Texte intégral
Je voudrais saluer les délégations nationales qui sont ici parmi nous et que vous avez entendues.
Je voudrais leur dire un grand merci chaleureux.
Il y a quelque chose d'étrange et de remarquable qui nous réunit : un filament d'amitié qui court dans la trame du même constat et du même combat.
C'est une rencontre fondatrice, aujourd'hui, à La Baule, non seulement parce que nous lançons la campagne du "non" au niveau national, mais aussi parce que nous créons la "coordination européenne des souverainetés nationales". Cette "coordination européenne des souverainetés nationales" qui s'apprête à dire "non" à la Constitution, est établie sur trois principes communs.
- Premier principe commun : une conception commune de la liberté et de la nation.
Il y a, sur cette tribune, celles et ceux de "l'ancienne Europe" et celles et ceux de la "nouvelle Europe".
Nous avons vécu dans le confort pendant qu'à côté de nous, ceux qu'on appelait là-bas à Moscou les "pays frères", payaient de leur silence, de leur peur, de leur sang, de leur courage, de leur esprit de résistance, notre confort. Alors, écoutons ces pays qui viennent de nous rejoindre.
Ecoutons-les nous rappeler ce qu'est le prix de la liberté, sa valeur inestimable, la valeur protectrice d'une nation dont Jaurès nous disait, il y a maintenant bien longtemps : "La patrie, c'est le bien de ceux qui n'ont rien".
Ces pays qui viennent d'entrer dans l'Europe comprennent sans doute mieux que nous - parce que chez nous l'habitude a émoussé le sens des mots - ce qu'est la grande tricherie du préambule de la Constitution : on a substitué au mot "souveraineté" le mot "identité". C'est évidemment très important, mes chers amis, pour vous qui allez mener le combat.
Il est dit, dans le préambule, à peu près ceci - je vous renvoie au livre de Georges Berthu "L'Europe sans les peuples" : "L'Union européenne s'engage à respecter l'identité nationale de ses membres". C'est l'article 5.
"L'identité nationale", comme c'est beau !
Mais on aurait préféré qu'il fût écrit "souveraineté nationale".
Parce qu'il arrive dans l'histoire - il est arrivé à ces pays là - qu'une nation puisse être privée de sa souveraineté, sans être privée de son identité.
Les fameux "pays frères" gardaient leur identité, mais ils n'avaient plus leur souveraineté.
Le voeu le plus sacré d'un peuple, ce n'est pas de garder son identité, c'est de garantir sa souveraineté, parce qu'à terme, pour préserver son identité, il faut être souverain. Qu'est-ce que la souveraineté ? C'est le dernier mot.
Alors, quand ils entendent parler de "souveraineté partagée", nos amis entendent en écho l'expression de triste mémoire "souveraineté limitée".
Aujourd'hui ils sont venus nous redire ce que Mme Thatcher nous avait dit dans une conversation privée, à Dominique Souchet, Georges Berthu et moi-même : "On ne s'est pas débarrassé des commissaires de l'Est pour tomber sous la coupe des commissaires de l'Ouest".
- Deuxième principe commun : une vision commune de l'Europe.
Je rappellerai une phrase qui figure dans le dernier livre d'Alain Peyrefitte "Conversations personnelles entre Alain Peyreffitte et Charles de Gaulle". De Gaulle lui conseille : "Si vous voulez chercher à unir les peuples, ne les intégrez pas comme on intègre des marrons dans une purée de marrons".
Eh bien, notre vision commune de l'Europe ne consiste pas à demander à Shakespeare d'écrire comme Cervantès ou à Goethe de ressembler à Molière ; sinon, on fera peut-être une "oeuvre unique", comme on dirait à Bruxelles, mais ce ne sera jamais un chef-d'oeuvre.
Au contraire, nous pensons, parce que nous sommes précisément plus Européens que les eurofédéralistes - plus Européens au sens de l'Europe libre et de l'Europe pacifique -, parce que nous connaissons les conditions de la liberté et de la paix, nous, nous pensons que la seule voie pour l'Europe de demain, c'est de choisir comme ressort de son rayonnement le dynamisme des nations.
On ne fera pas une Europe puissante en écrasant les nations qui la composent.
En saluant tous les journalistes qui sont présents et nombreux ce matin pour cet évènement de la rentrée, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée, parmi eux, pour les journalistes sportifs.
En effet, je n'ai pas entendu, cet été, pendant l'Euro -au début de l'été - puis aux jeux olympiques à Athènes - à la fin de l'été - je n'ai pas entendu un seul journaliste européen - peut-être cela m'a-t-il échappé - se risquer à faire l'addition des "médailles européennes".
En revanche, j'ai entendu les journalistes français expliquer qu'on avait trente-trois médailles, nous la France, et que les Anglais n'en avaient que trente.
Est-ce que, pour autant, cela brisait la paix entre nous ? Bien sûr que non. L'émulation n'est pas une blessure, les jeux du stade ne sont pas des jeux morbides. Les drapeaux qui montent et les émotions des hymnes ne sont pas des frissons douteux. C'est l'âme des peuples.
Quand nous entendions les hymnes du Portugal et de la Grèce, nous avions nous-mêmes - qui ne sommes ni Portugais ni Grecs - les larmes aux yeux.
C'est magnifique, c'est simple, simple comme le coeur qui parle.
Alors, l'Europe que nous voulons, c'est bien cette Europe là, celle de l'olympisme.
Nous ne voulons pas être des Européens d'Angleterre, ou des Européens de Suède, ou des Européens d'Irlande, nous voulons être des Irlandais d'Europe, des Anglais d'Europe, des Suédois d'Europe. Et moi je veux être Français d'Europe et non pas Européen de France.
Mes chers amis, nous sommes dans une période où il y a dans notre pays, une lassitude, un désenchantement.
Une de ces périodes où le destin hésite.
La question que je voudrais poser ce matin à tous nos amis, je la pose à la France, comme vous pourriez d'ailleurs vous la poser pour chacun des vingt-cinq pays qui composent aujourd'hui l'Union européenne : est-ce que l'Europe de Bruxelles nous a aidés, dans les dernières années, à guérir les maux de la France ?
Non, elle les a aggravés. C'est la raison pour laquelle nos concitoyens sont en proie au désarroi.
Ce désarroi cherche aujourd'hui son expression politique. Les Français décrochent, submergés par un triple sentiment de dépossession d'eux-mêmes :
- dépossession par la mondialisation qui aspire nos forces vives et nos emplois,
- dépossession par l'Europe qui rend trouble l'idée même d'un destin commun,
- dépossession par le communautarisme qui nous exproprie de notre identité culturelle.
Les Français décrochent et la France s'abîme.
Quand on regarde les best-sellers de l'année 2004, les titres de la presse - encore cet été - les rapports qui sont déposés sur le bureau du Premier ministre - le dernier signé de M. Camdessus qui annonce le décrochage de la France - c'est la sémantique qui est utilisée -, on entend trois expressions - toujours les mêmes - et qui manifestent une grande inquiétude pour notre pays : perte de vitalité, perte d'identité, perte d'influence.
- Perte de vitalité : c'est l'hémorragie de nos forces vives. Aujourd'hui les Français constatent que ce que nous avions annoncé en 1994 avec le regretté Jimmy Goldsmith - les tristes conséquences du libre-échangisme mondial -, nous en avons le spectacle sous les yeux.
Que disions-nous à l'époque ? Tout est tranférable.
A partir du moment où on considère qu'il s'agit de produire là où c'est moins cher et de vendre là où il y a du pouvoir d'achat, alors, tout est transférable, sauf la Tour Eiffel, la plage de La Baule et... le Puy-du-Fou.
Tout est transférable : les machines, les savoir-faire, les hommes.
Donc, si la conception du monde, si la conception de la politique, si la conception de l'économie, c'est une vision purement spéculative, fondée sur le profit exclusif, alors, il suffit d'écouter une certaine droite américaine et libre-échangiste.
Mais si on est libre-échangiste, il faut aller jusqu'au bout et comprendre qu'il y a une parenté intime et un point de convergence ultime entre un certain ultra-capitalisme mondialiste et le communisme fondateur. Ils se rejoignent en effet dans la même vision d'un homme générique dont les attachements vitaux sont brisés un à un et livrés aux forces du monde.
Car si on doit suivre cette voie là, sauf à avoir la chance d'être dans une niche, on finit par être balayé.
A terme, il ne restera plus qu'une banque unique, une ferme unique, une usine unique, un magasin unique, une culture unique et pourquoi pas une langue unique ? Et bien, ce n'est pas cela que nous voulons.
Nous qui sommes ici, nous refusons cette uniformisation du monde qui consiste à considérer l'homme comme une simple livraison, déplaçable à loisir, sans affection, sans mémoire, sans âme et sans avenir. Voilà pour la perte de vitalité.
Et ce n'est pas avec de petites réformettes fiscales qu'on va répondre à cette perte de vitalité. C'est en organisant le monde en zones de préférence régionale car si on considère que le petit paysan béninois doit être mis en concurrence avec le latifundiaire de Nouvelle-Zélande, sans écran de protection, c'en est fini de la paix du monde. Ce sont alors des hordes, des milliards de pauvres qui, des quatre coins de la planète, s'organisent en une gigantesque transhumance de la misère et la désespérance.
La seule réponse à ce grand déracinement du monde, c'est de considérer que le monde doit s'organiser en espaces régionaux, que parmi ces espaces, il y a bien sûr l'Europe, et que les nations elles-mêmes sont les compartiments étanches de la mondialisation.
- Perte d'identité : la France, le pays de la laïcité, glisse peu à peu dans le communautarisme.
- Le communautarisme de la société, au sens d'une mozaïque de communautés qui produisent un affrontement de droits-créances. C'est le sens du projet de loi sur l'homophobie qui consiste à mettre sous la protection de la loi une catégorie particulière.
Est-ce qu'une nation, c'est une mozaïque de catégories particulières, avec des lois particulières en fonction d'un jeu d'alvéoles, ethniques, sexuelles ?
- Le communautarisme d'Etat : quand on demande au "Conseil Français du Culte Musulman", non plus seulement d'être un interlocuteur des pouvoirs publics - ce qui est déjà un acte lourd -, mais d'être un intermédiaire, une ambassade parallèle, c'est qu'on s'est résigné à installer au sommet de l'Etat, le communautarisme d'Etat.
Nous, nous pensons que la communauté nationale ne peut pas être une simple juxtaposition, une sorte de damier. La communauté nationale transcende les communautés particulières.
- Perte d'influence : pendant tout l'été, on a parlé aussi de la "perte d'influence" de la France.
Les grands titres des journaux se succédaient chaque jour : "Perte d'influence française à Bruxelles". Ils faisaient allusion à la nouvelle composition de la Commission présidée par M. Barroso.
Nous espérions peser sur le choix du pilote.
Nous n'avons pas eu le pilote.
Nous espérions avoir un co-pilote.
Nous n'avons pas eu de co-pilote.
Et à la fin de l'été, on nous a annoncé que nous étions dans la cabine arrière et que nous avions récupéré le ministère du plan de vols.
Nous voilà avec Jacques Barrot, "commissaire aux transports".
En d'autres termes, nous voilà, à Bruxelles, représentés par un chef steward.
Cette nomination pose finalement trois questions.
Première question : en quoi cette affaire Barrot révèle-t-elle une perte d'influence française ? Tout simplement parce que M. Barrot a récupéré un demi-portefeuille par rapport à son prédécesseur. Il n'a plus que les transports mais au sens étroit du terme. Il a perdu l'énergie et les relations inter-institutionnelles. Son portefeuille ne pèse qu'un vingtième du budget de l'agriculture. C'est une moitié de demi-portefeuille partagé avec la "sécurité maritime" - qui a été confiée à Malte-, le pays champion du monde des pavillons de complaisance. Bon courage à M. Barrot pour régler les problèmes de marées noires avec le commissaire maltais, pays d'origine de l'Erika !
Et toute la cueillette estivale est allée dans le même sens. Il y a un petit évènement scandaleux et qui est passé inaperçu : le Secrétaire général du Conseil constitutionnel a fait une conférence de presse pour dire ceci "le Conseil constitutionnel vient d'admettre la primauté des lois européennes sur la Constitution". Et il a ajouté, en forme d'aveu : "On ne pouvait pas annoncer la décision qui a été prise le 10 juin avant le 13 juin, parce que c'étaient les élections européennes. On ne pouvait donc pas l'annoncer avant le 13 juin parce que cette annonce risquait d'être favorable aux souverainistes". Autrement dit, voilà une institution qui est la Cour suprême de la France, et dont le Secrétaire général vient expliquer à la presse : "on prend des décisions avant les élections, on les annonce après les élections, parce que ce ne sont pas des décisions juridiques, mais des décisions politiques". C'est-à-dire que le Conseil constitutionnel s'établit désormais comme l'arrière-cour de la nouvelle Cour suprême de l'Union européenne. Les juges, chez nous, n'ont plus aucune autonomie. Ils sont soumis. Et le Secrétaire général de notre cour suprême est venu le dire à la France entière.
Et puis il y a eu la relance de Doha, cet été. Avec le ministre du commerce extérieur qui se lâche dans une interview au journal le Figaro : "les intérêts de la France sont bradés par Bruxelles dans la relance de Doha".
Enfin, dernier exemple, c'est une petite perle de M. Raffarin. Au début de l'été, pressé par la droite libérale, il propose l'amnistie fiscale pour que les capitaux reviennent en France.
Et à la fin de l'été il renonce à ladite amnistie fiscale, sur la base de l'argument suivant : "cela ne peut pas se faire au niveau national, il faut l'autorisation de Bruxelles".
Donc, même pour une amnistie fiscale, il faut l'autorisation de nos nouveaux maîtres. Cela porte évidemment un nom : la perte d'influence.
Deuxième question : cette perte d'influence est-elle conjoncturelle ou eurostructurelle ?
La réponse est évidente. La France est en train de subir, par application du traité de Nice et de la Constitution européenne, un triple décrochage.
- Décrochage au Parlement européen : 72 députés contre 99 à l'Allemagne,
- décrochage au Conseil : 13 % de voix pour la France, 18 % pour l'Allemagne,
- décrochage à la Commission : nous avions deux commissaires sur vingt, nous en aurons désormais un à éclipse sur quinze.
Troisième question : l'Union européenne remédie-t-elle à ces graves défaillances ?
Au contraire, elle aggrave le mal. Elle prévoit la fédéralisation définitive du Conseil : la règle nouvelle au Conseil, c'est la majorité, ce n'est plus l'unanimité. Les fondateurs du traité de Rome avaient aménagé un système d'équilibre :
- la Commission, d'esprit fédéral, avec monopole d'initiative
- et le Conseil, d'esprit inter-étatique, avec le droit de veto et la règle de l'unanimité.
Au Conseil, on est obligé de s'entendre. Cela évite qu'il y ait un sentiment de frustration pour ceux qui se retrouveraient dans un statut de minoritaire.
C'était cela, l'équilibre du traité de Rome.
Cet équilibre est complètement rompu avec la Constitution puisque le Conseil devient lui-même une institution fédérale en face d'une autre institution fédérale, la Commission.
Quant à ladite Commission, son monopole d'initiative sort renforcé, ses compétences élargies. Et nous voilà nous, la France, avec M. Barrot, de plus en plus faibles dans une Commission de plus en plus forte...
***
La question qui se pose ce matin est très simple : pourquoi allons-nous appeler à voter "non" ?
Nous allons expliquer aux Français que cette Constitution est mortelle pour l'Europe et qu'elle est mortelle pour la France.
Cette Constitution est mortelle pour l'Europe
L'Europe se trouve aujourd'hui face à deux critiques majeures qui corrodent la confiance.
- Le pouvoir européen est un pouvoir lointain. Que nous propose-t-on dans la Constitution ? De l'éloigner davantage.
- Le pouvoir européen est peu contrôlé. Que nous propose-t-on dans la Constitution ? On nous propose de le rendre incontrôlable en faisant de Bruxelles l'attributaire exclusif des pouvoirs jusqu'à présent détenus par les Etats.
L'Europe se trouve en face de ce que Georges Berthu a appelé deux dilemmes mortels.
- Un dilemme qui porte sur la démocratie :
Plus on transfère de pouvoirs à Bruxelles,
plus on mutile la démocratie,
plus les gens décrochent.
- Un dilemme qui porte sur l'élargissement lui-même :
Plus on élargit,
plus on diversifie,
et moins le principe d'uniformité et de centralisation apparaît adapté.
Voilà les deux dilemmes mortels de l'Europe aujourd'hui, de l'Europe élargie.
Et puis, allons plus loin : l'Europe se trouve en face de deux défis.
A la sortie de la guerre, de cette guerre meurtrière, qui était un combat pour la liberté, les Pères de l'Europe étaient à juste titre obsédés par l'idée de la paix. A l'époque, je crois que c'est Schumann qui disait : "il faut emmailloter l'Allemagne". C'était là le premier défi, le premier objectif de l'Europe.
Et le deuxième objectif était de contenir l'Union soviétique. Tout cela pour assurer la paix. C'était l'Europe.
Mais aujourd'hui, la paix est là. Il n'est plus question d'emmailloter l'Allemagne et de contenir l'Union soviétique. Ce n'est plus d'actualité. Le mur de Berlin est tombé. L'Allemagne et la France sont en paix, une paix durable.
Alors essayons de réfléchir, pour construire l'Europe de demain plutôt que l'Europe d'hier, à ce que sont sont les défis de la nouvelle Europe. Ils tombent sous le sens, ils sautent aux yeux, seuls nos politiciens du "oui" ne les voient pas encore.
- Premier défi : comment réunifier l'Europe, c'est-à-dire comment réunifier un continent ?
Est-ce qu'on peut le faire avec la bonne vieille méthode bruxelloise d'une Europe centralisée, uniforme, avec une TVA pour 450 millions d'habitants, une Europe d'un seul tenant comme au temps des blocs, des grands ensembles, des fédérations artificielles ? Cela, c'est l'Europe du XXème siècle.
Ou plutôt à partir d'une vision confédérale, fondée sur les deux principes de la modernité qui font le succès de toutes les entreprises et de tous les groupes humains : la proximité et la souplesse ? La proximité, qui n'empêche pas la coopération naturellement, mais qui permet le contrôle, qui permet de ne pas sacrifier la démocratie. Et la souplesse, parce qu'il faut toujours s'adapter. S'adapter au temps, s'adapter à l'espace, s'adapter aux nécessités du moment.
- Deuxième défi : comment l'Europe va-t-elle répondre à la mondialisation ?
Ou bien elle en devient le marche-pied ou bien elle s'installe comme un écran de protection.
Il est tout à fait extraordinaire de constater qu'au moment même où l'on voudrait chercher à ressembler aux Etats-Unis, il y a une chose qu'on n'a pas copiée sur les Américains, c'est justement la protection.
Il n'y a pas un pays au monde plus protégé que les Etats-Unis d'Amérique : c'est un pays libéral pour les autres et protectionniste pour lui-même.
Mais, l'Europe quant à elle, l'Europe qu'on nous propose, n'est plus qu'un courant d'air entre deux océans.
Donc la mondialisation et la réunification, voilà bien les deux défis auxquels nous sommes confrontés à l'orée de ce nouveau siècle.
Or nous avons les bonnes réponses :
- une Europe qui ose se protéger, qui ose n'être pas qu'une Europe-espace. C'est une grande faute historique que d'avoir abandonné la préférence communautaire, c'est-à-dire une communauté de producteurs et de consommateurs.
- une Europe confédérale et non plus le mirage d'une Europe fédérale.
Oui cette Constitution est mortelle pour l'Europe parce qu'elle est établie sur deux contresens historiques : elle ne prend pas le virage de la mondialisation, elle n'est pas une réponse à la mondialisation. Elle ne prend pas le virage de la réunification, elle n'est pas la bonne manière de réunifier le continent.
Cette Constitution est mortelle pour la France
Je voudrais énumérer trois points qui me paraissent très importants.
- Le premier sur lequel nous allons beaucoup insister pendant cette campagne est le suivant : cette Constitution rend très dangereuse l'entrée, hélas probable, de la Turquie dans l'Union européenne. Je dis "l'entrée hélas probable". Il suffit de citer le Monde de cette semaine : "M. Verheugen promet aux Turcs qu'ils seront citoyens de la même Europe". Amen. Tout le monde sait dans les chancelleries, mais aussi dans le milieu politique, que nous sommes entrés dans l'irréversible. M. Verheugen explique, entre les lignes, qu'il y a des progrès immenses qui sont accomplis aujourd'hui en Turquie : beaucoup moins de poignets coupés, des pendaisons en nette décrue, 10 % en moins, beaucoup moins d'actes de torture, une baisse de 30 %. Il y a juste une loi qui fait de l'adultère un délit pénal qui pose un tout petit problème à M. Verheugen. En d'autres termes, la Turquie est devenu un pays complètement européen, qui applique maintenant les fameux "critères de Copenhague" : économie de marché, droits de l'homme, etc...
Seulement voilà, il faut réécouter M. Giscard d'Estaing. Car M. Giscard d'Estaing a ainsi résumé le propos de sa Constitution : "il s'agit de passer de l'Europe des Etats à l'Europe des individus".
Donc, les Etats pèseront moins qu'avant en tant que tels - c'est la fameuse règle de la double majorité qui indexe le pouvoir sur le poids démographique. Novation majeure. Et M. Giscard d'Estaing en tire une conclusion : "la Turquie ne peut pas rentrer dans cet ensemble là puisque son poids démographique lui donnerait d'entrée plus de députés européens que la France et plus de voix au Conseil que l'Allemagne". Il faut accorder à M. Giscard d'Estaing le crédit d'une certaine cohérence : il veut un Etat européen fondé sur le poids démographique mais il ne veut pas de l'entrée de la Turquie.
Et bien, hélas, nous allons avoir les deux. Il faut imaginer la Turquie avec ses 70 millions d'habitants, ses 150 millions de turcophones qui obtiennent la nationalité turque automatiquement, à peu près comme une carte grise. En d'autres termes, si la Turquie entre dans l'Union européenne, avec le nouveau système juridique prévu par la Constitution, elle ne sera pas un pays parmi d'autres, elle sera un pays prépondérant.
Et nous, nous en concluons ceci : c'est la fin de l'Europe, tout simplement.
Il est extraordinaire que ce soit les européistes qui aient créé les conditions de la fin de l'Europe.
Ce sera l'Eurasie, ce sera autre chose, mais ce ne sera plus l'Europe.
- Le deuxième point tient justement à la perte de vitalité de la France. Cette Constitution va accélérer les délocalisations puisqu'elle solennise - c'est la première fois depuis la Constitution soviétique - un modèle économique, en l'occurrence le libre-échangisme mondial, dans le texte lui-même de la Constitution.
- Enfin, troisième point, cette Constitution met fin à toute politique française.
Elle met fin à la loi française. C'est l'article 10 de la Constitution : il n'y aura plus de directives, il y aura des "lois européennes". Et cet article 10 assure la primauté de ces lois européennes sur les lois françaises, y compris de niveau constitutionnel. Donc, par l'intermédiaire de la Charte des droits fondamentaux, les Basques et les Corses pourront aller se faire reconnaître des droits en tant que minorités, là-bas, à la Cour suprême, dont la mission sera justement d'interpréter ladite Charte.
Nous basculons dans le monde du fédéralisme avec le statut dégradé d'un d'Etat fédéré. Oui, cette Constitution met fin à toute politique législative.
Elle met fin aussi à toute politique de sécurité du territoire : il y aura une frontière d'un seul tenant de 60 000 kilomètres, avec la suppression totale de toutes les frontières internes. Est-ce bien raisonnable, par ces temps de grand terrorisme, d'avoir une seule frontière poreuse de 60 000 kilomètres ?
Cette Constitution met fin à toute politique étrangère de la France.
Dominique Souchet citait M. Barnier qui déclarait l'autre jour aux ambassadeurs de France : "Vous êtes désormais les ambassadeurs de Bruxelles".
C'est tout à fait normal puisqu'il y aura désormais un ministre des affaires étrangères unique. Nos politiques étrangères seront désormais frappées d'alignement.
Et il y a d'ailleurs un article de la Constitution qui dit qu'au cas où les Etats qui ont un droit de veto à l'ONU auraient à voter, il faudrait qu'ils s'alignent sur les positions communes défendues par le ministre des affaires étrangères. Donc, nous n'aurons plus de politique étrangère. M. Barnier en a tiré les conséquences en invitant tous les ambassadeurs de France à être désormais les ambassadeurs aux ordres de Bruxelles.
Voilà les raisons pour lesquelles, entre autres, nous allons engager les Français à voter "non".
Nous leur dirons ceci : vous voulez, comme nous, que l'Europe survive dans la paix ; alors votez "non".
Ainsi obtiendrons-nous un traité refondateur fondé sur deux principes :
- le respect mutuel des souverainetés nationales. Il ne faut plus mépriser les peuples, ne plus les piétiner,
- les coopérations différenciées.
Nous voulons sauver l'Europe et sauver chacun de nos pays.
Cette Constitution signifie la fin de la France en tant qu'Etat-nation. Nous sommes effarés par le mensonge de beaucoup d'hommes politiques français qui nous expliquent que le mot "Constitution" n'a pas le même sens au niveau européen que pour chacun des pays pris isolément. "Le mot Constitution n'est qu'une expression ! Mais ce n'est pas une vraie Constitution !".
Qu'est-ce donc qu'une Constitution ? C'est la règle suprême qu'un peuple souverain se donne pour conférer un statut à son Etat. Et une fois de plus, c'est la Commission qui, sans vergogne, nous a expliqué, en mai 2002, que "cette Constitution aura pour l'Europe la même valeur que les Constitutions pour les Etats". La même valeur, sauf qu'elle leur sera supérieure. Car il s'agit d'une Constitution d'un Etat fédéral. Qui dit Constitution dit Etat, je le répète. Qui dit "Constitution européenne" dit "super-Etat européen", centralisé.
Que les Français soient prévenus, que les Européens soient avertis. Nous sommes des veilleurs, des éveilleurs, nous disons la vérité. En face de nous, on nous ment et depuis tant d'années !
A la fin de cette matinée, je voudrais poser une question, avec vous : le "non" a-t-il une chance de l'emporter ? Oui, une forte chance.
- La première raison tient au temps de la campagne. Il va y avoir un long temps d'explication. Un long temps de campagne. Un long temps d'analyse et de confrontation.
- La deuxième raison tient à la mobilisation : quand la mobilisation est faible, cela profite au "oui" (souvenons-nous du référendum sur le quinquennat). Quand la mobilisation est forte, que les gens se sentent impliqués, cela profite au "non", souvenons-nous du référendum sur les Antilles et du référendum sur la Corse.
Or, la mobilisation sera forte parce que la médiatisation sera grande, et que la participation sera élevée.
- La troisième raison est plus subtile : elle tient au rapport de forces. Observez le "non" et observez le "oui". Qu'est-ce qui caractérise le "oui" ? Il est univoque. Les leaders qui font voter "oui" viennt nous dire : "Voilà, il faut prolonger, poursuivre, parce que si cela s'arrête, c'est comme une bicyclette, vous tomberez avec". Le "non", quant à lui, est multiforme.
C'est comme au tir au pigeon : les tireurs du "oui" auront du mal à tirer sur deux assiettes à la fois avec la même cartouche. Il y a ceux qui disent "il faut plus de majorité" et ceux qui disent "il faut moins de majorité". En d'autres termes le "non" est contradictoire. C'est sa richesse. Et il sera très difficile pour le "oui" d'aller débusquer le "non" parce qu'il faudra aller le chercher partout et avec des arguments contradictoires. Et puis le "non" est offensif, le "oui" est poussif.
- La quatrième raison tient à la collision des calendriers : le calendrier de la ratification du traité constitutionnel est le calendrier de la décision d'ouvrir la négocation avec la Turquie. La proposition d'un référendum sur l'entrée de la Turquie est naturellement un écran de fumée qui ne trompera personne. Si les Français doivent être interrogés, c'est avant d'ouvrir la négociation et non plus quand il est trop tard.
- La cinquième raison, est la plus importante, elle tient à la frustration des Français. Ce référendum sera l'heure du bilan. Les partisans du "oui" vont nous expliquer que la Constitution est le prolongement du grand oeuvre.
Eh bien, les Français vont juger le grand oeuvre.
Or, depuis plusieurs années, ce ne sont plus que brimades et humiliations.
Un ministre de l'Economie et des Finances pourtant si plein de vitalité et qui est humilié par un commissaire sur Alsthom, Alsthom qui sera dépecé et dont un morceau sera remis à Siemens.
Un Premier ministre humilié par la Commission tout entière quand il vient demander une baisse de la TVA.
La France humiliée par la Commission alors qu'elle veut maintenir l'interdiction du maïs transgénique BT-11.
Et tous les jours, la France traînée en justice. Tous les jours... Il y a encore trois jours, avec Dominique Souchet, nous nous occupions d'un problème qui concerne les ports de l'Ouest : savez-vous ce que les commissaires de Bruxelles reprochent à la France ? Un défaut de vigilance sur le "contrôle de la taille des merluchons bretons". La France est menacée d'une lourde amende. Voilà à quoi s'occupent les commissaires.
Et puis il y a nos usines qui partent, nos tissus conjonctifs qui se déchirent, nos terroirs qui s'appauvrissent, notre territoire qui s'en va. La mer rendue aux goélands avec des pêcheurs qui agonisent : "nous étions pêcheurs de poissons, nous voilà pêcheurs de fioul". Nos campagnes qui se désertifient avec des paysans à la peine : "nous étions semeurs de récolte, nous sommes devenus planteurs de primes et producteurs de formulaires".
L'heure de vérité est arrivée. Les Français vont juger.
Les Français vont juger les trois grandes promesses de la décennie :
- "l'Europe multiplicateur de puissance".
On nous a dit "offrez votre souveraineté à Bruxelles, Bruxelles vous le rendra au centuple". Eh bien, même en euro, le centuple ne vaut pas cher. Une addition de souverainetés mutilées n'a jamais produit plus de puissance qu'une addition de culs-de-jatte n'a produit de vélocité.
- "L'Europe multiplicateur de sécurité".
Quand M. Barnier s'en va négocier au Moyen-Orient pour la libération des otages français, il y va tout seul en réactivant le portefeuille de contacts de ce qu'on appelait la "politique arabe" de la France. Parce que, quand un pays se trouve face à un très grave problème, il est seul. Raison pour laquelle on utilise l'expression "intérêts vitaux" ou "intérêts nationaux".
- "l'Europe multiplicateur de richesses".
Je me souviens très bien, au moment du débat sur Maastricht, de la phrase fameuse : "ça coûte pas cher mais ça va rapporter gros".
On nous parlait de la manne des "fonds structurels".
Je revois les maires du Sud Vendée, ébahis, éblouis et dodelinant sur le thème : "quand même, même si la tuyauterie est longue, l'arrosage est conséquent..." Le malheur aujourd'hui, c'est qu'il n'y a plus rien dans les tuyaux. Pire que cela. La France est devenue un pays contributeur net de l'Union européenne. Il est bien normal que les Français pensent tout bas, comme les Anglais tout haut : "I want my money back".
Les Français mettent en regard les promesses et la réalité. Elles ont été trahies.
Le "non" de M. Fabius est révélateur.
Sa conversion à l'Europe des nations prendra encore du temps. Mais son état de convalescence par rapport au virus de l'eurofédéralisme, dont il acceptait jusqu'à présent de diffuser le poison, nous laisse une bonne dose d'optimisme et je pense même, que le voyant progresser dans cette voie, beaucoup d'autres vont le suivre. Tous ces "non" à venir, ces "non" en puissance, sont révélateurs. Laurent Fabius étant en lui-même un eurobaromètre, il sent venir le rejet populaire. Ce "non" est révélateur du rejet populaire, révélateur d'un courant profond.
Mais plus intéressant peut-être, ce "non" est sans doute un tournant dans la vie politique française.
Jusqu'à il y a encore quinze jours, jusqu'à ce "non" là, il était établi qu'un homme politique français ne pouvait pas avoir de destin s'il omettait de faire, chaque jour, devant les commissaires de Bruxelles, la génuflexion oblique du dévôt pressé. Or, aujourd'hui, c'est l'inverse. Pour avoir un destin, M. Fabius s'éloigne de Bruxelles pour se rapprocher du peuple. Il faut aller chercher le peuple là où il est et le peuple s'éloigne des élites, qui sont devenues a-nationales.
Enfin dernière question "Et si le "non" l'emporte ?"
Vous mettez M. Barnier à ma place, il vous répondra : "c'est la fin de la paix, c'est la guerre, c'est la fin du monde".
Oui, c'est la fin d'un monde, le monde de M. Barnier.
C'est la fin d'un siècle, le XXème siècle, dans lequel, comme M. Perrichon, M. Barnier vit encore.
Or nous sommes entrés dans un autre siècle, celui du respect des nations, accepté ou revendiqué partout sur la planète.
C'est la fin d'une idéologie : l'européisme.
C'est l'occasion de regarder le monde tel qu'il évolue.
Si le "non" l'emporte, l'Europe rejoindra le monde.
Le monde évolue selon un principe qui est celui des nations.
Le monde aujourd'hui considère que la nation est l'horizon indépassable des relations internationales, qu'on soit au Moyen-Orient, qu'on soit en Irak ou au Timor oriental.
C'est le respect des nations qui permet d'établir la paix.
Alors, si le "non" l'emporte, nous, les Européens,
- nous reparlerons du périmètre de l'Europe, pour que l'Europe soit l'Europe,
- nous reparlerons du projet de l'Europe, pour qu'elle soit installée sur la libre adhésion des nations qui se respectent,
- nous reparlerons de l'architecture de l'Europe pour que son premier principe, son premier pilier, son premier dessein, soit de garantir les démocraties.
Si le "oui" l'emportait que se passerait-il ? Nous aurions "aujourd'hui en pire", "aujourd'hui l'empire", l'empire de la norme.
Et si le "non" l'emportait, que se passerait-il ? Nous aurions une Europe sans Turquie, une Europe sans commissaires, grâce à un traité refondateur, une Europe des peuples retrouvés, une Europe du respect et des coopérations harmonieuses.
Mes chers amis, avant de vous quitter, je voudrais vous dire ceci, avec tous les Européens qui sont ici, et en pensant à tous ceux qui vont nous rejoindre :
Le jour du scrutin, il faudra faire l'addition de toutes les euroréticences.
Nous n'avons pas à les juger.
Seule l'urne reconnaîtra les siens.
Quelle que soit la motivation, pourvu qu'on vote "non", c'est bon à prendre.
Par mille et un chemins différents, ils viendront, nombreux, rejoindre la cohorte du "non".
Nous lançons aujourd'hui un appel à tous les Européens.
- Je m'adresse d'abord à tous les eurosouverainistes pour leur dire ceci : "Levez les couleurs, brandissez votre bulletin de vote ! Hauts les coeurs, la victoire est en vue !".
- Mais je m'adresse aussi, à côté d'eux, à tous les euroréalistes, en leur glissant à l'oreille : "osez franchir le pas". L'urne sera au rendez-vous de votre déception, le moment est venu de protester : ils ont tourné l'Europe contre le peuple, ils ont trahi mon rêve, ils ont détourné le cours de l'histoire, je ne reconnais plus mon Europe, alors ce sera "non".
- A tous les euronostalgiques, glissez un "non" mélancolique, écoutez vos doutes : où est donc le Marché commun ? Où est l'Europe puissance indépendante ? Qu'ont-ils fait de la démocratie ? Et qui sont donc ces oligarques installés confortablement dans les fauteuils de Schuman et Gasperi ? Quelle est donc cette Europe créée par des démocrates-chrétiens et qui n'est même plus capable de désigner ses origines ?
"Schuman réveille-toi, ils sont devenus fous !".
- A tous les réfractaires de la première heure, à tous les euroFabius qui font aujourd'hui repentance, à tous les repentants, à tous les repentis, têtes cendrées, robes de bure, yeux baissés, unissez-vous dans l'urne sans chercher à renifler vos agacements. A Jean-Louis Bourlanges, hier gardien du temple, aujourd'hui premier fournisseur d'arguments en faveur du "non", qui ne peut plus ouvrir la bouche, prendre la plume sans éructer et ressasser "C'est pas ça qu'on voulait", merci Jean-Louis. Le "non" a besoin de ton talent.
- A tous les eurocontrits mécontents,
- à tous le eurococus mécontents,
- à tous les euroblêmes,
- à tous les eurodégrisés,
vous pouvez y aller en douceur, le "non" vous rendra des couleurs.
- A tous les euroflagellés,
- à tous les euroflagellants,
ne tremblez plus, n'hésitez plus, personne ne le saura, un petit "non" discret, c'est excitant !
Essayez le "non" pour la première fois.
Oui, il y aura beaucoup de monde dans l'urne, ce sera un incroyable rendez-vous de l'improbable.
Il y aura les euroalignés officiels,
eurosceptiques du-creux-de-l'oreille qui disent "oui" à Paris et qui votent "non" dans leur circonscription.
Il y aura les eurohypocrites qui font mine d'y croire et qui n'y croient plus.
- Les eurodéprimés qui auraient bien pu, mais qui ne veulent plus.
- Les europiétinés, qui auraient bien voulu, mais qui n'en peuvent plus.
Ils repartiront comme ils étaient venus, dans la discrétion, à pas de loup. Et puis, le soir du vote, le soir du résultat, ils auront juste un petit soupir pour l'entourage : "le "non" l'a emporté, tiens, j'aurais jamais cru !".
Et puis je lance un appel à tous les Français,
à tous les Français privés de parole sur l'Europe depuis tant d'années,
privés et choqués par l'absence de débat depuis des décennies,
privés de France depuis tant d'années, privés de nation, de destins tramés dans l'étoffe des songes.
A tous les Français, je propose un cri de ralliement,
un cri du coeur,
"France, je chéris ton non".
(Source http://www.mfp-villiers.com, le 14 décembre 2004
Je voudrais leur dire un grand merci chaleureux.
Il y a quelque chose d'étrange et de remarquable qui nous réunit : un filament d'amitié qui court dans la trame du même constat et du même combat.
C'est une rencontre fondatrice, aujourd'hui, à La Baule, non seulement parce que nous lançons la campagne du "non" au niveau national, mais aussi parce que nous créons la "coordination européenne des souverainetés nationales". Cette "coordination européenne des souverainetés nationales" qui s'apprête à dire "non" à la Constitution, est établie sur trois principes communs.
- Premier principe commun : une conception commune de la liberté et de la nation.
Il y a, sur cette tribune, celles et ceux de "l'ancienne Europe" et celles et ceux de la "nouvelle Europe".
Nous avons vécu dans le confort pendant qu'à côté de nous, ceux qu'on appelait là-bas à Moscou les "pays frères", payaient de leur silence, de leur peur, de leur sang, de leur courage, de leur esprit de résistance, notre confort. Alors, écoutons ces pays qui viennent de nous rejoindre.
Ecoutons-les nous rappeler ce qu'est le prix de la liberté, sa valeur inestimable, la valeur protectrice d'une nation dont Jaurès nous disait, il y a maintenant bien longtemps : "La patrie, c'est le bien de ceux qui n'ont rien".
Ces pays qui viennent d'entrer dans l'Europe comprennent sans doute mieux que nous - parce que chez nous l'habitude a émoussé le sens des mots - ce qu'est la grande tricherie du préambule de la Constitution : on a substitué au mot "souveraineté" le mot "identité". C'est évidemment très important, mes chers amis, pour vous qui allez mener le combat.
Il est dit, dans le préambule, à peu près ceci - je vous renvoie au livre de Georges Berthu "L'Europe sans les peuples" : "L'Union européenne s'engage à respecter l'identité nationale de ses membres". C'est l'article 5.
"L'identité nationale", comme c'est beau !
Mais on aurait préféré qu'il fût écrit "souveraineté nationale".
Parce qu'il arrive dans l'histoire - il est arrivé à ces pays là - qu'une nation puisse être privée de sa souveraineté, sans être privée de son identité.
Les fameux "pays frères" gardaient leur identité, mais ils n'avaient plus leur souveraineté.
Le voeu le plus sacré d'un peuple, ce n'est pas de garder son identité, c'est de garantir sa souveraineté, parce qu'à terme, pour préserver son identité, il faut être souverain. Qu'est-ce que la souveraineté ? C'est le dernier mot.
Alors, quand ils entendent parler de "souveraineté partagée", nos amis entendent en écho l'expression de triste mémoire "souveraineté limitée".
Aujourd'hui ils sont venus nous redire ce que Mme Thatcher nous avait dit dans une conversation privée, à Dominique Souchet, Georges Berthu et moi-même : "On ne s'est pas débarrassé des commissaires de l'Est pour tomber sous la coupe des commissaires de l'Ouest".
- Deuxième principe commun : une vision commune de l'Europe.
Je rappellerai une phrase qui figure dans le dernier livre d'Alain Peyrefitte "Conversations personnelles entre Alain Peyreffitte et Charles de Gaulle". De Gaulle lui conseille : "Si vous voulez chercher à unir les peuples, ne les intégrez pas comme on intègre des marrons dans une purée de marrons".
Eh bien, notre vision commune de l'Europe ne consiste pas à demander à Shakespeare d'écrire comme Cervantès ou à Goethe de ressembler à Molière ; sinon, on fera peut-être une "oeuvre unique", comme on dirait à Bruxelles, mais ce ne sera jamais un chef-d'oeuvre.
Au contraire, nous pensons, parce que nous sommes précisément plus Européens que les eurofédéralistes - plus Européens au sens de l'Europe libre et de l'Europe pacifique -, parce que nous connaissons les conditions de la liberté et de la paix, nous, nous pensons que la seule voie pour l'Europe de demain, c'est de choisir comme ressort de son rayonnement le dynamisme des nations.
On ne fera pas une Europe puissante en écrasant les nations qui la composent.
En saluant tous les journalistes qui sont présents et nombreux ce matin pour cet évènement de la rentrée, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée, parmi eux, pour les journalistes sportifs.
En effet, je n'ai pas entendu, cet été, pendant l'Euro -au début de l'été - puis aux jeux olympiques à Athènes - à la fin de l'été - je n'ai pas entendu un seul journaliste européen - peut-être cela m'a-t-il échappé - se risquer à faire l'addition des "médailles européennes".
En revanche, j'ai entendu les journalistes français expliquer qu'on avait trente-trois médailles, nous la France, et que les Anglais n'en avaient que trente.
Est-ce que, pour autant, cela brisait la paix entre nous ? Bien sûr que non. L'émulation n'est pas une blessure, les jeux du stade ne sont pas des jeux morbides. Les drapeaux qui montent et les émotions des hymnes ne sont pas des frissons douteux. C'est l'âme des peuples.
Quand nous entendions les hymnes du Portugal et de la Grèce, nous avions nous-mêmes - qui ne sommes ni Portugais ni Grecs - les larmes aux yeux.
C'est magnifique, c'est simple, simple comme le coeur qui parle.
Alors, l'Europe que nous voulons, c'est bien cette Europe là, celle de l'olympisme.
Nous ne voulons pas être des Européens d'Angleterre, ou des Européens de Suède, ou des Européens d'Irlande, nous voulons être des Irlandais d'Europe, des Anglais d'Europe, des Suédois d'Europe. Et moi je veux être Français d'Europe et non pas Européen de France.
Mes chers amis, nous sommes dans une période où il y a dans notre pays, une lassitude, un désenchantement.
Une de ces périodes où le destin hésite.
La question que je voudrais poser ce matin à tous nos amis, je la pose à la France, comme vous pourriez d'ailleurs vous la poser pour chacun des vingt-cinq pays qui composent aujourd'hui l'Union européenne : est-ce que l'Europe de Bruxelles nous a aidés, dans les dernières années, à guérir les maux de la France ?
Non, elle les a aggravés. C'est la raison pour laquelle nos concitoyens sont en proie au désarroi.
Ce désarroi cherche aujourd'hui son expression politique. Les Français décrochent, submergés par un triple sentiment de dépossession d'eux-mêmes :
- dépossession par la mondialisation qui aspire nos forces vives et nos emplois,
- dépossession par l'Europe qui rend trouble l'idée même d'un destin commun,
- dépossession par le communautarisme qui nous exproprie de notre identité culturelle.
Les Français décrochent et la France s'abîme.
Quand on regarde les best-sellers de l'année 2004, les titres de la presse - encore cet été - les rapports qui sont déposés sur le bureau du Premier ministre - le dernier signé de M. Camdessus qui annonce le décrochage de la France - c'est la sémantique qui est utilisée -, on entend trois expressions - toujours les mêmes - et qui manifestent une grande inquiétude pour notre pays : perte de vitalité, perte d'identité, perte d'influence.
- Perte de vitalité : c'est l'hémorragie de nos forces vives. Aujourd'hui les Français constatent que ce que nous avions annoncé en 1994 avec le regretté Jimmy Goldsmith - les tristes conséquences du libre-échangisme mondial -, nous en avons le spectacle sous les yeux.
Que disions-nous à l'époque ? Tout est tranférable.
A partir du moment où on considère qu'il s'agit de produire là où c'est moins cher et de vendre là où il y a du pouvoir d'achat, alors, tout est transférable, sauf la Tour Eiffel, la plage de La Baule et... le Puy-du-Fou.
Tout est transférable : les machines, les savoir-faire, les hommes.
Donc, si la conception du monde, si la conception de la politique, si la conception de l'économie, c'est une vision purement spéculative, fondée sur le profit exclusif, alors, il suffit d'écouter une certaine droite américaine et libre-échangiste.
Mais si on est libre-échangiste, il faut aller jusqu'au bout et comprendre qu'il y a une parenté intime et un point de convergence ultime entre un certain ultra-capitalisme mondialiste et le communisme fondateur. Ils se rejoignent en effet dans la même vision d'un homme générique dont les attachements vitaux sont brisés un à un et livrés aux forces du monde.
Car si on doit suivre cette voie là, sauf à avoir la chance d'être dans une niche, on finit par être balayé.
A terme, il ne restera plus qu'une banque unique, une ferme unique, une usine unique, un magasin unique, une culture unique et pourquoi pas une langue unique ? Et bien, ce n'est pas cela que nous voulons.
Nous qui sommes ici, nous refusons cette uniformisation du monde qui consiste à considérer l'homme comme une simple livraison, déplaçable à loisir, sans affection, sans mémoire, sans âme et sans avenir. Voilà pour la perte de vitalité.
Et ce n'est pas avec de petites réformettes fiscales qu'on va répondre à cette perte de vitalité. C'est en organisant le monde en zones de préférence régionale car si on considère que le petit paysan béninois doit être mis en concurrence avec le latifundiaire de Nouvelle-Zélande, sans écran de protection, c'en est fini de la paix du monde. Ce sont alors des hordes, des milliards de pauvres qui, des quatre coins de la planète, s'organisent en une gigantesque transhumance de la misère et la désespérance.
La seule réponse à ce grand déracinement du monde, c'est de considérer que le monde doit s'organiser en espaces régionaux, que parmi ces espaces, il y a bien sûr l'Europe, et que les nations elles-mêmes sont les compartiments étanches de la mondialisation.
- Perte d'identité : la France, le pays de la laïcité, glisse peu à peu dans le communautarisme.
- Le communautarisme de la société, au sens d'une mozaïque de communautés qui produisent un affrontement de droits-créances. C'est le sens du projet de loi sur l'homophobie qui consiste à mettre sous la protection de la loi une catégorie particulière.
Est-ce qu'une nation, c'est une mozaïque de catégories particulières, avec des lois particulières en fonction d'un jeu d'alvéoles, ethniques, sexuelles ?
- Le communautarisme d'Etat : quand on demande au "Conseil Français du Culte Musulman", non plus seulement d'être un interlocuteur des pouvoirs publics - ce qui est déjà un acte lourd -, mais d'être un intermédiaire, une ambassade parallèle, c'est qu'on s'est résigné à installer au sommet de l'Etat, le communautarisme d'Etat.
Nous, nous pensons que la communauté nationale ne peut pas être une simple juxtaposition, une sorte de damier. La communauté nationale transcende les communautés particulières.
- Perte d'influence : pendant tout l'été, on a parlé aussi de la "perte d'influence" de la France.
Les grands titres des journaux se succédaient chaque jour : "Perte d'influence française à Bruxelles". Ils faisaient allusion à la nouvelle composition de la Commission présidée par M. Barroso.
Nous espérions peser sur le choix du pilote.
Nous n'avons pas eu le pilote.
Nous espérions avoir un co-pilote.
Nous n'avons pas eu de co-pilote.
Et à la fin de l'été, on nous a annoncé que nous étions dans la cabine arrière et que nous avions récupéré le ministère du plan de vols.
Nous voilà avec Jacques Barrot, "commissaire aux transports".
En d'autres termes, nous voilà, à Bruxelles, représentés par un chef steward.
Cette nomination pose finalement trois questions.
Première question : en quoi cette affaire Barrot révèle-t-elle une perte d'influence française ? Tout simplement parce que M. Barrot a récupéré un demi-portefeuille par rapport à son prédécesseur. Il n'a plus que les transports mais au sens étroit du terme. Il a perdu l'énergie et les relations inter-institutionnelles. Son portefeuille ne pèse qu'un vingtième du budget de l'agriculture. C'est une moitié de demi-portefeuille partagé avec la "sécurité maritime" - qui a été confiée à Malte-, le pays champion du monde des pavillons de complaisance. Bon courage à M. Barrot pour régler les problèmes de marées noires avec le commissaire maltais, pays d'origine de l'Erika !
Et toute la cueillette estivale est allée dans le même sens. Il y a un petit évènement scandaleux et qui est passé inaperçu : le Secrétaire général du Conseil constitutionnel a fait une conférence de presse pour dire ceci "le Conseil constitutionnel vient d'admettre la primauté des lois européennes sur la Constitution". Et il a ajouté, en forme d'aveu : "On ne pouvait pas annoncer la décision qui a été prise le 10 juin avant le 13 juin, parce que c'étaient les élections européennes. On ne pouvait donc pas l'annoncer avant le 13 juin parce que cette annonce risquait d'être favorable aux souverainistes". Autrement dit, voilà une institution qui est la Cour suprême de la France, et dont le Secrétaire général vient expliquer à la presse : "on prend des décisions avant les élections, on les annonce après les élections, parce que ce ne sont pas des décisions juridiques, mais des décisions politiques". C'est-à-dire que le Conseil constitutionnel s'établit désormais comme l'arrière-cour de la nouvelle Cour suprême de l'Union européenne. Les juges, chez nous, n'ont plus aucune autonomie. Ils sont soumis. Et le Secrétaire général de notre cour suprême est venu le dire à la France entière.
Et puis il y a eu la relance de Doha, cet été. Avec le ministre du commerce extérieur qui se lâche dans une interview au journal le Figaro : "les intérêts de la France sont bradés par Bruxelles dans la relance de Doha".
Enfin, dernier exemple, c'est une petite perle de M. Raffarin. Au début de l'été, pressé par la droite libérale, il propose l'amnistie fiscale pour que les capitaux reviennent en France.
Et à la fin de l'été il renonce à ladite amnistie fiscale, sur la base de l'argument suivant : "cela ne peut pas se faire au niveau national, il faut l'autorisation de Bruxelles".
Donc, même pour une amnistie fiscale, il faut l'autorisation de nos nouveaux maîtres. Cela porte évidemment un nom : la perte d'influence.
Deuxième question : cette perte d'influence est-elle conjoncturelle ou eurostructurelle ?
La réponse est évidente. La France est en train de subir, par application du traité de Nice et de la Constitution européenne, un triple décrochage.
- Décrochage au Parlement européen : 72 députés contre 99 à l'Allemagne,
- décrochage au Conseil : 13 % de voix pour la France, 18 % pour l'Allemagne,
- décrochage à la Commission : nous avions deux commissaires sur vingt, nous en aurons désormais un à éclipse sur quinze.
Troisième question : l'Union européenne remédie-t-elle à ces graves défaillances ?
Au contraire, elle aggrave le mal. Elle prévoit la fédéralisation définitive du Conseil : la règle nouvelle au Conseil, c'est la majorité, ce n'est plus l'unanimité. Les fondateurs du traité de Rome avaient aménagé un système d'équilibre :
- la Commission, d'esprit fédéral, avec monopole d'initiative
- et le Conseil, d'esprit inter-étatique, avec le droit de veto et la règle de l'unanimité.
Au Conseil, on est obligé de s'entendre. Cela évite qu'il y ait un sentiment de frustration pour ceux qui se retrouveraient dans un statut de minoritaire.
C'était cela, l'équilibre du traité de Rome.
Cet équilibre est complètement rompu avec la Constitution puisque le Conseil devient lui-même une institution fédérale en face d'une autre institution fédérale, la Commission.
Quant à ladite Commission, son monopole d'initiative sort renforcé, ses compétences élargies. Et nous voilà nous, la France, avec M. Barrot, de plus en plus faibles dans une Commission de plus en plus forte...
***
La question qui se pose ce matin est très simple : pourquoi allons-nous appeler à voter "non" ?
Nous allons expliquer aux Français que cette Constitution est mortelle pour l'Europe et qu'elle est mortelle pour la France.
Cette Constitution est mortelle pour l'Europe
L'Europe se trouve aujourd'hui face à deux critiques majeures qui corrodent la confiance.
- Le pouvoir européen est un pouvoir lointain. Que nous propose-t-on dans la Constitution ? De l'éloigner davantage.
- Le pouvoir européen est peu contrôlé. Que nous propose-t-on dans la Constitution ? On nous propose de le rendre incontrôlable en faisant de Bruxelles l'attributaire exclusif des pouvoirs jusqu'à présent détenus par les Etats.
L'Europe se trouve en face de ce que Georges Berthu a appelé deux dilemmes mortels.
- Un dilemme qui porte sur la démocratie :
Plus on transfère de pouvoirs à Bruxelles,
plus on mutile la démocratie,
plus les gens décrochent.
- Un dilemme qui porte sur l'élargissement lui-même :
Plus on élargit,
plus on diversifie,
et moins le principe d'uniformité et de centralisation apparaît adapté.
Voilà les deux dilemmes mortels de l'Europe aujourd'hui, de l'Europe élargie.
Et puis, allons plus loin : l'Europe se trouve en face de deux défis.
A la sortie de la guerre, de cette guerre meurtrière, qui était un combat pour la liberté, les Pères de l'Europe étaient à juste titre obsédés par l'idée de la paix. A l'époque, je crois que c'est Schumann qui disait : "il faut emmailloter l'Allemagne". C'était là le premier défi, le premier objectif de l'Europe.
Et le deuxième objectif était de contenir l'Union soviétique. Tout cela pour assurer la paix. C'était l'Europe.
Mais aujourd'hui, la paix est là. Il n'est plus question d'emmailloter l'Allemagne et de contenir l'Union soviétique. Ce n'est plus d'actualité. Le mur de Berlin est tombé. L'Allemagne et la France sont en paix, une paix durable.
Alors essayons de réfléchir, pour construire l'Europe de demain plutôt que l'Europe d'hier, à ce que sont sont les défis de la nouvelle Europe. Ils tombent sous le sens, ils sautent aux yeux, seuls nos politiciens du "oui" ne les voient pas encore.
- Premier défi : comment réunifier l'Europe, c'est-à-dire comment réunifier un continent ?
Est-ce qu'on peut le faire avec la bonne vieille méthode bruxelloise d'une Europe centralisée, uniforme, avec une TVA pour 450 millions d'habitants, une Europe d'un seul tenant comme au temps des blocs, des grands ensembles, des fédérations artificielles ? Cela, c'est l'Europe du XXème siècle.
Ou plutôt à partir d'une vision confédérale, fondée sur les deux principes de la modernité qui font le succès de toutes les entreprises et de tous les groupes humains : la proximité et la souplesse ? La proximité, qui n'empêche pas la coopération naturellement, mais qui permet le contrôle, qui permet de ne pas sacrifier la démocratie. Et la souplesse, parce qu'il faut toujours s'adapter. S'adapter au temps, s'adapter à l'espace, s'adapter aux nécessités du moment.
- Deuxième défi : comment l'Europe va-t-elle répondre à la mondialisation ?
Ou bien elle en devient le marche-pied ou bien elle s'installe comme un écran de protection.
Il est tout à fait extraordinaire de constater qu'au moment même où l'on voudrait chercher à ressembler aux Etats-Unis, il y a une chose qu'on n'a pas copiée sur les Américains, c'est justement la protection.
Il n'y a pas un pays au monde plus protégé que les Etats-Unis d'Amérique : c'est un pays libéral pour les autres et protectionniste pour lui-même.
Mais, l'Europe quant à elle, l'Europe qu'on nous propose, n'est plus qu'un courant d'air entre deux océans.
Donc la mondialisation et la réunification, voilà bien les deux défis auxquels nous sommes confrontés à l'orée de ce nouveau siècle.
Or nous avons les bonnes réponses :
- une Europe qui ose se protéger, qui ose n'être pas qu'une Europe-espace. C'est une grande faute historique que d'avoir abandonné la préférence communautaire, c'est-à-dire une communauté de producteurs et de consommateurs.
- une Europe confédérale et non plus le mirage d'une Europe fédérale.
Oui cette Constitution est mortelle pour l'Europe parce qu'elle est établie sur deux contresens historiques : elle ne prend pas le virage de la mondialisation, elle n'est pas une réponse à la mondialisation. Elle ne prend pas le virage de la réunification, elle n'est pas la bonne manière de réunifier le continent.
Cette Constitution est mortelle pour la France
Je voudrais énumérer trois points qui me paraissent très importants.
- Le premier sur lequel nous allons beaucoup insister pendant cette campagne est le suivant : cette Constitution rend très dangereuse l'entrée, hélas probable, de la Turquie dans l'Union européenne. Je dis "l'entrée hélas probable". Il suffit de citer le Monde de cette semaine : "M. Verheugen promet aux Turcs qu'ils seront citoyens de la même Europe". Amen. Tout le monde sait dans les chancelleries, mais aussi dans le milieu politique, que nous sommes entrés dans l'irréversible. M. Verheugen explique, entre les lignes, qu'il y a des progrès immenses qui sont accomplis aujourd'hui en Turquie : beaucoup moins de poignets coupés, des pendaisons en nette décrue, 10 % en moins, beaucoup moins d'actes de torture, une baisse de 30 %. Il y a juste une loi qui fait de l'adultère un délit pénal qui pose un tout petit problème à M. Verheugen. En d'autres termes, la Turquie est devenu un pays complètement européen, qui applique maintenant les fameux "critères de Copenhague" : économie de marché, droits de l'homme, etc...
Seulement voilà, il faut réécouter M. Giscard d'Estaing. Car M. Giscard d'Estaing a ainsi résumé le propos de sa Constitution : "il s'agit de passer de l'Europe des Etats à l'Europe des individus".
Donc, les Etats pèseront moins qu'avant en tant que tels - c'est la fameuse règle de la double majorité qui indexe le pouvoir sur le poids démographique. Novation majeure. Et M. Giscard d'Estaing en tire une conclusion : "la Turquie ne peut pas rentrer dans cet ensemble là puisque son poids démographique lui donnerait d'entrée plus de députés européens que la France et plus de voix au Conseil que l'Allemagne". Il faut accorder à M. Giscard d'Estaing le crédit d'une certaine cohérence : il veut un Etat européen fondé sur le poids démographique mais il ne veut pas de l'entrée de la Turquie.
Et bien, hélas, nous allons avoir les deux. Il faut imaginer la Turquie avec ses 70 millions d'habitants, ses 150 millions de turcophones qui obtiennent la nationalité turque automatiquement, à peu près comme une carte grise. En d'autres termes, si la Turquie entre dans l'Union européenne, avec le nouveau système juridique prévu par la Constitution, elle ne sera pas un pays parmi d'autres, elle sera un pays prépondérant.
Et nous, nous en concluons ceci : c'est la fin de l'Europe, tout simplement.
Il est extraordinaire que ce soit les européistes qui aient créé les conditions de la fin de l'Europe.
Ce sera l'Eurasie, ce sera autre chose, mais ce ne sera plus l'Europe.
- Le deuxième point tient justement à la perte de vitalité de la France. Cette Constitution va accélérer les délocalisations puisqu'elle solennise - c'est la première fois depuis la Constitution soviétique - un modèle économique, en l'occurrence le libre-échangisme mondial, dans le texte lui-même de la Constitution.
- Enfin, troisième point, cette Constitution met fin à toute politique française.
Elle met fin à la loi française. C'est l'article 10 de la Constitution : il n'y aura plus de directives, il y aura des "lois européennes". Et cet article 10 assure la primauté de ces lois européennes sur les lois françaises, y compris de niveau constitutionnel. Donc, par l'intermédiaire de la Charte des droits fondamentaux, les Basques et les Corses pourront aller se faire reconnaître des droits en tant que minorités, là-bas, à la Cour suprême, dont la mission sera justement d'interpréter ladite Charte.
Nous basculons dans le monde du fédéralisme avec le statut dégradé d'un d'Etat fédéré. Oui, cette Constitution met fin à toute politique législative.
Elle met fin aussi à toute politique de sécurité du territoire : il y aura une frontière d'un seul tenant de 60 000 kilomètres, avec la suppression totale de toutes les frontières internes. Est-ce bien raisonnable, par ces temps de grand terrorisme, d'avoir une seule frontière poreuse de 60 000 kilomètres ?
Cette Constitution met fin à toute politique étrangère de la France.
Dominique Souchet citait M. Barnier qui déclarait l'autre jour aux ambassadeurs de France : "Vous êtes désormais les ambassadeurs de Bruxelles".
C'est tout à fait normal puisqu'il y aura désormais un ministre des affaires étrangères unique. Nos politiques étrangères seront désormais frappées d'alignement.
Et il y a d'ailleurs un article de la Constitution qui dit qu'au cas où les Etats qui ont un droit de veto à l'ONU auraient à voter, il faudrait qu'ils s'alignent sur les positions communes défendues par le ministre des affaires étrangères. Donc, nous n'aurons plus de politique étrangère. M. Barnier en a tiré les conséquences en invitant tous les ambassadeurs de France à être désormais les ambassadeurs aux ordres de Bruxelles.
Voilà les raisons pour lesquelles, entre autres, nous allons engager les Français à voter "non".
Nous leur dirons ceci : vous voulez, comme nous, que l'Europe survive dans la paix ; alors votez "non".
Ainsi obtiendrons-nous un traité refondateur fondé sur deux principes :
- le respect mutuel des souverainetés nationales. Il ne faut plus mépriser les peuples, ne plus les piétiner,
- les coopérations différenciées.
Nous voulons sauver l'Europe et sauver chacun de nos pays.
Cette Constitution signifie la fin de la France en tant qu'Etat-nation. Nous sommes effarés par le mensonge de beaucoup d'hommes politiques français qui nous expliquent que le mot "Constitution" n'a pas le même sens au niveau européen que pour chacun des pays pris isolément. "Le mot Constitution n'est qu'une expression ! Mais ce n'est pas une vraie Constitution !".
Qu'est-ce donc qu'une Constitution ? C'est la règle suprême qu'un peuple souverain se donne pour conférer un statut à son Etat. Et une fois de plus, c'est la Commission qui, sans vergogne, nous a expliqué, en mai 2002, que "cette Constitution aura pour l'Europe la même valeur que les Constitutions pour les Etats". La même valeur, sauf qu'elle leur sera supérieure. Car il s'agit d'une Constitution d'un Etat fédéral. Qui dit Constitution dit Etat, je le répète. Qui dit "Constitution européenne" dit "super-Etat européen", centralisé.
Que les Français soient prévenus, que les Européens soient avertis. Nous sommes des veilleurs, des éveilleurs, nous disons la vérité. En face de nous, on nous ment et depuis tant d'années !
A la fin de cette matinée, je voudrais poser une question, avec vous : le "non" a-t-il une chance de l'emporter ? Oui, une forte chance.
- La première raison tient au temps de la campagne. Il va y avoir un long temps d'explication. Un long temps de campagne. Un long temps d'analyse et de confrontation.
- La deuxième raison tient à la mobilisation : quand la mobilisation est faible, cela profite au "oui" (souvenons-nous du référendum sur le quinquennat). Quand la mobilisation est forte, que les gens se sentent impliqués, cela profite au "non", souvenons-nous du référendum sur les Antilles et du référendum sur la Corse.
Or, la mobilisation sera forte parce que la médiatisation sera grande, et que la participation sera élevée.
- La troisième raison est plus subtile : elle tient au rapport de forces. Observez le "non" et observez le "oui". Qu'est-ce qui caractérise le "oui" ? Il est univoque. Les leaders qui font voter "oui" viennt nous dire : "Voilà, il faut prolonger, poursuivre, parce que si cela s'arrête, c'est comme une bicyclette, vous tomberez avec". Le "non", quant à lui, est multiforme.
C'est comme au tir au pigeon : les tireurs du "oui" auront du mal à tirer sur deux assiettes à la fois avec la même cartouche. Il y a ceux qui disent "il faut plus de majorité" et ceux qui disent "il faut moins de majorité". En d'autres termes le "non" est contradictoire. C'est sa richesse. Et il sera très difficile pour le "oui" d'aller débusquer le "non" parce qu'il faudra aller le chercher partout et avec des arguments contradictoires. Et puis le "non" est offensif, le "oui" est poussif.
- La quatrième raison tient à la collision des calendriers : le calendrier de la ratification du traité constitutionnel est le calendrier de la décision d'ouvrir la négocation avec la Turquie. La proposition d'un référendum sur l'entrée de la Turquie est naturellement un écran de fumée qui ne trompera personne. Si les Français doivent être interrogés, c'est avant d'ouvrir la négociation et non plus quand il est trop tard.
- La cinquième raison, est la plus importante, elle tient à la frustration des Français. Ce référendum sera l'heure du bilan. Les partisans du "oui" vont nous expliquer que la Constitution est le prolongement du grand oeuvre.
Eh bien, les Français vont juger le grand oeuvre.
Or, depuis plusieurs années, ce ne sont plus que brimades et humiliations.
Un ministre de l'Economie et des Finances pourtant si plein de vitalité et qui est humilié par un commissaire sur Alsthom, Alsthom qui sera dépecé et dont un morceau sera remis à Siemens.
Un Premier ministre humilié par la Commission tout entière quand il vient demander une baisse de la TVA.
La France humiliée par la Commission alors qu'elle veut maintenir l'interdiction du maïs transgénique BT-11.
Et tous les jours, la France traînée en justice. Tous les jours... Il y a encore trois jours, avec Dominique Souchet, nous nous occupions d'un problème qui concerne les ports de l'Ouest : savez-vous ce que les commissaires de Bruxelles reprochent à la France ? Un défaut de vigilance sur le "contrôle de la taille des merluchons bretons". La France est menacée d'une lourde amende. Voilà à quoi s'occupent les commissaires.
Et puis il y a nos usines qui partent, nos tissus conjonctifs qui se déchirent, nos terroirs qui s'appauvrissent, notre territoire qui s'en va. La mer rendue aux goélands avec des pêcheurs qui agonisent : "nous étions pêcheurs de poissons, nous voilà pêcheurs de fioul". Nos campagnes qui se désertifient avec des paysans à la peine : "nous étions semeurs de récolte, nous sommes devenus planteurs de primes et producteurs de formulaires".
L'heure de vérité est arrivée. Les Français vont juger.
Les Français vont juger les trois grandes promesses de la décennie :
- "l'Europe multiplicateur de puissance".
On nous a dit "offrez votre souveraineté à Bruxelles, Bruxelles vous le rendra au centuple". Eh bien, même en euro, le centuple ne vaut pas cher. Une addition de souverainetés mutilées n'a jamais produit plus de puissance qu'une addition de culs-de-jatte n'a produit de vélocité.
- "L'Europe multiplicateur de sécurité".
Quand M. Barnier s'en va négocier au Moyen-Orient pour la libération des otages français, il y va tout seul en réactivant le portefeuille de contacts de ce qu'on appelait la "politique arabe" de la France. Parce que, quand un pays se trouve face à un très grave problème, il est seul. Raison pour laquelle on utilise l'expression "intérêts vitaux" ou "intérêts nationaux".
- "l'Europe multiplicateur de richesses".
Je me souviens très bien, au moment du débat sur Maastricht, de la phrase fameuse : "ça coûte pas cher mais ça va rapporter gros".
On nous parlait de la manne des "fonds structurels".
Je revois les maires du Sud Vendée, ébahis, éblouis et dodelinant sur le thème : "quand même, même si la tuyauterie est longue, l'arrosage est conséquent..." Le malheur aujourd'hui, c'est qu'il n'y a plus rien dans les tuyaux. Pire que cela. La France est devenue un pays contributeur net de l'Union européenne. Il est bien normal que les Français pensent tout bas, comme les Anglais tout haut : "I want my money back".
Les Français mettent en regard les promesses et la réalité. Elles ont été trahies.
Le "non" de M. Fabius est révélateur.
Sa conversion à l'Europe des nations prendra encore du temps. Mais son état de convalescence par rapport au virus de l'eurofédéralisme, dont il acceptait jusqu'à présent de diffuser le poison, nous laisse une bonne dose d'optimisme et je pense même, que le voyant progresser dans cette voie, beaucoup d'autres vont le suivre. Tous ces "non" à venir, ces "non" en puissance, sont révélateurs. Laurent Fabius étant en lui-même un eurobaromètre, il sent venir le rejet populaire. Ce "non" est révélateur du rejet populaire, révélateur d'un courant profond.
Mais plus intéressant peut-être, ce "non" est sans doute un tournant dans la vie politique française.
Jusqu'à il y a encore quinze jours, jusqu'à ce "non" là, il était établi qu'un homme politique français ne pouvait pas avoir de destin s'il omettait de faire, chaque jour, devant les commissaires de Bruxelles, la génuflexion oblique du dévôt pressé. Or, aujourd'hui, c'est l'inverse. Pour avoir un destin, M. Fabius s'éloigne de Bruxelles pour se rapprocher du peuple. Il faut aller chercher le peuple là où il est et le peuple s'éloigne des élites, qui sont devenues a-nationales.
Enfin dernière question "Et si le "non" l'emporte ?"
Vous mettez M. Barnier à ma place, il vous répondra : "c'est la fin de la paix, c'est la guerre, c'est la fin du monde".
Oui, c'est la fin d'un monde, le monde de M. Barnier.
C'est la fin d'un siècle, le XXème siècle, dans lequel, comme M. Perrichon, M. Barnier vit encore.
Or nous sommes entrés dans un autre siècle, celui du respect des nations, accepté ou revendiqué partout sur la planète.
C'est la fin d'une idéologie : l'européisme.
C'est l'occasion de regarder le monde tel qu'il évolue.
Si le "non" l'emporte, l'Europe rejoindra le monde.
Le monde évolue selon un principe qui est celui des nations.
Le monde aujourd'hui considère que la nation est l'horizon indépassable des relations internationales, qu'on soit au Moyen-Orient, qu'on soit en Irak ou au Timor oriental.
C'est le respect des nations qui permet d'établir la paix.
Alors, si le "non" l'emporte, nous, les Européens,
- nous reparlerons du périmètre de l'Europe, pour que l'Europe soit l'Europe,
- nous reparlerons du projet de l'Europe, pour qu'elle soit installée sur la libre adhésion des nations qui se respectent,
- nous reparlerons de l'architecture de l'Europe pour que son premier principe, son premier pilier, son premier dessein, soit de garantir les démocraties.
Si le "oui" l'emportait que se passerait-il ? Nous aurions "aujourd'hui en pire", "aujourd'hui l'empire", l'empire de la norme.
Et si le "non" l'emportait, que se passerait-il ? Nous aurions une Europe sans Turquie, une Europe sans commissaires, grâce à un traité refondateur, une Europe des peuples retrouvés, une Europe du respect et des coopérations harmonieuses.
Mes chers amis, avant de vous quitter, je voudrais vous dire ceci, avec tous les Européens qui sont ici, et en pensant à tous ceux qui vont nous rejoindre :
Le jour du scrutin, il faudra faire l'addition de toutes les euroréticences.
Nous n'avons pas à les juger.
Seule l'urne reconnaîtra les siens.
Quelle que soit la motivation, pourvu qu'on vote "non", c'est bon à prendre.
Par mille et un chemins différents, ils viendront, nombreux, rejoindre la cohorte du "non".
Nous lançons aujourd'hui un appel à tous les Européens.
- Je m'adresse d'abord à tous les eurosouverainistes pour leur dire ceci : "Levez les couleurs, brandissez votre bulletin de vote ! Hauts les coeurs, la victoire est en vue !".
- Mais je m'adresse aussi, à côté d'eux, à tous les euroréalistes, en leur glissant à l'oreille : "osez franchir le pas". L'urne sera au rendez-vous de votre déception, le moment est venu de protester : ils ont tourné l'Europe contre le peuple, ils ont trahi mon rêve, ils ont détourné le cours de l'histoire, je ne reconnais plus mon Europe, alors ce sera "non".
- A tous les euronostalgiques, glissez un "non" mélancolique, écoutez vos doutes : où est donc le Marché commun ? Où est l'Europe puissance indépendante ? Qu'ont-ils fait de la démocratie ? Et qui sont donc ces oligarques installés confortablement dans les fauteuils de Schuman et Gasperi ? Quelle est donc cette Europe créée par des démocrates-chrétiens et qui n'est même plus capable de désigner ses origines ?
"Schuman réveille-toi, ils sont devenus fous !".
- A tous les réfractaires de la première heure, à tous les euroFabius qui font aujourd'hui repentance, à tous les repentants, à tous les repentis, têtes cendrées, robes de bure, yeux baissés, unissez-vous dans l'urne sans chercher à renifler vos agacements. A Jean-Louis Bourlanges, hier gardien du temple, aujourd'hui premier fournisseur d'arguments en faveur du "non", qui ne peut plus ouvrir la bouche, prendre la plume sans éructer et ressasser "C'est pas ça qu'on voulait", merci Jean-Louis. Le "non" a besoin de ton talent.
- A tous les eurocontrits mécontents,
- à tous le eurococus mécontents,
- à tous les euroblêmes,
- à tous les eurodégrisés,
vous pouvez y aller en douceur, le "non" vous rendra des couleurs.
- A tous les euroflagellés,
- à tous les euroflagellants,
ne tremblez plus, n'hésitez plus, personne ne le saura, un petit "non" discret, c'est excitant !
Essayez le "non" pour la première fois.
Oui, il y aura beaucoup de monde dans l'urne, ce sera un incroyable rendez-vous de l'improbable.
Il y aura les euroalignés officiels,
eurosceptiques du-creux-de-l'oreille qui disent "oui" à Paris et qui votent "non" dans leur circonscription.
Il y aura les eurohypocrites qui font mine d'y croire et qui n'y croient plus.
- Les eurodéprimés qui auraient bien pu, mais qui ne veulent plus.
- Les europiétinés, qui auraient bien voulu, mais qui n'en peuvent plus.
Ils repartiront comme ils étaient venus, dans la discrétion, à pas de loup. Et puis, le soir du vote, le soir du résultat, ils auront juste un petit soupir pour l'entourage : "le "non" l'a emporté, tiens, j'aurais jamais cru !".
Et puis je lance un appel à tous les Français,
à tous les Français privés de parole sur l'Europe depuis tant d'années,
privés et choqués par l'absence de débat depuis des décennies,
privés de France depuis tant d'années, privés de nation, de destins tramés dans l'étoffe des songes.
A tous les Français, je propose un cri de ralliement,
un cri du coeur,
"France, je chéris ton non".
(Source http://www.mfp-villiers.com, le 14 décembre 2004