Déclaration de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du gouvernement, sur le calendrier des réformes de la décentralisation et la préparation des transferts de compétences entre l'Etat et les collectivités locales, Paris le 24 juin 2004.

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Circonstance : Réunion des Préfets à Paris le 24 juin 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Préfets,
Dans la droite ligne de ce que je vous avais indiqué il y a deux mois, je veux ici vous faire connaître les avancées importantes que nous avons réalisées sur le dossier de la décentralisation, afin que vous puissiez au mieux en anticiper les conséquences sur l'ensemble de notre territoire.
De cette préparation, de cette organisation au plus près du terrain, dépend en effet le plein succès de cette réforme de grande ampleur.
Deux mois exactement après notre première rencontre, il me semble donc utile de faire en quelque sorte un point d'étape avec vous.
I. Nous sommes en train de remplir notre mission :
mener à bien les textes sur la décentralisation
1. Nous avons repris la main
Comme je vous le disais lors de la réunion d'avril dernier, l'objectif du Gouvernement était clair : ne pas caler, ne pas retarder les textes, malgré le nouveau contexte électoral, et donc ne pas laisser s'enliser les réformes de décentralisation.
Chacun est, je le sais, convaincu ici que cette ligne était la seule possible. - D'abord pour des raisons de crédibilité : ceux qui croient en nous auraient perçu nos éventuelles hésitations comme une reculade, et ceux qui nous combattent, comme une victoire de plus.
- Ensuite pour des raisons de fond : des dizaines de milliers de fonctionnaires et leurs familles se préparent depuis des mois à ces transferts. Ils attendent de leur gouvernement qu'il les rassure, les conforte dans le fait que ce choix est bon pour la France, mais aussi pour eux. Si nous doutons, c'est eux qui douteront de nous.
Beaucoup de travail avait déjà été réalisé, et notamment par vous-mêmes et vos services pour informer, dialoguer, convaincre : il n'était donc pas question de laisser tout cela sans suite.
Dominique de Villepin et moi-même avons poursuivi ce travail dans un esprit de totale détermination sur les objectifs, mais également dans un esprit d'ouverture et de concertation dans nos rapports tant avec les élus qu'avec les syndicats de personnels.
Cette détermination sans faille a guidé nos démarches durant l'ensemble de ces deux mois de travail, et je crois pouvoir dire aujourd'hui qu'elle a en grande partie porté ses fruits.
En effet, je vous avais indiqué au mois d'avril le calendrier que nous nous étions fixés : je peux vous dire aujourd'hui qu'il a été respecté, malgré un contexte politique difficile. Il a fallu vaincre les oppositions des uns, les réticences des autres, et lever certains malentendus.
=> Sur le fond comme sur la forme, nous avons tenu nos promesses :
- sur la forme, en permettant qu'aucun retard ne soit pris
- sur le fond, en commençant à faire voter des textes, qui fixent pour l'avenir les perspectives d'une République qui veut à la fois renforcer l'autorité de l'Etat en le rendant plus efficace, et confier dans un cadre décentralisé de nouvelles compétences et de nouvelles ressources aux collectivités locales.
2. Nous avons fixé un cadre financier loyal, grâce à la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités locales
Il y a deux mois, je vous disais l'importance que le Gouvernement accorde à cette question sensible du financement de la décentralisation.
Conformément à nos engagements, la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités locales a été adoptée en première lecture par l'Assemblée Nationale et par le Sénat.
Elle constitue une véritable clef de voûte de la décentralisation, en fixant un cadre loyal et transparent aux relations entre l'Etat et les collectivités locales.
Cette loi organique renforce en effet la crédibilité de l'Etat dans ses rapports avec les collectivités territoriales :
- Pour la première fois, un verrou constitutionnel rend désormais impossible tout transfert de charges sans compensation financière équivalente : ce qui a eu lieu dans le passé pour l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) ne pourra plus se reproduire.
- Nous avons également voulu garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales, en empêchant que ne se reproduisent à l'avenir les transformations de recettes fiscales locales en dotations de l'Etat : entre 1996 et aujourd'hui, c'est plus de 14 milliards d'euros de recettes fiscales qui ont été perdues par les collectivités territoriales : suppression de la vignette, de la part régionale de la taxe d'habitation, de la taxe professionnelle...
=> Désormais, aucun Gouvernement ne pourra plus procéder de la sorte : c'est la garantie qu'apporte la Loi Organique, en fixant un taux plancher de ressources propres pour chacune des trois catégories de collectivités, l'année 2003 servant de référence.
3. Nous avons mené une concertation approfondie dans la perspective des transferts de compétences
Là encore, nous avons été fidèles aux engagements pris au lendemain des élections régionales.
Les deux mois qui viennent de s'écouler ont été placés sous le signe de l'écoute et du dialogue, afin de préparer au mieux le vote en deuxième lecture du texte relatif aux libertés et responsabilités locales.
- Le Premier Ministre a entamé ces consultations le 19 avril en recevant les Présidents de Conseils régionaux.
- Dominique de Villepin et moi-même avons poursuivi ces démarches, en menant toute une série de rencontres avec les associations représentatives d'élus et avec les organisations syndicales.
- Le principe d'une nouvelle rencontre entre le Premier Ministre et les Présidents de région début juillet a été retenu.
Lors de ces consultations, nous avons souhaité être très clairs dès le départ sur notre détermination à mener à bien certains transferts : je pense au transfert des TOS qu'il n'était pas question de remettre en cause, pour des raisons de bon sens et de cohérence.
Mais sur d'autres sujets, nous travaillons de façon constructive sur des pistes intéressantes, comme le renforcement de l'intercommunalité par exemple.
=> Nous souhaitons que chacun ait bien à l'esprit qu'il s'agit d'une deuxième lecture : il n'est pas question de faire table rase de ce qui a déjà été voté. Nous voulons améliorer le texte, apporter quelques modifications qui nous semblent indispensables : c'est un préalable nécessaire pour faire voter ce texte dans de bonnes conditions au Parlement.
Je voudrais avec vous balayer quelques-unes de ces pistes, qui vous intéressent au premier chef :

- S'agissant du rôle de l'Etat, nous estimons que le Préfet doit continuer à disposer d'outils lui permettant de mettre en uvre les grandes politiques de l'Etat : Dominique de Villepin et moi-même veillerons donc à ce que le projet de loi intègre cette dimension.
Nous travaillons ainsi avec les commissions du Sénat pour que les certificats d'urbanisme et les avancements de grade au sein de la Fonction Publique Territoriale soient soumis au contrôle de légalité :
- En ce qui concerne les certificats d'urbanisme, il nous est apparu particulièrement important que vous ayez une vision très en amont des opérations d'urbanisme envisagées sur notre territoire, afin de mener une politique cohérente de prévention des risques, qu'ils soient naturels ou technologiques.
- Quant à l'avancement de grade dans la Fonction Publique Territoriale, un impératif nous a guidé dans notre réflexion : celui du respect de l'équité entre les fonctions publiques, qu'elles soient d'Etat ou territoriale. Nous avons donc souhaité que le respect de ce principe puisse être vérifié par le Préfet.
- Enfin, nous avons beaucoup travaillé avec les élus sur une question qui vous tient particulièrement à cur : celle du " contingent préfectoral ". Vous savez que les élus se montraient au départ très réticents à préserver ce contingent, et le projet de loi, dans sa dernière version, prévoyait que ce volant de logements réservés soit obligatoirement délégué aux maires ou aux présidents d'EPCI.
Nous souhaitons que cette obligation soit transformée en simple possibilité de délégation, extrêmement encadrée par une convention d'objectifs. => Vous continuerez donc à pouvoir disposer de moyens d'action pour le logement notamment des personnes défavorisées.
Je crois que ces modifications sont de nature à vous rassurer, à la fois sur vos capacités d'intervention, et sur notre volonté de vous donner de réels outils d'action pour l'exercice de votre mission.

=> Au total, le bilan de ces deux mois est encourageant, puisque l'ensemble du travail préparatoire que nous avons mené va nous amener à opérer des transferts de compétences clairs et cohérents, largement anticipés et acceptés.
Naturellement, tout cela exige encore beaucoup de vigilance, mais enfin je crois que l'on aborde cette nouvelle phase parlementaire de la 2ème lecture du texte de décentralisation (fin juin au Sénat, mi-juillet à l'Assemblée) dans une meilleure position.
II. Nous avons besoin de vous pour la suite de ce mouvement
1. Le calendrier que nous avons retenu nous permet d'être en initiative
Beaucoup a donc déjà été fait. Quant à nos perspectives, elles sont claires et les échéances pourront être respectées.
Notre objectif est de faire promulguer avant la fin de la session extraordinaire (soit d'ici fin juillet) la loi organique sur l'autonomie financière des collectivités locales et la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Nous sommes déterminés à respecter cette échéance, afin de pouvoir à l'automne, comme prévu, nous consacrer pleinement à la à la suite des réformes des finances locales :
- réformes des critères d'attributions des dotations de l'Etat aux collectivités locales, afin de les rendre plus péréquatrices qu'elles ne le sont actuellement. Il s'agira pour le Gouvernement de donner une traduction très concrète et très forte du principe de péréquation, désormais inscrit dans la Constitution.
- réforme de la taxe professionnelle dès que la commission Fouquet aura rendu ses conclusions définitives.
Il va de soi que nous nous attelons parallèlement à la rédaction des 50 décrets d'application de la loi " libertés et responsabilités locales " pour que la date d'entrée en vigueur le 1er janvier 2005 soit tenue. Ce qui me permet de rendre hommage au formidable travail accompli par la DGCL et son Directeur Dominique Bur.
2. Il vous appartient désormais de préparer les transferts
J'ai pu le constater au cours de mes rencontres avec les syndicats de personnels, comme avec les élus : comme toute réforme, les transferts de compétences nourrissent des craintes.
Aujourd'hui, nous avons fixé des règles claires, connues de tous ; les modalités, par exemple pour le transfert des TOS, sont transparentes et ont fait l'objet de discussions approfondies.
=> Nous avons écrit la partition en nous appuyant sur un certain nombre de vos suggestions, il vous appartient aujourd'hui de nous aider à la mettre en musique.
Cela concerne d'abord les conditions de transfert des personnels. Je sais pouvoir compter sur vous pour les préparer et pour veiller à l'accueil des personnels dans les collectivités, en liaison avec les élus. Quelque 130 000 agents sont ainsi concernés : agents techniciens, ouvriers et de service de l'Education nationale et agents du Ministère de l'équipement pour l'essentiel.
Il vous appartient d'ores et déjà de rassurer les personnels et de les informer, en leur rappelant les engagements très clairs pris par le Gouvernement, notamment en matière de libre-choix, et de parité des carrières et des droits.
Devenir fonctionnaire territorial relèvera d'un choix librement effectué, qui n'affectera ni l'évolution de la carrière, ni les droits qui sont conférés par les statuts. La fonction publique territoriale trouvera à cette occasion un nouvel élan : vous y apporterez une contribution déterminante.
Cela concerne ensuite le dialogue indispensable qu'il vous faudra poursuivre sur ce sujet précis avec les élus de votre département et de votre région.
Je produirai d'ici quelques jours un document précis répondant à l'ensemble des questions que chacun se pose sur les transferts. Il pourra vous être utile dans vos échanges avec les élus comme avec les syndicats.
Pour toutes ces raisons, je veux vous rappeler de façon solennelle toute l'importance de votre mission dans ce vaste processus de décentralisation.
Les décisions sont prises, les textes votés ou en passe de l'être très prochainement. Nous assumons toutes nos responsabilités politiques sur ce dossier.
Il vous incombe aujourd'hui d'être les relais de cette réforme, et de la mettre en uvre avec tout le savoir-faire qui est le vôtre, sans jamais perdre de vue la nécessaire autorité de l'Etat. N'hésitez jamais à me faire part sur ce sujet des questions ou difficultés que vous seriez amenés à rencontrer sur le terrain. La tâche est suffisamment difficile pour justifier que l'on y travaille ensemble.
Je vous remercie.

(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 25 juin 2004)