Interviews de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des solidarités, de la santé et de la famille, sur RTL le 5 avril 2005 et sur Europe 1 le 6 avril 2005, sur l'évolution des comptes de la sécurité sociale en 2004, l'organisation de la prise en charge des urgences médicales et les fraudes à la carte vitale.

Prononcé le

Média : Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - RTL

Texte intégral

Interview de M. Philippe Douste-Blazy, sur RTL le 5 avril 2005 :
J.-M. Aphatie - P. Douste-Blazy, D. de Villepin, votre collègue de l'Intérieur, invite les préfets à assister vendredi au service funèbre organisé dans votre département, à la mémoire de Sa Sainteté Jean-Paul II. N'en faites-vous pas un peu beaucoup, P. Douste-Blazy ?
P. Douste-Blazy - Ecoutez, je crois que, enfin...je vous réponds à titre personnel...
Q- Vous êtes membre du Gouvernement tout de même.
R- Oui, mais je vais vous répondre aussi à titre personnel, parce que je ne vois pourquoi je ne le ferais pas.
Q- D'accord, les deux alors.
R- D'abord à titre personnel : j'estime que le Pape Jean-Paul II a été un homme tout à fait exceptionnel dans la quête de démocratie, dans la quête de paix, surtout dans sa force de conviction vis-à-vis de la jeunesse, et surtout vis-à-vis des pauvres et des plus modestes. Je pense que c'était un exemple. Je ne vois pas pourquoi je ne le dirais pas si je le pense à titre personnel.
Q- Ah ! mais la question était : les préfets doivent-ils aller vendredi à la messe ?
R- Attendez je continue.
Q- Oui bien sûr.
R- Mais je préférais le dire puisque vous me donnez l'occasion de le dire, ça me fait plaisir de le faire.
Q- Mais j'en suis très heureux, très bien.
R- Et deuxièmement, sur le plan politique et gouvernemental, le Pape Jean- Paul II était un homme d'Etat, qui avait des relations fortes avec notre pays, quels que soient les gouvernements M. Aphatie. Et il me paraît tout à fait normal...Je trouve que D. de Villepin - d'ailleurs comme très souvent - a raison.
Q- Et la polémique, vous la comprenez-vous ou pas ? Ceux qui disent que, voilà : drapeaux en berne, les préfets... Comprenez-vous qu'il y ait des gens qui, au nom de la laïcité, manifestent quelques désaccords ?
R- Non. Parce que je trouve que c'est de la laïcité intégriste, à ce niveau-là.
Q- Point final sur ce sujet ?
R- Oui. Si vous voulez, je peux continuer.
Q- Non, non point final. Beaucoup de médecins urgentistes, hier, se sont associés au mouvement de grève pour protester contre le manque de moyens, la fermeture de lits. Comment pensez-vous sortir de cette crise P. Douste-Blazy ?
R- D'abord, je lance un appel, ce matin, à votre micro, au rassemblement du corps médical. Je ne voudrais pas qu'il y ait d'un côté, des médecins urgentistes hospitaliers, et de l'autre, des médecins libéraux, qui ne se parlent pas ou qui s'envoient à la figure des injures. En réalité, pourquoi ce problème ? Parce que...
Q- Des urgentistes.
R- Oui, pourquoi le problème des urgences ? Parce que, d'un côté, c'est vrai, il y a une modification de la société. Les gens viennent directement à l'hôpital, de plus en plus. Et puis, il faut bien le dire, parfois il y a des médecins libéraux, qui sont de garde 24 heures sur 24, sept jours sur sept, qui en ont marre parfois, et qui arrêtent de prendre des gardes. Alors là, il faut changer les choses. J'ai le plaisir de vous dire ce matin qu'il y a un décret qui va sortir dans quelques jours, puisqu'il passe en conseil d'Etat jeudi, donc dans les 48 heures au Journal Officiel, qui permet de bien définir la prise en charge, département par département, des urgences. Et ce décret, permet une concertation entre médecins libéraux et médecins urgentistes, encore une fois, département par département, et par secteur.
Q- C'est-à-dire que c'est le décret sur la permanence des soins ?
R- Oui.
Q- C'est cela ? Il a été annoncé au Conseil d'Etat le 12 avril. Vous avez accéléré la procédure.
R- Oui, j'ai demandé à ce que ce soit accéléré.
Q- Et donc d'ici à la fin de la semaine il sera publié ?
R- Voilà. Alors je le dis très calmement et très fermement aux uns et aux autres : je n'accepterai pas qu'un seul kilomètre carré de ce territoire soit sans gardes et sans prises en charge des urgences.
Q- Vous ne l'accepterez pas. Cela veut dire quoi ?
R- Cela veut dire que je vais évaluer, je fais ce décret, qui va permettre, je dirais une beaucoup plus grande incitation pour les médecins généralistes, pour les médecins spécialistes, à prendre des gardes la nuit, et le week-end. Je vais évaluer cela dans six mois. Dans six mois, je prendrai mes responsabilités, car je ne peux pas accepter - j'ai prêté moi aussi le serment d'Hippocrate - ...
Q- Le serment des médecins.
R- Voilà...On ne peut pas accepter l'idée qu'il n'y ait pas une prise en charge de malades.
Q- Mais selon vous, c'est juste un problème d'organisation, pas un problème de moyens. Il y a assez de moyens, il y a assez d'argent. Ce n'est pas la question.
R- M. Aphatie c'est la première chose que j'ai faite en arrivant : "un plan urgences de 489 millions d'euros".
Q- Et cela suffit ?
R- Sur trois ans. Première année 2004 : 150 millions d'euros, 2.740 postes, 90% sont sur le terrain. Et j'ai cela avec M. Pelloux, avec MM. Giroud et Kopfer-Schmidt, qui sont les trois patrons des syndicats de médecins urgentistes. Je le fais avec eux, ils font partie de la table tous les jours.
Q- D'accord. Mais il n'y aura pas de moyens supplémentaires ?
R- C'était pour 2004. 2005 : 175 millions d'euros. C'était prévu, cela va être fait également avec eux. Et je demande dès cette semaine, agence régionale d'hospitalisation par agence régionale d'hospitalisation, quels sont les services par lesquels il faut commencer.
Q- On comprend que vous ayez des difficultés parce que, si on comprend bien, il y a des trous dans la caisse, donc vous n'avez sans doute pas beaucoup de moyens. Vous savez de qui est la
formule "il y a des trous dans la caisse" ?
R- Beaucoup de gens disent qu'"il y a des trous dans la caisse"...
Q- N. Sarkozy, jeudi soir, sur France 2. "Il y a des trous dans la caisse". Est-ce vrai ?
R- Dans la caisse de l'assurance maladie ? Attendez, ce n'est pas tout à fait pareil.
Q- Dans la caisse de l'Etat. Dans la grande caisse de l'Etat.
R- Alors, dans la caisse de l'assurance maladie, je ne peux pas trop le dire ce matin, mais N. Sarkozy, et d'autres, auront une très belle surprise, demain, lors des résultats des comptes... il y a une dizaine d'années qu'on n'a pas eu de résultats comme cela sur l'assurance maladie.
Q- C'est bien d'en dire aussi sur l'antenne d'RTL, ce matin, donc un bon résultat pour l'assurance maladie.
R- Oui, mais ce sera officiel demain.
Q- On va attendre demain.
R- Je n'ai pas l'habitude de le dire avant.
Q- On va patienter. Quand vous entendez N. Sarkozy dire des choses comme cela - "il y a des trous dans la caisse" -, vous vous dites quoi ? Qu'il manque un peu de solidarité avec vous ?
R- Non, quand il dit qu'il y a un déficit, il a raison. Il faut toujours dire la vérité.
Q- Dire qu'il y a un déficit et dire qu'"il y a des trous dans la caisse", ce n'est pas la même tonalité. Vous la percevez bien P. Douste- Blazy ?
R- Enfin en tout cas, cela me permet donc de vous dire, ce matin, que, grâce à la réforme de l'assurance maladie, et je me souviens très bien des discussions que nous avions avec lui à l'époque : certains pensaient que j'en faisais trop, d'autres pas assez. On avait dit : c'est une réformette, une petite réforme. J'ai le plaisir de vous dire, ce matin, qu'il y a six millions déjà de Français qui ont choisi un médecin de famille, un médecin traitant, et que nous allons avoir des résultats. Tenez, prenez l'exemple des arrêts maladie : les arrêts maladie ont augmenté de 10 %, par an, depuis dix ans, pratiquement, entre 8 et 10. Cette fois-ci ils baissent de 5 %. Et je pourrais continuer sur les soins de ville, sur les médicaments, etc.
Q- Je voulais revenir à la politique. J.-L. Debré disait - il était à votre place vendredi - que : "quand un chef de parti majoritaire parle comme parle Nicolas Sarkozy, c'est un vrai problème politique". Partagez-vous ce jugement ?
R- Non, je dis aujourd'hui que les Français attendent de nous des arguments convaincants pour le "oui", d'ici deux mois. Pas des stratégies politiques d'ici deux ans !
Q- D'accord, c'est une forme de réponse. On a lu dans l'Express du 14 mars un article vous concernant, un long article, intitulé : "Enquête sur un illusionniste". C'était vous "l'illusionniste" P. Douste-Blazy, d'après ce papier. Comment reçoit-on un papier comme cela quand on est responsable politique ?
R- Il y a deux manières. Soit on le prend au premier degré, et cela fait mal. Soit on se dit que, voilà, avoir six pages sur soi dans l'Express, alors que je n'avais aucune raison de faire l'actualité, du début à la fin très négatives. C'est que je dois commencer à déranger des gens. Après tout, ce n'est pas plus mal.
Q- Enquêtez-vous pour savoir qui vous dérangez ?
R- Non ce n'est pas mon style. Moi j'avance. J'avance positivement, et je vote "oui à la Constitution". Je fais un tour de France du "oui". Et ce qui me paraît le plus important, c'est de parler avec ceux qui votent "non", et pas uniquement ceux qui votent "oui".
P. Douste-Blazy, qui a annoncé sur RTL qu'il annoncerait demain des bonnes nouvelles, était donc l'invité de RTL.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 avril 2005)
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Interview de M. Philippe Douste-Blazy, sur Europe 1 le 6 avril 2005 :
J.-P. Elkabbach - L'homme qui gère cent milliards d'euros de plus que l'Etat. Bonjour P. Douste-Blazy.
P. Douste-Blazy - Bonjour.
Q- Vous avez promis, pour aujourd'hui, une belle surprise. Quelle belle surprise ?
R- Ecoutez, les comptes de la Sécurité sociale, pour 2004, sont arrêtés aujourd'hui ; on a une surprise, en effet, on ne s'y attendait pas : nous aurons deux milliards d'économies de plus que prévu lors du projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui avait lieu en septembre/octobre. Qu'est-ce que je n'avais pas entendu à l'époque ? On m'avait dit que j'étais déjà trop optimiste, eh bien...
Q- La réformette de Douste-Blazy.
R- Voilà, la réformette, ça ne servait à rien sous prétexte qu'il n'y avait personne dans la rue. Là, nous avons deux milliards d'euros, je crois que cela fait une dizaine d'années que l'on n'a pas eu cette surprise, et c'est essentiellement du à l'assurance maladie avec une diminution, donc...
Q- Les dépenses d'assurance maladie commencent à évoluer vers la baisse ou elles progressent moins vite ?
R- Elles progressent moins vite, car dire que les dépenses d'assurance maladie ne vont pas augmenter serait évidemment fou, ne serait-ce qu'en raison de l'augmentation de l'espérance de vie, en raison des progrès médicaux... Par exemple, le dernier anticancéreux, c'est 31 000 par malade.
Q- Donc, le déficit de la branche maladie diminue.
R- Il diminue, mais surtout on peut voir pour la première fois depuis plus de dix ans qu'il y a une progression très, très faible, 1,6 %, des dépenses de soins de ville, c'est-à-dire les médecins... Il y a aussi une diminution de la progression sur les médicaments, avec les génériques, et je le redis ici, les génériques c'est exactement les mêmes médicaments que les médicaments de marque.
Q- Le prince Rainier vient de mourir, c'est officiel, je le reçois à l'instant.
R- Oui, eh bien c'est triste, parce que c'est un homme qui aura marqué, très profondément, et la Principauté et toutes les relations entre les chefs d'Etat et la principauté de Monaco.
Q- Et on peut comprendre l'émotion à Monaco et en France et tout ce qui va se faire autour de la disparition du Prince Rainier. On comprend l'émotion aussi de la famille et du régent, le Prince Albert, qu'il faudra soutenir au début de sa période de responsabilités et d'autorité à Monaco.
R- Oui, pour l'avoir rencontré plusieurs fois, je pense qu'il est tout à fait à même de continuer l'uvre de son père et il s'y prépare déjà, il s'y préparait déjà.
Q- Et il vaut beaucoup mieux que ce que l'on a cru, lui aussi. C'est possible.
R- Oui, je pense qu'aujourd'hui il y a, de la part du Prince Rainier, il y avait une responsabilité, on le sentait, de transmettre le passage de témoin à son fils.
Q- Et on sait qu'il y a de très bonnes relations entre Monaco et la France.
R- Oui, c'est nécessaire d'ailleurs, et ce sont des amis, Il y a aussi des relations que nous devons continuer à entretenir malgré les sarcasmes de certains.
Q- Oui, et l'ancien préfet de police de Paris, J.-P. Proust, est bientôt nommé à Monaco, ministre. Voilà. Merci d'avoir réagi, comme ça, à chaud, en apprenant la nouvelle à l'instant de la mort du Prince Rainier. Je reviens à ce qui vous concerne directement, P. Douste- Blazy. Le déficit de la branche maladie diminue, mais il y a toujours un déficit. De combien ?
R- Alors, ce déficit est de 11,6 milliards au lieu de 13,2. On s'attendait à 13,2, on a 11,6. Ça veut dire que c'est énorme, ça veut dire qu'il faut continuer, évidemment, le combat, mais ça veut dire une chose aussi : c'est que lorsque l'on change nos comportements, on peut modifier le cours des choses de l'assurance maladie.
Q- Là, on a commencé à changer, c'est un début de commencement de changement des comportements, mais de qui, qui c'est qui change ?
R- Eh bien, les Français et les médecins. Prenons un exemple. J'ai demandé aux Français de choisir un médecin traitant. C'est pour 95 % des cas un médecin généraliste, un médecin de famille, celui qui vous connaît depuis longtemps, qui connaît vos antécédents, vos médicaments, les allergies que vous avez, les problèmes personnels, professionnels, de votre famille, bon, eh bien celui-là il est plus à même de vous guider dans le système de soins. Eh bien, nous recevons 180.000 formulaires par jour, de Français qui acceptent de prendre un médecin traitant.
Q- C'est-à-dire que vous aviez prévu qu'au 1er juillet, 40 % des Français auront leur médecin traitant, est-ce que vous atteindrez cette barre là ?
R- Non seulement on l'atteindra, on sera à 50, 52 %. Nous sommes déjà, au moment où je vous parle aujourd'hui, 6 millions à avoir choisi un médecin traitant.
Q- Mais, quand vous dites : le médecin traitant, il faut aller le voir avant d'aller voir le spécialiste. Est-ce que cela soustrait ou est-ce que ça multiplie les dépenses, en fait ?
R- C'est la grande question que l'on se pose. Non. Ou vous avez une maladie, par exemple vous avez fait un infarctus du myocarde, un cardiologue vous suit depuis longtemps, vous continuez à avoir votre cardiologue, sans voir le médecin traitant, évidemment, chaque fois. A l'inverse, vous n'êtes pas malade, vous avez une petite douleur, vous allez d'abord voir le médecin traitant...
Q- Ça diminue ou ça augmente les dépenses ?
R- Ça diminue les dépenses, bien évidemment, mais surtout ça permet de mieux soigner les gens. Moi, je ne veux pas être celui qui diminue les dépenses en soignant moins bien. Je veux être celui qui diminue les dépenses en soignant mieux.
Q- Est-ce qu'à partir de ce que vous nous dites aujourd'hui, P. Douste- Blazy, la réforme de l'assurance maladie peut atteindre ses objectifs, et déjà en 2005 ?
R- Oui, avec X. Bertrand, nous pensons qu'en 2005 nous aurons les objectifs dont nous avons parlé, moins 8 milliards... d'économies, mais surtout nous pensons qu'aux alentours de 2007, il peut y avoir, en effet, une bonne surprise sur les comptes de l'assurance maladie. Mais, moi, là, je parle des dépenses, il y a aussi les recettes, et comme vous le savez, la Sécurité sociale ça dépend aussi des recettes, ça dépend de la croissance et donc du chômage.
Q- C'est-à-dire qu'avec une croissance de 2,5, ça va, mais si elle est moins élevée - T. Breton disait hier à votre place, entre 2 et 2,5, vous vous en tirez ?
R- J'espère, ça dépend des dépenses. Si j'arrive à endiguer vraiment les dépenses. Mais juste un mot, que l'on comprenne bien ce que l'on fait. On ne fait pas uniquement des maths et de la comptabilité, là, on travaille pour la France. Lorsque T. Breton, dont vous parlez, parle des déficits de la France, il parle des déficits de l'Etat mais il parle aussi des déficits sociaux...
Q- Les comptes sociaux qui, à tout moment, peuvent exploser en France.
R- Oui, parce que quand on baisse les impôts en France, on voit que les prélèvements obligatoires augmentent. Pourquoi, parce que les comptes sociaux explosent et donc après il y a moins d'investissements, moins d'argent pour la recherche, moins d'argent pour l'innovation, donc c'est très important de sauver l'assurance maladie mais aussi la France.
Q- Les arrêts de travail.
R- Les arrêts de travail, pour la première fois, les arrêts de travail baissent, - 5 % d'arrêts de travail, pourquoi, parce que j'ai décidé, avec X. Bertrand nous avons décidé de contrôler systématiquement les arrêts de travail.
Q- Il y a des files d'attente chez les généralistes qui eux-mêmes, quelquefois, sont absents de leur cabinet, d'où SAMU, surcharge pour les urgentistes qui n'en peuvent plus. Ils vous demandent de rassembler tous les protagonistes concernés. Est-ce que vous allez le faire ?
R- J'ai demandé aux trois responsables des syndicats urgentistes hospitaliers, de venir me voir avec le directeur des hôpitaux...
Q- Quand ?
R- Cette semaine, dans les 48 heures qui viennent, pour voir agence régionale d'hospitalisation par agence régionale d'hospitalisation, les endroits les plus chauds pour qu'on puisse donner les moyens et pour que, enfin, il puisse y avoir un système de gardes, partout.
Q- Donc on peut sortir de la crise, quand ?
R- Mais on sort de la crise actuellement. Ecoutez, on donne 175 millions d'euros actuellement aux urgences, on a donné 150 millions l'année dernière, je crois que cela se fait avec les syndicalistes des urgentistes hospitaliers, ça se fait avec les médecins libéraux, mais ne faisons croire à personne que l'on meurt dans les urgences hospitalières, ça c'est faux, et ce n'est pas digne vis-à-vis des professionnels hospitaliers, je ne le laisserais pas dire.
Q- Depuis 2002, les médecins libéraux sont dispensés de l'astreinte des gardes, ils doivent être maintenant volontaires ou non. Si la paix médicale ne revient pas, comme vous le voulez, est-ce que vous rendrez obligatoires les gardes pour ces médecins que le serment d'Hippocrate oblige à soigner, monsieur Douste-Blazy ?
R- Le décret est en Conseil d'Etat aujourd'hui : il oblige les préfets à mettre en place une concertation entre les médecins libéraux d'un côté et les médecins hospitaliers urgentistes de l'autre, pour qu'il y ait, dans tous les territoires, dans tous les secteurs français, une prise en charge des urgences. Si dans six mois, à l'évaluation de ce décret, je vois que ça ne fonctionne pas, je prendrai mes responsabilités.
Q- C'est-à-dire quoi, les responsabilités, ça veut dire plus de volontariat ?
R- J.-P. Elkabbach, je ne peux pas accepter qu'il y ait 1 km² dans ce pays où il n'y ait pas de prise en charge de garde.
Q- Qu'est-ce que c'est les responsabilités ?
R- Cela veut dire que je dirais, en effet, à tous les secteurs, qu'il faut trouver un système pour qu'il y ait une garde obligatoirement dans tous les secteurs.
Q- On raconte que les fraudes à la Carte Vitale se multiplient. Un, est-ce que c'est vrai ?
R- Evidemment, ce n'est pas le responsable du trou de la Sécurité sociale mais je ne peux pas accepter une seule seconde qu'il y ait des gens qui louent une Carte Vitale, qu'ils puissent se faire mettre deux prothèses de hanches par un des meilleurs orthopédistes de France et repartir dans un autre pays sans payer.
Q- Donc ça se fait, donc c'est vrai qu'il y a des fraudes, importantes.
R- Oui, bien évidemment. Moi, j'ai demandé, pour la première fois, que l'on mette la Carte Vitale 2, celle que l'on va avoir dès l'année prochaine, en 2006, et la photo, et les empreintes, ce que l'on appelle la biométrie, que la carte vitale devienne une carte d'identité de santé.
Q- Quand ?
R- Dès 2006, je vous l'ai dit, tout le renouvellement - on ne peut pas le faire comme ça - lors du renouvellement de la future Carte Vitale, et je crois que ce qui est important c'est que l'infirmière, le fonctionnaire de l'entrée de l'hôpital, soit sûr que la personne qui porte la Carte Vitale, en soit le propriétaire.
Q- Est-ce qu'elle coûtera plus cher ?
R- Très peu, avec 20 à 30 millions d'euros on fera cela, mais on fera beaucoup d'économies et surtout on responsabilisera les malades. Il n'y a rien de pire que de croire que la santé ne coûte rien. C'est faux.
Q- Les partisans du "non" expliquent qu'avec la prochaine Constitution, le système français de santé - et la protection sociale - sont menacés, est nivelé par le bas, c'est vrai, c'est faux ?
R- C'est honteux, c'est une contrevérité, c'est bien le contraire. Moi, j'ai envie de dire à ceux qui ont envie de voter "non"... Souvent, quand je rencontre des gens qui votent non, ils me disent : "on veut changer l'Europe", mais justement, si vous voulez changer cette Europe, si vous la trouvez trop techno, trop bureaucratique, si vous voulez la changer et si vous voulez avoir une nouvelle Europe, plus proche des citoyens, plus démocratique, à ce moment là, écoutez, tout simplement, vous votez "oui", parce que voter "non" c'est conservateur. N'ayons pas peur de voter "oui", n'ayons pas peur pour que notre pays soit...
Q- Ça y est, voilà l'influence de Jean-Paul II : "N'ayons pas peur" de voter "oui", "n'ayons pas peur" de voter "non".
R- Ecoutez, ne croyez pas que c'est péjoratif pour moi, je suis ravi que vous me disiez ça. Moi je suis absolument sûr que la France sera plus forte dans une Europe politique. Moi, j'habite Toulouse, le 18 avril ou le 20 ou le 22, il y aura le départ de l'A380, ça, c'est l'Europe. On vend 7 Airbus pour 3 Boeing. Eh bien écoutez, Europe : 1, Etats-Unis : 0, dans ce match là. Moi, ça me fait plaisir, tout cela parce que l'on est européen.
Q- Ces dernières semaines vous avez servi de cible, tous azimuts - je vous regarde - est-ce que vos blessures cicatrisent ?
R- Elles cicatrisent, mais enfin, moins il y aura de blessures, mieux ça sera.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 avril 2005)