Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Je retrouve, avec plaisir, une semaine après la présentation de la loi d'orientation agricole en section de l'agriculture et de l'alimentation, le Conseil Economique et Social pour engager à nouveau une réflexion qui fait appel à votre expertise. Vous examinez, en effet, un projet d'avis, qui a pour rapporteur Monsieur Jean-Pierre BOISSON et dont l'intitulé est " la maîtrise foncière, clé du développement rural ; pour une politique foncière ". Vous soulevez une question essentielle : comment conduire une politique nationale de protection des espaces agricoles et naturels sur le long terme ?
La préservation de l'environnement, celle des ressources naturelles et la prévention des risques naturels s'inscrivent dans la démarche de développement durable souhaitée par le Président de la République. C'est pourquoi les changements d'usage des sols doivent être organisés en veillant à la cohérence des politiques publiques.
Pour répondre aux préoccupations de protection des espaces agricoles et naturels, nous disposons d'un certain nombre d'outils qui manifestent la volonté de l'Etat de gérer sur le long terme les espaces agricoles, forestiers et naturels. Cependant, il importe de rappeler que toute politique nationale doit s'inscrire dans le cadre des lois de décentralisation de 1982-1983 qui donnent des compétences importantes aux collectivités territoriales. Les diverses adaptations pour définir un cadre cohérent et protecteur au niveau national ne doivent pas remettre en cause l'autonomie des collectivités locales, ni le principe d'une absence de subordination entre leurs différents échelons. Enfin, je note que beaucoup de vos propositions, qui ont retenu mon intérêt, relèvent de mon collègue, Gilles de ROBIEN, compétent sur le code de l'urbanisme.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Conseillers, j'évoquerai, en m'attachant à être les plus exhaustif possible, huit points soulevés par le présent avis.
1) Votre rapporteur, Monsieur BOISSON, souligne la nécessité " d'une politique nationale menée sur le long terme et fondée sur la définition de zones agricoles et naturelles à protéger " de manière pérenne.
Deux dispositifs répondent à cette préoccupation : les directives territoriales d'aménagement dans le cas général, et le schéma directeur de la région Ile de France spécifique à ce territoire.
* L'Etat dispose tout d'abord des directives territoriales d'aménagement (DTA), qui visent, dans le cadre d'une concertation interministérielle, à établir un équilibre entre différentes utilisations des sols qui ne sont d'ailleurs pas exclusivement agricoles. Les DTA sont des outils de planification créés par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de février 1995 [dite " loi Pasqua "]. Les Schémas de cohérence et d'organisation territoriale et les Plans locaux d'urbanisation doivent être compatibles avec celles-ci sur les territoires concernés.
En effet, les directives territoriales d'aménagement sont appliquées uniquement à des territoires stratégiques où s'exercent notamment des pressions démographiques ou foncières particulièrement fortes.
Au terme d'une concertation très large impliquant tous les intérêts concernés, ce document élaboré sous l'autorité du Préfet de Région clarifie, pour l'Etat, les enjeux de l'aménagement de certaines parties du territoire. Il vise à concilier développement et protection de l'environnement et à mettre en cohérence les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages.
Les Alpes-Maritimes bénéficient de la première DTA approuvée le 2 décembre 2003. Six autres DTA sont en cours d'élaboration ou en voie d'achèvement.
* Autre exemple, l'Etat et la Région mettent en uvre sur la région Ile-de-France un schéma directeur spécifique, le Schéma directeur de la région Ile-de-France.
L'Ile-de-France évolue en effet dans un contexte particulier au niveau des documents d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), avec lequel tous les Schémas de cohérence et d'organisation territoriale et les Plans locaux d'urbanisme de la région doivent être compatibles, est élaboré par la Région Ile-de-France en association avec l'Etat et approuvé par décret en Conseil d'Etat. Ce Schéma régional, qui tient lieu de Directive Territoriale d'Aménagement, a été approuvé en 1994. Il est actuellement opposable jusqu'en 2015 mais sa révision est envisagée.
2) Vous proposez que " cette politique de maîtrise du foncier soit déclinée dans une succession de documents cohérents et, notamment, que les Schémas Régionaux d'Aménagement et de Développement du Territoire (SRADT) comprennent un volet usage des sols et aient un effet prescriptif sur les documents d'urbanisme ".
La loi sur l'aménagement et le développement du territoire a prévu la mise en place de schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) qui fixent les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il comprend un document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui expriment le projet d'aménagement et de développement durable du territoire régional.
Il a pour fonction, notamment, de recommander la mise en place d'instruments d'aménagement et de planification, d'urbanisme ou de protection de l'environnement, tels qu'un parc naturel régional, une directive territoriale d'aménagement ou un schéma de mise en valeur de la mer.
Il est élaboré par la région en liaison avec les collectivités territoriales et les représentants des activités économiques et sociales et approuvé par le conseil régional après avis des conseils généraux des départements concernés et du conseil économique et social régional.
A l'exception de l'Ile-de-France, le Schéma régional d'aménagement et de développement du territoire ne peut cependant exprimer que des orientations non prescriptives d'aménagement.
Sur le modèle du Schéma d'Ile-de-France, on pourrait imaginer de rendre les autres schémas régionaux opposables aux documents d'urbanismes notamment en matière de protection d'espace.
Deux facteurs ne semblent pas plaider en faveur de cette orientation :
- il est du ressort des communes de mettre en place des Plans locaux d'urbanisme et des cartes communales sur leur territoire. Aussi, l'opposabilité des SRADT, documents régionaux, pourrait poser un problème de hiérarchie de prérogatives de deux niveaux de collectivités territoriales ;
- le niveau régional ne semble pas être systématiquement le niveau pertinent pour traiter des questions d'urbanisme tant sur le plan des réalités locales que du débat public.
A ce stade, le débat sur l'opposabilité des SRADT reste donc en suspens.
3) Vous proposez que " les zones d'intérêt national soient définies en vue d'une protection forte " afin de conserver des bassins de production de taille suffisante pour l'agriculture spécialisée.
Le Périmètre de protection des espaces agricoles et naturels (PAEN) constitue un nouvel outil au service de la préservation des espaces agricoles périurbains qui résistent mal à pression spéculative sur le foncier dans les espaces proches des agglomérations ou dans les sites touristiques. Cela peut conduire à un blocage total de l'installation des jeunes agriculteurs incapables soit d'investir dans le foncier soit d'obtenir des garanties suffisantes en termes de durée pour rentabiliser leur activité. Il faut donc pouvoir neutraliser sur le long terme les anticipations foncières.
La loi relative au développement des territoires ruraux introduit une disposition permettant aux départements de délimiter des périmètres à l'intérieur desquels la vocation agricole et naturelle des terres est préservée. Un terrain situé dans le périmètre ne pourra être rendu constructible que par décret, ce qui nécessite l'intervention de l'Etat.
Toutefois, le dispositif ne se résume pas à la constitution de réserves foncières consacrées à l'agriculture. Il doit répondre à une préoccupation de valorisation et de gestion des terres dans le cadre d'un programme d'actions pour lequel les agriculteurs et les gestionnaires d'espaces naturels doivent, aux côtés des élus, être porteurs d'un projet.
4) L'une de vos propositions est de pouvoir établir des zones agricoles protégées à un niveau supérieur des collectivités, voire de l'Etat, qui s'imposeraient aux documents d'urbanisme et que seul l'Etat puisse procéder à leur remise en cause. Vous suggérez de mettre en place rapidement des expérimentations.
Les zones agricoles protégées ont pour objectif d'ériger la " vocation agricole " du territoire considéré en " servitude d'utilité publique ". Ce dernier est alors soustrait aux aléas des fluctuations du droit des sols, inhérentes au mode même de production des Schémas de Cohérence et d'Orientation Territoriale, des Plans Locaux d'Urbanisme ou des Cartes communales.
· La mise en place d'une zone agricole protégée (ZAP) : une démarche de concertation qui s'intègre dans un schéma plus général.
La création d'une telle zone fait l'objet d'une demande par une collectivité locale ou par le Préfet qui ouvre une concertation globale sur l'aménagement de l'espace, l'agriculture étant considérée comme une activité économique durable. La " protection " doit s'appliquer à un champ d'activités pour lesquelles une garantie de pérennité est indispensable et doit même être recherchée par la concertation tout en conciliant la mise en uvre des équipements prévus.
La Zone agricole protégée n'interdit pas les changements d'occupation des sols : le contrôle de ces changements sera pris en charge par les documents d'urbanisme (PLU, Carte communale,) à travers les éventuelles limitations ou interdictions qui seront jugées opportunes.
La délimitation des zones agricoles protégées est annexée au plan local d'urbanisme, la Zone agricole protégée est une servitude d'utilité publique, suivant le parallélisme des formes elle ne peut être supprimée voire modifiée que par un arrêté préfectoral. La constitution d'une zone agricole protégée est possible dans le cadre d'un schéma de cohérence et d'orientation territoriale, mais elle ne peut aller à l'encontre de ce dernier.
· Des expériences en cours - un bilan à faire dans les prochains mois. Une dizaine de projets de zone agricole protégée sont en cours de préparation, notamment en Savoie, en Isère, en Bretagne, en Gironde. Mes services apportent leur appui technique et financier à ces opérations qui présentent un caractère expérimental.
Sur la base du suivi de ces opérations, je ferai diffuser une circulaire-guide de recommandations pour faciliter la mise en uvre des zones agricoles protégées.
Des modifications pourraient être apportées au dispositif : il serait envisageable de donner la possibilité aux Etablissements Publics de Coopération Intercommunale compétents en matière d'urbanisme de proposer une ou des Zone agricole protégées à l'échelle d'un territoire intercommunal avec l'accord des communes concernées.
Les deux dispositifs - Zone agricole protégée et Périmètre de protection des espaces agricoles et naturels - sont complémentaires et devraient permettre aux collectivités territoriales et usagers de trouver la réponse adaptée à la singularité de leur territoire.
5) Vous demandez que " les SAFER soient des opérateurs des espaces naturels et ruraux " et proposez à cet effet " des aménagements susceptibles d'accroître leur efficacité en terme de maîtrise foncière ".
Les SAFER ont progressivement élargi leurs compétences au-delà du strict champ agricole, comme en matière d'environnement.
La loi sur le développement des territoires ruraux les a " ouvertes " davantage sur le monde extérieur. Ainsi la représentation des collectivités a-t-elle été portée du quart au tiers des membres au sein de leurs conseils d'administration. Sans doute faut-il également réfléchir à la participation de nouveaux partenaires comme les chambres consulaires.
Par ailleurs, la loi relative au développement des territoires ruraux permet au département d'acquérir des terrains par le biais de la SAFER. Elle dispose alors d'un droit de préemption élargi pouvant concerner tous les biens bâtis ou non bâtis inscrits dans le périmètre de protection défini des espaces agricoles et naturels en zone périurbaine.
Plutôt que de vouloir généraliser d'emblée cette disposition à l'ensemble du territoire, il semble préférable dans un premier temps d'observer comment ce nouveau droit de préemption élargi sera mis en uvre dans les zones périurbaines.
6) Vous évoquez la possibilité d'une " cohérence accrue et d'une complémentarité entre les SAFER et les Etablissements Publics Fonciers ".
Les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains vont constituer un champ d'expérimentation de la collaboration entre SAFER et Etablissements Publics Fonciers puisque ces derniers sont également placés au service des départements afin d'y réaliser des opérations foncières. D'ores et déjà une telle collaboration est engagée et se révèle encourageante à en juger par les exemples fournis par les régions de Lorraine et de Normandie.
La collaboration entre SAFER et Etablissements Publics Fonciers pourrait être d'ordre financier. Aujourd'hui, ces derniers bénéficient d'un financement grâce à la taxe spéciale d'équipement pour réaliser des opérations foncières lourdes. Nationaux ou locaux, ils pourraient prendre à leur charge les coûts d'intervention et de stockage pour certaines opérations des SAFER.
C'est aussi un moyen de maintenir les SAFER sur leur mission d'origine, laquelle reste essentiellement axée sur l'amélioration des structures des exploitations agricoles.
7) Vous proposez d'utiliser la fiscalité dans le cadre de la politique de protection des terres agricoles grâce à la taxation des plus-values immobilières et d'encourager à l'aide de l'outil fiscal la transmission des exploitations agricoles.
Pour limiter le mitage des zones agricoles urbaines, il faut aussi donner envie à des jeunes de s'installer. De ce point de vue, la fiscalité peut constituer un levier efficace au service d'une politique de préservation des terres agricoles.
S'agissant de l'encouragement à la transmission des exploitations, l'exonération des droits de mutation à titre gratuit n'a pas été revalorisée depuis 1983, date de création du dispositif, pour les biens ruraux loués par bail à long terme ainsi que pour les parts de Groupements Fonciers Agricoles non exploitants. La revalorisation de ce seuil constitue une piste à explorer.
Par ailleurs, des aménagements fiscaux, notamment en matière de fiscalité sur les plus-values immobilières, retiennent mon attention mais ne peuvent être considérés isolément. Cette option doit être examinée en relation avec la politique du logement dans un cadre interministériel.
S'agissant du volet fiscal lié à l'immobilier et à l'aménagement urbain, cette question en cours de traitement dans le cadre de la loi " Habitat pour tous ".
8) Enfin, vous soulignez, à juste titre, l'acuité plus grande encore des problèmes de maîtrise du foncier dans les DOM.
En effet, la pression foncière est forte dans les départements d'outremer. Cette situation particulière appelle des mesures spécifiques. Pour endiguer la diminution du foncier agricole dans les DOM, le projet de loi d'orientation agricole renforce la procédure d'aménagement foncier de " mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous exploitées " par des mesures consistant à :
- faciliter la candidature de la S.A.F.E.R. au fermage d'office, sans priver le projet de la possibilité de procéder, à tout moment, à l'expropriation pour cause d'utilité publique des " terres incultes " ;
- accorder au mandataire désigné par le tribunal civil pour représenter les propriétaires inconnus ou dont l'adresse n'est pas connue, le pouvoir de gérer la remise en valeur des biens de ces propriétaires notamment en les louant ;
- permettre au fermier " d'office " de commencer la remise en valeur effective du fonds en entrant dans les lieux dès l'établissement d'un contrat de bail par le préfet.
CONCLUSION
La maîtrise du foncier répond à plusieurs soucis :
- économique d'abord parce que nous ne pouvons nous satisfaire de territoires où la déprise s'étend ou bien, au contraire, où l'activité agricole disparaît en raison de la pression foncière ;
- social ensuite car il nous appartient de ne pas reléguer des catégories de population loin des centres urbains pour des raisons de spéculation foncière ;
- environnemental enfin parce que le maintien d'un espace aéré, aménagé et entretenu garantit la préservation d'une respiration au sein des zones urbaines.
La loi d'orientation agricole complètera les dispositifs déjà existants en privilégiant cette fois l'installation, ce qui est la meilleure garantie du maintien d'une activité agricole sur des espaces qui lui sont encore aujourd'hui dévolus.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 avril 2005)
Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Je retrouve, avec plaisir, une semaine après la présentation de la loi d'orientation agricole en section de l'agriculture et de l'alimentation, le Conseil Economique et Social pour engager à nouveau une réflexion qui fait appel à votre expertise. Vous examinez, en effet, un projet d'avis, qui a pour rapporteur Monsieur Jean-Pierre BOISSON et dont l'intitulé est " la maîtrise foncière, clé du développement rural ; pour une politique foncière ". Vous soulevez une question essentielle : comment conduire une politique nationale de protection des espaces agricoles et naturels sur le long terme ?
La préservation de l'environnement, celle des ressources naturelles et la prévention des risques naturels s'inscrivent dans la démarche de développement durable souhaitée par le Président de la République. C'est pourquoi les changements d'usage des sols doivent être organisés en veillant à la cohérence des politiques publiques.
Pour répondre aux préoccupations de protection des espaces agricoles et naturels, nous disposons d'un certain nombre d'outils qui manifestent la volonté de l'Etat de gérer sur le long terme les espaces agricoles, forestiers et naturels. Cependant, il importe de rappeler que toute politique nationale doit s'inscrire dans le cadre des lois de décentralisation de 1982-1983 qui donnent des compétences importantes aux collectivités territoriales. Les diverses adaptations pour définir un cadre cohérent et protecteur au niveau national ne doivent pas remettre en cause l'autonomie des collectivités locales, ni le principe d'une absence de subordination entre leurs différents échelons. Enfin, je note que beaucoup de vos propositions, qui ont retenu mon intérêt, relèvent de mon collègue, Gilles de ROBIEN, compétent sur le code de l'urbanisme.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Conseillers, j'évoquerai, en m'attachant à être les plus exhaustif possible, huit points soulevés par le présent avis.
1) Votre rapporteur, Monsieur BOISSON, souligne la nécessité " d'une politique nationale menée sur le long terme et fondée sur la définition de zones agricoles et naturelles à protéger " de manière pérenne.
Deux dispositifs répondent à cette préoccupation : les directives territoriales d'aménagement dans le cas général, et le schéma directeur de la région Ile de France spécifique à ce territoire.
* L'Etat dispose tout d'abord des directives territoriales d'aménagement (DTA), qui visent, dans le cadre d'une concertation interministérielle, à établir un équilibre entre différentes utilisations des sols qui ne sont d'ailleurs pas exclusivement agricoles. Les DTA sont des outils de planification créés par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de février 1995 [dite " loi Pasqua "]. Les Schémas de cohérence et d'organisation territoriale et les Plans locaux d'urbanisation doivent être compatibles avec celles-ci sur les territoires concernés.
En effet, les directives territoriales d'aménagement sont appliquées uniquement à des territoires stratégiques où s'exercent notamment des pressions démographiques ou foncières particulièrement fortes.
Au terme d'une concertation très large impliquant tous les intérêts concernés, ce document élaboré sous l'autorité du Préfet de Région clarifie, pour l'Etat, les enjeux de l'aménagement de certaines parties du territoire. Il vise à concilier développement et protection de l'environnement et à mettre en cohérence les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages.
Les Alpes-Maritimes bénéficient de la première DTA approuvée le 2 décembre 2003. Six autres DTA sont en cours d'élaboration ou en voie d'achèvement.
* Autre exemple, l'Etat et la Région mettent en uvre sur la région Ile-de-France un schéma directeur spécifique, le Schéma directeur de la région Ile-de-France.
L'Ile-de-France évolue en effet dans un contexte particulier au niveau des documents d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Le Schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF), avec lequel tous les Schémas de cohérence et d'organisation territoriale et les Plans locaux d'urbanisme de la région doivent être compatibles, est élaboré par la Région Ile-de-France en association avec l'Etat et approuvé par décret en Conseil d'Etat. Ce Schéma régional, qui tient lieu de Directive Territoriale d'Aménagement, a été approuvé en 1994. Il est actuellement opposable jusqu'en 2015 mais sa révision est envisagée.
2) Vous proposez que " cette politique de maîtrise du foncier soit déclinée dans une succession de documents cohérents et, notamment, que les Schémas Régionaux d'Aménagement et de Développement du Territoire (SRADT) comprennent un volet usage des sols et aient un effet prescriptif sur les documents d'urbanisme ".
La loi sur l'aménagement et le développement du territoire a prévu la mise en place de schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire (SRADT) qui fixent les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il comprend un document d'analyse prospective et une charte régionale, assortie de documents cartographiques, qui expriment le projet d'aménagement et de développement durable du territoire régional.
Il a pour fonction, notamment, de recommander la mise en place d'instruments d'aménagement et de planification, d'urbanisme ou de protection de l'environnement, tels qu'un parc naturel régional, une directive territoriale d'aménagement ou un schéma de mise en valeur de la mer.
Il est élaboré par la région en liaison avec les collectivités territoriales et les représentants des activités économiques et sociales et approuvé par le conseil régional après avis des conseils généraux des départements concernés et du conseil économique et social régional.
A l'exception de l'Ile-de-France, le Schéma régional d'aménagement et de développement du territoire ne peut cependant exprimer que des orientations non prescriptives d'aménagement.
Sur le modèle du Schéma d'Ile-de-France, on pourrait imaginer de rendre les autres schémas régionaux opposables aux documents d'urbanismes notamment en matière de protection d'espace.
Deux facteurs ne semblent pas plaider en faveur de cette orientation :
- il est du ressort des communes de mettre en place des Plans locaux d'urbanisme et des cartes communales sur leur territoire. Aussi, l'opposabilité des SRADT, documents régionaux, pourrait poser un problème de hiérarchie de prérogatives de deux niveaux de collectivités territoriales ;
- le niveau régional ne semble pas être systématiquement le niveau pertinent pour traiter des questions d'urbanisme tant sur le plan des réalités locales que du débat public.
A ce stade, le débat sur l'opposabilité des SRADT reste donc en suspens.
3) Vous proposez que " les zones d'intérêt national soient définies en vue d'une protection forte " afin de conserver des bassins de production de taille suffisante pour l'agriculture spécialisée.
Le Périmètre de protection des espaces agricoles et naturels (PAEN) constitue un nouvel outil au service de la préservation des espaces agricoles périurbains qui résistent mal à pression spéculative sur le foncier dans les espaces proches des agglomérations ou dans les sites touristiques. Cela peut conduire à un blocage total de l'installation des jeunes agriculteurs incapables soit d'investir dans le foncier soit d'obtenir des garanties suffisantes en termes de durée pour rentabiliser leur activité. Il faut donc pouvoir neutraliser sur le long terme les anticipations foncières.
La loi relative au développement des territoires ruraux introduit une disposition permettant aux départements de délimiter des périmètres à l'intérieur desquels la vocation agricole et naturelle des terres est préservée. Un terrain situé dans le périmètre ne pourra être rendu constructible que par décret, ce qui nécessite l'intervention de l'Etat.
Toutefois, le dispositif ne se résume pas à la constitution de réserves foncières consacrées à l'agriculture. Il doit répondre à une préoccupation de valorisation et de gestion des terres dans le cadre d'un programme d'actions pour lequel les agriculteurs et les gestionnaires d'espaces naturels doivent, aux côtés des élus, être porteurs d'un projet.
4) L'une de vos propositions est de pouvoir établir des zones agricoles protégées à un niveau supérieur des collectivités, voire de l'Etat, qui s'imposeraient aux documents d'urbanisme et que seul l'Etat puisse procéder à leur remise en cause. Vous suggérez de mettre en place rapidement des expérimentations.
Les zones agricoles protégées ont pour objectif d'ériger la " vocation agricole " du territoire considéré en " servitude d'utilité publique ". Ce dernier est alors soustrait aux aléas des fluctuations du droit des sols, inhérentes au mode même de production des Schémas de Cohérence et d'Orientation Territoriale, des Plans Locaux d'Urbanisme ou des Cartes communales.
· La mise en place d'une zone agricole protégée (ZAP) : une démarche de concertation qui s'intègre dans un schéma plus général.
La création d'une telle zone fait l'objet d'une demande par une collectivité locale ou par le Préfet qui ouvre une concertation globale sur l'aménagement de l'espace, l'agriculture étant considérée comme une activité économique durable. La " protection " doit s'appliquer à un champ d'activités pour lesquelles une garantie de pérennité est indispensable et doit même être recherchée par la concertation tout en conciliant la mise en uvre des équipements prévus.
La Zone agricole protégée n'interdit pas les changements d'occupation des sols : le contrôle de ces changements sera pris en charge par les documents d'urbanisme (PLU, Carte communale,) à travers les éventuelles limitations ou interdictions qui seront jugées opportunes.
La délimitation des zones agricoles protégées est annexée au plan local d'urbanisme, la Zone agricole protégée est une servitude d'utilité publique, suivant le parallélisme des formes elle ne peut être supprimée voire modifiée que par un arrêté préfectoral. La constitution d'une zone agricole protégée est possible dans le cadre d'un schéma de cohérence et d'orientation territoriale, mais elle ne peut aller à l'encontre de ce dernier.
· Des expériences en cours - un bilan à faire dans les prochains mois. Une dizaine de projets de zone agricole protégée sont en cours de préparation, notamment en Savoie, en Isère, en Bretagne, en Gironde. Mes services apportent leur appui technique et financier à ces opérations qui présentent un caractère expérimental.
Sur la base du suivi de ces opérations, je ferai diffuser une circulaire-guide de recommandations pour faciliter la mise en uvre des zones agricoles protégées.
Des modifications pourraient être apportées au dispositif : il serait envisageable de donner la possibilité aux Etablissements Publics de Coopération Intercommunale compétents en matière d'urbanisme de proposer une ou des Zone agricole protégées à l'échelle d'un territoire intercommunal avec l'accord des communes concernées.
Les deux dispositifs - Zone agricole protégée et Périmètre de protection des espaces agricoles et naturels - sont complémentaires et devraient permettre aux collectivités territoriales et usagers de trouver la réponse adaptée à la singularité de leur territoire.
5) Vous demandez que " les SAFER soient des opérateurs des espaces naturels et ruraux " et proposez à cet effet " des aménagements susceptibles d'accroître leur efficacité en terme de maîtrise foncière ".
Les SAFER ont progressivement élargi leurs compétences au-delà du strict champ agricole, comme en matière d'environnement.
La loi sur le développement des territoires ruraux les a " ouvertes " davantage sur le monde extérieur. Ainsi la représentation des collectivités a-t-elle été portée du quart au tiers des membres au sein de leurs conseils d'administration. Sans doute faut-il également réfléchir à la participation de nouveaux partenaires comme les chambres consulaires.
Par ailleurs, la loi relative au développement des territoires ruraux permet au département d'acquérir des terrains par le biais de la SAFER. Elle dispose alors d'un droit de préemption élargi pouvant concerner tous les biens bâtis ou non bâtis inscrits dans le périmètre de protection défini des espaces agricoles et naturels en zone périurbaine.
Plutôt que de vouloir généraliser d'emblée cette disposition à l'ensemble du territoire, il semble préférable dans un premier temps d'observer comment ce nouveau droit de préemption élargi sera mis en uvre dans les zones périurbaines.
6) Vous évoquez la possibilité d'une " cohérence accrue et d'une complémentarité entre les SAFER et les Etablissements Publics Fonciers ".
Les périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains vont constituer un champ d'expérimentation de la collaboration entre SAFER et Etablissements Publics Fonciers puisque ces derniers sont également placés au service des départements afin d'y réaliser des opérations foncières. D'ores et déjà une telle collaboration est engagée et se révèle encourageante à en juger par les exemples fournis par les régions de Lorraine et de Normandie.
La collaboration entre SAFER et Etablissements Publics Fonciers pourrait être d'ordre financier. Aujourd'hui, ces derniers bénéficient d'un financement grâce à la taxe spéciale d'équipement pour réaliser des opérations foncières lourdes. Nationaux ou locaux, ils pourraient prendre à leur charge les coûts d'intervention et de stockage pour certaines opérations des SAFER.
C'est aussi un moyen de maintenir les SAFER sur leur mission d'origine, laquelle reste essentiellement axée sur l'amélioration des structures des exploitations agricoles.
7) Vous proposez d'utiliser la fiscalité dans le cadre de la politique de protection des terres agricoles grâce à la taxation des plus-values immobilières et d'encourager à l'aide de l'outil fiscal la transmission des exploitations agricoles.
Pour limiter le mitage des zones agricoles urbaines, il faut aussi donner envie à des jeunes de s'installer. De ce point de vue, la fiscalité peut constituer un levier efficace au service d'une politique de préservation des terres agricoles.
S'agissant de l'encouragement à la transmission des exploitations, l'exonération des droits de mutation à titre gratuit n'a pas été revalorisée depuis 1983, date de création du dispositif, pour les biens ruraux loués par bail à long terme ainsi que pour les parts de Groupements Fonciers Agricoles non exploitants. La revalorisation de ce seuil constitue une piste à explorer.
Par ailleurs, des aménagements fiscaux, notamment en matière de fiscalité sur les plus-values immobilières, retiennent mon attention mais ne peuvent être considérés isolément. Cette option doit être examinée en relation avec la politique du logement dans un cadre interministériel.
S'agissant du volet fiscal lié à l'immobilier et à l'aménagement urbain, cette question en cours de traitement dans le cadre de la loi " Habitat pour tous ".
8) Enfin, vous soulignez, à juste titre, l'acuité plus grande encore des problèmes de maîtrise du foncier dans les DOM.
En effet, la pression foncière est forte dans les départements d'outremer. Cette situation particulière appelle des mesures spécifiques. Pour endiguer la diminution du foncier agricole dans les DOM, le projet de loi d'orientation agricole renforce la procédure d'aménagement foncier de " mise en valeur des terres incultes ou manifestement sous exploitées " par des mesures consistant à :
- faciliter la candidature de la S.A.F.E.R. au fermage d'office, sans priver le projet de la possibilité de procéder, à tout moment, à l'expropriation pour cause d'utilité publique des " terres incultes " ;
- accorder au mandataire désigné par le tribunal civil pour représenter les propriétaires inconnus ou dont l'adresse n'est pas connue, le pouvoir de gérer la remise en valeur des biens de ces propriétaires notamment en les louant ;
- permettre au fermier " d'office " de commencer la remise en valeur effective du fonds en entrant dans les lieux dès l'établissement d'un contrat de bail par le préfet.
CONCLUSION
La maîtrise du foncier répond à plusieurs soucis :
- économique d'abord parce que nous ne pouvons nous satisfaire de territoires où la déprise s'étend ou bien, au contraire, où l'activité agricole disparaît en raison de la pression foncière ;
- social ensuite car il nous appartient de ne pas reléguer des catégories de population loin des centres urbains pour des raisons de spéculation foncière ;
- environnemental enfin parce que le maintien d'un espace aéré, aménagé et entretenu garantit la préservation d'une respiration au sein des zones urbaines.
La loi d'orientation agricole complètera les dispositifs déjà existants en privilégiant cette fois l'installation, ce qui est la meilleure garantie du maintien d'une activité agricole sur des espaces qui lui sont encore aujourd'hui dévolus.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 18 avril 2005)