Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Ce projet de loi ratifiant l'ordonnance de novembre 2004 est un véritable artifice.
Je tiens à souligner que cette ordonnance a donné lieu à un simulacre de concertation. En effet, dans le cadre de la préparation de l'arsenal législatif relatif à l'aménagement du temps de travail dans les transports, les organisations syndicales, une fois de plus, ont été négligées.
Ensuite, le vrai sens de l'ordonnance ne se trouve pas dans son texte, mais dans un décret d'application adopté la semaine dernière en Conseil des ministres. Ce projet de loi ne peut donc être examiné déconnecté de ce décret.
De l'avis des organisations syndicales de salariés rencontrées, le vrai recul social se trouve dans ce décret d'application.
L'allongement de la durée du travail est entièrement autorisé. Et plus encore, à cet allongement se trouvent ajoutées la flexibilité et la modulation. De facto, la durée du travail maximale d'un conducteur courte distance sur une semaine isolée passera de 48 à 52 heures !
La durée hebdomadaire moyenne de travail augmente aussi bien pour les conducteurs courte distance que pour les grands routiers. Non seulement, elle augmente en valeur absolue passant de 48 à 52 heures pour les premiers et de 50 à 53 heures pour les seconds ; mais la possibilité de leur faire enchaîner des semaines plus denses est également accrue puisque la période sur laquelle cette moyenne est calculée passe d'un mois à trois mois, voire quatre.
Très concrètement, Monsieur le Ministre, cela signifie par exemple qu'un employeur pourra faire travailler un conducteur grand routier 56 heures par semaine pendant 2 mois et demi d'affilée, ce qui n'était pas possible auparavant.
A cela il faut ajouter que cet allongement de la durée du travail rime avec baisse de salaire.
Ce constat est la conséquence immédiate d'un décompte de la durée du travail, des heures supplémentaires et des repos compensateurs sur 3, voire 4 mois au lieu d'une semaine ou un mois suivant l'obtention de dérogation.
Avec ce nouveau décompte, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires se trouve relevé entraînant, en conséquence, une situation inacceptable pour les conducteurs : pour un travail équivalent et un temps de travail identique, il n'y a plus aucune heure supplémentaire payée !
Il s'agit d'un véritable marché de dupe dont les victimes sont encore une fois les salariés.
Nous sommes loin du " travailler plus pour gagner plus " !
Ce projet de loi de ratification d'ordonnance et le décret qui en découle, concoctent donc un droit du travail sur mesure pour le patronat du secteur transport.
Et je le redis, en relevant le seuil de la durée maximale hebdomadaire des conducteurs, en supprimant la notion de durée maximale annuelle et en instituant de droit le décompte de la durée du travail sur 3 mois supprimant en moyenne 32 jours de repos compensateur, en maintenant les équivalences, ce décret va, en outre, faire disparaître un nombre conséquent d'infractions qui jusqu'ici étaient relevées et sanctionnées.
Alors que les abus sont manifestes et que les moyens mis à disposition des contrôleurs insuffisants : je rappelle qu'en moyenne une entreprise est contrôlée tous les 8 ans et que plus de 20 % des infractions relevées le sont pour entrave au respect de la durée légale du travail !
Pour assurer l'ensemble des contrôles, ce sont 50 postes supplémentaires de contrôleurs du travail qu'il faudrait créer pour faire face à ces missions. Le gouvernement n'en a créé que 3 en 2005 ou que 3 depuis janvier 2005 ????!
Dans ces conditions, il va sans dire que le contrôle du respect, par les employeurs, des dispositions sur la rémunération, des durées de travail et des normes de sécurité ne sera pas efficace, voire impossible dans les moyennes ou grandes entreprises.
Alors le discours généreux sur la sécurité routière ne pèse pas bien lourd, et reste, hélas -pour l'ensemble des conducteurs concernés et pour les autres usagers de la route-, une préoccupation de façade que vous sacrifiez facilement aux intérêts du patronat des transports.
Sachez, et vous ne pouvez l'ignorer, que les conducteurs sont soucieux de la sécurité routière. Ils désirent être des piliers dans la prévention et la lutte contre ce fléau. Or, dans le cas présent vous les désarmez !
Il faut les écouter vous expliquer leurs conditions de travail, la pénibilité de leur profession, les cadences insoutenables et les rythmes imposés par l'employeur, pour être vite convaincu des dégâts que causeront ces mesures. Ce qui les inquiète au plus haut point.
La lutte contre l'insécurité routière suppose et demande comme préalable que ne soit pas ignorée la question des durées et que ces dernières soient traitées dans le chapitre des conditions de travail des conducteurs routiers.
Quel crédit donner à votre action quand, dans le même temps, vous organisez avec la ratification de cette ordonnance et le décret du 30 mars dernier, la multiplication des exemples que nous connaissons déjà tous : des conducteurs de véhicules pesant jusqu'à 44 tonnes pouvant en toute légalité être contraints à conduire jusqu'à 10 heures sur une journée de 12 heures, en ne faisant des pauses que toutes les 4 heures, le tout après un repos quotidien qui peut être réduit à 8 heures souvent 6 !
Ajoutons que ces modifications de la législation du travail laissent aux employeurs la possibilité de dégrader irrémédiablement les conditions de travail des conducteurs de messagerie et de transport de fonds - secteurs nullement concernés par la concurrence et donc devant être dégagés du champ d'application des mesures-.
En définitive, l'ordonnance N°2004-1197, qu'il nous est proposé de ratifier, va au-delà d'une simple transposition des directives européennes en droit interne. Elle vient bouleverser la réglementation de la durée du travail dans le sens du moins disant-social.
Elle contrevient immanquablement à l'institution de mesures de protection plus élevées que les mesures en vigueur. En conséquence, elle ne peut pas être considérée comme une transposition légale des directives, elle est non-conforme à ses prescriptions.
C'est d'ailleurs le sens d'un recours devant le Conseil d'Etat d'une organisation syndicale de salariés.
La conséquence de cette ordonnance, ainsi que la modification du décret 83-40, entraînent un retour en arrière de 15 ans quant aux conditions de travail des conducteurs. Mais également, mettent à mal la sécurité des transporteurs et par ricochet celles des utilisateurs de la route. A la pénibilité de cette profession, vous y ajoutez sa déréglementation et l'insécurité. C'est véritablement une attitude qui n'est pas responsable.
Pour toutes ces raisons nous voterons contre ce projet de loi de ratification.
(Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 18 avril 2005)
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Ce projet de loi ratifiant l'ordonnance de novembre 2004 est un véritable artifice.
Je tiens à souligner que cette ordonnance a donné lieu à un simulacre de concertation. En effet, dans le cadre de la préparation de l'arsenal législatif relatif à l'aménagement du temps de travail dans les transports, les organisations syndicales, une fois de plus, ont été négligées.
Ensuite, le vrai sens de l'ordonnance ne se trouve pas dans son texte, mais dans un décret d'application adopté la semaine dernière en Conseil des ministres. Ce projet de loi ne peut donc être examiné déconnecté de ce décret.
De l'avis des organisations syndicales de salariés rencontrées, le vrai recul social se trouve dans ce décret d'application.
L'allongement de la durée du travail est entièrement autorisé. Et plus encore, à cet allongement se trouvent ajoutées la flexibilité et la modulation. De facto, la durée du travail maximale d'un conducteur courte distance sur une semaine isolée passera de 48 à 52 heures !
La durée hebdomadaire moyenne de travail augmente aussi bien pour les conducteurs courte distance que pour les grands routiers. Non seulement, elle augmente en valeur absolue passant de 48 à 52 heures pour les premiers et de 50 à 53 heures pour les seconds ; mais la possibilité de leur faire enchaîner des semaines plus denses est également accrue puisque la période sur laquelle cette moyenne est calculée passe d'un mois à trois mois, voire quatre.
Très concrètement, Monsieur le Ministre, cela signifie par exemple qu'un employeur pourra faire travailler un conducteur grand routier 56 heures par semaine pendant 2 mois et demi d'affilée, ce qui n'était pas possible auparavant.
A cela il faut ajouter que cet allongement de la durée du travail rime avec baisse de salaire.
Ce constat est la conséquence immédiate d'un décompte de la durée du travail, des heures supplémentaires et des repos compensateurs sur 3, voire 4 mois au lieu d'une semaine ou un mois suivant l'obtention de dérogation.
Avec ce nouveau décompte, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires se trouve relevé entraînant, en conséquence, une situation inacceptable pour les conducteurs : pour un travail équivalent et un temps de travail identique, il n'y a plus aucune heure supplémentaire payée !
Il s'agit d'un véritable marché de dupe dont les victimes sont encore une fois les salariés.
Nous sommes loin du " travailler plus pour gagner plus " !
Ce projet de loi de ratification d'ordonnance et le décret qui en découle, concoctent donc un droit du travail sur mesure pour le patronat du secteur transport.
Et je le redis, en relevant le seuil de la durée maximale hebdomadaire des conducteurs, en supprimant la notion de durée maximale annuelle et en instituant de droit le décompte de la durée du travail sur 3 mois supprimant en moyenne 32 jours de repos compensateur, en maintenant les équivalences, ce décret va, en outre, faire disparaître un nombre conséquent d'infractions qui jusqu'ici étaient relevées et sanctionnées.
Alors que les abus sont manifestes et que les moyens mis à disposition des contrôleurs insuffisants : je rappelle qu'en moyenne une entreprise est contrôlée tous les 8 ans et que plus de 20 % des infractions relevées le sont pour entrave au respect de la durée légale du travail !
Pour assurer l'ensemble des contrôles, ce sont 50 postes supplémentaires de contrôleurs du travail qu'il faudrait créer pour faire face à ces missions. Le gouvernement n'en a créé que 3 en 2005 ou que 3 depuis janvier 2005 ????!
Dans ces conditions, il va sans dire que le contrôle du respect, par les employeurs, des dispositions sur la rémunération, des durées de travail et des normes de sécurité ne sera pas efficace, voire impossible dans les moyennes ou grandes entreprises.
Alors le discours généreux sur la sécurité routière ne pèse pas bien lourd, et reste, hélas -pour l'ensemble des conducteurs concernés et pour les autres usagers de la route-, une préoccupation de façade que vous sacrifiez facilement aux intérêts du patronat des transports.
Sachez, et vous ne pouvez l'ignorer, que les conducteurs sont soucieux de la sécurité routière. Ils désirent être des piliers dans la prévention et la lutte contre ce fléau. Or, dans le cas présent vous les désarmez !
Il faut les écouter vous expliquer leurs conditions de travail, la pénibilité de leur profession, les cadences insoutenables et les rythmes imposés par l'employeur, pour être vite convaincu des dégâts que causeront ces mesures. Ce qui les inquiète au plus haut point.
La lutte contre l'insécurité routière suppose et demande comme préalable que ne soit pas ignorée la question des durées et que ces dernières soient traitées dans le chapitre des conditions de travail des conducteurs routiers.
Quel crédit donner à votre action quand, dans le même temps, vous organisez avec la ratification de cette ordonnance et le décret du 30 mars dernier, la multiplication des exemples que nous connaissons déjà tous : des conducteurs de véhicules pesant jusqu'à 44 tonnes pouvant en toute légalité être contraints à conduire jusqu'à 10 heures sur une journée de 12 heures, en ne faisant des pauses que toutes les 4 heures, le tout après un repos quotidien qui peut être réduit à 8 heures souvent 6 !
Ajoutons que ces modifications de la législation du travail laissent aux employeurs la possibilité de dégrader irrémédiablement les conditions de travail des conducteurs de messagerie et de transport de fonds - secteurs nullement concernés par la concurrence et donc devant être dégagés du champ d'application des mesures-.
En définitive, l'ordonnance N°2004-1197, qu'il nous est proposé de ratifier, va au-delà d'une simple transposition des directives européennes en droit interne. Elle vient bouleverser la réglementation de la durée du travail dans le sens du moins disant-social.
Elle contrevient immanquablement à l'institution de mesures de protection plus élevées que les mesures en vigueur. En conséquence, elle ne peut pas être considérée comme une transposition légale des directives, elle est non-conforme à ses prescriptions.
C'est d'ailleurs le sens d'un recours devant le Conseil d'Etat d'une organisation syndicale de salariés.
La conséquence de cette ordonnance, ainsi que la modification du décret 83-40, entraînent un retour en arrière de 15 ans quant aux conditions de travail des conducteurs. Mais également, mettent à mal la sécurité des transporteurs et par ricochet celles des utilisateurs de la route. A la pénibilité de cette profession, vous y ajoutez sa déréglementation et l'insécurité. C'est véritablement une attitude qui n'est pas responsable.
Pour toutes ces raisons nous voterons contre ce projet de loi de ratification.
(Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 18 avril 2005)