Texte intégral
Monsieur Richard SANDOR,
Messieurs les conférenciers,
Mesdames, Messieurs
Laissez moi vous dire en préambule tout le plaisir que j'éprouve à ouvrir cette conférence sur un thème rarement abordé par un -ou une- ministre chargé(e) de l'environnement.
En effet, compte tenu du sujet dont nous allons débattre ce soir, vous auriez pu penser, voire considérer comme naturel, que cette conférence se tienne plutôt à l'initiative de mon collègue, M. Francis Mer, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.
Le fait que cette conférence-débat soit organisée par le Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable illustre bien le nouveau rôle de ce ministère. Comme son nouveau titre l'indique, son rôle est précisément d'entraîner la société vers un développement durable c'est-à-dire un mode de développement qui concilie notamment développement économique et protection de l'environnement.
Dans cette tâche, je veille en particulier à ce qu'aucun instrument, et en particulier aucun instrument économique ne soit écarté. La réglementation a été, traditionnellement, l'approche favorisée par l'administration. Nous savons désormais que d'autres instruments, peuvent aussi porter leurs fruits dans le domaine de l'environnement.
Aussi, mon propos introductif portera sur deux points :
-Tout d'abord, je souhaite rappeler le défi planétaire de la lutte contre le changement climatique qui illustre mieux que tout autre l'enjeu de développement durable,
- Ensuite, je voudrais m'attarder sur un instrument économique sans précédent que nous mettons en place pour lutter contre ce changement climatique à l'échelle européenne. Il s'agit du marché d'échange, entre entreprises européennes, de " quotas " d'émission de gaz à effet de serre qui débutera au premier janvier 2005. Des interrogations subsistent encore sur son organisation. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que nous en parlions dans cette enceinte.
La lutte contre le ou les changements climatiques est l'une de mes priorités pour l'année 2004. Comme vous le savez, le changement climatique est aujourd'hui une réalité. Etude après étude, article après article, l'expertise du Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'Evolution du Climat le confirme : le changement climatique est inéluctable si aucune action régulatrice n'est entreprise, même si nous ne pouvons encore en prédire l'ampleur ou les effets locaux avec précision. Ses effets se font déjà sentir. Mais une action est encore possible à condition d'être vigoureuse, immédiate et sur le long terme.
Si nous n'agissons pas, si les politiques de tous les pays, à la hauteur de leur responsabilité et de leurs capacités, ne s'engagent pas sur la voie d'une maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, alors l'influence de nos activités économiques sur l'environnement planétaire, tous pays confondus, pourra être dévastatrice. Et elle le sera pour tous.
La France a ratifié le protocole de Kyoto, comme l'ensemble de ses partenaires européens, mais aussi comme de nombreux pays, dont le Canada et le Japon. Dans ce cadre, elle s'est engagée à maintenir, entre 2008 et 2012, ses émissions de gaz à effet de serre au niveau observés en 1990.
Pour y parvenir, elle aura recours à des mesures nationales, en cours de finalisation dans le Plan climat qui sera publié très prochainement, avec une attention particulière portée aux transports et aux bâtiments, ainsi qu'à la responsabilisation des collectivités territoriales et des citoyens.
Mais la France aura également recours, pour réduire ses émissions, à des outils à dimension européenne, outils qui sont économiquement plus efficaces car il bénéficient du marché unique européen et permettent d'éviter les distorsions de concurrence. Il s'agit d'un aspect essentiel pour les secteurs présents sur des marchés européens, voir mondiaux, comme ceux de l'énergie et des installations industrielles intensives en énergie. Pour réduire les émissions de ces secteurs, responsables d'un peu moins de la moitié des émissions de dioxyde de carbone de l'Union européenne, une directive européenne a été adoptée par le Parlement européen. Elle prévoit la mise en place d'un marché européen de quotas d'émission de dioxyde de carbone au premier janvier 2005.
J'ai la conviction que ce marché de quotas, s'il est bien appliqué par tous les Etats membres, dans des conditions de fiabilité, de transparence et de contrôle analogues à ceux des transactions financières, permettra d'obtenir, au moindre coût, le résultat environnemental recherché sans porter atteinte à la compétitivité de l'industrie européenne. En donnant une valeur économique au carbone émis, il incitera les entreprises européennes à des gains de consommation de combustibles et des améliorations technologiques, facteurs essentiels de leur future compétitivité sur la scène internationale.
D'ores et déjà, le travail de transposition de cette directive en droit national est fortement engagé. Le projet d'habilitation par ordonnance correspondant a été présenté au Conseil des Ministres du 21 janvier 2004.
Par ailleurs, les services du ministère élaborent, avec un grand sérieux dans le recueil et le traitement des données et en concertation constante avec les branches industrielles concernées et les autres ministères, un projet de plan d'allocation des quotas aux entreprises pour la période 2005-2007. Ce projet de plan, qui devrait être prêt fin février, sera ensuite soumis pour approbation à une Commission indépendante et soumis à consultation publique avant d'être envoyé à la Commission européenne le 31 mars 2004.
Dans l'élaboration de ce plan, le Gouvernement s'attache à respecter les engagements de la France pris dans le cadre du protocole de Kyoto, à éviter les distorsions de concurrence dans l'Union européenne et à préserver la compétitivité de l'industrie française sur la scène internationale.
Mais ce n'est pas ce point qui doit retenir votre attention ce soir, même si les industriels présents dans la salle souhaiteraient certainement que je sois plus précise sur ce sujet.
Il y a en effet des aspects du marché qui n'ont pas été traités dans le texte de la Directive. Cet oubli n'en n'est pas tout à fait un, puisque la Commission a implicitement considéré, en se gardant d'y faire mention, que l'organisation des marchés d'échange des quotas européens se ferait de façon spontanée. Je dis les marchés, car il est maintenant certain que ce ne seront pas seulement les quotas qui s'échangeront, mais aussi des produits dérivés, à l'instar de ce que l'on a pu observer lors de la création du marché des quotas d'émission de dioxyde de soufre pour les centrales électriques américaines.
Je m'interroge dès lors sur les règles de sécurité qui régiront les transactions entre entreprises détentrices de quotas. De quelle protection, de quelles informations bénéficieront les entreprises, et je pense en particulier aux PME, peu aguerries aux opérations de marché, qui devront acquérir des " quotas " pour couvrir leurs émissions ou à l'inverse, seront dans une position de " vendeuses " parce qu'ayant réalisé des efforts de réduction de leurs émission de gaz à effet de serre ?
Ce n'est évidemment pas parce que la directive ne traite pas de l'organisation précise des marchés que nous ne devons pas réfléchir à cette question. C'est précisément parce qu'il nous faut anticiper, que nous sommes rassemblés ici ce soir. D'autant que l'Etat membre ou la place boursière qui offrira les conditions les plus sûres et les plus performantes attirera naturellement les opérateurs.
Pour amorcer le débat ce soir sur cette question, nous avons fait appel à un expert reconnu sur cette question, et que je remercie vivement de sa présence.
Il a récemment beaucoup fait parler de lui lorsqu'il a lancé, à Chicago, le premier marché nord-américain d'échange de crédits d'émission de gaz à effet de serre entre des entreprises et des collectivités locales, américaines et canadiennes.
Richard Sandor a donc été confronté à cette question de l'organisation, dans ce domaine très particulier des biens publics environnementaux, des marchés d'échange.
Bien sûr, les quotas européens diffèreront des crédits américains, du fait de leur application obligatoire, des exigences attachées au contrôle des émissions correspondantes et des pénalités instaurées en cas de défaillance. Mais quand il s'agit d'organiser les échanges et d'assurer l'efficacité système, les questions qui se posent sont du même registre.
Monsieur SANDOR, je vous remercie et vous laisse la parole.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 13 février 2004)
Messieurs les conférenciers,
Mesdames, Messieurs
Laissez moi vous dire en préambule tout le plaisir que j'éprouve à ouvrir cette conférence sur un thème rarement abordé par un -ou une- ministre chargé(e) de l'environnement.
En effet, compte tenu du sujet dont nous allons débattre ce soir, vous auriez pu penser, voire considérer comme naturel, que cette conférence se tienne plutôt à l'initiative de mon collègue, M. Francis Mer, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.
Le fait que cette conférence-débat soit organisée par le Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable illustre bien le nouveau rôle de ce ministère. Comme son nouveau titre l'indique, son rôle est précisément d'entraîner la société vers un développement durable c'est-à-dire un mode de développement qui concilie notamment développement économique et protection de l'environnement.
Dans cette tâche, je veille en particulier à ce qu'aucun instrument, et en particulier aucun instrument économique ne soit écarté. La réglementation a été, traditionnellement, l'approche favorisée par l'administration. Nous savons désormais que d'autres instruments, peuvent aussi porter leurs fruits dans le domaine de l'environnement.
Aussi, mon propos introductif portera sur deux points :
-Tout d'abord, je souhaite rappeler le défi planétaire de la lutte contre le changement climatique qui illustre mieux que tout autre l'enjeu de développement durable,
- Ensuite, je voudrais m'attarder sur un instrument économique sans précédent que nous mettons en place pour lutter contre ce changement climatique à l'échelle européenne. Il s'agit du marché d'échange, entre entreprises européennes, de " quotas " d'émission de gaz à effet de serre qui débutera au premier janvier 2005. Des interrogations subsistent encore sur son organisation. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que nous en parlions dans cette enceinte.
La lutte contre le ou les changements climatiques est l'une de mes priorités pour l'année 2004. Comme vous le savez, le changement climatique est aujourd'hui une réalité. Etude après étude, article après article, l'expertise du Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'Evolution du Climat le confirme : le changement climatique est inéluctable si aucune action régulatrice n'est entreprise, même si nous ne pouvons encore en prédire l'ampleur ou les effets locaux avec précision. Ses effets se font déjà sentir. Mais une action est encore possible à condition d'être vigoureuse, immédiate et sur le long terme.
Si nous n'agissons pas, si les politiques de tous les pays, à la hauteur de leur responsabilité et de leurs capacités, ne s'engagent pas sur la voie d'une maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, alors l'influence de nos activités économiques sur l'environnement planétaire, tous pays confondus, pourra être dévastatrice. Et elle le sera pour tous.
La France a ratifié le protocole de Kyoto, comme l'ensemble de ses partenaires européens, mais aussi comme de nombreux pays, dont le Canada et le Japon. Dans ce cadre, elle s'est engagée à maintenir, entre 2008 et 2012, ses émissions de gaz à effet de serre au niveau observés en 1990.
Pour y parvenir, elle aura recours à des mesures nationales, en cours de finalisation dans le Plan climat qui sera publié très prochainement, avec une attention particulière portée aux transports et aux bâtiments, ainsi qu'à la responsabilisation des collectivités territoriales et des citoyens.
Mais la France aura également recours, pour réduire ses émissions, à des outils à dimension européenne, outils qui sont économiquement plus efficaces car il bénéficient du marché unique européen et permettent d'éviter les distorsions de concurrence. Il s'agit d'un aspect essentiel pour les secteurs présents sur des marchés européens, voir mondiaux, comme ceux de l'énergie et des installations industrielles intensives en énergie. Pour réduire les émissions de ces secteurs, responsables d'un peu moins de la moitié des émissions de dioxyde de carbone de l'Union européenne, une directive européenne a été adoptée par le Parlement européen. Elle prévoit la mise en place d'un marché européen de quotas d'émission de dioxyde de carbone au premier janvier 2005.
J'ai la conviction que ce marché de quotas, s'il est bien appliqué par tous les Etats membres, dans des conditions de fiabilité, de transparence et de contrôle analogues à ceux des transactions financières, permettra d'obtenir, au moindre coût, le résultat environnemental recherché sans porter atteinte à la compétitivité de l'industrie européenne. En donnant une valeur économique au carbone émis, il incitera les entreprises européennes à des gains de consommation de combustibles et des améliorations technologiques, facteurs essentiels de leur future compétitivité sur la scène internationale.
D'ores et déjà, le travail de transposition de cette directive en droit national est fortement engagé. Le projet d'habilitation par ordonnance correspondant a été présenté au Conseil des Ministres du 21 janvier 2004.
Par ailleurs, les services du ministère élaborent, avec un grand sérieux dans le recueil et le traitement des données et en concertation constante avec les branches industrielles concernées et les autres ministères, un projet de plan d'allocation des quotas aux entreprises pour la période 2005-2007. Ce projet de plan, qui devrait être prêt fin février, sera ensuite soumis pour approbation à une Commission indépendante et soumis à consultation publique avant d'être envoyé à la Commission européenne le 31 mars 2004.
Dans l'élaboration de ce plan, le Gouvernement s'attache à respecter les engagements de la France pris dans le cadre du protocole de Kyoto, à éviter les distorsions de concurrence dans l'Union européenne et à préserver la compétitivité de l'industrie française sur la scène internationale.
Mais ce n'est pas ce point qui doit retenir votre attention ce soir, même si les industriels présents dans la salle souhaiteraient certainement que je sois plus précise sur ce sujet.
Il y a en effet des aspects du marché qui n'ont pas été traités dans le texte de la Directive. Cet oubli n'en n'est pas tout à fait un, puisque la Commission a implicitement considéré, en se gardant d'y faire mention, que l'organisation des marchés d'échange des quotas européens se ferait de façon spontanée. Je dis les marchés, car il est maintenant certain que ce ne seront pas seulement les quotas qui s'échangeront, mais aussi des produits dérivés, à l'instar de ce que l'on a pu observer lors de la création du marché des quotas d'émission de dioxyde de soufre pour les centrales électriques américaines.
Je m'interroge dès lors sur les règles de sécurité qui régiront les transactions entre entreprises détentrices de quotas. De quelle protection, de quelles informations bénéficieront les entreprises, et je pense en particulier aux PME, peu aguerries aux opérations de marché, qui devront acquérir des " quotas " pour couvrir leurs émissions ou à l'inverse, seront dans une position de " vendeuses " parce qu'ayant réalisé des efforts de réduction de leurs émission de gaz à effet de serre ?
Ce n'est évidemment pas parce que la directive ne traite pas de l'organisation précise des marchés que nous ne devons pas réfléchir à cette question. C'est précisément parce qu'il nous faut anticiper, que nous sommes rassemblés ici ce soir. D'autant que l'Etat membre ou la place boursière qui offrira les conditions les plus sûres et les plus performantes attirera naturellement les opérateurs.
Pour amorcer le débat ce soir sur cette question, nous avons fait appel à un expert reconnu sur cette question, et que je remercie vivement de sa présence.
Il a récemment beaucoup fait parler de lui lorsqu'il a lancé, à Chicago, le premier marché nord-américain d'échange de crédits d'émission de gaz à effet de serre entre des entreprises et des collectivités locales, américaines et canadiennes.
Richard Sandor a donc été confronté à cette question de l'organisation, dans ce domaine très particulier des biens publics environnementaux, des marchés d'échange.
Bien sûr, les quotas européens diffèreront des crédits américains, du fait de leur application obligatoire, des exigences attachées au contrôle des émissions correspondantes et des pénalités instaurées en cas de défaillance. Mais quand il s'agit d'organiser les échanges et d'assurer l'efficacité système, les questions qui se posent sont du même registre.
Monsieur SANDOR, je vous remercie et vous laisse la parole.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 13 février 2004)