Texte intégral
Madame la ministre de l'Outre-mer,
Monsieur le président de WWF,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les passionnés de nature,
Chers amis,
J'ai le plaisir de vous accueillir, avec le Directeur général du muséum national d'histoire naturelle, dans le temple de la biodiversité !
Le jardin dans lequel l'Humanité évolue aujourd'hui, son jardin planétaire, n'a plus grand chose à voir avec l'Eden.
Ses forêts sont détruites, ses mers se dégradent, son air, ses eaux, ses sols sont de plus en plus pollués.
Les changements climatiques auront, nous le savons, et malgré tous les efforts que nous entreprenons pour en limiter les effets, un impact négatif direct sur l'évolution de nos milieux naturels.
Plus de 2 000 espèces animales et végétales ont rejoint, ces dernières années, la " liste rouge " dressée par l'Union internationale pour la conservation de la nature.
A ce jour, dans le monde, une espèce d'oiseaux sur 8 et une espèce de mammifères sur 4 sont menacées d'extinction. Or, la disparition d'une seule espèce signifie souvent, en corollaire, celle de nombreuses autres. Qu'un insecte disparaisse, et la fleur qu'il pollinise est en péril !
Notre pays, évidemment, n'est hélas pas épargné !
En métropole, 10% de notre flore est en sursis ; 35% des espèces de mammifères et 18% des espèces d'oiseaux nichant sur notre territoire sont considérées comme en danger ou vulnérables; 50% de nos zones humides ont été détruites dans les trois dernières décennies.
L'Outre-mer, où 14 des 17 éco-régions françaises identifiées par le WWF sont localisées, abrite 4 des 25 milieux les plus riches et les plus menacés dans le monde, les fameux " hot spots ". Les enjeux y sont impérieux et vitaux. Car, si l'insularité est facteur de très hauts niveaux d'endémisme, elle est également facteur de fragilité. Ainsi, l'extinction d'une espèce au niveau local d'une île signifie la disparition de l'espèce à l'échelle mondiale. Par exemple, au cours des quatre derniers siècles, 30 % des extinctions d'espèces de mollusques au niveau planétaire ont eu lieu dans nos collectivités d'outre-mer.
Le constat est sans appel. Pour autant, faut-il considérer que la bataille est perdue ? Que tout effort est vain ?
Et bien NON ! En aucun cas nous n'avons le droit de baisser les bras ! Car, l'enjeu est de taille : préserver la diversité des formes de vie sur Terre, ce n'est rien moins que veiller à notre propre " assurance vie " !
Cette diversité conditionne en effet directement les capacités d'adaptation du monde vivant. Vous avez parlé, à cet égard, Monsieur le président du WWF, de " code génétique ". Je dirai même qu'elle constitue un véritable "coffre-fort génétique " ! Le trésor qu'elle enferme n'est rien moins que l'avenir et l'existence même de l'Humanité.
Que ce soit au niveau génétique, au niveau des espèces ou des écosystèmes, l'Homme a trouvé dans la biodiversité une multitude de biens et de services que les sociétés ont su mettre à profit pour asseoir leur développement.
Il suffit d'évoquer les variétés alimentaires et ornementales tirées du monde végétal, les innombrables substances actives naturelles utilisées par notre pharmacopée, la gamme de fonctions hydrologiques offertes par les milieux
L'Homme a également créé un lien culturel avec la biodiversité en l'investissant de valeurs symboliques et identitaires, qui se traduisent notamment dans des savoirs et des pratiques traditionnelles, ou dans l'attachement aux paysages ou à des espèces symboliques.
Alors, pourquoi " notre maison brûle-t-elle " ?
Parce que les modèles de développement, les processus de production et de consommation que nous avons privilégiés depuis plusieurs décennies ont perdu de vue notre relation forte avec la nature. Ils en ont ainsi méconnu les déterminants et ils en ont négligé la protection.
Il nous faut donc impérativement redresser la barre !
Stratégie nationale pour la biodiversité
Au niveau national, je m'y attache depuis plusieurs mois et je regrette que mes prédécesseurs soient restés passifs sur ce sujet.
Les premières étapes ont bien sûr porté sur la charte de l'environnement et la stratégie nationale de développement durable.
Une nouvelle étape a été franchie la semaine dernière, lorsque j'ai présenté publiquement les enjeux, les finalités et les grandes orientations de la stratégie nationale pour la biodiversité, dont j'ai engagé les travaux en 2003 et dont les plans d'action opérationnels devraient être adoptés d'ici juin 2004.
Mon objectif est clair et simple : stopper la perte de biodiversité en France d'ici 2010.
Mais 2010, c'est demain ! J'ai donc voulu une stratégie courageuse et qui s'attaque aux racines mêmes du mal, au lieu d'apporter des " mesurettes d'apparence ". Il s'agit de ne plus faire semblant !
Parce que la biodiversité est l'affaire de tous les citoyens et qu'elle " irrigue " toutes les politiques publiques, j'ai voulu associer largement la société civile dans la conception de notre stratégie. Je me suis également attachée à mettre à contribution directe tous les ministères concernés, afin de changer radicalement d'attitude et de perspectives au regard de la biodiversité.
Parce qu'on n'évalue bien que ce que l'on connaît bien, j'ai voulu mettre en place une première série d'indicateurs biologiques portant sur l'état de la biodiversité. Ceci témoigne, je crois, de ma volonté à dépasser les seules incantations, pour aller sur le terrain de l'action.
L'outre-mer et la biodiversité
Dans notre stratégie nationale, l'Outre-mer occupe bien sûr une place de choix. Faut-il rappeler que la richesse de la flore et de la faune de la seule Nouvelle-Calédonie est comparable à celle de l'ensemble de l'Europe continentale ? Que les mangroves de Guyane constituent le plus long ensemble de mangroves au monde ? Que le milieu marin de l'Outre-mer représente près de 20 fois la superficie de la France métropolitaine ?
Mais sur ce sujet, Brigitte Girardin a déjà tout dit ! Elle a rappelé les projets de réserves naturelles, le sanctuaire pour les baleines, les actions de l'IFRECOR, les projets en faveur des tortues marines de Guyane ou des forêts sèches de Nouvelle-Calédonie, la mission de l'inspection générale de l'environnement dans le Pacifique.
Je n'y reviendrai donc pas.
Mais je veux saluer la très forte mobilisation des collectivités d'Outre-mer pour la préparation de notre stratégie, qu'il s'agisse des élus, des représentants de l'Etat, des établissements publics de recherche ou de gestion, des associations. J'aurai personnellement l'occasion, et je m'en réjouis, de m'entretenir avec les représentants des collectivités du Pacifique qui m'accompagneront à Kuala Lumpur, collectivités qui, comme l'a rappelé Mme Girardin, disposent d'importantes compétences en matière d'environnement.
Un mot sur deux projets qui, je dois bien l'avouer, me tiennent particulièrement à cur : ceux des parcs nationaux de Guyane et des Hauts de La Réunion.
Je ne suis pas mécontente des étapes décisives qui ont été franchies ces 20 derniers mois, grâce au travail de concertation locale que je me suis attachée à relancer en liaison avec la ministre de l'outre-mer.
Ainsi, suite à la consultation approfondie des collectivités territoriales de La Réunion initiée à l'issue de mon déplacement de novembre 2002, je viens de saisir le Premier Ministre d'une prise en considération du projet de parc national de cette île.
Concernant la Guyane, où je me suis rendue en avril 2003, un travail de concertation très fructueux, qui était en panne, a repris, dont j'espère qu'il débouchera sur une prise en considération par le Premier Ministre avant la fin de l'année.
Ceci me permet d'espérer la création effective de ces deux nouveaux parcs en 2005, dès la réforme des parcs nationaux adoptée, réforme dont je compte présenter le projet de loi en juin prochain au conseil des ministres.
Sur tous ces sujets, je me félicite, chère Brigitte, de l'excellente coopération qui s'est instaurée entre nos deux ministères. Ton engagement a été précieux.
A ce stade de mon propos, il est plus que temps, monsieur le président de WWF, que je vous dise mon immense plaisir d'être à vos côtés et à ceux de vos prestigieux parrains et marraines pour le lancement de cette vaste campagne de sensibilisation à la biodiversité outre-mer que vous allez nous présenter.
Je tiens à vous féliciter publiquement pour la formidable initiative que vous avez prise, qui me paraît exemplaire et à laquelle le Président de la République a apporté son patronage.
Elle est bien sûr exemplaire par son esprit, son contenu et son envergure, mais surtout parce qu'elle dit HALTE au renoncement !
Mon ministère est mobilisé à vos côtés et je sais que nous allons faire ensemble un excellent travail car je connais à la fois le dynamisme, la ténacité et le professionnalisme de votre association. Un grand merci donc.
La biodiversité à l'international
Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, à notre planète. Mon action en France va de pair avec une mobilisation sans compter au sein des grandes enceintes internationales.
Dans ce cadre, j'attache une grande importance à mon déplacement en Malaisie, pour participer aux travaux de la 7ème conférence des parties à la convention des Nations-Unies sur la biodiversité, qui viennent de débuter.
A Johannesburg en 2002, lors du sommet mondial du développement durable, le Président de la République avait porté l'espoir d'une humanité écologiquement plus responsable, Dans le droit fil de ce discours, j'entends porter à Kuala Lumpur, le message d'une France déterminée à participer activement à la lutte contre la perte de biodiversité.
Lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, la communauté internationale s'est pour la première fois mobilisée en adoptant la convention pour la diversité biologique.
Les travaux de cette convention ont permis de mieux cerner les questions qui se posent et de dégager des principes d'actions. La convention a mis en place des programmes de travail qu'elle a ciblés sur des ensembles naturels particuliers comme les forêts, les eaux intérieures, les zones arides, le milieu marin ou encore la montagne.
Néanmoins, dix ans après Rio, les progrès ne sont pas au rendez-vous. Le Président de la République avait déjà lui-même sonné l'alarme à Johannesburg, en soulignant l'urgence d'une prise de conscience générale.
Je refuse de voir dans cette convention, comme certains le font, un " machin onusien " qui ne sert à rien. Nus devons faire en sorte que ça marche ! Nous n'avons d'ailleurs plus le choix !
A Kuala Lumpur, pour que "l'Homme, pointe avancée de l'évolution " ne devienne pas " l'ennemi de la vie ", je porterai le message d'une France engagée résolument :
o dans un effort d'amélioration de la gouvernance et de l'efficience écologique des aires protégées,
o dans la recherche d'un régime international au sein de la convention sur la biodiversité sur la question cruciale du partage des avantages,
o et dans la lutte pour la protection des forêts tropicales.
S'agissant des aires protégées, je souhaite la mise en uvre effective et immédiate du programme de travail proposé dans le cadre de la convention. Il faut que ce programme de travail soit surveillé par un groupe de suivi et dispose d'un budget de fonctionnement. C'est ce que je défendrai.
Car il s'agit d'agir vite pour protéger notre " trame de vie " !
Cette position n'exclut bien sûr en rien l'élaboration d'un protocole spécifique, mais, à ce stade, il faut être pragmatique. Ne donnons plus d'excuses à ceux qui voudraient encore attendre et qui proposent d'entrer à nouveau dans de longues négociations. Il faut que les parties à la convention se concentrent d'abord sur la mise en uvre des processus déjà engagés.
Toutes les nouvelles voies de financement en vue de promouvoir la mise en uvre optimale de ce programme (amélioration de la qualité des aires protégées existantes, création de nouvelles aires protégées et mise en réseau effective) devront être explorées. Il me semble en particulier que le système de conversion-annulation de dettes devrait être plus largement mis en uvre en faveur de la biodiversité.
S'agissant du partage des bénéfices, nous devons marquer sans hésitation notre ouverture vers les pays du Sud et agir en conformité avec les déclarations de Johannesburg J'ai obtenu qu'à Kuala-Lumpur, la France propose que le groupe ad hoc chargé de la question de l'accès aux ressources génétiques et du partage des avantages puisse débattre de la divulgation de l'origine des ressources génétiques et de ses liens avec les droits de propriété intellectuelle, sans bien sûr préjuger des résultats.
Il faut que la France affronte courageusement sur la scène internationale cet aspect clé de la mise en uvre de la convention, car il détermine la mise en place de mécanismes d'incitation positive à la conservation de la biodiversité in situ.
D'autres sujets importants seront abordés à Kuala-Lumpur, notamment le renforcement de la connaissance, thème que j'ai posé comme socle de l'ensemble de ma politique nationale. Je rappellerai la tenue du colloque scientifique international que la France organisera en janvier 2005 et j'évoquerai l'utilité d'un mécanisme mondial en la matière, à l'image, pour le changement climatique, du GIEC (groupe international d'experts sur le climat). Ce colloque permettra aux scientifiques et décideurs de haut niveau d'échanger sur la connaissance, l'évaluation et les modes de gestion de la biodiversité.
Monsieur le Président, tout le travail d'information et de sensibilisation que le WWF entreprend est un grand pas en avant pour la cause de notre biodiversité.
Je suis persuadée que vous ferez beaucoup d'émules. Car notre dignité d'homme et de femme est interpellée. " L'égoïsme " et " l'aveuglement " ne sont plus de mise.
Je veux que mon petit-fils puisse offrir à ses enfants et ses petits-enfants une " planète vivante ".
En tant que ministre, je m'en fait un devoir et j'appelle à une mobilisation générale !
NON, le combat pour la biodiversité n'est pas perdu d'avance !
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 16 février 2004)
Monsieur le président de WWF,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les passionnés de nature,
Chers amis,
J'ai le plaisir de vous accueillir, avec le Directeur général du muséum national d'histoire naturelle, dans le temple de la biodiversité !
Le jardin dans lequel l'Humanité évolue aujourd'hui, son jardin planétaire, n'a plus grand chose à voir avec l'Eden.
Ses forêts sont détruites, ses mers se dégradent, son air, ses eaux, ses sols sont de plus en plus pollués.
Les changements climatiques auront, nous le savons, et malgré tous les efforts que nous entreprenons pour en limiter les effets, un impact négatif direct sur l'évolution de nos milieux naturels.
Plus de 2 000 espèces animales et végétales ont rejoint, ces dernières années, la " liste rouge " dressée par l'Union internationale pour la conservation de la nature.
A ce jour, dans le monde, une espèce d'oiseaux sur 8 et une espèce de mammifères sur 4 sont menacées d'extinction. Or, la disparition d'une seule espèce signifie souvent, en corollaire, celle de nombreuses autres. Qu'un insecte disparaisse, et la fleur qu'il pollinise est en péril !
Notre pays, évidemment, n'est hélas pas épargné !
En métropole, 10% de notre flore est en sursis ; 35% des espèces de mammifères et 18% des espèces d'oiseaux nichant sur notre territoire sont considérées comme en danger ou vulnérables; 50% de nos zones humides ont été détruites dans les trois dernières décennies.
L'Outre-mer, où 14 des 17 éco-régions françaises identifiées par le WWF sont localisées, abrite 4 des 25 milieux les plus riches et les plus menacés dans le monde, les fameux " hot spots ". Les enjeux y sont impérieux et vitaux. Car, si l'insularité est facteur de très hauts niveaux d'endémisme, elle est également facteur de fragilité. Ainsi, l'extinction d'une espèce au niveau local d'une île signifie la disparition de l'espèce à l'échelle mondiale. Par exemple, au cours des quatre derniers siècles, 30 % des extinctions d'espèces de mollusques au niveau planétaire ont eu lieu dans nos collectivités d'outre-mer.
Le constat est sans appel. Pour autant, faut-il considérer que la bataille est perdue ? Que tout effort est vain ?
Et bien NON ! En aucun cas nous n'avons le droit de baisser les bras ! Car, l'enjeu est de taille : préserver la diversité des formes de vie sur Terre, ce n'est rien moins que veiller à notre propre " assurance vie " !
Cette diversité conditionne en effet directement les capacités d'adaptation du monde vivant. Vous avez parlé, à cet égard, Monsieur le président du WWF, de " code génétique ". Je dirai même qu'elle constitue un véritable "coffre-fort génétique " ! Le trésor qu'elle enferme n'est rien moins que l'avenir et l'existence même de l'Humanité.
Que ce soit au niveau génétique, au niveau des espèces ou des écosystèmes, l'Homme a trouvé dans la biodiversité une multitude de biens et de services que les sociétés ont su mettre à profit pour asseoir leur développement.
Il suffit d'évoquer les variétés alimentaires et ornementales tirées du monde végétal, les innombrables substances actives naturelles utilisées par notre pharmacopée, la gamme de fonctions hydrologiques offertes par les milieux
L'Homme a également créé un lien culturel avec la biodiversité en l'investissant de valeurs symboliques et identitaires, qui se traduisent notamment dans des savoirs et des pratiques traditionnelles, ou dans l'attachement aux paysages ou à des espèces symboliques.
Alors, pourquoi " notre maison brûle-t-elle " ?
Parce que les modèles de développement, les processus de production et de consommation que nous avons privilégiés depuis plusieurs décennies ont perdu de vue notre relation forte avec la nature. Ils en ont ainsi méconnu les déterminants et ils en ont négligé la protection.
Il nous faut donc impérativement redresser la barre !
Stratégie nationale pour la biodiversité
Au niveau national, je m'y attache depuis plusieurs mois et je regrette que mes prédécesseurs soient restés passifs sur ce sujet.
Les premières étapes ont bien sûr porté sur la charte de l'environnement et la stratégie nationale de développement durable.
Une nouvelle étape a été franchie la semaine dernière, lorsque j'ai présenté publiquement les enjeux, les finalités et les grandes orientations de la stratégie nationale pour la biodiversité, dont j'ai engagé les travaux en 2003 et dont les plans d'action opérationnels devraient être adoptés d'ici juin 2004.
Mon objectif est clair et simple : stopper la perte de biodiversité en France d'ici 2010.
Mais 2010, c'est demain ! J'ai donc voulu une stratégie courageuse et qui s'attaque aux racines mêmes du mal, au lieu d'apporter des " mesurettes d'apparence ". Il s'agit de ne plus faire semblant !
Parce que la biodiversité est l'affaire de tous les citoyens et qu'elle " irrigue " toutes les politiques publiques, j'ai voulu associer largement la société civile dans la conception de notre stratégie. Je me suis également attachée à mettre à contribution directe tous les ministères concernés, afin de changer radicalement d'attitude et de perspectives au regard de la biodiversité.
Parce qu'on n'évalue bien que ce que l'on connaît bien, j'ai voulu mettre en place une première série d'indicateurs biologiques portant sur l'état de la biodiversité. Ceci témoigne, je crois, de ma volonté à dépasser les seules incantations, pour aller sur le terrain de l'action.
L'outre-mer et la biodiversité
Dans notre stratégie nationale, l'Outre-mer occupe bien sûr une place de choix. Faut-il rappeler que la richesse de la flore et de la faune de la seule Nouvelle-Calédonie est comparable à celle de l'ensemble de l'Europe continentale ? Que les mangroves de Guyane constituent le plus long ensemble de mangroves au monde ? Que le milieu marin de l'Outre-mer représente près de 20 fois la superficie de la France métropolitaine ?
Mais sur ce sujet, Brigitte Girardin a déjà tout dit ! Elle a rappelé les projets de réserves naturelles, le sanctuaire pour les baleines, les actions de l'IFRECOR, les projets en faveur des tortues marines de Guyane ou des forêts sèches de Nouvelle-Calédonie, la mission de l'inspection générale de l'environnement dans le Pacifique.
Je n'y reviendrai donc pas.
Mais je veux saluer la très forte mobilisation des collectivités d'Outre-mer pour la préparation de notre stratégie, qu'il s'agisse des élus, des représentants de l'Etat, des établissements publics de recherche ou de gestion, des associations. J'aurai personnellement l'occasion, et je m'en réjouis, de m'entretenir avec les représentants des collectivités du Pacifique qui m'accompagneront à Kuala Lumpur, collectivités qui, comme l'a rappelé Mme Girardin, disposent d'importantes compétences en matière d'environnement.
Un mot sur deux projets qui, je dois bien l'avouer, me tiennent particulièrement à cur : ceux des parcs nationaux de Guyane et des Hauts de La Réunion.
Je ne suis pas mécontente des étapes décisives qui ont été franchies ces 20 derniers mois, grâce au travail de concertation locale que je me suis attachée à relancer en liaison avec la ministre de l'outre-mer.
Ainsi, suite à la consultation approfondie des collectivités territoriales de La Réunion initiée à l'issue de mon déplacement de novembre 2002, je viens de saisir le Premier Ministre d'une prise en considération du projet de parc national de cette île.
Concernant la Guyane, où je me suis rendue en avril 2003, un travail de concertation très fructueux, qui était en panne, a repris, dont j'espère qu'il débouchera sur une prise en considération par le Premier Ministre avant la fin de l'année.
Ceci me permet d'espérer la création effective de ces deux nouveaux parcs en 2005, dès la réforme des parcs nationaux adoptée, réforme dont je compte présenter le projet de loi en juin prochain au conseil des ministres.
Sur tous ces sujets, je me félicite, chère Brigitte, de l'excellente coopération qui s'est instaurée entre nos deux ministères. Ton engagement a été précieux.
A ce stade de mon propos, il est plus que temps, monsieur le président de WWF, que je vous dise mon immense plaisir d'être à vos côtés et à ceux de vos prestigieux parrains et marraines pour le lancement de cette vaste campagne de sensibilisation à la biodiversité outre-mer que vous allez nous présenter.
Je tiens à vous féliciter publiquement pour la formidable initiative que vous avez prise, qui me paraît exemplaire et à laquelle le Président de la République a apporté son patronage.
Elle est bien sûr exemplaire par son esprit, son contenu et son envergure, mais surtout parce qu'elle dit HALTE au renoncement !
Mon ministère est mobilisé à vos côtés et je sais que nous allons faire ensemble un excellent travail car je connais à la fois le dynamisme, la ténacité et le professionnalisme de votre association. Un grand merci donc.
La biodiversité à l'international
Venons-en maintenant, si vous le voulez bien, à notre planète. Mon action en France va de pair avec une mobilisation sans compter au sein des grandes enceintes internationales.
Dans ce cadre, j'attache une grande importance à mon déplacement en Malaisie, pour participer aux travaux de la 7ème conférence des parties à la convention des Nations-Unies sur la biodiversité, qui viennent de débuter.
A Johannesburg en 2002, lors du sommet mondial du développement durable, le Président de la République avait porté l'espoir d'une humanité écologiquement plus responsable, Dans le droit fil de ce discours, j'entends porter à Kuala Lumpur, le message d'une France déterminée à participer activement à la lutte contre la perte de biodiversité.
Lors du sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992, la communauté internationale s'est pour la première fois mobilisée en adoptant la convention pour la diversité biologique.
Les travaux de cette convention ont permis de mieux cerner les questions qui se posent et de dégager des principes d'actions. La convention a mis en place des programmes de travail qu'elle a ciblés sur des ensembles naturels particuliers comme les forêts, les eaux intérieures, les zones arides, le milieu marin ou encore la montagne.
Néanmoins, dix ans après Rio, les progrès ne sont pas au rendez-vous. Le Président de la République avait déjà lui-même sonné l'alarme à Johannesburg, en soulignant l'urgence d'une prise de conscience générale.
Je refuse de voir dans cette convention, comme certains le font, un " machin onusien " qui ne sert à rien. Nus devons faire en sorte que ça marche ! Nous n'avons d'ailleurs plus le choix !
A Kuala Lumpur, pour que "l'Homme, pointe avancée de l'évolution " ne devienne pas " l'ennemi de la vie ", je porterai le message d'une France engagée résolument :
o dans un effort d'amélioration de la gouvernance et de l'efficience écologique des aires protégées,
o dans la recherche d'un régime international au sein de la convention sur la biodiversité sur la question cruciale du partage des avantages,
o et dans la lutte pour la protection des forêts tropicales.
S'agissant des aires protégées, je souhaite la mise en uvre effective et immédiate du programme de travail proposé dans le cadre de la convention. Il faut que ce programme de travail soit surveillé par un groupe de suivi et dispose d'un budget de fonctionnement. C'est ce que je défendrai.
Car il s'agit d'agir vite pour protéger notre " trame de vie " !
Cette position n'exclut bien sûr en rien l'élaboration d'un protocole spécifique, mais, à ce stade, il faut être pragmatique. Ne donnons plus d'excuses à ceux qui voudraient encore attendre et qui proposent d'entrer à nouveau dans de longues négociations. Il faut que les parties à la convention se concentrent d'abord sur la mise en uvre des processus déjà engagés.
Toutes les nouvelles voies de financement en vue de promouvoir la mise en uvre optimale de ce programme (amélioration de la qualité des aires protégées existantes, création de nouvelles aires protégées et mise en réseau effective) devront être explorées. Il me semble en particulier que le système de conversion-annulation de dettes devrait être plus largement mis en uvre en faveur de la biodiversité.
S'agissant du partage des bénéfices, nous devons marquer sans hésitation notre ouverture vers les pays du Sud et agir en conformité avec les déclarations de Johannesburg J'ai obtenu qu'à Kuala-Lumpur, la France propose que le groupe ad hoc chargé de la question de l'accès aux ressources génétiques et du partage des avantages puisse débattre de la divulgation de l'origine des ressources génétiques et de ses liens avec les droits de propriété intellectuelle, sans bien sûr préjuger des résultats.
Il faut que la France affronte courageusement sur la scène internationale cet aspect clé de la mise en uvre de la convention, car il détermine la mise en place de mécanismes d'incitation positive à la conservation de la biodiversité in situ.
D'autres sujets importants seront abordés à Kuala-Lumpur, notamment le renforcement de la connaissance, thème que j'ai posé comme socle de l'ensemble de ma politique nationale. Je rappellerai la tenue du colloque scientifique international que la France organisera en janvier 2005 et j'évoquerai l'utilité d'un mécanisme mondial en la matière, à l'image, pour le changement climatique, du GIEC (groupe international d'experts sur le climat). Ce colloque permettra aux scientifiques et décideurs de haut niveau d'échanger sur la connaissance, l'évaluation et les modes de gestion de la biodiversité.
Monsieur le Président, tout le travail d'information et de sensibilisation que le WWF entreprend est un grand pas en avant pour la cause de notre biodiversité.
Je suis persuadée que vous ferez beaucoup d'émules. Car notre dignité d'homme et de femme est interpellée. " L'égoïsme " et " l'aveuglement " ne sont plus de mise.
Je veux que mon petit-fils puisse offrir à ses enfants et ses petits-enfants une " planète vivante ".
En tant que ministre, je m'en fait un devoir et j'appelle à une mobilisation générale !
NON, le combat pour la biodiversité n'est pas perdu d'avance !
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 16 février 2004)