Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le bilan et les perspectives de la politique de l'environnement, et notamment les plans Climat, biodiversité et Santé-Environnement, Paris le 15 janvier 2004.

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Circonstance : Cérémonie des voeux à la presse, Paris le 15 janvier 2004

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Ces cérémonies protocolaires de vux nous laissent, comme l'ensemble des festivités qui marquent la fin et le début d'une année, des sentiments mitigés ; comme les courses aux cadeaux qui nous épuisent mais qui nous permettent de nous demander, à chaque fois, pourquoi nous aimons les êtres que nous aimons ; comme la bûche indigeste et le sapin ringard qui allument tant d'étoiles dans les yeux de mon petit-fils, qu'on ne regrette pas ni de la manger, ni de l'avoir décoré, comme les cartes de vux, enfin, toutes plus laides les unes que les autres, mais dans lesquelles on trouve parfois des pépites de tendresse et de considération.
Cette cérémonie des vux est donc pour moi et pour Tokia SAÏFI, l'occasion de faire un bilan, de dresser des perspectives et de retracer la cohérence de l'action d'un ministère qui est souvent, trop souvent, soumis aux bourrasques d'une actualité dramatique. Comment ne pas penser que le 1er janvier 2003 s'ouvrait sur l'atterrissage des premiers produits pétroliers du Prestige et que le 1er janvier 2004 à 23 h 30, je prenais la décision de fermer une deuxième fois l'usine NOROXO de Harnes dans le Pas-de-Calais ?
Cette année 2003 a donc été l'occasion d'installer le socle d'une écologie humaniste voulue par le Président de la République. C'est vrai qu'une politique écologique ne saurait se résumer à la succession de dossiers parcellaires. Elle est aussi l'élaboration d'une doctrine et mon ami François Fillon répète souvent qu'il n'y a pas de victoire politique sans victoire idéologique.
Le premier élément de ce socle, c'est bien sûr la Charte de l'environnement. Les travaux de la Commission COPPENS, à la fin de l'année 2002, se sont poursuivis tout au long du premier semestre 2003 par l'organisation des quatorze Assises Territoriales qui nous ont emmenés jusqu'à la Réunion et en Guyane, en commençant par Nantes et en terminant par la région parisienne. Nous pourrons ainsi mettre au plus haut niveau de notre droit, les principes de précaution, de prévention, de réparation, d'information et de participation.
Cette année 2003 a été aussi la première année de la Stratégie Nationale du Développement Durable. Je veux rendre ici publiquement hommage à Tokia SAÏFI pour la volonté, la détermination qu'elle a mise à l'élaboration de cette stratégie, sans oublier la lutte qu'elle mène pour la laïcité et l'intégration qui prend tout son sens dans cette stratégie nationale du développement durable car bien entendu celle-ci s'appuie sur trois piliers : économique, environnemental mais aussi social.
Dans chaque ministère, il y a maintenant un fonctionnaire du développement durable. Le pilotage de cette équipe est assuré à partir du ministère de l'écologie et du développement durable et, finalement, toute cette année a été marquée par l'imprégnation des différentes politiques ministérielles par le concept du développement durable.
Comment ne pas saluer en effet, les conclusions du dernier CIADT, avec la décision présentée par Gilles de ROBIEN et épaulée par nous, de consacrer 70 % des grandes infrastructures de transport aux alternatives à la route ? Comment ne pas saluer les décisions de modernisation de la politique agricole commune, voulue par le ministre de l'agriculture, et le travail que nous menons sur les critères d'éco-conditionnalité ? Comment ne pas voir que la réforme des marchés publics, voulue par le ministre des finances, inclut les critères du développement durable ? Comment ne pas saluer la volonté du ministre de l'intérieur, dans le comité interministériel de gestion des crises, d'intégrer les services du ministère de l'écologie pour passer d'une simple politique d'annonce à une véritable politique de prévision ? Comment même ne pas voir que nous avons signé une convention sur des sites Natura 2000, situés à l'intérieur de camps militaires, et constater que même la Défense ne s'exonère pas de ces politiques du développement durable.
Le troisième élément de ce socle, c'est bien sûr la loi sur les risques, votée, trop peu d'entre vous l'ont sans doute remarqué, sans qu'une seule voix " contre " s'élève au Parlement. Ce sera le travail d'une génération, aussi bien sur les risques naturels que sur les risques technologiques, pour passer d'une simple politique de protection, de contraintes - qui garde bien entendu toute sa valeur - à une vraie politique de prévention. L'exigence de sécurité portée par nos concitoyens est un principe éthique que le ministère de l'écologie et du développement durable porte au même titre que le ministère de la justice ou de l'intérieur.
Sur ce socle tellurique, deux dossiers sont en tête de l'agenda environnemental. J'ai coutume de dire que dans cette forêt que représentent les dossiers environnementaux, ils constituent, à n'en pas douter, la futaie, les troncs structurants : le premier, c'est la lutte contre le changement climatique avec une présence internationale et européenne forte ; un plan véhicules propres, présenté le 15 septembre dernier ; et la préparation active du plan Climat et puis le début du travail préparatoire, mais j'y reviendrai dans quelques instants dans ce dossier majeur qu'est la lutte contre la perte de la biodiversité.
Une forêt est constituée de grands arbres mais aussi d'arbres plus petits qui la structurent, de taillis, même si les spécialistes pourront contester cette image. Ce taillis est constitué des préoccupations environnementales quotidiennes des Français :
- la qualité de l'air, la lutte contre les précurseurs de l'ozone ont placé la France en pointe en Europe dans ce combat,
- la qualité de l'eau avec la préparation de la loi sur l'eau qui a donné lieu, là encore, à une concertation approfondie ; pour la première fois, une ministre en charge de l'environnement s'est rendue dans chacun des bassins hydrographiques qui structurent la politique de l'eu dans notre pays,
- la lutte contre le bruit, avec le plan bruit, préparé avec le ministère de l'équipement,
- la politique des déchets, et, " last but not least ", évidemment, la chasse
Au service de cette politique écologique globale, politique conceptuelle d'une écologie humaniste avec ses grands dossiers, dossiers structurants, dossiers de vie quotidienne, Tokia SAÏFI et moi-même avons pris dans notre boîte à outils, trois outils méthodologiques.
D'abord, ce ministère est un ministère de la connaissance. C'est par la connaissance qu'on arrivera à dénouer un certain nombre de sujets qui sont évidemment source de conflits, de fantasmes, de lutte. Comment ne pas évoquer par exemple, le début d'une solution dans un dossier aussi difficile que celui de la chasse ? C'est parce que nous avons créé l'Observatoire de la faune sauvage que nous avons pu, pour la première fois, obtenir le consensus au Conseil national de la chasse sur les dates d'ouverture, à partir de gens aussi divers que les représentants des chasseurs ou le Rassemblement des Opposants à la Chasse.
Ensuite le deuxième outil méthodologique, c'est la participation. Les politiques écologiques valent bien sûr par les lois et les règlements. Loin de moi l'idée de dire que cela ne compte pas. Mais ce qu'il faut c'est que chacun s'approprie ces dossiers. On fait une loi sur les risques, bien sûr, mais si nous n'obtenons pas l'accord des agriculteurs pour changer les politiques culturales, nous n'arriverons à rien pour ralentir le flux dynamique en amont. Cela prend du temps, bien sûr, mais cette participation et cette concertation ne doivent pas être tronquées. Les résultats incontestables que nous avons relevés, aussi bien dans la préparation de la Charte que dans la préparation de la loi sur l'eau, m'incitent à continuer dans cette voie.
Et puis, le troisième outil méthodologique, c'est bien sûr une présence forte sur le terrain international et aussi sur le terrain européen car vous tous savez bien ici que 70 à 80 % de notre droit environnemental se constitue ailleurs que chez nous.
Alors l'année 2004, sera l'année de l'approfondissement et de la concrétisation puisque nous avons ouvert, au cours de cette année 2003, la presque totalité des dossiers.
La Charte de l'environnement rentre maintenant dans sa phase parlementaire. Cette phase ne sera certainement pas la plus facile. Mais, enfin, nous aurons un travail d'explication, de mobilisation, de motivation.
La stratégie nationale de développement durable verra sa semaine se dérouler du 16 au 23 juin 2004. Le train du développement durable traversera treize capitales régionales et commencera son périple le 21 juin pour se terminer le 3 juillet.
Pour le troisième texte fondateur, le texte de la loi sur les risques du 30 juillet 2003, il va maintenant falloir le faire vivre : c'est la politique de lutte contre les inondations. Nous avons bâti l'appel à projets, d'autres bassins " tapent à la porte " et ont déposé leur candidature. Nous continuerons au long de l'année 2004 à restructurer les services d'annonce des crues pour les transformer en véritables services de prévision des crues, nous poursuivons notre lutte contre les pollutions maritimes et nous sommes en train de préparer un plan séisme.
Trois dossiers phares vont nous occuper, surtout dans le premier semestre 2004 :
- le plan climat, que j'aurais l'occasion de vous présenter dans quelques semaines,
- la stratégie française de préservation de la biodiversité ; je me rendrai à Kuala Lumpur, le 20 février, à la Convention des parties. Bien entendu, tout ceci viendra en résonance avec l'action que nous mènerons au service du patrimoine naturel et avec les pas décisifs que je compte enregistrer, au cours de ce premier semestre, pour la création de trois nouveaux parcs nationaux, la Réunion, la Guyane et la Mer d'Iroise,
- troisième dossier extrêmement important, le plan Santé-Environnement. Je l 'ai présenté à Lyon il y a quelques jours, et dans le cadre de cette épidémie de légionellose qui a, à juste titre, inquiété nos concitoyens. Nous aurons l'occasion de revoir certains aspects de la réglementation qui nous paraissent mériter des approfondissements, à la lumière d'ailleurs des enseignements que nous pourrons tirer de cette épidémie de légionellose. Bien d'autres dossiers seront au cur de ce plan Santé-Environnement. J'aurai d'ailleurs l'occasion de me rendre à Budapest en juin pour présenter à nouveau le plan français Santé-Environnement.
Bien entendu, il n'y aura pas que la légionellose au menu de ce plan Santé. Je pense à des dossiers plus ou moins importants, mais il y en a un qui me tient particulièrement à cur et sur lequel j'ai demandé à l'Agence Française de Sécurité Sanitaire Environnementale de travailler : c'est l'orpaillage et son impact sur la santé des populations, plus particulièrement des populations amérindiennes de Guyane. La préservation de la biodiversité - le Président de la République ne manque jamais de le dire - c'est la protection de la faune, de la flore mais c'est également la protection des hommes.
Le calendrier législatif est donc, pour la Ministre et la Secrétaire d'Etat, extrêmement chargé. Nous savons déjà que nous aurons au menu la Charte de l'environnement, et, dès cet après-midi, le développement des territoires ruraux avec la question de la chasse et de l'équilibre sylvo-cynégétique, la question des zones humides. Pour la préparation de la loi sur l'eau, maintenant que la concertation a été faite, nous passons à la phase de décision politique, avec une présentation en conseil des ministres sans doute en juin. Sur le patrimoine naturel, nous devrons mettre en uvre les modifications proposées par l'excellent rapport du député Girand. Il y a aussi en prévision un titre spécifique sur la sûreté nucléaire dans la loi sur l'énergie, la loi sur les déchets, et pourquoi pas d'autres mesures législatives qui nous seront imposées par ces trois dossiers phares que sont le plan Climat, la stratégie française de biodiversité, le plan Santé-Environnement.
Tout ceci, avec une présence européenne forte : nous serons sous présidence irlandaise puis sous présidence néerlandaise. Inutile de vous dire que les travaux avec mon homologue M. CULLEN, le ministre irlandais, ont déjà commencé. Je vais recevoir dans le cadre du centenaire de l'entente cordiale Margaret BECKETT, mon homologue anglaise, dans quelques semaines, et je recevrai début février Jürgen TRITTIN, le ministre allemand de l'environnement. En effet, au sein du Conseil européen, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni constituent une sorte de trio " allant ", un commando particulièrement actif qui fait une vraie promotion des politiques environnementales. Cette excellente entente, voulue et organisée par le Président de la République, est un élément extrêmement important dans cette année d'approfondissement et d'élargissement de l'Europe.
Tous ces sujets sont complexes, ils ont une forte connotation scientifique avant même d'être politiques. J'ai donc donné la consigne, respectée, je le sais - car beaucoup d'entre vous me l'ont dit - par mon cabinet et par mes services que je tiens à remercier, d'être totalement ouverts à la presse. Il n'y a pas ici d'informations secrètes, que ce soit sur la marée noire ou, pour prendre le dossier du début de cette année 2004, sur la légionellose.
Nous n'avons rien caché de nos difficultés, de nos incertitudes, de nos doutes et parfois même de nos ignorances.
Alors, ce début d'année est l'occasion bien entendu des vux à vous et à vos familles, aux organes de presse que vous représentez, tous mes vux pour vous-même, pour vos familles et pour vos collaborateurs, mes vux de bonne santé, de réussite et d'épanouissement.
Mais les débuts d'année, c'est aussi l'occasion de bonnes résolutions, on décide de faire du sport, de commencer un régime ou d'arrêter de fumer. Alors, je fais vous faire part de ma bonne résolution.
C'est vrai que tout au long de cette année 2003, j'ai été l'objet d'attaques d'une dureté inouïe, la presque totalité d'entre vous convient en privé de l'outrance, de l'injustice, mais participe à la curée au nom de l'information. Alors je pense souvent à cette interpellation de CHURCHILL à Lord BEAVERBROOK qui lui disait " vous me félicitez dans les lavabos et vous m'insultez en public " J'aimerais peut-être que cette année 2004 soit l'occasion de me féliciter en public et de m'insulter dans les lavabos.
Mais je vais vous faire part de ma bonne résolution : j'ai décidé de ne rien changer !
Vous condamnez le sexisme des politiques ? Comme vous avez raison ! Mais pourquoi vous contamine-t-il en réduisant une femme à son aspect physique et à la couleur de ses tailleurs ?
Vous condamnez la langue de bois des politiques ? Comme vous avez raison ! Mais pourquoi est-ce que vous vous moquez de ceux qui disent tout haut ce que chacun sait tout bas ?
Vous condamnez la lâcheté des politiques et leur incapacité à voir au-delà de la prochaine échéance électorale ? Comme vous avez raison ! Mais c'est parce que le courage paie toujours que je continuerai à dire que l'année 2003 et que l'été 2003 ne sont qu'un faible avant-goût de ce que nous prépare le changement climatique si nous ne faisons rien !
C'est parce que ce courage paie toujours que je continuerai - tant pis pour vous ! - à être ce que je suis.
Très bonne année 2004.

(source http://www.environnement.gouv.fr, le 19 janvier 2004)