Texte intégral
La défiscalisation des investissements outre-mer, très largement méconnue, donne lieu trop souvent à des propos ou à des analyses erronés. Je le déplore car il s'agit d'un dispositif particulièrement efficace pour le développement de l'activité économique et de l'emploi outre-mer. Mais il est vrai que depuis sa création, en 1986 dans la loi Pons, la défiscalisation a pour une large part été vidée de son contenu. J'en veux pour preuve qu'entre 1997 et 2000, période où ces incitations ont été en partie remises en cause, les investissements ont diminué de 1 195 M à 644 M avec un creux à 450 M en 1998.
Or, il faut des incitations fortes pour investir outre-mer. L'outre-mer cumule en effet un certain nombre de handicaps objectifs et permanents qui justifient pleinement la défiscalisation.Les collectivités d'outre-mer sont confrontées à beaucoup de handicaps structurels : l'isolement géographique (insularité ou enclavement), un grand éloignement du continent européen, une population restreinte (2,4 millions d'habitants au total, dont 1,76 millions dans les DOM), l'étroitesse des marchés et la forte concurrence de pays voisins moins développés. Dans le cas des DOM, cette situation est du reste consacrée par le statut européen de " régions ultrapériphériques " (article 299-2 du traité communautaire), reconnu au titre de la politique régionale de l'Union européenne. Le dispositif de la défiscalisation, formellement validé par la Commission européenne, vise précisément à compenser ces handicaps permanents en contribuant au maintien des flux d'investissement nécessaires pour assurer la modernisation des entreprises et le développement économique de ces collectivités.
La durée passe de six à quinze ans.
Qu'est-ce que la défiscalisation ? La défiscalisation consiste à mobiliser l'épargne de contribuables - entreprises ou particuliers - ayant leurs bases fiscales en métropole ou dans les DOM pour financer des investissements privés outre-mer, généralement via des sociétés en nom collectif (SNC). En contrepartie du financement d'un investissement, la défiscalisation permet aux investisseurs de bénéficier d'une réduction d'impôt (impôt sur les sociétés ou impôt sur le revenu). En orientant l'épargne privée vers l'outre-mer, le dispositif de défiscalisation réduit d'environ un tiers le coût d'un équipement et permet ainsi la réalisation d'investissements qui, sinon, ne verraient probablement jamais le jour. En favorisant le développement de ces investissements, la défiscalisation responsabilise les acteurs économiques de l'outre-mer, crée de l'activité et de l'emploi et aboutit finalement à alléger de façon significative les transferts sociaux publics.
Ainsi, contrairement à une idée un peu simpliste, la défiscalisation n'a pas pour finalité de supprimer l'impôt dû par des contribuables aisés, mais fondamentalement d'injecter une part prépondérante du montant de l'économie d'impôt réalisée par ces contribuables au bénéfice des économies ultramarines. Comment ? En réduisant soit les loyers versés par l'exploitant, soit la valeur de cession de l'investissement au terme des cinq années de location. En outre, l'investisseur a l'obligation de demeurer propriétaire de l'investissement pendant cinq ans, ce qui implique qu'il se comporte de façon responsable.
La loi de programme pour l'outre-mer : un souffle nouveau
Traduction législative des engagements du Président de la République, la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a donné un nouvel élan à la défiscalisation des investissements, en offrant aux investisseurs un cadre rénové, sécurisé et simplifié. Elle a tout d'abord introduit de la lisibilité en inscrivant le dispositif de défiscalisation dans une durée de quinze ans (six ans auparavant). Les acteurs économiques et les investisseurs trouvent ainsi la sécurité qu'ils sont en droit de rechercher dans leur prise de décision. S'agissant des secteurs économiques éligibles, elle apporte plus de clarté en inversant la logique qui prévalait précédemment : tout ce qui n'est pas explicitement exclu du champ de la défiscalisation y est désormais éligible.
Quatre secteurs sont en outre prioritaires en raison de leur forte contribution au développement des économies d'outre-mer : le tourisme, avec un soutien accru aux opérations de rénovation et de réhabilitation hôtelières et à la navigation de plaisance ; le logement où les besoins sont importants ; les énergies renouvelables déjà très développées outre-mer ; enfin, le financement des entreprises qui bénéficie désormais d'un cadre fiscal très novateur avec la possibilité de créer des sociétés spécialisées dans le financement des entreprises d'outre-mer (SOFIOM). Dans un souci de simplification, les conditions de délivrance de l'agrément par l'administration fiscale ont été profondément revues.
Ainsi, l'agrément devient tacite à défaut de réponse de l'administration dans un délai de trois mois à compter de la réception du dossier d'investissement, sous réserve d'un éventuel délai d'examen par la Commission européenne dans les secteurs qu'elle réglemente. Ce délai est ramené à deux mois lorsque l'agrément est délivré localement.
En outre, dans un souci de transparence, la loi de programme a instauré une commission interministérielle dans laquelle mon ministère joue un rôle important puisqu'il en assure la présidence. Tout investisseur peut saisir cette commission dès lors qu'il est informé par la direction générale des impôts qu'elle a l'intention de lui refuser l'agrément demandé. Il s'agit donc là d'une possibilité supplémentaire de dialogue avec l'administration.
L'efficacité et la sécurité sont réellement au cur du nouveau dispositif de défiscalisation. Car notre objectif est à la fois d'assurer le dynamisme de l'activité économique et de l'emploi et de rassurer l'investisseur et le contribuable.
Des premiers résultats encourageants en terme de volume, de qualité et d'efficacité
Je relève avec satisfaction que les premiers résultats du nouveau dispositif de défiscalisation sont prometteurs. Ainsi, au cours des neuf premiers mois de l'année 2004, 257 demandes d'agrément ont été soumises à l'administration au niveau central (contre environ 150 sur les mêmes périodes de 2002 et 2003), représentant un volume d'investissements de 1.376 M. Ces chiffres marquent une nette progression par rapport aux années précédentes et traduisent l'amorce d'une réelle reprise de l'investissement outre-mer en 2004. Nous ne devons par pour autant relâcher nos efforts pour continuer à améliorer l'image de la défiscalisation des investissements outre-mer.
C'est pourquoi je constate avec plaisir qu'au moment où, grâce à la mise en uvre de la loi de programme, ce dispositif prend un nouvel essor, plusieurs opérateurs professionnels des projets en défiscalisation viennent d'adopter une charte de qualité, sorte de " code de déontologie " ou de guide des bonnes pratiques, qui bénéficiera à l'ensemble des parties prenantes à la défiscalisation : monteurs, investisseurs, exploitants, banquiers, fournisseurs et prestataires divers, collectivités locales et Etat. Il s'agit en l'occurrence de mieux définir les conditions de mise en uvre de la procédure de défiscalisation et de créer ainsi une forme de label qui, je le souhaite, s'étendra progressivement au-delà du cercle déjà important des premiers signataires. J'ai fortement encouragé cette initiative qui vise à faire de la défiscalisation un produit à la fois efficace et " éthique ", au service du développement économique et social durable de l'outre-mer.
(Source : http://www.outre-mer.gouv.fr, le 7 décembre 2004)