Déclaration de M. Christian Poncelet, Président du Sénat, sur l'utilité du département dans le processus de décentralisation, Nantes le 5 avril 2005.

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Circonstance : Ouverture des cinquièmes assises des conseillers généraux de France, à Nantes (Loire-Atlantique), le 5 avril 2005

Texte intégral

Madame le Ministre, chère Marie-Josée ROIG,
Monsieur de Président de l'Assemblée des départements de France, cher Claudy LEBRETON,
Mesdames, Messieurs les présidents de conseil général,
Mesdames, Messieurs les conseillers généraux,
Chers amis,
Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux d'être parmi vous, Mesdames, Messieurs les conseillers généraux de France, à Nantes, à l'occasion de vos cinquièmes assises.
Permettez-moi ensuite de saluer nos hôtes, M. le Président du conseil régional des Pays de la Loire, M. le président du conseil général de Loire-Atlantique et M. le député-maire de Nantes. Merci à eux de nous accueillir dans cette magnifique cité des congrès, où j'aurai plaisir à les retrouver en compagnie de mes collègues sénateurs, le 24 juin prochain, à l'occasion des États généraux des élus locaux des Pays de la Loire.
Permettez-moi enfin de saluer mes amis Claudy LEBRETON et Louis de BROISSIA qui ont permis, ensemble, la tenue de cette réunion de famille.
A travers eux, je veux donner un coup de chapeau à ceux qui, dans les 4.200 cantons de France, font battre le cur de la démocratie locale et incarnent la République des territoires, seule à même de réconcilier les citoyens et le politique.
Mes chers amis, c'est donc pour moi un réel plaisir de vous retrouver à un moment clé de notre histoire.
Véritable révolution culturelle dans un pays pétri de culture étatiste et de réflexes centralisateurs, " l'organisation décentralisée " de notre République est désormais consacrée par notre Constitution.
N'en déplaise aux irréductibles jacobins ! N'en déplaise à ceux qui en 1999, lorsque j'ai déposé au Sénat la première proposition de loi constitutionnelle, expliquaient pourquoi la décentralisation ne méritait pas une telle reconnaissance.
Quel chemin parcouru, contre vents et marées ! Alors oui, je veux vous faire un aveu : j'ai le sentiment du devoir accompli !
Aujourd'hui, mes chers collègues, je voudrais vous dire ma conviction et lancer un appel.
Tout d'abord, un constat s'impose pour les présidents de conseil général comme pour l'ensemble des conseillers généraux : l'acte deux de la décentralisation, loin de porter un coup de grâce à l'institution départementale, a conforté la place et le rôle du département.
A l'évidence, ceux qui misaient sur le délitement du département et ont écrit, un peu rapidement, la chronique de sa mort annoncée, se sont lourdement trompés ; et ce pour deux raisons.
- Première raison : le département, fils spirituel de la Révolution française, a démontré, au fil du temps, sa légitimité, son utilité et sa modernité.
Trait d'union naturel entre l'urbain et le rural, le département incarne aujourd'hui, grâce au travail de terrain que vous menez avec passion, courage et abnégation, une institution bien vivante, à l'avenir prometteur, une collectivité qui a le vent en poupe.
En ce sens, la loi du 13 août 2004 relative " aux libertés et responsabilités locales " a renforcé les compétences de ce " jeune bicentenaire " et consacré, notamment, son rôle premier et primordial en matière de lien social.
Au total, je ne sais si les départements sont les grands gagnants de l'acte deux de la décentralisation.
Ce que je crois, en revanche, c'est que leur vocation de catalyseurs de projets, d'acteurs sociaux et d'aménageurs de territoires a largement été confortée au sein de notre nouvelle République décentralisée, de notre République des territoires.
- Seconde raison : les départements et leurs représentants ont su dépasser leurs différences pour se rassembler, se réunir sous une même " bannière ", celle de la grande famille départementale.
Cette solidarité départementale a ainsi permis de transcender les clivages, de dépasser les querelles trop souvent stériles afin de poursuivre un objectif commun de promotion du département.
A cet égard, je n'oublie pas que l'Assemblée des départements de France a su contribuer, au Sénat, à l'avènement de la réforme constitutionnelle de mars 2003.
- C'est ensemble que nous sommes parvenus à influencer, en amont, le projet du Gouvernement et à faire inscrire, dans la Constitution, des garanties essentielles pour la décentralisation.
Le principe de l'autonomie fiscale, celui de la compensation à due concurrence des transferts de compétences - dont, nous pourrons mesurer toute l'utilité quand, et seulement quand, l'intégralité des transferts de compétences sera effective-, ou encore l'objectif primordial de la péréquation sont désormais reconnus par notre loi fondamentale.
- C'est ensemble que nous veillerons, en aval, au respect de ces nouvelles garanties.
J'en viens maintenant à l'appel que je souhaite vous lancer.
En tant que Président du Sénat, je ne peux tolérer les tentations ou les tentatives de diabolisation de la décentralisation. Ne prenons pas en otage cette réforme bénéfique.
Ne nous trompons pas de débat ! Ce qui est en jeu, c'est bien la décentralisation, un " projet de société " dont nos concitoyens perçoivent les bienfaits, chaque jour un peu plus.
Aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins. Alors de grâce, tournons définitivement la trop longue page d'une France centralisée pour pleinement reconnaître la maturité des élus locaux !
Ce devoir de vigilance, je l'exercerai au Sénat.
Ainsi, je souhaite que l'Assemblée des départements de France soit, au même titre que les autres associations d'élus locaux, pleinement associée aux travaux de l'Observatoire de la décentralisation que je viens de créer au Sénat.
L'objectif de cet Observatoire pluraliste est simple : procéder à une évaluation transparente de la compensation financière des transferts de charges, évaluer globalement les politiques publiques locales et formuler, le cas échéant, des propositions pour " corriger le tir ".
L'Observatoire a vocation à devenir " le juge de paix " objectif, le " shérif " impartial de la décentralisation. C'est pour lui une ardente obligation. Car il y va de sa crédibilité.
Son président, notre collègue et ami Jean PUECH, lui a déjà assigné une mission de taille qui intéresse tous les présidents de conseil général et tous les conseillers généraux de France : étudier, dans les meilleurs délais, le cas particulier du transfert aux départements du RMI et de la création du RMA.
A ce titre, le Premier ministre a confirmé, la semaine passée, que l'État honorerait sa dette (aujourd'hui évaluée à 450 millions d'euros), dès lors que le montant des dépenses réalisées par les départements en 2004 sera définitivement connu, c'est-à-dire lorsque seront votés les comptes administratifs 2004.
Pour ma part, je compte sur la qualité des travaux de l'Observatoire pour que soit évalué, de manière irréfutable, le montant de la compensation financière qui s'avèrera nécessaire.
Encore une fois, j'appelle tous les républicains à se mobiliser pour gagner ensemble le pari du local, cette aventure exaltante de la France des territoires, de la France des proximités dans une société toujours plus globalisée.
Je compte sur vous, Mesdames et Messieurs les conseillers généraux de France. Je compte sur votre engagement inlassable pour faire taire ceux qui souhaitent que rien ne change !
Je compte sur vos travaux, pendant ces trois jours, qui s'annoncent aussi nécessaires qu'utiles.
En retour, comptez sur moi pour que le Sénat contribue pleinement à la réussite de cette " nouvelle frontière ", et qu'il continue à jouer son rôle d'aiguillon, de " laboratoire d'idées ", à l'écoute et au service de nos concitoyens, pour bâtir une France moderne, une France dynamique et une France solidaire.
(Source http://www.senat.fr, le 8 avril 2005)