. C'est dans cet esprit que le projet de loi prévoit d'exonérer de taxe professionnelle les professionnels de santé et les vétérinaires s'installant en Zone de Rénovation Rurale, pendant les années suivant leur installation. En complément, le CIADT prévoit des actions visant au développement de réseaux locaux de santé et à la constitution de cabinets de groupe et de pôles de soins.
D'autres mesures s'attachent à améliorer l'accès aux services publics dans le monde rural. Ainsi, des Maisons de services publics pourront désormais accueillir des services privés, dans le respect des règles de concurrence.
Au cours d'une table-ronde, vous avez également évoqué la question de l'entreprise agricole, et l'importance d'offrir au jeune souhaitant s'installer en agriculture les moyens de travailler en équipe et de rompre sa solitude.
Là encore, le projet de loi comporte des actions très concrètes dans ce domaine.
Il propose, tout d'abord, de poursuivre l'effort de promotion et de développement des formes sociétaires en agriculture. Le projet de loi comporte, à cet égard, plusieurs mesures de simplification, je citerai, en particulier, la possibilité désormais élargie de procéder à des assolements en commun.
Il introduit également des passerelles entre les différentes activités économiques du monde rural. Dans cette perspective, la mise en place de service de remplacement et de groupement d'employeurs sera facilitée hors le cadre du seul secteur agricole ; et les règles de rattachement aux régimes sociaux des pluriactifs saisonniers simplifiées.
Au cours de vos débats, vous avez enfin évoqué les difficultés croissantes rencontrées par les jeunes pour accéder au foncier. Ces difficultés sont particulièrement vives dans les zones périurbaines. Les terres agricoles y constituent, de fait, la réserve foncière pour le développement des autres activités et l'aménagement des zones résidentielles. Le prix du sol s'en trouve renchéri jusqu'à des niveaux incompatibles avec le maintien de l'activité agricole et a fortiori avec l'installation des jeunes. Le maintien de l'agriculture, qui y devient de plus en plus incertain, ne peut, d'ailleurs, être abordé sous le seul prisme agricole, car il constitue un élément essentiel à un développement durable et équilibré de ces espaces.
Face à ces défis, nous avons proposé plusieurs solutions qui se veulent, avant tout, pragmatiques :
- la délimitation, tout d'abord, de Périmètres de protection et d'Aménagement des Espaces agricoles et Naturels (PAEN), par les régions en concertation avec les communes concernées et en cohérence avec les outils d'urbanisme ;
- la détermination, ensuite, en concertation avec les partenaires concernés, d'un programme d'action précisant les orientations de gestion au sein de ce périmètre ;
- enfin, la maîtrise foncière par les régions, auxquelles est ouverte la possibilité d'utiliser soit le droit de préemption des SAFER, soit celui des départements au titre des espaces naturels sensibles.
Je sais que cette proposition a suscité de nombreuses réactions. C'est la raison pour laquelle je souhaite que le débat parlementaire joue pleinement son rôle et vienne le plus possible améliorer la proposition actuelle.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je ne prétends pas, à travers ces quelques exemples, répondre à l'ensemble des questions que vous avez évoquées, ce matin.
A travers eux, j'ai simplement voulu vous faire partager la démarche très pragmatique que nous avons initié avec ce projet de loi : à la fois, lever les freins au développement des territoires ruraux, et libérer les énergies et les initiatives de leurs acteurs.
Cette démarche rejoint celle que vous avez engagée au sein de ce Comité, en invitant les partenaires à se mobiliser et à unir leurs efforts au niveau national, et en soutenant l'émergence d'initiatives et de partenariats sur le terrain.
Jérôme DESPEY a invité chacun des partenaires à s'investir au service de cet objectif. C'est également le voeu que je forme avec vous.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 3 décembre 2003)