Texte intégral
Monsieur le Premier Président de la Cour de Cassation,
Monsieur le Président de l'Académie nationale de médecine,
Mesdames et Messieurs les sénateurs et députés, mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats,
Mesdames et Messieurs les professeurs de médecine et experts,
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Permettez-moi, en tout premier lieu, de vous souhaiter à toutes et à tous une très cordiale bienvenue dans les salons de la présidence du Sénat.
Je vous remercie chaleureusement d'avoir été nombreux à répondre à mon invitation. Ce moment de convivialité, -que M. le Premier Président Canivet, M. le Président Sureau et moi-même sommes heureux de vous faire partager-, a pour but de vous présenter officiellement les trois colloques, que les juridictions de Paris, l'Académie nationale de médecine et la Compagnie des médecins experts de Paris, ont décidé d'organiser, sur les rapports, parfois difficiles, qu'entretiennent la Justice et la Santé.
C'est ainsi qu'en octobre et novembre prochains, vous êtes conviés à trois rendez-vous, ou plus précisément trois dialogues entre une personnalité du monde du droit et une personnalité du monde médical, qui se tiendront au Palais de Justice de Paris, pour évoquer successivement :
- la bioéthique au 21ème siècle ;
- la génétique et le droit ;
- la médecine et le droit dans notre société.
Autant dire que vous êtes invités à débattre des questions les plus fondamentales, au sens premier du terme, qui se posent à nos sociétés développées, à l'aube de ce 21ème siècle. Il y sera en effet question de la valeur de la vie humaine, de la place et du rôle de ceux qui ont pour mission de la soigner et de la préserver.
Sans vous donner ici le détail des sujets qui seront développés lors de ces rencontres, -et pour lequel je vous renvoie au dossier de presse qui vous a été remis à l'entrée-, je voudrais simplement, en ma qualité d'homme public, toujours intéressé par les problèmes de la Cité, évoquer, brièvement et en termes de profane, les points qui me sont apparus comme étant les plus lourds d'enjeux éthiques ou économiques pour l'avenir de nos sociétés.
Deux sujets font l'objet d'une actualité particulièrement brûlante : il s'agit de la question de l'expérimentation sur les embryons et celle du clonage humain.
Ce sont les points qui, me semble-t-il, susciteront et ont déjà suscité, les débats les plus vifs et les plus délicats.
Faut-il continuer d'interdire les expérimentations sur l'embryon, alors que, selon de nombreux scientifiques, elles permettraient d'améliorer les techniques d'assistance à la procréation en toute sécurité et notamment pourraient éviter la production d'embryons " surnuméraires " ?
Peut-on continuer d'interdire ces expérimentations, alors qu'elles sont autorisées dans d'autres Etats et alors surtout qu'elles ont très récemment permis à une équipe de chercheurs américains, de découvrir que certaines cellules de l'embryon pouvaient permettre, à terme, de soigner par voie de greffes de cellules neuves, des maladies telles que le diabète, la maladie de Parkinson, d'Alzheimer, ou des leucémies.
Ces perspectives thérapeutiques extraordinaires suffisent-elles à autoriser l'utilisation de l'embryon comme un simple matériau de remplacement ? Doit-on accepter qu'il devienne une chose ?
De même, la perspective de soigner ces maladies sans risque de rejet des greffes, doit-elle conduire à autoriser le clonage dit thérapeutique ? N'y a-t-il pas risque de banalisation de la technique du clonage, qui pourrait conduire insensiblement à l'acceptation du clonage humain, aujourd'hui condamné ?
Nous savons que nos amis anglais s'apprêtent à prendre ce risque.
Dans le domaine de la génétique, les questions ne sont pas moins complexes. La France, on le sait, refuse de transposer la directive européenne de 1998 relative à la brevetabilité du génome humain, qui autorise le dépôt d'un brevet pour le seul décryptage d'une séquence de gène humain, même si le rôle de ce gène n'est pas découvert.
Véritable confiscation du savoir pour les uns puisque portant sur un élément de la nature, moyen indispensable de financer la recherche pour les autres, la brevetabilité du génome constitue indiscutablement un enjeu éthique, mais aussi financier considérable, pour les trente prochaines années, puisqu'elle sera source de nouveaux médicaments.
Tel est le type de questions qui seront bien plus largement développées au cours de ces trois journées d'octobre et novembre.
Mais il y en aura bien d'autres, tendant notamment à la responsabilité civile et pénale des médecins dont M. le Président Sureau vous dira un mot dans un instant.
Je n'ai bien sûr aucune réponse à toutes ces questions mais j'ai la conviction qu'elles doivent nous conduire à nous interroger sur le monde dans lequel nous voulons vivre. Quelle place voulons-nous y laisser à l'homme ?
Il me semble essentiel de ne pas vouloir poser des limites infranchissables au désir de connaissance des hommes, surtout lorsqu'elles n'existent pas dans d'autres législations, mais il me paraît tout aussi important de ne pas perdre de vue que le respect de la dignité du corps et de la vie humaine est aussi nécessaire à l'homme pour survivre, que la science.
Un juste équilibre, difficile à trouver je l'admets, entre une conception trop spiritualiste ou trop utilitaire de la vie humaine, doit être recherché et en tout cas débattu publiquement.
Je vous dirai, pour terminer, que je mesure pleinement l'honneur qui m'est fait de parrainer cette manifestation de lancement.
Je dois dire que lorsque mon ami Pierre Bordry, que je remercie vivement, m'en a fait la demande, je n'ai pas hésité un seul instant avant de répondre favorablement. Il m'est en effet apparu primordial que les questions qui seront évoquées au cours de ces journées soient placées au coeur de la Cité, au coeur du débat public. En dépit de leur caractère très technique, elles concernent en réalité, vous l'avez vu, l'avenir de l'espèce humaine et intéressent, par conséquent, l'ensemble de nos concitoyens. Quoi de plus normal, dès lors, que l'annonce de ces colloques soit faite au sein d'une assemblée politique de sages, dont le rôle est justement de délibérer, loin des passions du moment, sur les sujets d'intérêt général, et dont les travaux en matière médicale sont en outre particulièrement reconnus. Je salue à cet égard mes amis Lucien Neuwirth et Claude Huriet.
En conclusion, je voudrais saluer et remercier les initiateurs de ces trois " Dialogues ", notamment M. le Premier Président Canivet et M. le Professeur Cabanis, pour leur audace dans le choix des sujets mais, surtout, pour la contribution essentielle qu'ils vont ainsi apporter au débat scientifique, juridique et démocratique.
J'invite donc chacun de vous, et surtout tous les journalistes qui sont présents ce soir, à donner à ces trois manifestations l'écho qu'elles méritent.
Je vous remercie de votre attention et je cède maintenant la parole à M. le Premier Président Canivet puis à M. le Président Sureau.
(Source http://www.senat.fr, le 22 novembre 2000)
Monsieur le Président de l'Académie nationale de médecine,
Mesdames et Messieurs les sénateurs et députés, mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats,
Mesdames et Messieurs les professeurs de médecine et experts,
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Permettez-moi, en tout premier lieu, de vous souhaiter à toutes et à tous une très cordiale bienvenue dans les salons de la présidence du Sénat.
Je vous remercie chaleureusement d'avoir été nombreux à répondre à mon invitation. Ce moment de convivialité, -que M. le Premier Président Canivet, M. le Président Sureau et moi-même sommes heureux de vous faire partager-, a pour but de vous présenter officiellement les trois colloques, que les juridictions de Paris, l'Académie nationale de médecine et la Compagnie des médecins experts de Paris, ont décidé d'organiser, sur les rapports, parfois difficiles, qu'entretiennent la Justice et la Santé.
C'est ainsi qu'en octobre et novembre prochains, vous êtes conviés à trois rendez-vous, ou plus précisément trois dialogues entre une personnalité du monde du droit et une personnalité du monde médical, qui se tiendront au Palais de Justice de Paris, pour évoquer successivement :
- la bioéthique au 21ème siècle ;
- la génétique et le droit ;
- la médecine et le droit dans notre société.
Autant dire que vous êtes invités à débattre des questions les plus fondamentales, au sens premier du terme, qui se posent à nos sociétés développées, à l'aube de ce 21ème siècle. Il y sera en effet question de la valeur de la vie humaine, de la place et du rôle de ceux qui ont pour mission de la soigner et de la préserver.
Sans vous donner ici le détail des sujets qui seront développés lors de ces rencontres, -et pour lequel je vous renvoie au dossier de presse qui vous a été remis à l'entrée-, je voudrais simplement, en ma qualité d'homme public, toujours intéressé par les problèmes de la Cité, évoquer, brièvement et en termes de profane, les points qui me sont apparus comme étant les plus lourds d'enjeux éthiques ou économiques pour l'avenir de nos sociétés.
Deux sujets font l'objet d'une actualité particulièrement brûlante : il s'agit de la question de l'expérimentation sur les embryons et celle du clonage humain.
Ce sont les points qui, me semble-t-il, susciteront et ont déjà suscité, les débats les plus vifs et les plus délicats.
Faut-il continuer d'interdire les expérimentations sur l'embryon, alors que, selon de nombreux scientifiques, elles permettraient d'améliorer les techniques d'assistance à la procréation en toute sécurité et notamment pourraient éviter la production d'embryons " surnuméraires " ?
Peut-on continuer d'interdire ces expérimentations, alors qu'elles sont autorisées dans d'autres Etats et alors surtout qu'elles ont très récemment permis à une équipe de chercheurs américains, de découvrir que certaines cellules de l'embryon pouvaient permettre, à terme, de soigner par voie de greffes de cellules neuves, des maladies telles que le diabète, la maladie de Parkinson, d'Alzheimer, ou des leucémies.
Ces perspectives thérapeutiques extraordinaires suffisent-elles à autoriser l'utilisation de l'embryon comme un simple matériau de remplacement ? Doit-on accepter qu'il devienne une chose ?
De même, la perspective de soigner ces maladies sans risque de rejet des greffes, doit-elle conduire à autoriser le clonage dit thérapeutique ? N'y a-t-il pas risque de banalisation de la technique du clonage, qui pourrait conduire insensiblement à l'acceptation du clonage humain, aujourd'hui condamné ?
Nous savons que nos amis anglais s'apprêtent à prendre ce risque.
Dans le domaine de la génétique, les questions ne sont pas moins complexes. La France, on le sait, refuse de transposer la directive européenne de 1998 relative à la brevetabilité du génome humain, qui autorise le dépôt d'un brevet pour le seul décryptage d'une séquence de gène humain, même si le rôle de ce gène n'est pas découvert.
Véritable confiscation du savoir pour les uns puisque portant sur un élément de la nature, moyen indispensable de financer la recherche pour les autres, la brevetabilité du génome constitue indiscutablement un enjeu éthique, mais aussi financier considérable, pour les trente prochaines années, puisqu'elle sera source de nouveaux médicaments.
Tel est le type de questions qui seront bien plus largement développées au cours de ces trois journées d'octobre et novembre.
Mais il y en aura bien d'autres, tendant notamment à la responsabilité civile et pénale des médecins dont M. le Président Sureau vous dira un mot dans un instant.
Je n'ai bien sûr aucune réponse à toutes ces questions mais j'ai la conviction qu'elles doivent nous conduire à nous interroger sur le monde dans lequel nous voulons vivre. Quelle place voulons-nous y laisser à l'homme ?
Il me semble essentiel de ne pas vouloir poser des limites infranchissables au désir de connaissance des hommes, surtout lorsqu'elles n'existent pas dans d'autres législations, mais il me paraît tout aussi important de ne pas perdre de vue que le respect de la dignité du corps et de la vie humaine est aussi nécessaire à l'homme pour survivre, que la science.
Un juste équilibre, difficile à trouver je l'admets, entre une conception trop spiritualiste ou trop utilitaire de la vie humaine, doit être recherché et en tout cas débattu publiquement.
Je vous dirai, pour terminer, que je mesure pleinement l'honneur qui m'est fait de parrainer cette manifestation de lancement.
Je dois dire que lorsque mon ami Pierre Bordry, que je remercie vivement, m'en a fait la demande, je n'ai pas hésité un seul instant avant de répondre favorablement. Il m'est en effet apparu primordial que les questions qui seront évoquées au cours de ces journées soient placées au coeur de la Cité, au coeur du débat public. En dépit de leur caractère très technique, elles concernent en réalité, vous l'avez vu, l'avenir de l'espèce humaine et intéressent, par conséquent, l'ensemble de nos concitoyens. Quoi de plus normal, dès lors, que l'annonce de ces colloques soit faite au sein d'une assemblée politique de sages, dont le rôle est justement de délibérer, loin des passions du moment, sur les sujets d'intérêt général, et dont les travaux en matière médicale sont en outre particulièrement reconnus. Je salue à cet égard mes amis Lucien Neuwirth et Claude Huriet.
En conclusion, je voudrais saluer et remercier les initiateurs de ces trois " Dialogues ", notamment M. le Premier Président Canivet et M. le Professeur Cabanis, pour leur audace dans le choix des sujets mais, surtout, pour la contribution essentielle qu'ils vont ainsi apporter au débat scientifique, juridique et démocratique.
J'invite donc chacun de vous, et surtout tous les journalistes qui sont présents ce soir, à donner à ces trois manifestations l'écho qu'elles méritent.
Je vous remercie de votre attention et je cède maintenant la parole à M. le Premier Président Canivet puis à M. le Président Sureau.
(Source http://www.senat.fr, le 22 novembre 2000)