Tribune de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, dans "Ouest-France" du 13 avril 2005, sur sa position en faveur du "oui" au référendum sur le projet de texte constitutionnel européen, intitulée "Dix articles de la Constitution européenne pour dire oui".

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Média : Ouest France

Texte intégral

Le traité constitutionnel que le Président de la République a décidé de soumettre aux suffrages des Françaises et des Français le 29 mai améliore concrètement l'organisation et les perspectives de l'Europe. L'humanisme à la française a largement inspiré ce nouveau traité. Dix articles, plus particulièrement, me paraissent illustrer les véritables avancées de l'Europe du XXIème siècle.
1 - Une Europe plus politique
Art. 1-22 : " Le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois ".
Avec cette décision, le traité met fin à l'actuelle instabilité politique de la présidence du Conseil qui, changeant tous les six mois, ne peut réellement imposer son autorité à une administration qui, elle, bénéficie de la durée. Le traité est nécessaire pour endiguer les dérives technocratiques du passé.
2 - Une Europe plus sociale
Art. 1-3 : " L'union uvre... pour une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social... Elle combat l'exclusion sociale et les discrimination et prône la justice et la protection sociale, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant ".
L'Europe affiche son ambition sociale pour la première fois aussi clairement, notamment en reconnaissant le rôle actif des partenaires sociaux dans le cadre d'un sommet tripartite pour la croissance et l'emploi (art.1-48).
3 - Une ouverture à la société civile
Art. 1-47-2 : " Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile ".
L'Europe s'ouvre enfin, au-delà de Bruxelles, à toutes les forces vives qui animent la société européenne.
4 - Une Europe solidaire pour sa sécurité
Art. 1-43 : " L'Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l'objet d'une attaque terroriste, ou la victime naturelle ou d'origine humaine "
L'Europe, par cet engagement, met sa puissance au service de la solidarité de ses peuples pour, ensemble, faire face aux multiples menaces qui font un monde toujours instable.
5 - L'Europe des États et l'Europe des peuples réconciliés
Art. 1-25 : " La majorité qualifiée se définit comme étant égale à au moins 55 % des membres du Conseil, comprenant au moins quinze d'entre eux et représentant des États membres réunissant au moins 65 % de la population de l'Union "
Le débat Europe fédérale-Europe des États est maintenant dépassé. L'Europe nouvelle retient le principe d'une double majorité, qualifiée, 55 % des États et 65 % de la population. Pour prendre une décision, il faudra donc réunir l'Europe des peuples et celle des États.
6 - Le " voisinage " n'est pas nécessairement l'adhésion
Art. 1-57 : " L'Union développe avec les pays de son voisinage des relations privilégiées, en vue d'établir un espace de prospérité et de bon voisinage, fondées sur les valeurs de l'union et caractérisées par des relations étroites et pacifiques reposant sur la coopération ".
Le choix ne se limite plus comme auparavant entre adhésion et exclusion, mais il devient possible d'établir avec un pays un statut de coopération privilégiée. De plus, toute nouvelle adhésion sera soumise à deux conditions, l'une européenne, le pays candidat doit faire la preuve qu'il veut et qu'il peut appliquer correctement les valeurs de l'Union, l'autre française, depuis la dernière révision de notre Constitution le peuple français, par référendum, aura le dernier mot.
7 - L'Europe doit participer à l'équilibre et à la paix du monde
Art. 1-12-4 : " l'Europe dispose d'une compétence pour définir et mettre en uvre une politique étrangère et de sécurité commune, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune ".
Nos parents ont fait l'Europe pour faire la paix à l'intérieur de nos frontières, notre génération doit conforter l'Europe pour faire la paix à l'extérieur en participant à un nouvel équilibre du monde. Pour sa sécurité, contre le terrorisme et les tensions régionales ou continentales, le monde a besoin d'une puissante Europe, force de paix.
8 - Une grande Europe qui permet des " Europes plus petites mais plus fortes "
Art. 1-44-4 : " Les actes adoptés dans le cadre d'une coopération renforcée ne lient que les États membres participants "
Entre pays qui veulent avancer plus vite et plus loin sur des politiques communes, il sera possible de construire des coopérations renforcées, sans retard.
9 - Des services publics à la française sur tout le territoire
Art. II-96 : " L'union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique généraux tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément à la constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union ".
Les services publics sont reconnus dans leur dimension économique et sociale mais aussi territoriale. L'Europe ne menace donc pas les services publics à la française, ni en milieu rural ni ailleurs ; bien au contraire, elle les consacre.
10 - Une Europe fidèle à l'humanisme français
Art. 1-9 : " L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux... l'Union adhère à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ".
La Charte des Droits fondamentaux de l'Union en 53 articles défend les valeurs de l'humanisme français fondé par la " Grande Déclaration " de 1789 et par le préambule de la Constitution de 1946. Les idées et convictions de la France sont ainsi placées au cur du nouveau projet européen proposé par le nouveau traité.
De nombreux autres articles m'ont convaincu que ce nouveau traité, dont je suis l'un des signataires, est bon pour la France. La France a besoin de l'Europe et l'Europe est nécessaire à l'équilibre du monde. Ainsi, le Oui est la réponse d'avenir à la question posée au peuple de France.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 avril 2005)