Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je veux vous dire, tout d'abord, que je suis très heureux d'être parmi vous, quatre mois après notre dernière rencontre, à la fin du mois de mai. Je sais que vous venez de renouveler la présidence de la Commission ainsi que le bureau ; je veux, à cette occasion, saluer et féliciter Jack Lang qui, je le crois, donne un dynamisme tout particulier aux travaux de cette Commission.
Bien des événements sont intervenus dans l'actualité européenne depuis notre dernière rencontre, avec, parmi les plus marquants, le changement de majorité au Bundestag et l'arrivée prochaine de Gerhard Schroeder à la chancellerie de la République fédérale d'Allemagne.
La visite à Paris du futur chancelier, hier, les déclarations du président de la République et du Premier ministre, permettent de fonder des espoirs nouveaux sur la relation franco-allemande, afin de progresser dans les grands dossiers européens dont j'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir avec vous longuement.
C'est pourquoi vous permettrez que j'engage mon intervention sur les premiers enseignements qu'on peut tirer des changements intervenus en Allemagne, s'agissant, en particulier, de l'avenir de la relation franco-allemande.
Ce sera l'occasion d'évoquer les grands dossiers sur lesquels il est urgent de relancer la concertation entre nos deux pays, je pense tout particulièrement à la question du financement de l'Union, notamment sous l'aspect du budget pour 1999, à la maîtrise du processus d'élargissement de l'Union et, enfin, à la question de la réforme institutionnelle qui me conduira à évoquer, à nouveau, avec vous, la perspective de la ratification du traité d'Amsterdam.
Enfin, pour que ce tour d'horizon de l'actualité communautaire soit aussi complet que possible, je vous présenterai l'évolution des principaux dossiers de la politique extérieure de l'Union, en abordant d'une part nos relations avec le continent américain, d'autre part la place de l'Europe dans le monde, avec, en conclusion, un mot de la Chine où j'ai accompagné le Premier ministre en visite officielle, la semaine dernière.
I. LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DU CHANGEMENT DE MAJORITE EN ALLEMAGNE, NOTAMMENT SUR LA POURSUITE DU DIALOGUE FRANCO-ALLEMAND
A la veille du scrutin allemand, j'avais eu l'occasion de dire que je m'attendais à un changement de majorité assez large au Bundestag. Après quinze mois d'exercice aux Affaires européennes, plusieurs visites en Allemagne et de nombreuses rencontres avec les responsables et les principaux leaders de l'opposition dans ce pays, ma conviction s'était faite que ce pays était à la veille d'un changement politique important.
S'il convient, bien entendu, de saluer le très impressionnant bilan européen du chancelier Kohl, ce changement est désormais acquis. Il nous faut à présent tenter d'en mesurer les conséquences sur la relation franco-allemande et sur la construction européenne.
Le changement de majorité au Bundestag est à la mesure des transformations de l'Allemagne auxquelles, habitués au rituel de la relation franco-allemande, nous n'avons peut-être pas été suffisamment sensibles : une Allemagne qui, certes, au fil du renouvellement des générations, se réconcilie avec son histoire et sa géographie, mais qui est confrontée aussi à des difficultés importantes, et dont le pacte social est en crise, du fait de la croissance du chômage et du coût de la réunification. On peut, bien entendu, toujours gloser sur certaines prises de position du candidat Schroeder sur les questions européennes au début de la campagne, en particulier sur l'euro. J'ai cependant la conviction que cet homme a pris la mesure du rôle et du poids de son pays dans la construction européenne, et des responsabilités qu'il aura à exercer à sa tête.
Son équation personnelle, certainement très différente de celle du chancelier Kohl - une autre génération, une autre origine, y compris géographique - en font sans doute un Allemand moins instinctivement tourné vers l'Europe que son prédécesseur, mais sans doute, du coup, plus soucieux encore d'affirmer les raisons de l'engagement européen de son pays auprès d'une opinion publique qui l'attend sur le terrain des réalisations concrètes et, en particulier, de la lutte pour l'emploi.
C'est pourquoi j'ai le sentiment que l'engagement européen du chancelier Schroeder sera peut-être plus pragmatique que celui du chancelier Kohl, mais, en même temps, plus décidé à rapprocher l'Europe des véritables préoccupations de ses citoyens.
C'est, vous le savez, un terrain sur lequel le gouvernement français se retrouve comme j'ai eu l'occasion, ici même, de le souligner. C'est dire, au fond, que je suis plutôt optimiste sur l'évolution de la relation franco-allemande dans les mois qui viennent et, en particulier, dans la perspective de la présidence allemande de l'Union, au premier semestre de l'année prochaine.
Le discours du candidat Schroeder à Strasbourg, le 14 juillet dernier, dont je vous recommande la lecture, dénotait toute une série de convergences ou, pour le moins, de préoccupations communes, notamment sur le renforcement de l'Union européenne, et sur le rôle de l'euro et de la coordination des politiques économiques dans une stratégie européenne de croissance et d'emploi.
C'est pourquoi j'ai la certitude qu'il n'y aura véritablement de relance du dialogue franco-allemand que si nous nous attelons, en priorité, à chercher ensemble des réponses aux questions de fond qui engagent l'avenir de la construction européenne mais aussi la place de l'Union européenne dans le Monde.
A cet égard, les rencontres, hier, de G. Schroeder avec le président de la République et le Premier ministre me paraissent tout à fait encourageantes :
- d'abord, elles lèvent les interrogations que nous pouvions avoir sur l'importance que le futur chancelier attache à la relation franco-allemande : ses déclarations au cours de la journée sont, sur ce plan, sans ambiguïté ;
- ensuite, il me paraît clair que M. Schroeder souhaite que nous nous mettions au travail très rapidement : un travail commun sera ainsi lancé sur la réforme des institutions européennes, sur le financement de l'Union et sur la réforme des politiques communes ; ils devraient faire des propositions dès la fin de l'année. Je ne peux aussi que me réjouir du soutien apporté par le futur chancelier aux propositions françaises de renforcement du rôle des institutions financières internationales pour lutter contre les désordres monétaires et financiers actuels. C'est, là encore, de très bonne augure.
Je distinguerai aujourd'hui trois questions centrales sur lesquelles un compromis franco-allemand devra être trouvé au cours des prochains mois :
1. le financement de l'Union, que j'évoquerai aujourd'hui sous l'angle du budget pour 1999 ;
2. l'élargissement de l'Union européenne ;
3. la réforme des institutions de l'Union, enfin, qui me permettra de faire la transition avec la question de la ratification du Traité d'Amsterdam.
1. D'abord, le budget de l'Union européenne pour 1999. Comme vous le savez, je serai amené à présenter l'évolution de nos relations financières avec l'Union européenne dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 1999.
La séance publique du 15 octobre prochain sera consacrée pour l'essentiel à cette question. Nous aurons donc l'occasion d'un débat approfondi, préparé en particulier par le rapporteur de votre Commission, Marie-Hélène Aubert.
Néanmoins, je souhaite vous faire part dès aujourd'hui de quelques éléments d'analyse sur ce projet de budget de l'Union pour 1999.
Ce budget marque une rupture par rapport aux deux derniers budgets de l'Union. En effet, il accuse une progression soutenue de 6,1 % en crédits d'engagement et une progression plus modérée de 2,8 % en crédits de paiement. Ces évolutions sont sensiblement supérieures à la progression moyenne des crédits de dépenses sur le budget de la France pour 1999 (2,3 %).
Mais, en réalité, cette progression ne nous surprend pas véritablement. Elle s'explique très simplement par les engagements politiques pris par le passé, et que le Conseil n'a pas souhaité remettre en cause.
Pour respecter l'Accord d'Edimbourg relatif aux perspectives financières 1993-1999, il nous faut inscrire en 1999, dernière année de la période, la totalité du solde de l'enveloppe des fonds structurels prévue à l'origine pour la période. Compte tenu des retards d'engagements importants constatés sur cette rubrique, nous enregistrons en 1999 une progression des crédits des fonds structurels de 17 % en engagements et de 9 % en paiements. Le reste du budget progresse à un rythme tout à fait comparable aux évolutions enregistrées ces deux dernières années.
Cette analyse rapide m'inspire trois réflexions à ce stade : - Tout d'abord, l'année 1999 devrait en bonne logique représenter un "pic" dans l'évolution du budget de l'Union, compte tenu de ce phénomène "d'apurement" des perspectives financières d'Edimbourg.
- En revanche, le respect scrupuleux des engagements lourds pris dans le passé doit être utilisé pour affirmer, avec encore plus de force, notre volonté de reconsidérer le statut privilégié de la dépense structurelle pour l'avenir. C'est l'un des enjeux essentiels de la négociation sur "l'Agenda 2000".
- Enfin, cette progression des dépenses communautaires en 1999 va augmenter mécaniquement les contributions nettes des grands financeurs, en premier lieu l'Allemagne. Elle doit nous conduire à accélérer notre réflexion sur cette question, qui est au coeur de la relance du couple franco-allemand.
Du reste, nous allons y être fortement invités par la Commission, qui rendra public son rapport sur le système des ressources propres dans quelques jours. D'après nos informations, les solutions qu'elle suggère devraient être sans grande surprise : extension de la ressource assise sur le PNB (plus équitable que la ressource TVA), co-financement de la PAC, programme spécial dans les Lander de l'Est, toutes solutions qui pourraient éventuellement être combinées entre elles. En revanche, la Commission devrait exprimer de fortes réserves sur l'instauration d'un système d'écrêtement généralisé des soldes.
Le gouvernement examinera ces propositions. Ce que je souhaite indiquer d'ores et déjà, c'est que sa réflexion intégrera nécessairement trois éléments :
. En soi, la maîtrise des dépenses concourt utilement à limiter l'ampleur du problème posé par les soldes nets, en tous cas à éviter son aggravation.
. Nous rejetterons toute fausse solution, en particulier celles marquées par l'esprit du "juste retour", qui marqueraient incontestablement un affaiblissement de la construction européenne.
. La solution retenue devra se situer à l'intérieur d'un accord global sur l'ensemble du paquet Santer, qui permette à tous les partenaires de l'Union de continuer à se sentir pleinement intéressés aux politiques communes.
2. Deuxième grand sujet d'intérêt franco-allemand : l'élargissement de l'Union
Lors de ma dernière audition, je vous avais rendu compte du lancement du processus d'élargissement au bénéfice des onze candidats, le 30 mars, à Bruxelles, suivi, le lendemain, de l'ouverture des six premières négociations d'adhésion. La Commission a entrepris, depuis cette date, un important exercice de présentation de l'acquis communautaire aux onze pays candidats. Il s'agit, en quelque sorte, d'une phase pédagogique, destinée à expliquer aux pays qui aspirent à nous rejoindre l'ensemble des obligations auxquelles ils devront souscrire.
Cet exercice, désormais bien engagé, a permis à la présidence autrichienne de l'Union d'envisager, en novembre, l'ouverture des négociations proprement dites sur les chapitres de l'acquis qui ont fait l'objet de cette présentation analytique.
Le Conseil Affaires générales du 5 octobre, qui précédera une réunion de la Conférence européenne, le 6, au niveau des ministres des Affaires étrangères et européennes, sera donc chargé d'examiner cette proposition d'ouverture des négociations, avancée par la présidence et à laquelle certains de nos partenaires, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie par exemple, ont d'ores et déjà apporté leur soutien. Notre souci est double :
- nous souhaitons d'abord - mais je vous l'avais déjà dit - que le Conseil conserve la maîtrise politique du processus. Nous pourrons donc marquer notre accord à un engagement rapide des négociations, mais à condition, bien entendu, qu'il soit clair qu'elles ne pourront aboutir aussi longtemps qu'il n'y aura pas eu négociation sur la totalité de l'acquis.
Encore une fois, il ne saurait s'agir, pour nous, de retarder de quelque manière que ce soit le processus qui a été engagé, mais seulement de respecter un principe général d'équilibre de la négociation.
- nous souhaitons ensuite que le Conseil puisse débattre des conditions d'engagement de ces négociations. J'avais eu, en particulier, ici même, l'occasion de vous dire la préoccupation que suscite pour nous le cas de Chypre. Je ne reviendrai donc pas sur les raisons de notre attitude et que vous connaissez.
Je dirai simplement que nous avons demandé à la Commission de nous faire un rapport factuel, à l'occasion du Conseil Affaires générales de lundi prochain, sur les conditions dans lesquelles elle a pu engager l'exercice d'examen de l'acquis avec Chypre.
Sur cette base, il faudra bien constater qu'en dépit des recommandations du Conseil européen, aucun progrès n'a pu être enregistré en ce qui concerne tant le règlement politique de la situation de l'île que les négociations d'adhésion elles-mêmes. Ce sera, pour nous, avec nos partenaires, une occasion de prendre la mesure des difficultés que ne manquerait pas de susciter l'adhésion d'une île divisée.
Il ne s'agit donc pas de bloquer la poursuite des négociations d'adhésion avec Chypre - personne n'a intérêt à une escalade qui conduirait au blocage de l'ensemble du processus d'élargissement - mais de prendre date dans la perspective de la conclusion des négociations d'adhésion.
Cette question de la maîtrise politique du processus est cruciale. Elle peut aussi être à la source de convergences nouvelles entre les nouvelles autorités allemandes et nous-mêmes. Je crois en effet que l'Allemagne elle-même a commencé à prendre la mesure de l'élargissement. Cette évolution, déjà perceptible au cours des derniers mois, devrait s'accentuer au cours des prochains.
Il ne s'agit pas, bien entendu, pour l'Allemagne de remettre en cause une dynamique qu'elle a souhaitée et encouragée, mais sans doute d'en mieux mesurer les conséquences et de l'assortir de garanties plus fortes, par exemple en matière de libre-circulation des personnes. Est-il besoin de préciser que c'est exactement l'approche que nous mêmes défendons depuis quinze mois ?
3. La réforme des institutions de l'Union Le dernier sujet sur lequel il faudra rapidement reprendre la concertation avec nos nouveaux partenaires allemands, et que je souhaite évoquer aujourd'hui, est la question institutionnelle.
Concrètement, où en sommes-nous ? Comme j'ai eu l'occasion de l'exposer devant vous, nous avons proposé à nos partenaires de distinguer plusieurs étapes dans les réformes à entreprendre. D'abord, celles qui ne nécessitent pas de modification des traités. Il s'agit de réformes pratiques :
- du Conseil des ministres, en particulier celui des ministres des Affaires étrangères, dont le rôle de coordination et de préparation du Conseil européen doit être réaffirmé ;
- de la Commission, qui doit recouvrer une véritable collégialité ;
- du Conseil européen, qui doit exercer pleinement sa fonction d'impulsion et d'orientation.
Sur tous ces points, la réflexion a déjà commencé. Ensuite, viendront les réformes indispensables avant l'élargissement et qui constituent le préalable institutionnel admis par tous les Etats membres à Luxembourg :
- le format et l'efficacité de la Commission ;
- la généralisation du vote à la majorité qualifiée au Conseil ;
- et, liée au point précédent, la pondération des voix au sein de ce même Conseil.
Sur ce volet, nous avons commencé à nous concerter avec nos partenaires. Dès la mise en place du nouveau gouvernement allemand, il nous faudra examiner la méthode et le calendrier les plus appropriés. A mon sens, rien ne pourra être engagé formellement avant le règlement de la négociation Agenda 2000. Mais nous avons un peu de temps devant nous.
Parallèlement, la réflexion sur la mise en oeuvre du principe de subsidiarité et sur la transparence démocratique des institutions, lancée à Cardiff, sera poursuivie, notamment à l'occasion de la réunion informelle du Conseil européen qui se tiendra à Portschach, en Autriche, les 24 et 25 octobre prochain.
Mais ceci nous ramène bien sûr à la question de la ratification du Traité d'Amsterdam, qui constituera l'un des dossiers importants de cette session, avec, en préalable, la révision de la Constitution.
II. LA RATIFICATION DU TRAITE D'AMSTERDAM
Ce n'est pas la première fois que nous abordons ces questions. Mais la procédure ayant été lancée, je voudrais faire, devant vous, le point des travaux et du calendrier.
Sur le calendrier, d'abord, vous savez que j'ai toujours souhaité que le processus de ratification soit achevé, au plus tard, au début de l'année 1999 afin d'éviter toute interférence avec les élections européennes de juin prochain. Ceci ne pourrait, à mon sens, que fausser le débat.
Le gouvernement a présenté un projet de loi de révision constitutionnelle en Conseil des ministres, le 29 juillet dernier, et des dates ont pu être fixées pour l'examen de ce texte par les assemblées avant la fin de l'année, très exactement, les 25 et 26 novembre pour l'Assemblée nationale, et, dans les semaines qui suivront, pour le Sénat. Nous espérons ainsi que le Congrès - puisque cela semble être la procédure retenue par le président de la République - pourra être réuni dès la mi-janvier. Ceci devrait nous permettre d'achever ensuite la procédure de ratification, au plus tard début mars.
Sur le fond, quels sont les éléments nouveaux ? S'agissant de la révision constitutionnelle, le gouvernement, comme il l'a toujours fait par le passé, en pareilles circonstances, s'est tout simplement calé sur la décision du Conseil constitutionnel. Il n'a donc proposé de modifier que le seul article 88-2 de la Constitution pour autoriser les transferts de souveraineté qui seront nécessaires, le cas échéant, lorsque le Conseil décidera de passer à la majorité qualifiée dans les matières relatives à l'immigration, aux visas et à l'asile.
Je sais que des réflexions sur cette révision sont en cours à l'Assemblée, notamment en vue d'étendre l'article 88-4, c'est-à-dire la possibilité d'un contrôle parlementaire aux actes des 2ème et 3ème piliers. Cette demande existe aussi au Sénat.
Elle me paraît tout à fait légitime et juridiquement praticable, à condition toutefois de respecter le critère selon lequel ne sont transmis, au titre de l'article 88-4, que les actes intervenant dans des matières législatives. Il me semble, en effet, essentiel de respecter l'esprit de nos institutions et le principe de la séparation des pouvoirs. Une fois achevée, cette révision constitutionnelle permettra de passer à la ratification du traité. Celle-ci pose un certain nombre de questions. Nous en avons parlé plusieurs fois depuis sa signature, à Amsterdam, le 2 octobre dernier.
Je continue, pour ma part, de plaider pour la ratification de ce traité, malgré ses imperfections. Il contient certes une lacune majeure : l'absence d'avancée substantielle sur le plan institutionnel. Nous l'avons signifié clairement à nos partenaires en signant, avec la Belgique et l'Italie, une déclaration annexée au traité.
Depuis, comme je vous l'ai dit, cette exigence, pour laquelle nous plaidons sans relâche depuis un an, s'est progressivement imposée à nos partenaires et de premier contacts ont commencé sur les modalités des réformes à engager.
Pour autant, la volonté de lier cette exigence d'une véritable réforme institutionnelle et la ratification reste vive chez nombre d'entre vous et je le comprends.
Ainsi, l'idée est-elle née d'introduire un article 2 dans la loi de ratification.
Mais, là encore, il faudra respecter l'esprit et la lettre de nos règles constitutionnelles. Il conviendra donc, le moment venu, d'élaborer un tel article en pleine concertation entre le parlement et le gouvernement. Je pense pour ma part, qu'il devrait s'inspirer essentiellement du texte de la déclaration franco-italo-belge.
Un tel article ne saurait, en effet, exprimer une conditionalité à proprement parler, puisque l'acte soumis à ratification relève du seul pouvoir exécutif. Nous devrons donc veiller, compte tenu des limites que je viens de rappeler, à ne pas envoyer, en recourant à cette procédure inhabituelle, un signal négatif à nos partenaires de l'Union, comme des pays candidats à l'adhésion, alors même que nous avons réussi, petit à petit, à les convaincre du bien-fondé du préalable institutionnel.
Voilà où nous en sommes pour l'instant. Si vous le souhaitez, nous pourrons bien entendu revenir sur certains points au cours du débat.
III. LES RELATIONS AVEC LE CONTINENT AMERICAIN
Je voudrais compléter votre information sur deux importants dossiers de la politique extérieure de l'Union, qui concernent les relations avec le continent américain au sens large.
1. Premier dossier d'actualité : l'évolution des relations euro-atlantiques. Comme je vous l'avais indiqué lors de ma dernière audition, le Conseil des ministres de l'Union s'était finalement rallié à nos arguments pour repousser l'initiative du commissaire Brittan, qui visait à établir une zone de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis.
Le Sommet euro-américain du 18 mai, à Londres, a adopté une déclaration sur le partenariat économique transatlantique fondée, comme nous le souhaitions, sur les conclusions du plan d'action défini à Madrid, en 1995. Cette déclaration prévoit un renforcement de la concertation afin de préparer les échéances prévues par l'Organisation mondiale du Commerce, et définit certains domaines pouvant faire l'objet d'une coopération bilatérale plus approfondie (normes, marchés publics, propriété intellectuelle...).
Je précise que cette déclaration ne vaut pas, en tant que telle, mandat de négociation pour la Commission qui devra donc revenir devant le Conseil avant d'engager des discussions techniques avec les Américains. C'est pourquoi celle-ci a préparé un plan d'action et des directives de négociation, qui seront présentés au Conseil Affaires générales de la fin octobre et qui, pour l'essentiel, nous satisfont à quelques réserves près, notamment sur le plan de la convergence réglementaire et sur le plan des services. Nous ferons connaître ces réserves dès la fin octobre.
Sur la question enfin des lois extra-territoriales qui, vous vous en souvenez, avait pesé sur la préparation du dernier Sommet, un "paquet" a été négocié. Il comporte en particulier un texte sur les disciplines en matière d'investissement, qui vise à décourager les investissements dans des propriétés expropriées de façon illégale, notamment à Cuba. Pour nous, et c'est le sens d'une déclaration unilatérale qui rappelle l'opposition de l'Union au principe même des lois extraterritoriales, l'application de ce texte est subordonnée à l'octroi de dérogations, les "waivers ", à la mise en oeuvre des législations Helms-Burton et ILSA.
Comme vous le savez, l'Administration américaine s'est engagée à octroyer une dérogation à TOTAL pour ses investissements en Iran. En revanche les "waivers" sur la loi Helms-Burton seront difficiles à obtenir, en raison de l'attitude du Congrès américain.
Cependant, pour nous, il est clair que l'absence de dérogations reportera d'autant l'entrée en vigueur du texte sur les disciplines.
2. Deuxième dossier d'actualité : les relations entre l'Union et le Mercosur. La Commission a présenté une communication sur l'approfondissement des relations avec les pays du cône sud de l'Amérique latine, sous la forme d'une "libéralisation réciproque et progressive des échanges". L'objectif du commissaire Marin est d'obtenir une approbation du mandat de négociation avant le sommet Europe-Amérique latine de juin 1999.
Nous sommes confrontés, sur ce dossier, à un impératif politique : nous ne pouvons opposer au Mercosur et au Chili une fin de non-recevoir, pour des raisons liées à la tenue du sommet de juin 1999, dont la France a pris l'initiative avec l'Espagne, mais aussi pour des raisons plus profondes, tenant à la volonté des pays latino-américains d'éviter que l'intégration en cours sur leur continent ne se fasse au détriment des relations avec l'Europe.
Nous avons cependant deux contraintes :
- la contrainte OMC, qui fait que nous ne pouvons nous engager, avec les pays du Mercosur et le Chili, dans une négociation tarifaire bilatérale partielle, ni dissocier le volet industriel du volet agricole ;
- la contrainte agricole, qui rendrait une zone de libre-échange incompatible avec les règles de l'OMC, du moins en l'état actuel de la PAC.
Comme vous le savez, les pays du Mercosur sont des pays fortement exportateurs de produits agricoles : les produits sensibles à exclure d'un tel accord constitueraient 12 à 14 % des échanges. Enfin, le passage au libre-échange agricole induirait, selon la Commission elle-même, un surcoût de 5,7 à 14,3 Mds d'écus à l'horizon 2005/2010.
C'est pourquoi l'objectif de juin 1999 pour l'adoption d'un mandat de négociations nous paraît irréaliste.
A supposer même que les travaux sur la réforme de la PAC aboutissent au premier semestre 1999, on voit mal comment les Quinze pourraient se mettre d'accord, en parallèle, sur un mandat de négociation avec le Mercosur. Nous devons donc impérativement desserrer le calendrier. Ce sera l'un des enjeux du Conseil Affaires générales de la fin octobre.
Pour conclure sur ce point, qui me permet de faire le lien avec les autres, je dirais que l'initiative du commissaire Marin illustre parfaitement certains travers actuels du fonctionnement de la Commission, auxquels il importe de remédier rapidement : une concertation insuffisante des Etats membres avant le lancement d'une proposition, un affichage politique qui, tout en faisant pression sur les Quinze, crée des attentes dans les pays tiers, un manque évident de cohérence par rapport aux autres grands dossiers communautaires - je pense à la réforme des politiques communes mais aussi à la préparation des échéances à l'OMC.
IV. LA PLACE DE L'EUROPE DANS LE MONDE
Avant de conclure, je souhaite évoquer rapidement la place de l'Europe dans le Monde, au travers d'une part de la situation en Russie, d'autre part de nos projets de réforme du système financier international et, enfin, de la Chine d'où le Premier ministre vient de rentrer.
1. Quelques mots, d'abord, sur la crise en Russie. Crise monétaire, sociale, politique, crise d'identité, en somme, qui suscite, en retour, une interrogation majeure sur le rôle de l'Occident en Russie depuis les changements entrepris par M. Gorbatchev.
Ce qui me frappe d'abord, c'est moins l'ampleur de la crise financière elle-même que ce qu'elle révèle, c'est-à-dire le retard qui a été pris par la Russie dans la modernisation de son économie, même s'il ne faut pas se voiler la face : le bilan de la mise en oeuvre, dans ce pays, des programmes d'aide parle de lui-même : désorganisation des structures, absence d'interlocuteurs stables à tous les niveaux de l'Etat, sous-utilisation des crédits d'assistance technique, dont il serait mal venu de mettre en cause l'utilité, mais dont il faut constater qu'ils ont rarement débouché sur de véritables projets d'investissement.
Sans doute aussi avons-nous présumé des capacités de la Russie à réorienter rapidement ses structures économiques vers l'économie de marché. Il faut donc reprendre la réflexion pour tenir davantage compte de l'état de ce pays et de sa spécificité et, sans doute aussi, pour remettre de la régulation dans ce pays.
L'heure n'est pas, en effet, à se désengager d'un pays dont, il faut en être tout à fait conscient, la déréliction ne pourrait que constituer une menace pour le processus de recomposition du continent européen qui a été entrepris sous l'égide de l'Union européenne: menaces en termes de sécurité, mais aussi de prolifération nucléaire, de déstabilisation des sociétés, de risque migratoire, de trafics...
2. La place de l'Europe dans le monde, c'est aussi la réponse que nous, Européens, pouvons apporter aux désordres monétaires et financiers.
Comme vous le savez, les autorités françaises ont fait des propositions à leurs partenaires de l'Union européenne.
Le constat est simple : l'Union, qui s'est jusqu'à présent surtout consacrée aux aspects internes de l'euro, devra assumer les responsabilités que lui confère son poids au sein de l'économie mondiale. La conjoncture monétaire et financière actuelle ne peut que rendre d'autant plus nécessaire cette prise de responsabilité.
Quelles sont, sans entrer dans le détail aujourd'hui, les pistes de notre réflexion, qui fondent les douze propositions que nous avons présentées à nos partenaires à l'occasion de la toute récente réunion informelle des ministres de l'Economie et des Finances ?
- Première piste : à court terme, l'Europe doit contribuer au rétablissement de la situation. Nous ne pouvons nous borner à surveiller les indicateurs de conjoncture, en espérant que celle-ci ne nous affectera pas. La question des ressources du FMI est cruciale : il faut aborder clairement auprès dés autorités américaines, la question de l'augmentation de ses quotes-parts.
- Deuxième piste : à moyen terme, la réforme du Système monétaire international. Une économie mondialisée a besoin d'institutions fortes et légitimes, capables de faire respecter les règles du jeu économique et financier international et de répondre aux urgences. Nous jugeons donc souhaitable que le FMI soit confirmé comme la pierre angulaire de cette architecture et que, dans cette optique, le Comité intérimaire devienne une véritable instance de pilotage politique.
- Dernière piste : l'euro doit servir de point d'appui pour promouvoir la stabilité monétaire. C'est pourquoi la représentation extérieure de la zone euro doit être organisée, pour concrétiser le poids de l'Union au sein de l'économie mondiale.
3. Le cas de la Chine Dans un contexte international marqué par une présidence américaine affaiblie, une Russie au bord de la faillite, une Asie et une Amérique latine menacées par la récession, comment ne pas évoquer, enfin, le cas de la Chine où le Premier ministre s'est rendu à l'invitation du Premier ministre chinois ?
Cette visite de quatre étapes, marquée par deux longs entretiens avec le Premier ministre, M. Zhu Rongji, et le président Jiang Zemin, s'est déroulée dans un climat de grande cordialité, avec un ton direct et franc sur tous les sujets. Elle a permis, outre des résultats économiques significatifs et une intensification de notre coopération dans le cadre du partenariat esquissé par la déclaration adoptée lors de la visite d'Etat du président de la République en mai 1997.
Bien entendu, des difficultés demeurent, en particulier sur la question des Droits de l'Homme.
Néanmoins, je crois qu'il faut être attentif à une évolution qui se dessine dans ce domaine là aussi, même si les média occidentaux en rendent assez généralement mal compte. Le Premier ministre a d'ailleurs pu s'en entretenir franchement avec ses interlocuteurs, et j'ai remis aux autorités chinoises une liste, définie en accord avec nos partenaires de l'Union, de dissidents dont nous souhaitons la libération prochaine.
De même, nous avons pu évoquer avec franchise la question tibétaine à laquelle je sais, Mesdames et Messieurs les Députés, que vous portez un intérêt tout particulier : nous avons donc incité fortement les autorités chinoises à engager le dialogue avec le Dalaï-Lama.
A côté de ces signes plutôt encourageants, la Chine apparaît aussi, pour l'instant du moins, comme une zone de relative stabilité, grâce, en particulier, à la détermination des autorités chinoises à ne pas dévaluer le yuan. Relativement épargnée par la crise financière, ses performances économiques, avec un taux de croissance proche de 7 %, sont, pour l'heure, réconfortantes.
Reste que les difficultés sont importantes et qu'il est légitime de se demander si la Chine sera capable de résister seule encore longtemps, dans un environnement régional de plus en plus dégradé. C'est me semble-t-il, une raison supplémentaire d'encourager au plus vite la montée en puissance de l'Europe dans le monde.
J'en ai à présent terminé avec cette présentation, en vous priant de me pardonner sa longueur mais, vous l'avez bien vu, l'actualité européenne était particulièrement riche. Je suis prêt maintenant, si vous le souhaitez, à répondre à vos questions.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2001)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je veux vous dire, tout d'abord, que je suis très heureux d'être parmi vous, quatre mois après notre dernière rencontre, à la fin du mois de mai. Je sais que vous venez de renouveler la présidence de la Commission ainsi que le bureau ; je veux, à cette occasion, saluer et féliciter Jack Lang qui, je le crois, donne un dynamisme tout particulier aux travaux de cette Commission.
Bien des événements sont intervenus dans l'actualité européenne depuis notre dernière rencontre, avec, parmi les plus marquants, le changement de majorité au Bundestag et l'arrivée prochaine de Gerhard Schroeder à la chancellerie de la République fédérale d'Allemagne.
La visite à Paris du futur chancelier, hier, les déclarations du président de la République et du Premier ministre, permettent de fonder des espoirs nouveaux sur la relation franco-allemande, afin de progresser dans les grands dossiers européens dont j'ai déjà eu l'occasion de m'entretenir avec vous longuement.
C'est pourquoi vous permettrez que j'engage mon intervention sur les premiers enseignements qu'on peut tirer des changements intervenus en Allemagne, s'agissant, en particulier, de l'avenir de la relation franco-allemande.
Ce sera l'occasion d'évoquer les grands dossiers sur lesquels il est urgent de relancer la concertation entre nos deux pays, je pense tout particulièrement à la question du financement de l'Union, notamment sous l'aspect du budget pour 1999, à la maîtrise du processus d'élargissement de l'Union et, enfin, à la question de la réforme institutionnelle qui me conduira à évoquer, à nouveau, avec vous, la perspective de la ratification du traité d'Amsterdam.
Enfin, pour que ce tour d'horizon de l'actualité communautaire soit aussi complet que possible, je vous présenterai l'évolution des principaux dossiers de la politique extérieure de l'Union, en abordant d'une part nos relations avec le continent américain, d'autre part la place de l'Europe dans le monde, avec, en conclusion, un mot de la Chine où j'ai accompagné le Premier ministre en visite officielle, la semaine dernière.
I. LES PREMIERS ENSEIGNEMENTS DU CHANGEMENT DE MAJORITE EN ALLEMAGNE, NOTAMMENT SUR LA POURSUITE DU DIALOGUE FRANCO-ALLEMAND
A la veille du scrutin allemand, j'avais eu l'occasion de dire que je m'attendais à un changement de majorité assez large au Bundestag. Après quinze mois d'exercice aux Affaires européennes, plusieurs visites en Allemagne et de nombreuses rencontres avec les responsables et les principaux leaders de l'opposition dans ce pays, ma conviction s'était faite que ce pays était à la veille d'un changement politique important.
S'il convient, bien entendu, de saluer le très impressionnant bilan européen du chancelier Kohl, ce changement est désormais acquis. Il nous faut à présent tenter d'en mesurer les conséquences sur la relation franco-allemande et sur la construction européenne.
Le changement de majorité au Bundestag est à la mesure des transformations de l'Allemagne auxquelles, habitués au rituel de la relation franco-allemande, nous n'avons peut-être pas été suffisamment sensibles : une Allemagne qui, certes, au fil du renouvellement des générations, se réconcilie avec son histoire et sa géographie, mais qui est confrontée aussi à des difficultés importantes, et dont le pacte social est en crise, du fait de la croissance du chômage et du coût de la réunification. On peut, bien entendu, toujours gloser sur certaines prises de position du candidat Schroeder sur les questions européennes au début de la campagne, en particulier sur l'euro. J'ai cependant la conviction que cet homme a pris la mesure du rôle et du poids de son pays dans la construction européenne, et des responsabilités qu'il aura à exercer à sa tête.
Son équation personnelle, certainement très différente de celle du chancelier Kohl - une autre génération, une autre origine, y compris géographique - en font sans doute un Allemand moins instinctivement tourné vers l'Europe que son prédécesseur, mais sans doute, du coup, plus soucieux encore d'affirmer les raisons de l'engagement européen de son pays auprès d'une opinion publique qui l'attend sur le terrain des réalisations concrètes et, en particulier, de la lutte pour l'emploi.
C'est pourquoi j'ai le sentiment que l'engagement européen du chancelier Schroeder sera peut-être plus pragmatique que celui du chancelier Kohl, mais, en même temps, plus décidé à rapprocher l'Europe des véritables préoccupations de ses citoyens.
C'est, vous le savez, un terrain sur lequel le gouvernement français se retrouve comme j'ai eu l'occasion, ici même, de le souligner. C'est dire, au fond, que je suis plutôt optimiste sur l'évolution de la relation franco-allemande dans les mois qui viennent et, en particulier, dans la perspective de la présidence allemande de l'Union, au premier semestre de l'année prochaine.
Le discours du candidat Schroeder à Strasbourg, le 14 juillet dernier, dont je vous recommande la lecture, dénotait toute une série de convergences ou, pour le moins, de préoccupations communes, notamment sur le renforcement de l'Union européenne, et sur le rôle de l'euro et de la coordination des politiques économiques dans une stratégie européenne de croissance et d'emploi.
C'est pourquoi j'ai la certitude qu'il n'y aura véritablement de relance du dialogue franco-allemand que si nous nous attelons, en priorité, à chercher ensemble des réponses aux questions de fond qui engagent l'avenir de la construction européenne mais aussi la place de l'Union européenne dans le Monde.
A cet égard, les rencontres, hier, de G. Schroeder avec le président de la République et le Premier ministre me paraissent tout à fait encourageantes :
- d'abord, elles lèvent les interrogations que nous pouvions avoir sur l'importance que le futur chancelier attache à la relation franco-allemande : ses déclarations au cours de la journée sont, sur ce plan, sans ambiguïté ;
- ensuite, il me paraît clair que M. Schroeder souhaite que nous nous mettions au travail très rapidement : un travail commun sera ainsi lancé sur la réforme des institutions européennes, sur le financement de l'Union et sur la réforme des politiques communes ; ils devraient faire des propositions dès la fin de l'année. Je ne peux aussi que me réjouir du soutien apporté par le futur chancelier aux propositions françaises de renforcement du rôle des institutions financières internationales pour lutter contre les désordres monétaires et financiers actuels. C'est, là encore, de très bonne augure.
Je distinguerai aujourd'hui trois questions centrales sur lesquelles un compromis franco-allemand devra être trouvé au cours des prochains mois :
1. le financement de l'Union, que j'évoquerai aujourd'hui sous l'angle du budget pour 1999 ;
2. l'élargissement de l'Union européenne ;
3. la réforme des institutions de l'Union, enfin, qui me permettra de faire la transition avec la question de la ratification du Traité d'Amsterdam.
1. D'abord, le budget de l'Union européenne pour 1999. Comme vous le savez, je serai amené à présenter l'évolution de nos relations financières avec l'Union européenne dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 1999.
La séance publique du 15 octobre prochain sera consacrée pour l'essentiel à cette question. Nous aurons donc l'occasion d'un débat approfondi, préparé en particulier par le rapporteur de votre Commission, Marie-Hélène Aubert.
Néanmoins, je souhaite vous faire part dès aujourd'hui de quelques éléments d'analyse sur ce projet de budget de l'Union pour 1999.
Ce budget marque une rupture par rapport aux deux derniers budgets de l'Union. En effet, il accuse une progression soutenue de 6,1 % en crédits d'engagement et une progression plus modérée de 2,8 % en crédits de paiement. Ces évolutions sont sensiblement supérieures à la progression moyenne des crédits de dépenses sur le budget de la France pour 1999 (2,3 %).
Mais, en réalité, cette progression ne nous surprend pas véritablement. Elle s'explique très simplement par les engagements politiques pris par le passé, et que le Conseil n'a pas souhaité remettre en cause.
Pour respecter l'Accord d'Edimbourg relatif aux perspectives financières 1993-1999, il nous faut inscrire en 1999, dernière année de la période, la totalité du solde de l'enveloppe des fonds structurels prévue à l'origine pour la période. Compte tenu des retards d'engagements importants constatés sur cette rubrique, nous enregistrons en 1999 une progression des crédits des fonds structurels de 17 % en engagements et de 9 % en paiements. Le reste du budget progresse à un rythme tout à fait comparable aux évolutions enregistrées ces deux dernières années.
Cette analyse rapide m'inspire trois réflexions à ce stade : - Tout d'abord, l'année 1999 devrait en bonne logique représenter un "pic" dans l'évolution du budget de l'Union, compte tenu de ce phénomène "d'apurement" des perspectives financières d'Edimbourg.
- En revanche, le respect scrupuleux des engagements lourds pris dans le passé doit être utilisé pour affirmer, avec encore plus de force, notre volonté de reconsidérer le statut privilégié de la dépense structurelle pour l'avenir. C'est l'un des enjeux essentiels de la négociation sur "l'Agenda 2000".
- Enfin, cette progression des dépenses communautaires en 1999 va augmenter mécaniquement les contributions nettes des grands financeurs, en premier lieu l'Allemagne. Elle doit nous conduire à accélérer notre réflexion sur cette question, qui est au coeur de la relance du couple franco-allemand.
Du reste, nous allons y être fortement invités par la Commission, qui rendra public son rapport sur le système des ressources propres dans quelques jours. D'après nos informations, les solutions qu'elle suggère devraient être sans grande surprise : extension de la ressource assise sur le PNB (plus équitable que la ressource TVA), co-financement de la PAC, programme spécial dans les Lander de l'Est, toutes solutions qui pourraient éventuellement être combinées entre elles. En revanche, la Commission devrait exprimer de fortes réserves sur l'instauration d'un système d'écrêtement généralisé des soldes.
Le gouvernement examinera ces propositions. Ce que je souhaite indiquer d'ores et déjà, c'est que sa réflexion intégrera nécessairement trois éléments :
. En soi, la maîtrise des dépenses concourt utilement à limiter l'ampleur du problème posé par les soldes nets, en tous cas à éviter son aggravation.
. Nous rejetterons toute fausse solution, en particulier celles marquées par l'esprit du "juste retour", qui marqueraient incontestablement un affaiblissement de la construction européenne.
. La solution retenue devra se situer à l'intérieur d'un accord global sur l'ensemble du paquet Santer, qui permette à tous les partenaires de l'Union de continuer à se sentir pleinement intéressés aux politiques communes.
2. Deuxième grand sujet d'intérêt franco-allemand : l'élargissement de l'Union
Lors de ma dernière audition, je vous avais rendu compte du lancement du processus d'élargissement au bénéfice des onze candidats, le 30 mars, à Bruxelles, suivi, le lendemain, de l'ouverture des six premières négociations d'adhésion. La Commission a entrepris, depuis cette date, un important exercice de présentation de l'acquis communautaire aux onze pays candidats. Il s'agit, en quelque sorte, d'une phase pédagogique, destinée à expliquer aux pays qui aspirent à nous rejoindre l'ensemble des obligations auxquelles ils devront souscrire.
Cet exercice, désormais bien engagé, a permis à la présidence autrichienne de l'Union d'envisager, en novembre, l'ouverture des négociations proprement dites sur les chapitres de l'acquis qui ont fait l'objet de cette présentation analytique.
Le Conseil Affaires générales du 5 octobre, qui précédera une réunion de la Conférence européenne, le 6, au niveau des ministres des Affaires étrangères et européennes, sera donc chargé d'examiner cette proposition d'ouverture des négociations, avancée par la présidence et à laquelle certains de nos partenaires, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie par exemple, ont d'ores et déjà apporté leur soutien. Notre souci est double :
- nous souhaitons d'abord - mais je vous l'avais déjà dit - que le Conseil conserve la maîtrise politique du processus. Nous pourrons donc marquer notre accord à un engagement rapide des négociations, mais à condition, bien entendu, qu'il soit clair qu'elles ne pourront aboutir aussi longtemps qu'il n'y aura pas eu négociation sur la totalité de l'acquis.
Encore une fois, il ne saurait s'agir, pour nous, de retarder de quelque manière que ce soit le processus qui a été engagé, mais seulement de respecter un principe général d'équilibre de la négociation.
- nous souhaitons ensuite que le Conseil puisse débattre des conditions d'engagement de ces négociations. J'avais eu, en particulier, ici même, l'occasion de vous dire la préoccupation que suscite pour nous le cas de Chypre. Je ne reviendrai donc pas sur les raisons de notre attitude et que vous connaissez.
Je dirai simplement que nous avons demandé à la Commission de nous faire un rapport factuel, à l'occasion du Conseil Affaires générales de lundi prochain, sur les conditions dans lesquelles elle a pu engager l'exercice d'examen de l'acquis avec Chypre.
Sur cette base, il faudra bien constater qu'en dépit des recommandations du Conseil européen, aucun progrès n'a pu être enregistré en ce qui concerne tant le règlement politique de la situation de l'île que les négociations d'adhésion elles-mêmes. Ce sera, pour nous, avec nos partenaires, une occasion de prendre la mesure des difficultés que ne manquerait pas de susciter l'adhésion d'une île divisée.
Il ne s'agit donc pas de bloquer la poursuite des négociations d'adhésion avec Chypre - personne n'a intérêt à une escalade qui conduirait au blocage de l'ensemble du processus d'élargissement - mais de prendre date dans la perspective de la conclusion des négociations d'adhésion.
Cette question de la maîtrise politique du processus est cruciale. Elle peut aussi être à la source de convergences nouvelles entre les nouvelles autorités allemandes et nous-mêmes. Je crois en effet que l'Allemagne elle-même a commencé à prendre la mesure de l'élargissement. Cette évolution, déjà perceptible au cours des derniers mois, devrait s'accentuer au cours des prochains.
Il ne s'agit pas, bien entendu, pour l'Allemagne de remettre en cause une dynamique qu'elle a souhaitée et encouragée, mais sans doute d'en mieux mesurer les conséquences et de l'assortir de garanties plus fortes, par exemple en matière de libre-circulation des personnes. Est-il besoin de préciser que c'est exactement l'approche que nous mêmes défendons depuis quinze mois ?
3. La réforme des institutions de l'Union Le dernier sujet sur lequel il faudra rapidement reprendre la concertation avec nos nouveaux partenaires allemands, et que je souhaite évoquer aujourd'hui, est la question institutionnelle.
Concrètement, où en sommes-nous ? Comme j'ai eu l'occasion de l'exposer devant vous, nous avons proposé à nos partenaires de distinguer plusieurs étapes dans les réformes à entreprendre. D'abord, celles qui ne nécessitent pas de modification des traités. Il s'agit de réformes pratiques :
- du Conseil des ministres, en particulier celui des ministres des Affaires étrangères, dont le rôle de coordination et de préparation du Conseil européen doit être réaffirmé ;
- de la Commission, qui doit recouvrer une véritable collégialité ;
- du Conseil européen, qui doit exercer pleinement sa fonction d'impulsion et d'orientation.
Sur tous ces points, la réflexion a déjà commencé. Ensuite, viendront les réformes indispensables avant l'élargissement et qui constituent le préalable institutionnel admis par tous les Etats membres à Luxembourg :
- le format et l'efficacité de la Commission ;
- la généralisation du vote à la majorité qualifiée au Conseil ;
- et, liée au point précédent, la pondération des voix au sein de ce même Conseil.
Sur ce volet, nous avons commencé à nous concerter avec nos partenaires. Dès la mise en place du nouveau gouvernement allemand, il nous faudra examiner la méthode et le calendrier les plus appropriés. A mon sens, rien ne pourra être engagé formellement avant le règlement de la négociation Agenda 2000. Mais nous avons un peu de temps devant nous.
Parallèlement, la réflexion sur la mise en oeuvre du principe de subsidiarité et sur la transparence démocratique des institutions, lancée à Cardiff, sera poursuivie, notamment à l'occasion de la réunion informelle du Conseil européen qui se tiendra à Portschach, en Autriche, les 24 et 25 octobre prochain.
Mais ceci nous ramène bien sûr à la question de la ratification du Traité d'Amsterdam, qui constituera l'un des dossiers importants de cette session, avec, en préalable, la révision de la Constitution.
II. LA RATIFICATION DU TRAITE D'AMSTERDAM
Ce n'est pas la première fois que nous abordons ces questions. Mais la procédure ayant été lancée, je voudrais faire, devant vous, le point des travaux et du calendrier.
Sur le calendrier, d'abord, vous savez que j'ai toujours souhaité que le processus de ratification soit achevé, au plus tard, au début de l'année 1999 afin d'éviter toute interférence avec les élections européennes de juin prochain. Ceci ne pourrait, à mon sens, que fausser le débat.
Le gouvernement a présenté un projet de loi de révision constitutionnelle en Conseil des ministres, le 29 juillet dernier, et des dates ont pu être fixées pour l'examen de ce texte par les assemblées avant la fin de l'année, très exactement, les 25 et 26 novembre pour l'Assemblée nationale, et, dans les semaines qui suivront, pour le Sénat. Nous espérons ainsi que le Congrès - puisque cela semble être la procédure retenue par le président de la République - pourra être réuni dès la mi-janvier. Ceci devrait nous permettre d'achever ensuite la procédure de ratification, au plus tard début mars.
Sur le fond, quels sont les éléments nouveaux ? S'agissant de la révision constitutionnelle, le gouvernement, comme il l'a toujours fait par le passé, en pareilles circonstances, s'est tout simplement calé sur la décision du Conseil constitutionnel. Il n'a donc proposé de modifier que le seul article 88-2 de la Constitution pour autoriser les transferts de souveraineté qui seront nécessaires, le cas échéant, lorsque le Conseil décidera de passer à la majorité qualifiée dans les matières relatives à l'immigration, aux visas et à l'asile.
Je sais que des réflexions sur cette révision sont en cours à l'Assemblée, notamment en vue d'étendre l'article 88-4, c'est-à-dire la possibilité d'un contrôle parlementaire aux actes des 2ème et 3ème piliers. Cette demande existe aussi au Sénat.
Elle me paraît tout à fait légitime et juridiquement praticable, à condition toutefois de respecter le critère selon lequel ne sont transmis, au titre de l'article 88-4, que les actes intervenant dans des matières législatives. Il me semble, en effet, essentiel de respecter l'esprit de nos institutions et le principe de la séparation des pouvoirs. Une fois achevée, cette révision constitutionnelle permettra de passer à la ratification du traité. Celle-ci pose un certain nombre de questions. Nous en avons parlé plusieurs fois depuis sa signature, à Amsterdam, le 2 octobre dernier.
Je continue, pour ma part, de plaider pour la ratification de ce traité, malgré ses imperfections. Il contient certes une lacune majeure : l'absence d'avancée substantielle sur le plan institutionnel. Nous l'avons signifié clairement à nos partenaires en signant, avec la Belgique et l'Italie, une déclaration annexée au traité.
Depuis, comme je vous l'ai dit, cette exigence, pour laquelle nous plaidons sans relâche depuis un an, s'est progressivement imposée à nos partenaires et de premier contacts ont commencé sur les modalités des réformes à engager.
Pour autant, la volonté de lier cette exigence d'une véritable réforme institutionnelle et la ratification reste vive chez nombre d'entre vous et je le comprends.
Ainsi, l'idée est-elle née d'introduire un article 2 dans la loi de ratification.
Mais, là encore, il faudra respecter l'esprit et la lettre de nos règles constitutionnelles. Il conviendra donc, le moment venu, d'élaborer un tel article en pleine concertation entre le parlement et le gouvernement. Je pense pour ma part, qu'il devrait s'inspirer essentiellement du texte de la déclaration franco-italo-belge.
Un tel article ne saurait, en effet, exprimer une conditionalité à proprement parler, puisque l'acte soumis à ratification relève du seul pouvoir exécutif. Nous devrons donc veiller, compte tenu des limites que je viens de rappeler, à ne pas envoyer, en recourant à cette procédure inhabituelle, un signal négatif à nos partenaires de l'Union, comme des pays candidats à l'adhésion, alors même que nous avons réussi, petit à petit, à les convaincre du bien-fondé du préalable institutionnel.
Voilà où nous en sommes pour l'instant. Si vous le souhaitez, nous pourrons bien entendu revenir sur certains points au cours du débat.
III. LES RELATIONS AVEC LE CONTINENT AMERICAIN
Je voudrais compléter votre information sur deux importants dossiers de la politique extérieure de l'Union, qui concernent les relations avec le continent américain au sens large.
1. Premier dossier d'actualité : l'évolution des relations euro-atlantiques. Comme je vous l'avais indiqué lors de ma dernière audition, le Conseil des ministres de l'Union s'était finalement rallié à nos arguments pour repousser l'initiative du commissaire Brittan, qui visait à établir une zone de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis.
Le Sommet euro-américain du 18 mai, à Londres, a adopté une déclaration sur le partenariat économique transatlantique fondée, comme nous le souhaitions, sur les conclusions du plan d'action défini à Madrid, en 1995. Cette déclaration prévoit un renforcement de la concertation afin de préparer les échéances prévues par l'Organisation mondiale du Commerce, et définit certains domaines pouvant faire l'objet d'une coopération bilatérale plus approfondie (normes, marchés publics, propriété intellectuelle...).
Je précise que cette déclaration ne vaut pas, en tant que telle, mandat de négociation pour la Commission qui devra donc revenir devant le Conseil avant d'engager des discussions techniques avec les Américains. C'est pourquoi celle-ci a préparé un plan d'action et des directives de négociation, qui seront présentés au Conseil Affaires générales de la fin octobre et qui, pour l'essentiel, nous satisfont à quelques réserves près, notamment sur le plan de la convergence réglementaire et sur le plan des services. Nous ferons connaître ces réserves dès la fin octobre.
Sur la question enfin des lois extra-territoriales qui, vous vous en souvenez, avait pesé sur la préparation du dernier Sommet, un "paquet" a été négocié. Il comporte en particulier un texte sur les disciplines en matière d'investissement, qui vise à décourager les investissements dans des propriétés expropriées de façon illégale, notamment à Cuba. Pour nous, et c'est le sens d'une déclaration unilatérale qui rappelle l'opposition de l'Union au principe même des lois extraterritoriales, l'application de ce texte est subordonnée à l'octroi de dérogations, les "waivers ", à la mise en oeuvre des législations Helms-Burton et ILSA.
Comme vous le savez, l'Administration américaine s'est engagée à octroyer une dérogation à TOTAL pour ses investissements en Iran. En revanche les "waivers" sur la loi Helms-Burton seront difficiles à obtenir, en raison de l'attitude du Congrès américain.
Cependant, pour nous, il est clair que l'absence de dérogations reportera d'autant l'entrée en vigueur du texte sur les disciplines.
2. Deuxième dossier d'actualité : les relations entre l'Union et le Mercosur. La Commission a présenté une communication sur l'approfondissement des relations avec les pays du cône sud de l'Amérique latine, sous la forme d'une "libéralisation réciproque et progressive des échanges". L'objectif du commissaire Marin est d'obtenir une approbation du mandat de négociation avant le sommet Europe-Amérique latine de juin 1999.
Nous sommes confrontés, sur ce dossier, à un impératif politique : nous ne pouvons opposer au Mercosur et au Chili une fin de non-recevoir, pour des raisons liées à la tenue du sommet de juin 1999, dont la France a pris l'initiative avec l'Espagne, mais aussi pour des raisons plus profondes, tenant à la volonté des pays latino-américains d'éviter que l'intégration en cours sur leur continent ne se fasse au détriment des relations avec l'Europe.
Nous avons cependant deux contraintes :
- la contrainte OMC, qui fait que nous ne pouvons nous engager, avec les pays du Mercosur et le Chili, dans une négociation tarifaire bilatérale partielle, ni dissocier le volet industriel du volet agricole ;
- la contrainte agricole, qui rendrait une zone de libre-échange incompatible avec les règles de l'OMC, du moins en l'état actuel de la PAC.
Comme vous le savez, les pays du Mercosur sont des pays fortement exportateurs de produits agricoles : les produits sensibles à exclure d'un tel accord constitueraient 12 à 14 % des échanges. Enfin, le passage au libre-échange agricole induirait, selon la Commission elle-même, un surcoût de 5,7 à 14,3 Mds d'écus à l'horizon 2005/2010.
C'est pourquoi l'objectif de juin 1999 pour l'adoption d'un mandat de négociations nous paraît irréaliste.
A supposer même que les travaux sur la réforme de la PAC aboutissent au premier semestre 1999, on voit mal comment les Quinze pourraient se mettre d'accord, en parallèle, sur un mandat de négociation avec le Mercosur. Nous devons donc impérativement desserrer le calendrier. Ce sera l'un des enjeux du Conseil Affaires générales de la fin octobre.
Pour conclure sur ce point, qui me permet de faire le lien avec les autres, je dirais que l'initiative du commissaire Marin illustre parfaitement certains travers actuels du fonctionnement de la Commission, auxquels il importe de remédier rapidement : une concertation insuffisante des Etats membres avant le lancement d'une proposition, un affichage politique qui, tout en faisant pression sur les Quinze, crée des attentes dans les pays tiers, un manque évident de cohérence par rapport aux autres grands dossiers communautaires - je pense à la réforme des politiques communes mais aussi à la préparation des échéances à l'OMC.
IV. LA PLACE DE L'EUROPE DANS LE MONDE
Avant de conclure, je souhaite évoquer rapidement la place de l'Europe dans le Monde, au travers d'une part de la situation en Russie, d'autre part de nos projets de réforme du système financier international et, enfin, de la Chine d'où le Premier ministre vient de rentrer.
1. Quelques mots, d'abord, sur la crise en Russie. Crise monétaire, sociale, politique, crise d'identité, en somme, qui suscite, en retour, une interrogation majeure sur le rôle de l'Occident en Russie depuis les changements entrepris par M. Gorbatchev.
Ce qui me frappe d'abord, c'est moins l'ampleur de la crise financière elle-même que ce qu'elle révèle, c'est-à-dire le retard qui a été pris par la Russie dans la modernisation de son économie, même s'il ne faut pas se voiler la face : le bilan de la mise en oeuvre, dans ce pays, des programmes d'aide parle de lui-même : désorganisation des structures, absence d'interlocuteurs stables à tous les niveaux de l'Etat, sous-utilisation des crédits d'assistance technique, dont il serait mal venu de mettre en cause l'utilité, mais dont il faut constater qu'ils ont rarement débouché sur de véritables projets d'investissement.
Sans doute aussi avons-nous présumé des capacités de la Russie à réorienter rapidement ses structures économiques vers l'économie de marché. Il faut donc reprendre la réflexion pour tenir davantage compte de l'état de ce pays et de sa spécificité et, sans doute aussi, pour remettre de la régulation dans ce pays.
L'heure n'est pas, en effet, à se désengager d'un pays dont, il faut en être tout à fait conscient, la déréliction ne pourrait que constituer une menace pour le processus de recomposition du continent européen qui a été entrepris sous l'égide de l'Union européenne: menaces en termes de sécurité, mais aussi de prolifération nucléaire, de déstabilisation des sociétés, de risque migratoire, de trafics...
2. La place de l'Europe dans le monde, c'est aussi la réponse que nous, Européens, pouvons apporter aux désordres monétaires et financiers.
Comme vous le savez, les autorités françaises ont fait des propositions à leurs partenaires de l'Union européenne.
Le constat est simple : l'Union, qui s'est jusqu'à présent surtout consacrée aux aspects internes de l'euro, devra assumer les responsabilités que lui confère son poids au sein de l'économie mondiale. La conjoncture monétaire et financière actuelle ne peut que rendre d'autant plus nécessaire cette prise de responsabilité.
Quelles sont, sans entrer dans le détail aujourd'hui, les pistes de notre réflexion, qui fondent les douze propositions que nous avons présentées à nos partenaires à l'occasion de la toute récente réunion informelle des ministres de l'Economie et des Finances ?
- Première piste : à court terme, l'Europe doit contribuer au rétablissement de la situation. Nous ne pouvons nous borner à surveiller les indicateurs de conjoncture, en espérant que celle-ci ne nous affectera pas. La question des ressources du FMI est cruciale : il faut aborder clairement auprès dés autorités américaines, la question de l'augmentation de ses quotes-parts.
- Deuxième piste : à moyen terme, la réforme du Système monétaire international. Une économie mondialisée a besoin d'institutions fortes et légitimes, capables de faire respecter les règles du jeu économique et financier international et de répondre aux urgences. Nous jugeons donc souhaitable que le FMI soit confirmé comme la pierre angulaire de cette architecture et que, dans cette optique, le Comité intérimaire devienne une véritable instance de pilotage politique.
- Dernière piste : l'euro doit servir de point d'appui pour promouvoir la stabilité monétaire. C'est pourquoi la représentation extérieure de la zone euro doit être organisée, pour concrétiser le poids de l'Union au sein de l'économie mondiale.
3. Le cas de la Chine Dans un contexte international marqué par une présidence américaine affaiblie, une Russie au bord de la faillite, une Asie et une Amérique latine menacées par la récession, comment ne pas évoquer, enfin, le cas de la Chine où le Premier ministre s'est rendu à l'invitation du Premier ministre chinois ?
Cette visite de quatre étapes, marquée par deux longs entretiens avec le Premier ministre, M. Zhu Rongji, et le président Jiang Zemin, s'est déroulée dans un climat de grande cordialité, avec un ton direct et franc sur tous les sujets. Elle a permis, outre des résultats économiques significatifs et une intensification de notre coopération dans le cadre du partenariat esquissé par la déclaration adoptée lors de la visite d'Etat du président de la République en mai 1997.
Bien entendu, des difficultés demeurent, en particulier sur la question des Droits de l'Homme.
Néanmoins, je crois qu'il faut être attentif à une évolution qui se dessine dans ce domaine là aussi, même si les média occidentaux en rendent assez généralement mal compte. Le Premier ministre a d'ailleurs pu s'en entretenir franchement avec ses interlocuteurs, et j'ai remis aux autorités chinoises une liste, définie en accord avec nos partenaires de l'Union, de dissidents dont nous souhaitons la libération prochaine.
De même, nous avons pu évoquer avec franchise la question tibétaine à laquelle je sais, Mesdames et Messieurs les Députés, que vous portez un intérêt tout particulier : nous avons donc incité fortement les autorités chinoises à engager le dialogue avec le Dalaï-Lama.
A côté de ces signes plutôt encourageants, la Chine apparaît aussi, pour l'instant du moins, comme une zone de relative stabilité, grâce, en particulier, à la détermination des autorités chinoises à ne pas dévaluer le yuan. Relativement épargnée par la crise financière, ses performances économiques, avec un taux de croissance proche de 7 %, sont, pour l'heure, réconfortantes.
Reste que les difficultés sont importantes et qu'il est légitime de se demander si la Chine sera capable de résister seule encore longtemps, dans un environnement régional de plus en plus dégradé. C'est me semble-t-il, une raison supplémentaire d'encourager au plus vite la montée en puissance de l'Europe dans le monde.
J'en ai à présent terminé avec cette présentation, en vous priant de me pardonner sa longueur mais, vous l'avez bien vu, l'actualité européenne était particulièrement riche. Je suis prêt maintenant, si vous le souhaitez, à répondre à vos questions.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2001)