Texte intégral
Retenu de longue date par des obligations dans mon département, je ne puis malheureusement être à vos côtés pour célébrer ce jubilé. Croyez bien que je le regrette car vous allez aborder des sujets majeurs, déterminants pour notre avenir.
Vous avez retenu comme thème de travail : " La politique européenne de sécurité et de défense : acquis et perspectives liés au projet de traité constitutionnel ". Vaste entreprise !
Sans déflorer le sujet, je souhaiterais simplement faire quelques observations liminaires.
Depuis le sommet franco-britannique de Saint Malo, la défense est sans doute le domaine où la construction européenne progresse le plus rapidement.
L'Union européenne a montré, à partir de 2003, qu'elle était enfin capable d'agir, en conduisant des missions de crise :
- deux missions de police, l'une en Bosnie Herzégovine et l'autre en Macédoine,
- deux opérations militaires, l'opération " Concordia " en Macédoine et l'opération " Artémis " en République démocratique du Congo.
Les progrès sont donc d'ores et déjà tangibles.
Parallèlement, la Convention sur l'avenir de l'Europe a donné un coup d'accélérateur à l'Europe de la défense, en s'appuyant sur les conclusions du groupe de travail présidé par Michel Barnier.
Les acquis de la Convention ont été en grande partie repris au sein du traité constitutionnel qui sera signé la semaine prochaine.
Ainsi, le champ couvert par la politique de sécurité et de défense commune est élargi. Aux missions dites " de Petersberg " (missions humanitaires et d'évacuation, missions de maintien de la paix et missions de forces de combat pour la gestion des crises) s'ajoutent les actions conjointes en matière de désarmement, les missions de conseil et d'assistance en matière militaire, la prévention des conflits et les opérations de stabilisation des conflits.
De plus, toutes ces missions peuvent s'intégrer à la lutte contre le terrorisme, y compris en soutenant militairement des États tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire.
Ensuite, les États membres prennent l'engagement " d'améliorer progressivement leurs capacités militaires ".
Dans cet esprit, une " Agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires " est instituée. Sur ce point, le mouvement lancé par la Convention a été tel que la décision définitive de créer cette agence - sous le nom " d'Agence européenne de défense " - a été prise dès cet été, avec l'objectif que l'Agence commence à être opérationnelle à la fin de cette année.
Dans le même ordre d'idée, le traité constitutionnel prévoit le lancement d'une " coopération structurée permanente " entre les États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacité militaire et qui acceptent de prendre des engagements plus contraignants dans cette matière.
Autre nouveauté : le Conseil peut confier à un groupe d'États membres l'accomplissement d'une mission relevant de la politique de sécurité et de défense commune.
Enfin, et c'est un pas en avant très important, le traité constitutionnel contient deux clauses de solidarité entre les États membres :
- en premier lieu, une clause de défense mutuelle : " au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à la Charte des Nations unies " ;
- en second lieu, une clause de solidarité antiterroriste : " l'Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l'objet d'une attaque terroriste (...). L'Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres ".
Même si certains jugent que la clause de défense mutuelle du traité constitutionnel n'est pas aussi claire ou aussi contraignante que celle qui existe entre les membres de l'UEO, nous sommes manifestement en présence d'un pas très important dans le développement d'une politique de défense commune.
Cette avancée doit être mise en relation avec l'instauration d'un nouveau cadre institutionnel permettant une plus grande affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale :
- présidence stable du Conseil européen, au lieu de la rotation semestrielle qui nuit à la visibilité comme à la continuité de l'action internationale de l'Union ;
- nomination d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union, qui pourra jouer sur tous les leviers de l'action extérieure, qu'ils relèvent de la Commission (aide au développement, action humanitaire, politique commerciale) ou du Conseil (PESC et défense) ;
- création d'un service diplomatique commun ;
- attribution à l'Union de la personnalité juridique.
Il reste certes encore du chemin à faire - des événements récents l'ont prouvé - pour arriver à une pleine communauté de vues entre Européens.
Mais on peut voir les choses autrement, et constater que les divisions des Européens sur l'Irak n'ont pas arrêté les progrès de l'Europe de la défense.
A nous, à vous, de faire en sorte que le mouvement engagé non seulement ne s'arrête pas mais encore s'accélère et s'intensifie. C'est la condition d'une Europe forte, sereine et écoutée, en un mot d'une Grande Europe.
Je vous souhaite de bons et fructueux travaux.
(Source http://www.senat.fr, le 28 octobre 2004)
Vous avez retenu comme thème de travail : " La politique européenne de sécurité et de défense : acquis et perspectives liés au projet de traité constitutionnel ". Vaste entreprise !
Sans déflorer le sujet, je souhaiterais simplement faire quelques observations liminaires.
Depuis le sommet franco-britannique de Saint Malo, la défense est sans doute le domaine où la construction européenne progresse le plus rapidement.
L'Union européenne a montré, à partir de 2003, qu'elle était enfin capable d'agir, en conduisant des missions de crise :
- deux missions de police, l'une en Bosnie Herzégovine et l'autre en Macédoine,
- deux opérations militaires, l'opération " Concordia " en Macédoine et l'opération " Artémis " en République démocratique du Congo.
Les progrès sont donc d'ores et déjà tangibles.
Parallèlement, la Convention sur l'avenir de l'Europe a donné un coup d'accélérateur à l'Europe de la défense, en s'appuyant sur les conclusions du groupe de travail présidé par Michel Barnier.
Les acquis de la Convention ont été en grande partie repris au sein du traité constitutionnel qui sera signé la semaine prochaine.
Ainsi, le champ couvert par la politique de sécurité et de défense commune est élargi. Aux missions dites " de Petersberg " (missions humanitaires et d'évacuation, missions de maintien de la paix et missions de forces de combat pour la gestion des crises) s'ajoutent les actions conjointes en matière de désarmement, les missions de conseil et d'assistance en matière militaire, la prévention des conflits et les opérations de stabilisation des conflits.
De plus, toutes ces missions peuvent s'intégrer à la lutte contre le terrorisme, y compris en soutenant militairement des États tiers pour combattre le terrorisme sur leur territoire.
Ensuite, les États membres prennent l'engagement " d'améliorer progressivement leurs capacités militaires ".
Dans cet esprit, une " Agence européenne de l'armement, de la recherche et des capacités militaires " est instituée. Sur ce point, le mouvement lancé par la Convention a été tel que la décision définitive de créer cette agence - sous le nom " d'Agence européenne de défense " - a été prise dès cet été, avec l'objectif que l'Agence commence à être opérationnelle à la fin de cette année.
Dans le même ordre d'idée, le traité constitutionnel prévoit le lancement d'une " coopération structurée permanente " entre les États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacité militaire et qui acceptent de prendre des engagements plus contraignants dans cette matière.
Autre nouveauté : le Conseil peut confier à un groupe d'États membres l'accomplissement d'une mission relevant de la politique de sécurité et de défense commune.
Enfin, et c'est un pas en avant très important, le traité constitutionnel contient deux clauses de solidarité entre les États membres :
- en premier lieu, une clause de défense mutuelle : " au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à la Charte des Nations unies " ;
- en second lieu, une clause de solidarité antiterroriste : " l'Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l'objet d'une attaque terroriste (...). L'Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres ".
Même si certains jugent que la clause de défense mutuelle du traité constitutionnel n'est pas aussi claire ou aussi contraignante que celle qui existe entre les membres de l'UEO, nous sommes manifestement en présence d'un pas très important dans le développement d'une politique de défense commune.
Cette avancée doit être mise en relation avec l'instauration d'un nouveau cadre institutionnel permettant une plus grande affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale :
- présidence stable du Conseil européen, au lieu de la rotation semestrielle qui nuit à la visibilité comme à la continuité de l'action internationale de l'Union ;
- nomination d'un ministre des Affaires étrangères de l'Union, qui pourra jouer sur tous les leviers de l'action extérieure, qu'ils relèvent de la Commission (aide au développement, action humanitaire, politique commerciale) ou du Conseil (PESC et défense) ;
- création d'un service diplomatique commun ;
- attribution à l'Union de la personnalité juridique.
Il reste certes encore du chemin à faire - des événements récents l'ont prouvé - pour arriver à une pleine communauté de vues entre Européens.
Mais on peut voir les choses autrement, et constater que les divisions des Européens sur l'Irak n'ont pas arrêté les progrès de l'Europe de la défense.
A nous, à vous, de faire en sorte que le mouvement engagé non seulement ne s'arrête pas mais encore s'accélère et s'intensifie. C'est la condition d'une Europe forte, sereine et écoutée, en un mot d'une Grande Europe.
Je vous souhaite de bons et fructueux travaux.
(Source http://www.senat.fr, le 28 octobre 2004)