Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des Affaires culturelles,
Monsieur le Président de la Délégation pour l'Union européenne,
Madame et Monsieur les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je souhaite à mon tour rendre hommage au remarquable rapport de M. Michel Herbillon et aux travaux de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des Affaires culturelles, de leurs rapporteurs et de leurs membres.
Comme mon collègue Jean-Jacques Aillagon, je vous indique d'emblée que les recommandations contenues dans la résolution qui vous est soumise rencontrent l'entière approbation du gouvernement.
Comme vos rapporteurs, M. Michel Herbillon devant la délégation de l'Union européenne et Mme Juliana Rimane devant la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, et comme l'exprime le projet de résolution qui vous est soumis, je suis convaincu que l'avenir du français comme langue internationale se joue d'abord en Europe. C'est sur ce front que se livre la bataille principale. Les chiffres cités par vos rapporteurs le démontrent.
Il y a bien sûr d'autres fronts : par exemple celui du français sur le continent africain, où une forte demande existe. Mais il s'agit là avant tout d'un problème de moyens. Il faut reconstruire ou renforcer puissamment les systèmes éducatifs de plusieurs pays d'Afrique francophone, parmi les plus peuplés. Ce combat se confond largement avec le programme international de scolarisation universelle baptisé "Education pour tous", dans lequel la France joue un rôle moteur. C'est l'un des principaux "Objectifs du Millénaire pour le Développement" et aussi l'une des priorités de la coopération française. Un exemple pour illustrer l'intérêt et l'importance du programme : la République démocratique du Congo, pays de plus de 60 millions d'habitants, qui sort gravement meurtri d'une longue période de conflits, n'a qu'une seule langue officielle et d'enseignement, le français. En RDC, il y a quelques millions seulement de Congolais qui parlent réellement le français. Si nous mettons en place un système scolaire capable de délivrer un enseignement de base à tous les enfants, c'est 60 millions de vrais francophones que représentera bientôt le Congo, potentiellement le deuxième pays francophone par la population après la France, avant de devenir sans doute le premier !
Mais si l'on veut que le continent africain soit pour le français ce que le continent sud-américain est pour l'espagnol et le portugais, c'est-à-dire un puissant pôle linguistique, encore faut-il que le français reste une langue internationale utile, et en premier lieu en Europe.
A cet égard, confirmant évidemment les propos de mon collègue Jean-Jacques Aillagon sur nos objectifs et sur notre détermination, j'évoquerai les quatre orientations prioritaires de notre politique :
- renforcer la coordination de nos actions et de nos moyens ;
- appuyer notre politique en faveur du français sur la promotion du plurilinguisme en Europe, en liaison avec nos principaux partenaires ;
- redoubler de vigilance vis-à-vis des régimes linguistiques des institutions européennes ;
- présenter une nouvelle offre d'apprentissage du français aux citoyens des nouveaux pays adhérents.
Première orientation : renforcer la coordination de nos actions et de nos moyens :
C'est une des recommandations qui figure, à juste titre, dans la résolution qui vous est soumise.
La question de la présence de la langue française dans le monde est actuellement dispersée entre plusieurs ministères et un certain nombre de services ou d'organismes administratifs, pour lesquels ce sujet n'est pas toujours la mission prioritaire. Bien entendu, je ne traite pas ici de la situation du français en France, qui relève du ministère de la Culture et de la Communication et du ministère de l'Education nationale. Le constat de cette dispersion des responsabilités et des moyens en matière de Francophonie en dehors de nos frontières n'est pas nouveau : mes prédécesseurs qui ont reçu tour à tour la mission de promouvoir la francophonie dans le monde l'ont déjà établi avant moi, sans parvenir à faire réellement évoluer le système.
Mais la situation liée à l'élargissement de l'Europe nous impose aujourd'hui de prendre des mesures urgentes et à la hauteur des enjeux.
Pour ma part j'ai fait des propositions qui visent à resserrer notre dispositif administratif et à clarifier les responsabilités, d'abord au sein du ministère des Affaires étrangères lui-même, et ensuite entre ce dernier et d'autres pôles de décision. Elles sont en cours d'examen et de mise au point. Je suggère notamment la création, entre les ministères des Affaires étrangères, de l'Economie et des Finances, de la Culture et de la Communication et le Secrétariat général du Comité interministériel chargé de la Coopération européenne (le SGCI), d'un réseau de veille et d'alerte sur les questions linguistiques en Europe. Nous devons en effet être en mesure de rassembler rapidement les informations sur les lacunes ou les défaillances dans l'application des règles linguistiques pour pouvoir réagir aussitôt, de façon cohérente voire vigoureuse.
De même, il nous faut mieux coordonner les moyens de promotion du français de nos services et de nos opérateurs - centres et instituts culturels, alliances françaises, établissements français d'enseignement, programmes spécifiques de formation au français à l'intention de catégories particulières comme les diplomates étrangers, les traducteurs et interprètes, les journalistes, les fonctionnaires européens, etc-.... Nos ambassades dans les pays concernés par l'élargissement disposent pour cela actuellement de crédits déconcentrés dont le montant atteint près de 10 millions d'euros.
Le ministère des Affaires étrangères alloue en outre une somme de 610 000 euros, sur ses crédits bilatéraux, à des actions de formation ciblées qui viennent renforcer ces dispositifs et qui concernent près de 3.000 ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale occupant des fonctions de responsabilité dans différents secteurs de la vie culturelle, économique et sociale.
Deuxième orientation : appuyer notre politique en faveur du français sur la promotion du plurilinguisme en Europe :
La coordination ne doit pas concerner que nos moyens nationaux. Nous devons également rechercher une concertation active avec ceux de nos partenaires européens qui sont les plus attentifs à la question linguistique.
Il y a d'abord les francophones, bien sûr, nos amis belges et luxembourgeois. Jean-Jacques Aillagon a cité à cet égard le "plan pluriannuel pour le français" que nous avons signé en 2002 avec eux. Une enveloppe d'1,4 million d'euros a permis de financer ce plan sur le budget des Affaires étrangères en 2003. J'examine actuellement avec l'Agence intergouvernementale de la Francophonie la possibilité d'augmenter ces crédits. Ce plan a permis de financer la formation en français de 2000 ressortissants des nouveaux pays adhérents et d'équiper 20 000 postes de travail d'un logiciel d'assistance à la rédaction en français.
Mais nous avons aussi besoin de nouer des alliances avec d'autres partenaires, attentifs au sort de leur propre langue. Je pense par exemple à l'Allemagne dont la langue est celle qui est parlée par le plus grand nombre d'Européens, aujourd'hui, en raison de son poids démographique, et qui fait preuve d'une grande vigilance. Nous avons déjà évoqué ce sujet avec nos amis allemands et décidé de coordonner nos positions au sein de l'Union européenne.
Nous ne sauverons pas le français seuls contre toutes les autres langues. Nous le sauverons grâce au plurilinguisme. C'est d'ailleurs l'orientation stratégique capitale qu'a choisie l'Organisation internationale de la Francophonie, lors du Sommet de Beyrouth en octobre 2002, en se faisant la championne de la diversité culturelle et linguistique dans le monde.
A cet égard, je voudrais attirer l'attention de votre Assemblée sur l'importance du débat qui s'est déroulé dans le cadre de la Convention européenne en vue de la préparation de la future Constitution européenne, sur ce sujet précisément. Les négociations, d'ailleurs serrées, ont abouti, comme le souhaitait la France, à l'inscription à l'article 3 du projet de Constitution du principe du respect, par l'Union, de la diversité culturelle et linguistique.
Ce projet n'a pas été adopté, pour le moment. On peut espérer qu'il le sera sans trop tarder. En tout cas ce n'est pas sur ce point que les négociations ont achoppé. Nous pourrons donc trouver dans le texte constitutionnel, le moment venu, un élément juridique fondamental sur lequel nous pourrons nous appuyer pour préserver l'usage des langues et donc de la nôtre. Ce principe constitutionnel nous a fait défaut en plusieurs circonstances où l'usage du français a été mis en cause, y compris devant la Cour de Justice européenne, parce que les instances européennes ne se référaient qu'au droit du commerce et de la consommation, le seul qui ait été édicté jusque là par les traités existants.
La désignation d'un "coordinateur pour le multilinguisme" auprès des institutions européennes irait également dans le bon sens. Il aurait pour mission d'observer en toute transparence l'application des règles en matière linguistique.
S'agissant des nouveaux pays adhérents, enfin, nous avons entrepris avec l'OIF une série de démarches auprès de ceux d'entre eux qui sont membres associés de la Francophonie, pour les sensibiliser tout particulièrement à la nécessité pour eux de mettre leurs pratiques en cohérence avec leurs engagements au sein de cette organisation internationale. Je compte organiser à ce sujet, dès que possible, avec le Secrétaire général de l'OIF, le président Abdou Diouf, une réunion des ministres des Etats membres et futurs membres de l'Union européenne qui appartiennent également à l'OIF.
Troisième orientation : redoubler de vigilance vis-à-vis des régimes linguistiques des institutions européennes.
Je ne m'étendrai pas longuement sur ce point. Non pas parce qu'il serait de moindre importance, bien au contraire, mais parce que les rapports qui vous ont été remis comportent à cet égard toutes les indications nécessaires. Aussi bien sur la dégradation de la situation que l'on peut observer que sur les solutions à appliquer.
Le gouvernement partage les points de vue de vos rapporteurs, repris dans le texte de la résolution, sur l'attitude que nous devons adopter. Je les rappelle :
- conforter les régimes qui réservent expressément une place privilégiée au français - politique étrangère et de sécurité commune d'une part, comités des représentants permanents, COREPER d'autre part - ;
- maintenir le régime d'interprétation intégrale pour les réunions politiques majeures : Conseils européens, réunions ministérielles ;
- pour les autres enceintes, expérimenter les nouveaux dispositifs actuellement envisagés - régime dit "asymétrique" ou système dit "de marché" ou de "paiement à la demande" -, mais pour une période limitée et assortie d'une évaluation précise sur des critères objectifs à l'issue de ces expériences, avant que des décisions définitives ne soient prises. A l'égard de ces mécanismes, nous ferons preuve d'une grande vigilance pour éviter une dérive vers un monolinguisme de droit ou de fait ;
- et, en toute hypothèse, effectuer des démarches systématiques auprès des instances européennes pour obtenir que les textes en français soient rédigés et diffusés simultanément aux textes en anglais, pour contrecarrer la dérive constatée au cours de la dernière période.
A ce chapitre consacré à l'usage du français dans les diverses institutions de l'Union, j'ajoute une observation qui concerne les fonctionnaires européens eux-mêmes : à l'initiative de Dominique de Villepin et de Noëlle Lenoir, la France, avec le soutien de plusieurs de ses partenaires, a obtenu que soit inscrite dans le statut des fonctionnaires européens l'obligation de pouvoir travailler dans au moins deux langues de l'Union en plus de la leur pour pouvoir bénéficier d'une promotion dans leur carrière. C'est là, certainement, une façon concrète de faire progresser le plurilinguisme dans les services de la Commission et il faudra veiller à ce que cette disposition soit réellement appliquée.
Quatrième orientation, enfin : présenter une nouvelle offre d'apprentissage du français aux citoyens des pays membres de l'Union, les actuels comme les futurs :
Si nous voulons que le plurilinguisme soit assuré dans les institutions européennes, il faut qu'il progresse également dans les peuples européens. L'apprentissage obligatoire de deux langues vivantes à l'école est à cet égard un enjeu déterminant. Dans les pays européens qui ont introduit cette règle dans leur système d'enseignement, l'Espagne et l'Italie par exemple, on en constate les effets. Dans ces pays, l'accroissement du nombre des élèves choisissant le français comme l'une de ces deux langues est spectaculaire. Il nous faut donc poursuivre dans cette voie, ce qui signifie que nous devons nous y engager nous-mêmes. Pour répondre à la demande extérieure, j'ai décidé de lancer en 2004 un programme triennal de formation de 2.000 professeurs de français dans les pays qui ont adhéré à l'Union européenne. Nous réexaminons également les conditions dans lesquelles les études supérieures, les bourses et les diplômes français pourraient être rendus plus attractifs pour les jeunes de ces pays.
S'agissant d'un des pays fondateurs de l'Europe, avec lequel la France entretient des relations particulièrement étroites, je parle de l'Allemagne, le président Chirac et le chancelier Schröder ont décidé, lors du dernier Conseil des ministres franco-allemand réuni à Berlin, le 18 septembre dernier, de mettre en oeuvre un plan d'enseignement du français en Allemagne et de l'allemand en France pour renverser l'évolution négative constatée dans les deux pays au cours des dernières années.
Il faudrait parler également du rapprochement des systèmes éducatifs des pays de l'Union, de l'harmonisation des diplômes permettant la mobilité des étudiants dans leur cursus universitaire, mais aussi des échanges culturels, de la diffusion du livre ainsi que des créations audiovisuelles et de bien d'autres moyens de développer la connaissance mutuelle des pays membres, de leur culture et de leur langue.
Bref c'est une politique d'ensemble qui doit concourir à promouvoir la langue française en Europe et dans le monde. La tentation de la facilité, c'est-à-dire du repli sur un idiome unique de communication, d'ailleurs singulièrement appauvri si on le compare à la langue anglaise, est une menace bien réelle.
Raison de plus pour faire preuve de détermination et de persévérance.
Pour ma part, ce combat pour la langue française ne date pas d'aujourd'hui, certains d'entre vous le savent puisque c'est au sein de votre Assemblée que je l'ai longtemps mené.
Aujourd'hui, il y a urgence. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, qui est personnellement très attentif à ce sujet, et le gouvernement sont décidés à mobiliser les moyens nécessaires non seulement pour organiser la défense mais pour mener l'offensive.
Nous sommes devant un enjeu national, auquel il faut associer tous nos concitoyens, en montrant que l'avenir n'est pas à l'appauvrissement linguistique et culturel de l'Europe mais au contraire à la promotion de la diversité des cultures et des langues de notre continent.
En vous confirmant, avec mon collègue Jean-Jacques Aillagon, l'approbation du gouvernement au projet de résolution qui vous est proposé par votre commission, je remercie l'Assemblée nationale, et particulièrement ses rapporteurs, M. Michel Herbillon et Mme Juliana Rimane, pour la contribution importante que le Parlement apporte aujourd'hui à cette démarche.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 janvier 2004)
Monsieur le Président de la Commission des Affaires culturelles,
Monsieur le Président de la Délégation pour l'Union européenne,
Madame et Monsieur les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je souhaite à mon tour rendre hommage au remarquable rapport de M. Michel Herbillon et aux travaux de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des Affaires culturelles, de leurs rapporteurs et de leurs membres.
Comme mon collègue Jean-Jacques Aillagon, je vous indique d'emblée que les recommandations contenues dans la résolution qui vous est soumise rencontrent l'entière approbation du gouvernement.
Comme vos rapporteurs, M. Michel Herbillon devant la délégation de l'Union européenne et Mme Juliana Rimane devant la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, et comme l'exprime le projet de résolution qui vous est soumis, je suis convaincu que l'avenir du français comme langue internationale se joue d'abord en Europe. C'est sur ce front que se livre la bataille principale. Les chiffres cités par vos rapporteurs le démontrent.
Il y a bien sûr d'autres fronts : par exemple celui du français sur le continent africain, où une forte demande existe. Mais il s'agit là avant tout d'un problème de moyens. Il faut reconstruire ou renforcer puissamment les systèmes éducatifs de plusieurs pays d'Afrique francophone, parmi les plus peuplés. Ce combat se confond largement avec le programme international de scolarisation universelle baptisé "Education pour tous", dans lequel la France joue un rôle moteur. C'est l'un des principaux "Objectifs du Millénaire pour le Développement" et aussi l'une des priorités de la coopération française. Un exemple pour illustrer l'intérêt et l'importance du programme : la République démocratique du Congo, pays de plus de 60 millions d'habitants, qui sort gravement meurtri d'une longue période de conflits, n'a qu'une seule langue officielle et d'enseignement, le français. En RDC, il y a quelques millions seulement de Congolais qui parlent réellement le français. Si nous mettons en place un système scolaire capable de délivrer un enseignement de base à tous les enfants, c'est 60 millions de vrais francophones que représentera bientôt le Congo, potentiellement le deuxième pays francophone par la population après la France, avant de devenir sans doute le premier !
Mais si l'on veut que le continent africain soit pour le français ce que le continent sud-américain est pour l'espagnol et le portugais, c'est-à-dire un puissant pôle linguistique, encore faut-il que le français reste une langue internationale utile, et en premier lieu en Europe.
A cet égard, confirmant évidemment les propos de mon collègue Jean-Jacques Aillagon sur nos objectifs et sur notre détermination, j'évoquerai les quatre orientations prioritaires de notre politique :
- renforcer la coordination de nos actions et de nos moyens ;
- appuyer notre politique en faveur du français sur la promotion du plurilinguisme en Europe, en liaison avec nos principaux partenaires ;
- redoubler de vigilance vis-à-vis des régimes linguistiques des institutions européennes ;
- présenter une nouvelle offre d'apprentissage du français aux citoyens des nouveaux pays adhérents.
Première orientation : renforcer la coordination de nos actions et de nos moyens :
C'est une des recommandations qui figure, à juste titre, dans la résolution qui vous est soumise.
La question de la présence de la langue française dans le monde est actuellement dispersée entre plusieurs ministères et un certain nombre de services ou d'organismes administratifs, pour lesquels ce sujet n'est pas toujours la mission prioritaire. Bien entendu, je ne traite pas ici de la situation du français en France, qui relève du ministère de la Culture et de la Communication et du ministère de l'Education nationale. Le constat de cette dispersion des responsabilités et des moyens en matière de Francophonie en dehors de nos frontières n'est pas nouveau : mes prédécesseurs qui ont reçu tour à tour la mission de promouvoir la francophonie dans le monde l'ont déjà établi avant moi, sans parvenir à faire réellement évoluer le système.
Mais la situation liée à l'élargissement de l'Europe nous impose aujourd'hui de prendre des mesures urgentes et à la hauteur des enjeux.
Pour ma part j'ai fait des propositions qui visent à resserrer notre dispositif administratif et à clarifier les responsabilités, d'abord au sein du ministère des Affaires étrangères lui-même, et ensuite entre ce dernier et d'autres pôles de décision. Elles sont en cours d'examen et de mise au point. Je suggère notamment la création, entre les ministères des Affaires étrangères, de l'Economie et des Finances, de la Culture et de la Communication et le Secrétariat général du Comité interministériel chargé de la Coopération européenne (le SGCI), d'un réseau de veille et d'alerte sur les questions linguistiques en Europe. Nous devons en effet être en mesure de rassembler rapidement les informations sur les lacunes ou les défaillances dans l'application des règles linguistiques pour pouvoir réagir aussitôt, de façon cohérente voire vigoureuse.
De même, il nous faut mieux coordonner les moyens de promotion du français de nos services et de nos opérateurs - centres et instituts culturels, alliances françaises, établissements français d'enseignement, programmes spécifiques de formation au français à l'intention de catégories particulières comme les diplomates étrangers, les traducteurs et interprètes, les journalistes, les fonctionnaires européens, etc-.... Nos ambassades dans les pays concernés par l'élargissement disposent pour cela actuellement de crédits déconcentrés dont le montant atteint près de 10 millions d'euros.
Le ministère des Affaires étrangères alloue en outre une somme de 610 000 euros, sur ses crédits bilatéraux, à des actions de formation ciblées qui viennent renforcer ces dispositifs et qui concernent près de 3.000 ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale occupant des fonctions de responsabilité dans différents secteurs de la vie culturelle, économique et sociale.
Deuxième orientation : appuyer notre politique en faveur du français sur la promotion du plurilinguisme en Europe :
La coordination ne doit pas concerner que nos moyens nationaux. Nous devons également rechercher une concertation active avec ceux de nos partenaires européens qui sont les plus attentifs à la question linguistique.
Il y a d'abord les francophones, bien sûr, nos amis belges et luxembourgeois. Jean-Jacques Aillagon a cité à cet égard le "plan pluriannuel pour le français" que nous avons signé en 2002 avec eux. Une enveloppe d'1,4 million d'euros a permis de financer ce plan sur le budget des Affaires étrangères en 2003. J'examine actuellement avec l'Agence intergouvernementale de la Francophonie la possibilité d'augmenter ces crédits. Ce plan a permis de financer la formation en français de 2000 ressortissants des nouveaux pays adhérents et d'équiper 20 000 postes de travail d'un logiciel d'assistance à la rédaction en français.
Mais nous avons aussi besoin de nouer des alliances avec d'autres partenaires, attentifs au sort de leur propre langue. Je pense par exemple à l'Allemagne dont la langue est celle qui est parlée par le plus grand nombre d'Européens, aujourd'hui, en raison de son poids démographique, et qui fait preuve d'une grande vigilance. Nous avons déjà évoqué ce sujet avec nos amis allemands et décidé de coordonner nos positions au sein de l'Union européenne.
Nous ne sauverons pas le français seuls contre toutes les autres langues. Nous le sauverons grâce au plurilinguisme. C'est d'ailleurs l'orientation stratégique capitale qu'a choisie l'Organisation internationale de la Francophonie, lors du Sommet de Beyrouth en octobre 2002, en se faisant la championne de la diversité culturelle et linguistique dans le monde.
A cet égard, je voudrais attirer l'attention de votre Assemblée sur l'importance du débat qui s'est déroulé dans le cadre de la Convention européenne en vue de la préparation de la future Constitution européenne, sur ce sujet précisément. Les négociations, d'ailleurs serrées, ont abouti, comme le souhaitait la France, à l'inscription à l'article 3 du projet de Constitution du principe du respect, par l'Union, de la diversité culturelle et linguistique.
Ce projet n'a pas été adopté, pour le moment. On peut espérer qu'il le sera sans trop tarder. En tout cas ce n'est pas sur ce point que les négociations ont achoppé. Nous pourrons donc trouver dans le texte constitutionnel, le moment venu, un élément juridique fondamental sur lequel nous pourrons nous appuyer pour préserver l'usage des langues et donc de la nôtre. Ce principe constitutionnel nous a fait défaut en plusieurs circonstances où l'usage du français a été mis en cause, y compris devant la Cour de Justice européenne, parce que les instances européennes ne se référaient qu'au droit du commerce et de la consommation, le seul qui ait été édicté jusque là par les traités existants.
La désignation d'un "coordinateur pour le multilinguisme" auprès des institutions européennes irait également dans le bon sens. Il aurait pour mission d'observer en toute transparence l'application des règles en matière linguistique.
S'agissant des nouveaux pays adhérents, enfin, nous avons entrepris avec l'OIF une série de démarches auprès de ceux d'entre eux qui sont membres associés de la Francophonie, pour les sensibiliser tout particulièrement à la nécessité pour eux de mettre leurs pratiques en cohérence avec leurs engagements au sein de cette organisation internationale. Je compte organiser à ce sujet, dès que possible, avec le Secrétaire général de l'OIF, le président Abdou Diouf, une réunion des ministres des Etats membres et futurs membres de l'Union européenne qui appartiennent également à l'OIF.
Troisième orientation : redoubler de vigilance vis-à-vis des régimes linguistiques des institutions européennes.
Je ne m'étendrai pas longuement sur ce point. Non pas parce qu'il serait de moindre importance, bien au contraire, mais parce que les rapports qui vous ont été remis comportent à cet égard toutes les indications nécessaires. Aussi bien sur la dégradation de la situation que l'on peut observer que sur les solutions à appliquer.
Le gouvernement partage les points de vue de vos rapporteurs, repris dans le texte de la résolution, sur l'attitude que nous devons adopter. Je les rappelle :
- conforter les régimes qui réservent expressément une place privilégiée au français - politique étrangère et de sécurité commune d'une part, comités des représentants permanents, COREPER d'autre part - ;
- maintenir le régime d'interprétation intégrale pour les réunions politiques majeures : Conseils européens, réunions ministérielles ;
- pour les autres enceintes, expérimenter les nouveaux dispositifs actuellement envisagés - régime dit "asymétrique" ou système dit "de marché" ou de "paiement à la demande" -, mais pour une période limitée et assortie d'une évaluation précise sur des critères objectifs à l'issue de ces expériences, avant que des décisions définitives ne soient prises. A l'égard de ces mécanismes, nous ferons preuve d'une grande vigilance pour éviter une dérive vers un monolinguisme de droit ou de fait ;
- et, en toute hypothèse, effectuer des démarches systématiques auprès des instances européennes pour obtenir que les textes en français soient rédigés et diffusés simultanément aux textes en anglais, pour contrecarrer la dérive constatée au cours de la dernière période.
A ce chapitre consacré à l'usage du français dans les diverses institutions de l'Union, j'ajoute une observation qui concerne les fonctionnaires européens eux-mêmes : à l'initiative de Dominique de Villepin et de Noëlle Lenoir, la France, avec le soutien de plusieurs de ses partenaires, a obtenu que soit inscrite dans le statut des fonctionnaires européens l'obligation de pouvoir travailler dans au moins deux langues de l'Union en plus de la leur pour pouvoir bénéficier d'une promotion dans leur carrière. C'est là, certainement, une façon concrète de faire progresser le plurilinguisme dans les services de la Commission et il faudra veiller à ce que cette disposition soit réellement appliquée.
Quatrième orientation, enfin : présenter une nouvelle offre d'apprentissage du français aux citoyens des pays membres de l'Union, les actuels comme les futurs :
Si nous voulons que le plurilinguisme soit assuré dans les institutions européennes, il faut qu'il progresse également dans les peuples européens. L'apprentissage obligatoire de deux langues vivantes à l'école est à cet égard un enjeu déterminant. Dans les pays européens qui ont introduit cette règle dans leur système d'enseignement, l'Espagne et l'Italie par exemple, on en constate les effets. Dans ces pays, l'accroissement du nombre des élèves choisissant le français comme l'une de ces deux langues est spectaculaire. Il nous faut donc poursuivre dans cette voie, ce qui signifie que nous devons nous y engager nous-mêmes. Pour répondre à la demande extérieure, j'ai décidé de lancer en 2004 un programme triennal de formation de 2.000 professeurs de français dans les pays qui ont adhéré à l'Union européenne. Nous réexaminons également les conditions dans lesquelles les études supérieures, les bourses et les diplômes français pourraient être rendus plus attractifs pour les jeunes de ces pays.
S'agissant d'un des pays fondateurs de l'Europe, avec lequel la France entretient des relations particulièrement étroites, je parle de l'Allemagne, le président Chirac et le chancelier Schröder ont décidé, lors du dernier Conseil des ministres franco-allemand réuni à Berlin, le 18 septembre dernier, de mettre en oeuvre un plan d'enseignement du français en Allemagne et de l'allemand en France pour renverser l'évolution négative constatée dans les deux pays au cours des dernières années.
Il faudrait parler également du rapprochement des systèmes éducatifs des pays de l'Union, de l'harmonisation des diplômes permettant la mobilité des étudiants dans leur cursus universitaire, mais aussi des échanges culturels, de la diffusion du livre ainsi que des créations audiovisuelles et de bien d'autres moyens de développer la connaissance mutuelle des pays membres, de leur culture et de leur langue.
Bref c'est une politique d'ensemble qui doit concourir à promouvoir la langue française en Europe et dans le monde. La tentation de la facilité, c'est-à-dire du repli sur un idiome unique de communication, d'ailleurs singulièrement appauvri si on le compare à la langue anglaise, est une menace bien réelle.
Raison de plus pour faire preuve de détermination et de persévérance.
Pour ma part, ce combat pour la langue française ne date pas d'aujourd'hui, certains d'entre vous le savent puisque c'est au sein de votre Assemblée que je l'ai longtemps mené.
Aujourd'hui, il y a urgence. Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, qui est personnellement très attentif à ce sujet, et le gouvernement sont décidés à mobiliser les moyens nécessaires non seulement pour organiser la défense mais pour mener l'offensive.
Nous sommes devant un enjeu national, auquel il faut associer tous nos concitoyens, en montrant que l'avenir n'est pas à l'appauvrissement linguistique et culturel de l'Europe mais au contraire à la promotion de la diversité des cultures et des langues de notre continent.
En vous confirmant, avec mon collègue Jean-Jacques Aillagon, l'approbation du gouvernement au projet de résolution qui vous est proposé par votre commission, je remercie l'Assemblée nationale, et particulièrement ses rapporteurs, M. Michel Herbillon et Mme Juliana Rimane, pour la contribution importante que le Parlement apporte aujourd'hui à cette démarche.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 janvier 2004)