Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, sur le transfert de la gestion des routes nationales d'intérêt local aux départements, Nantes le 6 avril 2005.

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Circonstance : Assises des conseillers généraux de France à Nantes le 6 avril 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les Présidents,
Monsieur le Professeur,
Mesdames et Messieurs les conseillers généraux,
Mesdames et Messieurs,
Lorsqu'il m'a été proposé de participer à ce forum sur "la décentralisation des routes nationales", j'ai d'emblée accepté. En effet, je veux être disponible pour expliquer cette très importante réforme qui si elle touche en profondeur mon département ministériel n'en a pas moins un impact évident sur l'ensemble des départements.
Politique des transports (CIADT, enjeux européens)
Michel SAVY, à cette tribune il y a quelques instants, vous a très bien je crois expliqué la complémentarité entre les grands réseaux et les réseaux locaux.
C'est bien normal, notre système de transport est un tout et il a tout autant besoin de grandes artères que de voies de desserte innervant le territoire.
Je voudrais ici si vous me le permettez rappeler l'importance qu'il faut attacher aux décisions prises au CIADT du 18 décembre 2003. Le Gouvernement n'a pas seulement refondu notre politique des transports et arrêté les cartes multimodales d'équipement en infrastructures à l'horizon 2025, il a aussi et surtout mis des financements en face.
Il a tenu à mettre en place l'AFITF, structure de financement qui apporte, notamment grâce aux dividendes des autoroutes, un cadre multimodal de programmation plus lisible pour l'ensemble des acteurs et plus cohérent au regard des durées de maturation et de réalisation de tels équipements.
Cette agence est appelée ainsi à apporter la part de l'État dans le tour de table financier des grands projets d'infrastructures de transport qu'ils soient routiers, ferroviaires, fluviaux, portuaires ou maritimes.
A l'heure où la mondialisation et l'ouverture de l'Union européenne vers l'Est multiplient les échanges au bénéfice de l'ensemble des économies, la qualité du système de transport est plus que jamais un facteur clé de la compétitivité et de l'attractivité d'un pays.
C'est pourquoi, notre politique des transports doit concilier plusieurs objectifs : le développement économique, l'attractivité du et des territoire(s) dans une Europe élargie et la prise en compte des enjeux environnementaux globaux et locaux.
Dans ce but et d'ici 2012, c'est une enveloppe de 7,5 Md euros qui sera consacrée par l'AFITF à de grands projets d'équipement en infrastructures de transport. Ces projets généreront pour près de 20 Md euros de travaux. Dans le domaine ferroviaire, il s'agira en particulier de poursuivre le développement du réseau à grande vitesse pour une meilleure desserte des métropoles régionales et permettre le développement du fret sur les corridors majeurs d'échanges.
Ces orientations conjuguées aux décisions prises par le Gouvernement sur la renouveau du fret ferroviaire témoignent de l'importance que nous accordons à ce mode de transport.
Sur la voie maritime et fluviale, nous ambitionnons de développer les autoroutes de la mer qui offriront des dessertes régulières alternatives au transport routier de marchandises et de réaliser le canal Seine-Nord qui donnera plus de compétitivité à notre réseau fluvial en connectant le bassin de la Seine à celui de l'Escaut.
Sur les routes, les enjeux consistent à achever la réalisation de grandes liaisons rapides Est-Ouest ; d'améliorer la circulation de transit au droit des grandes agglomérations ; d'assurer la fluidité des grands axes de transit Nord-Sud ; enfin de parfaire la desserte des territoires encore enclavés.
Voilà ce qui relève des grands réseaux et donc de l'État qui en conserve la compétence. On ne peut négliger l'importance symétrique des réseaux plus locaux qui desservent au plus près les implantations économiques et nos concitoyens.
Avec la décentralisation, les départements reçoivent une responsabilité sur l'ensemble du réseau interurbain d'intérêt local.
La décentralisation des routes (rôle des régions)
J'entends ici ou là des inquiétudes, des craintes quant à l'application de la loi du 13 août 2004. Je les entends aussi bien dans mes propres services qu'au travers des entretiens avec vos présidents. Ces inquiétudes, ces craintes, elles sont légitimes. Je dirai même : rien de plus normal lorsque des organisations sont confrontées à de profonds changements. Elles sont le lot de ces périodes transitoires où l'on passe d'un équilibre à un autre.
Et l'acte II de la décentralisation qui rentre maintenant dans une phase opérationnelle est en effet générateur de réformes tant pour l'État que pour les départements qui sont appelés à accueillir ces nouvelles responsabilités.
Ce projet de décentralisation des routes nationales ne sort pas de nul part, vous le savez. Il prend ses racines les plus récentes dans le rapport Mauroy et plus profondément dans le principe de subsidiarité.
L'ambition du Gouvernement dans cette réforme c'est de mettre en place une organisation plus efficiente, plus efficace des différents échelons de collectivités publiques. L'État est ainsi conduit à se réorganiser et à se recentrer sur les missions à propos desquelles il est le plus à même d'apporter au service de nos concitoyens une valeur ajoutée. Les départements sont de leur côté appelé à leur tour à recevoir des responsabilités qu'ils peuvent aujourd'hui plus facilement remplir que l'État.
Le Gouvernement dans cette affaire a tranché deux points fondamentaux. Le premier c'est le maintien sous la responsabilité de l'État d'un réseau routier national. Ce n'était pas évident au premier abord. Mais ce choix s'est rapidement imposé au regard de l'importance à l'avenir des problématiques d'exploitation et de guidage de l'usager sur grandes distances. L'État gardera ainsi dans sa main le réseau routier d'intérêt national comprenant au delà des seules autoroutes concédées (8 000 km), un peu plus de 10 000 km. Je voudrais dire ici [en clin d'il] à Gilbert SANTEL que le mode de gestion et d'organisation des autoroutes concédées est pour les futurs services de l'État un exemple et une source d'inspiration.
Le second point était celui de la collectivité réceptrice des routes nationales d'intérêt local. Là aussi, le choix du département s'est facilement imposé. Les départements ont un savoir-faire reconnu en matière de gestion d'un réseau routier. N'oublions pas qu'il existe 360 000 km de routes départementales. Souhaitant privilégier la simplicité et la lisibilité dans les organisations, vous avez compris qu'il n'était pas opportun de créer un nouvel échelon routier.
En métropole, les départements vont recevoir un peu moins de 20 000 km de routes : c'est moins de 6% d'augmentation du linéaire des routes départementales. Alors bien sûr, votre inquiétude je la comprends face à l'évolution qui s'opère car il vous faut c'est bien normal des moyens tant financiers qu'humains pour assumer ces responsabilités supplémentaires. Le compte y est-il ? Telle pourrait être résumée rapidement la question centrale que très légitimement vous vous posez.
Sachez d'abord que le Gouvernement, comme vous y est sensible. Tirant les conséquences de l'acte I, il a inscrit dans la Constitution un principe de juste compensation.
La mémoire des expériences passées étant tenace, le Gouvernement ne saurait conduire cette réforme sans redoubler d'effort d'explication en cherchant d'apporter les preuves de sa bonne volonté.
J'ai, pour ma part, cherché dès le début du processus en octobre dernier par une lettre adressée à chacun des conseillers généraux à expliquer ces changements et à faire valoir une méthode d'écoute et de disponibilité totale aux interrogations. Tout ne peut être écrit dans des circulaires et des textes et rien ne vaut en effet le dialogue direct.
Sur les routes, la phase préalable d'avis sur le projet de décret déterminant le réseau routier national est maintenant achevé. Je me félicite à cet égard que, dans leur grande majorité, les départements aient accepté le principe du transfert dans leur domaine d'une partie du réseau routier national.
Les inquiétudes, je le sais, tiennent aux aspects financiers et au transfert des personnels d'ingénierie.
Une confidence : Les craintes sont des deux côtés. Dans mon ministère, on craint une perte budgétaire. Sur le premier point, nous devons bien distinguer 2 choses : - ce qui relève de la préservation du patrimoine, - de ce qui relève de l'investissement.
Dans le premier cas, vous l'avez bien compris, les départements bénéficieront du transfert de la totalité des moyens humains et financiers aujourd'hui affectés à l'entretien et à la gestion des routes qui leur seront transférées, y compris le gros entretien, les réparations, etc.
Pour les moyens financiers, il sera tenu compte, département par département, de la nature de chaque route transférée et, naturellement, de sa longueur, afin d'attribuer au département une compensation exactement équivalente au montant des dépenses précédemment effectuées par l'État sur cette route.
Pour chaque type de voie, le calcul sera effectué en utilisant les mêmes ratios que ceux que l'État utilise pour définir les dotations qu'il délègue aux directions départementales de l'équipement.
Voilà pour le premier point.
Les transferts financiers et humains sont fixés sur une base "rétrospective". A contrario, pour l'investissement, la même méthode n'est pas équitable.
Le transfert de crédits sur la base d'une moyenne calculée sur les dernières années conduirait en effet à donner plus d'argent à des départements qui ont bénéficié de beaucoup de travaux grâce à l'État, à l'inverse, à donner moins aux départements dans lesquels l'État n'a pas beaucoup investi et où il reste en conséquence plus de besoin à satisfaire.
C'est pourquoi, une autre méthode est retenue. Celle du décroisement. Elle est simple dans son énoncé : les départements ne financent plus les routes, l'État ne finance plus les routes nationales transférées. Rien d'autre n'est changé.
Cette méthode globale, comme toute méthode, n'est pas exempte de critique. Mais je crois vraiment qu'elle est en réalité la moins mauvaise. Elle se marie en tout cas le mieux avec une réflexion prospective qui est par nature celle de l'investissement et elle introduit en outre une simplification des tours de table financiers des opérations et je pense qu'on ne peut que s'en louer.
Les simulations montrent que les départements, à l'échelle de la France, sont gagnants. Ce résultat est d'ailleurs rendu possible grâce à l'importante mesure introduite dans la loi du 13 août 2004 sur l'éligibilité au FCTVA des fonds de concours. Ne négligeons pas l'apport de cette mesure qui coûte cher à l'État ; mon voisin d'outre-Seine (Bercy) me le rappelle déjà suffisamment.
Vous récupérez à la place de l'État toute la TVA. Cette situation est vérifiée pour une large majorité de départements. Cependant, il est exact que pour quelques-uns d'entre eux la situation est plus contrastée.
Certains seront gagnants et d'autres pas.
Pour ceux-là j'ai toujours fait valoir qu'il convient de trouver des solutions afin de neutraliser les effets négatifs du décroisement. Grâce à la nouvelle mesure d'éligibilité des fonds de concours au FCTVA, il y aura demain, plus d'argent qu'aujourd'hui pour aménager le réseau routier. Je suis donc confiant dans l'esprit de responsabilité des différents partenaires, État, régions et départements pour que, dans le cadre du futur exercice de contractualisation, ces solutions soient trouvées et qu'il n'y ait pas de départements perdants. L'État jouera son rôle de garant en la matière et les discussions individualisées sont engagées pour parvenir à l'équité.
Pour conclure sur ce volet, et même si je vais à contre-courant par rapport à une idée reçue, je souhaite que chacun ait bien conscience que, sur ce point précis, l'effort le plus important est accompli par l'État.
Pour les personnels d'ingénierie, je voudrais dissiper là aussi les craintes. Il a toujours été clair dans notre esprit qu'une quote-part de ces personnels devait être transférée aux départements.
Nous avons en revanche hésité, je le reconnais, sur la méthode de répartition. Elle est aujourd'hui arrêtée et j'ai tranché en faveur d'une répartition au prorata de l'activité. Il reste dorénavant à caler finement cette notion avec l'ADF. Cela répond à votre préoccupation.
Le réseau scientifique et technique
Philippe GRESSET, président de l'USIRF, a évoqué l'importance du réseau technique et scientifique du ministère. Je comprends en effet l'importance qu'il y a pour les entreprises de disposer du côté du maître d'ouvrage d'interlocuteurs solides et compétents et d'organismes pointus en matière technique appliquée.
Je souhaite moi-même que le ministère de l'équipement préserve l'excellence de son réseau scientifique. Ce réseau est stratégique.
La nouvelle DDE
Je crois utile de terminer ce propos sur l'évolution que va connaître parallèlement la DDE avec la création de services routiers dédiés. Cela suscite ici ou là également des inquiétudes.
Vous le savez, depuis de nombreuses années, les attentes exprimées à leur égard se sont considérablement accrues et diversifiées : Droit au logement, rénovation urbaine, urbanisme, aménagement et développement durables, prévention contre les risques naturels et accidentels, sûreté et sécurité des déplacements et des transports, ou bien encore soutien à l'emploi et à l'économie pour les secteurs relevant de ma compétence. Et la DDE dans ses structures actuelles ne sait plus qu'imparfaitement y répondre.
Le positionnement de la DDE doit donc évoluer mais en lui conservant son rôle de service de la vie quotidienne.
Alors, les orientations sur lesquelles doit se construire la nouvelle DDE sont aujourd'hui claires :
- l'aménagement et l'observation des territoires,
- le logement et l'habitat, en appui des collectivités territoriales
- le développement durable et la prévention des risques,
- les transports et leur sécurité notamment routière.
A mes yeux, l'enjeu et la réussite de cette refondation des DDE résident dans la capacité de passer d'un service rendu généraliste mais de proximité, à celui certes plus distant, mais spécialisé et professionnel, accessible et disponible, et surtout personnalisé et moins fragile. C'est le défis auquel, collectivement au plan local, nous devons nous s'atteler, auquel nous nous attelons maintenant, et c'est tout le succès que je souhaite.
C'est le cas notamment des prestations d'ingénierie publique et d'instruction des actes d'urbanisme.
Au titre du devoir de solidarité, la DDE se doit de rester auprès des collectivités territoriales qui ne disposent pas de moyens techniques en propre, tout en contribuant au développement de l'intercommunalité.
Avec la nouvelle étape de décentralisation, la donnée incontournable est que le nombre d'implantations territoriales de la future DDE, exerçant des compétences pour le compte de l'État et des communes ne peut être qu'inférieur au nombre actuel.
Avec le transfert au département d'une partie des subdivisions de l'Équipement c'est déjà le maintien d'une certaine implantation territoriale en lien avec la gestion et l'entretien du réseau routier départemental, mais cette responsabilité vous incombera.
Bien sûr en ma qualité de ministre de l'aménagement, je suis particulièrement attentif à l'évolution de ces implantations du service public de l'Équipement.
Cette évolution doit se faire en fonction du contexte local, de l'efficacité des moyens de mon administration et de la mission exercée. C'est pourquoi, le dialogue doit être de mise tout au long de la réflexion avec l'ensemble des partenaires sociaux et politiques. La qualité du dialogue n'est pas, aujourd'hui, je le sais, toujours satisfaisante.
Aujourd'hui, les DDE commencent en interne à échafauder les différents scénarios de réorganisation. A ce stade, et j'insiste, ce ne sont que des hypothèses de travail, qui doivent être enrichies selon d'une part, le transfert exact des routes national d'intérêt local et d'autre part, selon les échanges avec les élus locaux.
Bien-entendu, comme je l'ai demandé aux directeurs départementaux de l'équipement, dès à présent l'information doit être donnée aux partenaires locaux et les lieux de débat doivent être organisés dans la sérénité. J'ai donné des consignes à mes services pour rien ne se passe sans votre appréciation.
Pour conclure sur ce point important, je vous précise que le calendrier est rythmé par la décentralisation.
Le transfert des routes nationales d'intérêt local doit intervenir début janvier 2006, la réorganisation de la DDE doit être mise en place au début du second semestre 2006, de préférence avant la campagne hivernale.
Ce travail de refondation doit être mené en totale transparence, avec vous.
Comme vous pouvez le constater, le service public de l'Équipement est en pleine transformation dans le cadre d'une démarche ambitieuse de modernisation. Je sais que vous avez une lourde tâche, des missions essentielles de proximité. Les soucis ne vous manquent pas. Je voudrais vous dire que si nous partageons la même passion pour la chose publique, nous partageons aussi une réforme qui pour vous se traduit par davantage de compétences, pour le ministère avec la décentralisation, avec la LOLF, avec l'Europe et les attentes nouvelles de la société civile, cela se traduit dans ce grand ministère par une grande mutation. Pour les uns et les autres, la tâche est ardue, complexe et complémentaire. Vous l'avez compris, nous travaillerons ensemble à cette révolution pour que en fin de compte ce soit le service public qui gagne.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 7 avril 2005)