Allocution de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le statut futur de Mayotte, Paris le 6 septembre 2000.

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Circonstance : Ouverture des travaux du Comité de suivi de "L'accord sur l'avenir de Mayotte", à Paris le 6 septembre

Texte intégral

Monsieur le député,
Monsieur le sénateur,
Monsieur le président du Conseil général,
Messieurs les conseillers généraux,
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs,
Je suis heureux de vous accueillir ce matin au secrétariat d'Etat à l'outre-mer pour la première réunion de travail du comité de suivi de " L'accord sur l'avenir de Mayotte ", signé ici même le 27 janvier dernier.
Ce comité de suivi est en réalité ma première séance de travail importante dans mes nouvelles fonctions et je me félicite qu'elle soit consacrée à Mayotte.
J'ai tenu à ce que notre rendez-vous soit maintenu, à la date qui vous a été proposée par Jean-Jack Queyranne, mon prédécesseur. Les Mahorais ont suffisamment attendu, depuis près d'un quart de siècle, pour que, aujourd'hui, nous continuions à avancer à bon rythme, afin de préparer, ensemble, le projet de loi que le Gouvernement s'est engagé à déposer au Parlement avant la fin de l'année 2000.
Avant d'entrer dans le coeur du sujet, je souhaite aussi vous dire que je me félicite de votre présence, à tous, ici, aujourd'hui. L'invitation a été acceptée par tous, parlementaires, élus locaux et responsables des partis représentés au conseil général, signataires ou non de l'accord. J'y vois une preuve supplémentaire de la volonté partagée de faire avancer Mayotte, au-delà des clivages ou des divergences qui doivent toujours s'exprimer dans une démocratie comme la nôtre. J'y vois aussi un encouragement pour que nos travaux se déroulent dans une atmosphère sereine et efficace.
Le Gouvernement de Lionel JOSPIN peut, je crois, être fier du travail qui a été accompli depuis 1997 et vous me permettrez de saluer ici l'engagement personnel de Jean-Jack QUEYRANNE. Sous l'autorité du Premier ministre, il a voulu mettre fin à une situation d'incertitude et d'interrogations sur l'avenir de l'archipel, en donnant la parole aux Mahorais eux-mêmes.
Vous savez que la question du statut de Mayotte est en effet restée en suspens pendant près de 25 ans, depuis que les Mahorais ont rejeté l'indépendance à la quasi unanimité, le 8 février 1976, puis refusé le statut de territoire d'outre-mer, le 11 avril 1976. C'est la loi du 24 décembre 1976 qui a doté Mayotte, en principe pour une durée déterminée, d'un statut propre de collectivité territoriale sui generis inscrit dans l'article 72 de la Constitution. La consultation de la population prévue dans un délai de trois ans n'a pas été organisée et, depuis 1976, ce statut perdure. Il fallait que cela cesse.
Des discussions avec l'ensemble des forces politiques mahoraises ont été engagées afin de préparer la consultation prévue en 1976 et un statut qui sorte Mayotte de l'incertitude et du provisoire.
Ces discussions ont abouti à un accord qui a été approuvé par 14 conseillers généraux sur 19 et par 16 des 17 communes. Il a été signé le 27 janvier 2000 par le président du Conseil général et par trois des principaux partis de l'île, le MPM, le RPR et le PS, aux côtés de l'Etat.
Surtout, les Mahorais ont enfin pu exprimer leur sentiment sur le statut de leur île. Le 2 juillet dernier, " L'accord sur l'avenir de Mayotte " a été approuvé par près de 73 % des Mahorais qui ont massivement pris part au vote.
Ce " OUI " sans ambiguïtés en faveur de l'accord, intervenu à la suite d'une campagne particulièrement intéressante où les uns et les autres ont pu faire valoir leurs arguments, démontre que les Mahorais ont parfaitement mesuré l'importance de ce qui leur était proposé.
En effet, " L'accord sur l'avenir de Mayotte " présente des avancées significatives. J'en évoquerais trois.
1- En premier lieu, comme je l'ai indiqué, l'accord permet de sortir du provisoire et de réaffirmer l'attachement de Mayotte à la République. Mayotte, collectivité sui generis jusqu'à aujourd'hui, sera érigée en " collectivité départementale ". Ceci démontre la volonté de l'Etat de donner à Mayotte un statut de plus en plus proche du droit commun, avec des bases juridiques solides.
Cette occasion permettra à chacun de réaffirmer ici avec force son attachement à la République. La République, ce n'est pas un catalogue ou une référence vide de sens. La République, ce sont des valeurs et c'est un pacte, le pacte républicain. Ce pacte doit s'incarner dans nos actes publics de tous les jours. Ces actes doivent avoir un effet sur la vie quotidienne des français, sur l'éducation, la santé ou le développement économique.
Au sein de la République, la place de Mayotte sera renforcée. C'est justement parce que l'accord du 27 janvier 2000 et le futur projet de loi font sortir Mayotte de l'incertitude et du provisoire que la place de votre archipel sera consolidée au sein de la communauté nationale.
2- Cette consolidation était fortement présente dans le texte approuvé par les Mahorais. Ceux-ci demandent à être plus proches du droit commun. C'est précisément l'objectif que nous poursuivons.
Au-delà de l'uvre de modernisation du droit applicable à Mayotte qui a été bien engagée, notamment par la voie d'ordonnances, le futur projet de loi aura pour objet de rapprocher le régime applicable à Mayotte du droit commun, tout en respectant les spécificités de la société mahoraise. Le principe de spécialité législative sera maintenu, mais l'objectif clairement affiché est d'étendre le principe d'identité législative à l'horizon 2010.
J'évoquerais trois points particuliers sur lesquels nous reviendrons naturellement plus en détail :
- L'exécutif de la collectivité sera progressivement transféré du préfet au président du conseil général et les compétences de cette assemblée seront élargies pour se rapprocher de celles exercées par les départements et les régions de métropole.
- L'organisation et les compétences des communes seront alignées sur le régime de droit commun pour que les principes de la décentralisation mise en uvre à partir de 1982 en métropole puissent s'y appliquer et pour que les communes disposent d'une fiscalité propre qui viendra compléter les dotations de l'Etat.
- La rénovation de l'état civil et la clarification du statut de droit personnel devront permettre une application plus complète des principes républicains et notamment du principe d'égalité.
3- Enfin, l'Etat est déterminé à mobiliser d'importants moyens pour le développement économique et social de l'archipel. Devant l'urgence des problèmes, notre dialogue ne peut se limiter aux questions institutionnelles. Un fonds de développement sera créé ainsi qu'une agence de développement.
L'enseignement et la formation seront des objectifs prioritaires. Nous devons, ensemble, trouver des réponses concrètes aux attentes que formulent les jeunes mahorais qui représentent un formidable atout. Je souhaite que l'Etat, qui est le garant de la solidarité nationale, mette en uvre une véritable politique incitative pour que tous participent au développement de Mayotte.
Vous savez que je prêterai une attention particulière aux nouvelles technologies de l'information et de la communication que l'accord mentionne. Malgré son éloignement géographique, Mayotte ne doit pas rester à l'écart de ce que l'on appelle la " nouvelle économie ". C'est au contraire une chance à saisir pour développer l'accès au savoir et à la connaissance, la formation à distance, les pratiques culturelles.
Voilà, mesdames et messieurs, les éléments que je souhaitais mentionner en ouverture de nos travaux.
Ceux-ci devront être marqués par un souci d'efficacité car le temps presse ! L'objectif est d'adopter le projet de loi lors d'un des conseils des ministres du mois de décembre. Ce délai sera respecté.
A cette fin, je vous propose une méthode de travail en quatre temps :
1- Pour cette première réunion, nous pourrons, si vous en êtes d'accord, examiner les différents points qui figurent dans " L'accord sur l'avenir de Mayotte ", selon l'ordre qu'il prévoit. Cet après-midi pourrait ainsi être consacré aux questions institutionnelles ; demain matin, nos échanges porteraient sur les questions économiques et ceux de l'après-midi sur les questions sociales et culturelles. Nous pourrons ainsi dégager les points de consensus et repérer les éventuelles analyses complémentaires qui devront être élaborées.
2- Une phase de travail au niveau local pourra permettre de poursuivre ces discussions, d'élargir les consultations aux autres acteurs de l'archipel et d'apporter les précisions nécessaires. J'ai demandé à M. le préfet BAYLE, représentant du Gouvernement, d'assurer avec ses services la conduite de cette seconde phase.
3- Je vous proposerai ensuite de nous retrouver pour une deuxième réunion du comité de suivi, au début du mois d'octobre. Cette réunion d'étape permettrait d'avancer dans l'élaboration d'un texte.
Enfin, à la fin du mois d'octobre, nous pourrions mettre un point final à l'avant-projet de loi statutaire, avant sa transmission au Conseil d'Etat et sa présentation en conseil des ministres permettant une transmission à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année 2000.
Je crois que cette méthode permettra à tous de s'exprimer. Elle démontrera aussi aux Mahorais que les engagements qui ont été pris seront tenus.
Je vous remercie.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 11 septembre 2000)