Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Le projet de la Participation a été porté avec force par le général de Gaulle, dans un climat empreint de scepticisme. Et pourtant, la Participation s'est enracinée dans la réalité économique et sociale de notre pays : 1 salarié français sur 2 bénéficie aujourd'hui d'un mécanisme de participation ou d'intéressement. Plus de 10 milliards d'euro sont versés chaque année à 8 millions de salariés, qui voient ainsi leur rémunération accrue de 6 %.
Personne ne songe aujourd'hui à remettre en cause ces dispositifs. Ceux-ci continuent cependant à déranger, car ils ne rentrent pas dans les solutions préfabriquées vers lesquelles les pesanteurs conservatrices ou idéologiques veulent nous enfermer.
Le 9 décembre dernier, j'ai fait de la Participation l'un des axes forts de mon contrat "France 2005". Je suis venu aujourd'hui vous dire pourquoi elle est pour moi une idée moderne, en quoi elle permet de dessiner une véritable voie française dans la mondialisation. Je ne viens pas vous proposer une "nième" réforme, mais jeter les bases d'une renaissance de cette idée. Je suis venu devant le Conseil Economique et Social, en raison de ses contributions sur ce sujet ; parce que "l'assemblée du premier mot" apporte au Gouvernement des conseils sans préjugés, fondés sur la connaissance du terrain.
La société française dans son ensemble récuse le modèle financier anglo-saxon, dans la mesure où celui-ci se caractérise par une emprise excessive des marchés sur la vie économique et une attention insuffisante apportée à la personne humaine et à la cohésion sociale. Notre pays doit donc définir sa propre voie dans la mondialisation, pour concilier ouverture au monde et ambitions sociales. Les difficultés sont connues :
- l'internationalisation du capital et la globalisation financière peuvent conduire à un divorce entre entreprises et territoires, parfois entre actionnaires et salariés ;
- en France, l'insuffisance du dialogue social et un certain archaïsme des options économiques ont conduit à déconnecter le débat récurrent sur le partage des fruits de la croissance du débat sur les conditions de retour au plein-emploi. Cette déconnexion a trouvé son point d'orgue, si l'on peut dire, avec le partage du travail.
I - Surmonter ces difficultés, réconcilier l'économique et le social sont au cur du projet de cohésion sociale de Jacques CHIRAC. Il ne peut y avoir de progrès social dans notre pays sans revalorisation du travail et la créativité de l'entreprise.
C'est pourquoi la valorisation du travail et de l'esprit d'entreprise constituent le "fil rouge" de l'action gouvernementale engagée depuis trois ans. Notre action a pris quatre formes :
- une simplification des procédures pour créer son entreprise ;
- un effort en faveur du pouvoir d'achat des bas salaires, afin que le travail soit mieux rémunéré que l'assistance ;
- une revitalisation du dialogue social au sein des entreprises et des branches, pour permettre à ceux qui le souhaitent, de promouvoir " le temps choisi " ;
- et un effort massif pour l'intégration des jeunes par l'apprentissage.
Nous avons ainsi libéré un potentiel d'initiatives et de projets considérables : 600 000 entreprises nouvelles se sont créées en l'espace de 3 ans, donnant ainsi à notre reprise des fondements solides.
II - Sur la lancée de cette action, nous devons construire une voie française, une voie européenne dans la mondialisation.
1 - Le Général de Gaulle écrit dans ses Mémoires d'Espoir qu'"il manque à la société mécanique moderne un ressort humain qui assure son équilibre".
Cette phrase garde toute son actualité. Pour moi, comme pour le Chef de l'Etat, la Participation concourt à cet équilibre.
La Participation ne se résume pas à une modalité de répartition des fruits de la croissance ; elle ne se réduit pas à une réponse circonstancielle aux attentes légitimes des Français en matière de pouvoir d'achat. Elle est d'abord un état d'esprit, celui de la France, gage du développement durable de ses entreprises.
Si l'entreprise ne peut se développer sans satisfaire ses clients ni mériter la confiance de ses actionnaires, elle ne peut pas espérer durer sans l'adhésion de ses salariés.
Ceux-ci doivent être reconnus en tant qu'acteurs bénéficiaires à part entière de sa création de richesses.
L'épanouissement des salariés passe par un partage de l'avoir, du savoir et du pouvoir : c'est cela la Participation. Elle se décline par des mécanismes nombreux que sont les formules de participation aux résultats, aux performances - les accords d'intéressement - et au capital - l'actionnariat salarié - toutes formules qui concourent au même objectif.
2 - La Participation doit nous aider à transformer la reprise en "croissance durable et partagée". Dans cette perspective, elle présente à mes yeux un triple mérite :
- elle facilite, via notamment l'actionnariat salarié, le recyclage des profits vers la consommation des Français ;
- elle favorise l'implication des salariés dans la vie de l'entreprise, au moment où nous rentrons de plain-pied dans l'économie de la connaissance ;
- elle favorise l'ancrage des entreprises dans leurs territoires.
a) La Participation doit d'abord permettre un partage des profits des entreprises orienté plus directement vers les salariés qui y contribuent.
Le débat sur le partage des fruits de la croissance ne doit pas faire oublier qu'une entreprise qui fait des profits, c'est une bonne nouvelle pour la croissance. Une entreprise qui perd de l'argent, c'est une menace pour l'emploi. Par ailleurs, la situation des entreprises reste contrastée.
Si les grandes entreprises du "CAC 40" tirent profit de la vigueur de la croissance mondiale, les PME, en revanche, se battent dans des conditions très rudes, face à une concurrence mondialisée et agressive.
Dans le même temps, il faut veiller à entretenir notre dynamique de croissance interne, ce qui suppose que nos concitoyens bénéficient de gains suffisants de pouvoir d'achat et de taux d'intérêt suffisamment bas.
Au titre du pouvoir d'achat, deux initiatives importantes ont déjà été engagées :
- la lutte contre la vie chère. La concurrence doit jouer entre les entreprises pour faire bénéficier les consommateurs de prix plus bas. Cette politique commence à porter ses fruits : les prix dans la grande distribution ont baissé de 0,7 % sur les 12 derniers mois. Ils continueront de baisser avec la réforme des relations entre industrie et commerce ;
- la revalorisation des bas salaires. Le Gouvernement a choisi une politique de revalorisation du travail fondée sur l'augmentation du SMIC et de la prime pour l'emploi. Celle-ci sera poursuivie en 2005, avec une nouvelle hausse du pouvoir d'achat du SMIC horaire de 3,7 % au 1er juillet. Mais il appartient aussi aux partenaires sociaux de prendre le relais et d'adapter les grilles de salaires et de qualifications à la hausse du SMIC. Il n'est pas normal qu'un grand nombre de branches ait des minima inférieurs au SMIC.
Mais il faut aussi que les salariés puissent bénéficier d'un retour financier sur l'accroissement de la valeur de leur entreprise, d'un véritable "dividende du travail". Si les salariés sont actionnaires, les dividendes versés se recyclent de préférence en France plutôt que chez des actionnaires extérieurs.
Si les salariés ne sont pas actionnaires mais ont accès aux formules d'intéressement ou à la réserve spéciale de participation, ils bénéficient d'un remarquable outil qui permet à la fois, par une motivation accrue de leur part, de faire croître les profits des entreprises mais aussi de mieux les répartir et de les recycler dans l'économie de notre pays.
Soyons clairs : la Participation n'est pas et ne saurait être un substitut aux nécessaires négociations sur les salaires et les minima de branche. Elle n'a pas été conçue pour cela. Cependant elle constitue une modalité efficace de distribution des profits au sein de notre pays lorsque la conjoncture s'améliore.
C'est pourquoi j'ai décidé de retenir la proposition de Thierry BRETON : permettre le versement en 2005 d'une prime exceptionnelle représentant jusqu'à 15 % de l'intéressement 2004 ou 200 par salarié. Cette faculté sera ouverte à toutes les entreprises, y compris celles qui n'ont pas d'accord d'intéressement et qui seront invitées à négocier de tels dispositifs.
b) La Participation doit aussi nous aider à rentrer de plain-pied dans l'économie de la connaissance.
Le progrès humain fait le progrès économique. Or, dans la société de la connaissance et de l'innovation, la performance des entreprises dépend davantage encore de la compétence et de la motivation des collaborateurs de l'entreprise que de la valeur des machines. Si l'on accepte cette proposition, on comprend immédiatement la place que peut prendre dans nos sociétés, dans notre société, la Participation. Ce n'est pas un hasard si la Participation suscite un intérêt croissant en Europe.
Comme l'a montré un récent rapport d'un groupe d'experts européens présidé par M. de FOUCAULD, les entreprises des différents pays de l'Union ont une tendance croissante à diffuser la Participation auprès des salariés de leurs différents établissements, tant pour créer un esprit et une culture commune que pour améliorer leurs performances.
En Europe, la France est le pays où la Participation est la plus répandue. Notre pays possède un incontestable savoir-faire en la matière et pourrait jouer un rôle d'entraînement au sein de l'Union.
Nous devons donc uvrer activement en Europe pour lever les différents obstacles et barrières réglementaires ou fiscales à la diffusion des techniques de participation financière.
c) La Participation est, enfin, un moyen de recréer une adhésion à l'entreprise, en réponse à la mondialisation et à la financiarisation de l'économie.
La mondialisation et la financiarisation de l'économie inquiètent nos concitoyens. De manière souvent excessive, car la mondialisation recèle autant d'opportunités nouvelles que de contraintes. De façon parfois justifiée dans la mesure où l'entreprise s'affranchit des territoires, où les logiques financières prennent le pas sur les logiques industrielles.
Au cours du XXe siècle, l'importance prise par les sociétés anonymes avait provoqué une séparation entre la propriété et le contrôle des entreprises ; l'actionnaire avait perdu son influence au profit du dirigeant, en échange d'une rémunération.
Depuis 20 ans, la montée de la finance de marché et le retour de l'actionnaire ont changé la nature du capitalisme.
Celui-ci est devenu à certains égards plus efficace, mais aussi plus financier, plus mobile.
Dans ce contexte, le développement de la Participation est de nature à la fois à recréer de la confiance vis-à-vis de l'entreprise et à mieux ancrer l'entreprise dans son territoire. L'actionnariat salarié peut contribuer à l'existence d'un groupe d'actionnaires stables, les salariés privilégiant le développement durable de leur entreprise sur les logiques financières de court terme. Il peut protéger des OPA hostiles.
III - Face à ces potentialités, nos dispositifs de Participation sont anciens : il faut leur donner un nouveau souffle.
Les différents mécanismes de Participation en vigueur dans nos entreprises représentent d'ores et déjà des montants importants : selon les informations réunies par le Conseil Supérieur de la Participation, le montant global de la participation, de l'intéressement et de l'abondement versés par les entreprises aux plans d'épargne salariale s'élèvent à 1758 par bénéficiaire et par an.
Les dispositifs actuels ainsi que l'actionnariat salarié sont bien ancrés dans les pratiques de certaines entreprises cotées ou non cotées en bourse, qui ont compris que la Participation constituait une stratégie "gagnant-gagnant" : SAGEM, Dassault, Schneider Electric, Steria ou Auchan, pour ne prendre que ces quelques exemples.
Ces dispositifs rencontrent cependant plusieurs limites :
- comme souvent, l'accès à la Participation est beaucoup plus répandu dans les grandes entreprises que dans les petites.
Moins de 10 % de salariés des entreprises de moins de 50 salariés ont accès à un dispositif de Participation ; à l'inverse plus de 90 % des salariés des entreprises de plus de 500 en bénéficient ;
- Cette disparité entre salariés des grandes et des petites entreprises reflète naturellement l'état du droit, puisque la participation n'est obligatoire que dans les entreprises de plus de 50 salariés. Mais elle reflète aussi sans doute le manque d'information des dirigeants des PME et de leurs salariés et la complexité, voire le cloisonnement des dispositifs existants.
Au-delà de ses difficultés techniques, du manque de lisibilité et de fluidité des dispositifs existants, une question plus fondamentale est posée : les partenaires sociaux ont-ils pris la pleine mesure des enjeux ?
Les chefs d'entreprises et les syndicats ne sont-ils pas, pour des raisons différentes, souvent réticents à exploiter pleinement les potentialités existantes. A son encontre se conjuguent, en effet, les préventions des employeurs et celles des syndicats, parfois figés dans un état de méfiance réciproque.
Ces réticences méritent selon moi d'être surmontées. C'est le manque de dialogue social et de gestion participative qui rigidifie nos entreprises, autant que les réglementations et le droit du travail.
IV - Puisque le Conseil Economique et Social est l'assemblée du dialogue, je suis venu ici aujourd'hui vous présenter de nouvelles initiatives en faveur de la Participation.
Je tiens tout d'abord à préciser que je ne proposerai de modifier la loi que dans la limite nécessaire et dans la concertation. L'objectif n'est pas d'imposer des charges nouvelles, d'édicter de nouvelles obligations, mais d'améliorer l'information et les incitations, celles des PME en particulier. Je souhaite modifier les comportements, aider à la diffusion des bonnes pratiques et promouvoir le libre choix des salariés.
1 - Le premier axe de mon action pour la Participation vise à donner davantage de visibilité aux dispositifs existants, en donnant davantage de liberté de choix aux entreprises et aux salariés.
La participation aux résultats est trop souvent vécue comme une charge par les entreprises, comme une épargne forcée par les salariés, qui voient les sommes bloquées pendant cinq ans - ce qui peut représenter un délai considérable pour les jeunes salariés qui doivent faire face à des frais élevés pour s'insérer dans la vie professionnelle et se loger.
Je crois que le blocage obligatoire des sommes issues de la participation n'a plus aujourd'hui de véritable raison d'être. Le principe du blocage avait été conçu dans une période où l'accès au crédit était difficile, où le pays manquait d'épargne pour financer sa croissance. Je pense qu'aujourd'hui c'est la liberté de choix qui doit prédominer : les salariés pourront, dès 2005, librement disposer des sommes nouvelles reçues au titre de la participation.
Chaque salarié pourra choisir entre un complément monétaire immédiatement disponible ou une épargne au sein de l'entreprise, pour accompagner son développement.
Les salariés disposeront ainsi, au-delà de leur salaire, d'une source complémentaire de rémunération qu'ils pourront librement affecter soit à un usage immédiat, soit à une épargne au sein de l'entreprise avec, dans ce dernier cas, un abondement possible de l'employeur.
Parallèlement, le calcul de la réserve spéciale de participation doit être repensé afin que le lien entre l'amélioration des profits des entreprises et l'évolution des sommes consacrées à la participation soit plus directe, plus lisible. Le Conseil Supérieur de la Participation a entamé des travaux en ce sens qui méritent d'être approfondis.
Je pense, en particulier, qu'il est équitable que la participation soit assise sur le bénéfice comptable, plus représentatif de la réalité économique de l'entreprise que le bénéfice fiscal
La formule de la participation obligatoire peut parfois mal s'accorder à la diversité des entreprises et des secteurs. De plus, le cloisonnement entre d'une part la participation obligatoire aux résultats qui s'impose aux entreprises de plus de 50 salariés et l'intéressement librement négocié d'autre part, me paraît excessif.
Pour y remédier, la loi pourrait ouvrir la faculté de conclure des accords d'intéressement valant également participation. A condition bien sûr que le mécanisme d'intéressement mis en place soit ambitieux et assure à chaque salarié un montant minimum supérieur à ce qu'il toucherait avec la participation seule.
Cette faculté pourrait être ouverte dans un premier temps aux entreprises de moins de 250 salariés. Elle permettrait ainsi aux PME franchissant le seuil des 50 salariés de conserver leur dispositif d'intéressement sans avoir à créer en plus un régime de participation. Cette faculté devrait parallèlement inciter les entreprises de moins de 50 salariés à adopter l'intéressement.
2 - Dans cette perspective, le deuxième axe de relance des dispositifs de Participation porte sur leur développement dans l'ensemble du tissu des PME.
Parmi les mesures préparées par Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER et inscrites dans le projet de loi pour les PME la participation et le financement de l'économie, je tiens à citer ici les deux initiatives suivantes :
- l'ouverture du bénéfice d'un accord d'intéressement aux chefs d'entreprise des PME lorsque ses salariés en bénéficient ;
- l'amélioration de l'information des salariés, en permettant à un tiers chargé de la gestion de l'épargne salariale, d'informer les salariés de l'entreprise de l'existence d'un plan d'épargne ouvert par l'employeur.
Je veillerai à ce qu'une information claire et lisible soit mise à la disposition de tous les chefs d'entreprises. Le Gouvernement éditera une plaquette présentant les différents dispositifs de Participation et d'épargne salariale, avec les incitations fiscales et sociales associées.
3 - Le troisième axe consiste à démocratiser l'actionnariat salarié.
Alors qu'existe depuis longtemps dans notre pays un dispositif de stock-options réservé de fait aux cadres, la loi de finances pour 2005 vient d'instituer, sur la proposition d'Edouard BALLADUR, un nouveau dispositif de distribution d'actions gratuites doté d'une fiscalité attractive, susceptible de bénéficier à l'ensemble des salariés.
Ce nouveau dispositif est beaucoup plus simple et compréhensible pour les salariés que celui des stock-options :
- le salarié est assuré d'un gain quel que soit le cours de l'échéance puisqu'au lieu de recevoir le droit d'acheter une action à un certain prix, il obtient la promesse de recevoir une action gratuite. Cela permet une maîtrise des risques car il s'agit d'éviter de cumuler sur la tête du salarié le risque du travailleur et celui de l'actionnaire ;
- le gain, pour le salarié, pourra être réalisé plus rapidement puisque pour bénéficier du régime fiscal de faveur, le délai est ramené de 6 à 4 ans.
Je ne veux pas oublier de saluer l'inventivité de certaines entreprises comme AXA ou Casino qui proposent à leurs salariés des mécanismes d'acquisition d'actions à conditions privilégiées et garantissant le maintien du capital - mécanismes dits à effet de levier.
Parallèlement, le projet de loi sur les PME, la participation et le financement de l'économie prévoit l'extension aux sociétés non cotées de la possibilité de proposer un rabais de 20 à 30 % sur les actions non cotées proposées aux salariés. En complément de cette nouvelle possibilité, des garanties seront données aux salariés sur la valorisation des actions non cotées.
La Participation sous forme d'actionnariat salarié pourrait aussi être développée comme moyen de préparer la transmission des entreprises. Alors que 500 000 chefs d'entreprise doivent partir en retraite dans les 10 ans qui viennent, un dispositif de reprise fondé sur la Participation mérite d'être expérimenté. Il reposerait sur un aménagement ponctuel des dispositifs existants actuellement dans le cadre de l'épargne salariale, afin de faciliter l'accumulation de titres de l'entreprise par les salariés avant la phase de reprise proprement dite. Il serait ainsi possible de s'affranchir des règles de diversification et de liquidité qui s'appliquent aujourd'hui. L'exemple de la pérennité des sociétés coopératives ouvrières de production atteste des atouts pour la transmission des entreprises de leur propriété par les salariés.
V - Ce n'est pas la seule espérance de profit qui guide le créateur d'entreprise, l'entrepreneur : c'est la réalisation du projet.
1 - L'approche française de La Participation doit nous permettre de promouvoir un certain modèle européen de gouvernance des entreprises.
Il y a plusieurs types de gouvernance possibles permettant d'associer selon des modalités différentes les apporteurs de capital et les apporteurs de travail : celles des entreprises cotées, des entreprises patrimoniales, des coopératives. Mais il y a une aspiration commune que Valéry GISCARD D'ESTAING avait bien rappelé dans "Démocratie Française" : " l'aspiration des travailleurs à n'être pas tenus à l'écart des décisions qui les concernent ".
2 - J'ai une conviction : dans l'économie de la connaissance, les entreprises seront d'autant plus performantes qu'elles sauront allier de manière équilibrée capital humain et capitaux financiers. Je ne souhaite pas légiférer aujourd'hui sur le sujet de la gouvernance.
Mais la Participation doit être l'occasion de franchir un nouveau cap. Il faut y voir d'abord l'occasion d'une meilleure information sur la vie économique de l'entreprise.
Les PME bénéficieront à cet effet d'un crédit d'impôt formation de 10 heures par an et par salarié pour mieux informer leurs salariés sur la vie de l'entreprise et les dispositifs de Participation.
Elle doit aussi être une occasion de dialogue social : temps choisi, compte épargne temps et mécanismes de Participation peuvent se combiner pour créer de nouveaux modes d'organisation du travail et de nouvelles possibilités d'arbitrage et de conversion entre temps et argent.
Le mouvement de réformes que mon Gouvernement a engagé depuis 3 ans se poursuit. Il ne s'agit nullement de "réformer pour réformer" mais de réformer pour progresser. Progresser vers plus de croissance et plus d'équité sociale. La Participation s'inscrit pleinement dans cette démarche de réformes.
Pour progresser sur les différents axes de relance de la Participation que je viens de définir devant vous, j'ai décidé de nommer 2 parlementaires en mission : François CORNUT-GENTILLE et Jacques GODFRAIN. Je leur demande de me faire sous 3 mois des propositions qui auront été concertées avec les principaux acteurs et les partenaires sociaux.
Sur la base de ce travail et de l'avis que le Conseil Economique et Social voudra bien rendre, Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER prépareront les textes législatifs et réglementaires nécessaires.
Avec la cohésion sociale, avec la Participation, avec la nouvelle politique industrielle que nous mettons en place, mon Gouvernement dessine une voie française dans la mondialisation et affirme son ambition de faire avancer un modèle européen.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 mars 2005)
[Réponse à P. Ollier (UMP) à l'Assemblée nationale le 30 mars]
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs les députés,
Monsieur le député et cher président Ollier,
Merci de ce soutien à l'action du président de la Commission, je voulais vous dire que nous voulons, en effet, donner un nouveau souffle à cette grande idée du général De Gaulle "la participation", parce que c'est une idée moderne. Il faut, en effet, que l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt du salarié soient renforcés, et puissent se rapprocher. Trop souvent, on a le sentiment que se creuse un fossé entre le travail et le capital. C'est pourquoi, aujourd'hui, la participation, qui est, comme vous l'avez souligné, une réalité, puisque 10 milliards d'euros sont versés chaque année, Mesdames et Messieurs les députés, à 8 millions de salariés, ce qui représente un complément de salaire - c'est un complément, ce n'est pas un salaire - de 1700 euros pour 8 millions de salariés. Nous voulons élargir cette démarche.
C'est pour cela que je souhaite retenir, Monsieur le président, votre proposition du dividende du travail. Permettre à ce que la réserve de participation soit libérée, et donner le libre choix aux salariés. Soit, il prend son épargne immédiatement pour la consommation, soit il continue d'épargner dans son entreprise avec la possibilité d'avoir un abondement de l'entreprise. C'est la libre disposition de la réserve de participation qui permet, en effet, d'introduire cette idée de "dividende du travail".
Mais je crois qu'il faut aussi développer d'autres idées, qui vous seront proposées. Vous aurez un débat parlementaire d'ici l'été sur le sujet, avec le développement aux PME, et notamment, en ouvrant le bénéfice de l'intéressement aux chefs d'entreprises, et aussi la proposition qu'a formulée récemment le ministre de l'Economie et des Finances, le versement d'une prime exceptionnelle représentant jusqu'à 15 % de l'investissement. C'est très important, et je vous dis vraiment, que la participation aujourd'hui est une réponse qu'il faut au pays. Ce qui montrera vraiment... cette vérité que vous avez tous en mémoire, que tout le monde a été, est, ou sera gaulliste.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mars 2005)
Mesdames et Messieurs,
Le projet de la Participation a été porté avec force par le général de Gaulle, dans un climat empreint de scepticisme. Et pourtant, la Participation s'est enracinée dans la réalité économique et sociale de notre pays : 1 salarié français sur 2 bénéficie aujourd'hui d'un mécanisme de participation ou d'intéressement. Plus de 10 milliards d'euro sont versés chaque année à 8 millions de salariés, qui voient ainsi leur rémunération accrue de 6 %.
Personne ne songe aujourd'hui à remettre en cause ces dispositifs. Ceux-ci continuent cependant à déranger, car ils ne rentrent pas dans les solutions préfabriquées vers lesquelles les pesanteurs conservatrices ou idéologiques veulent nous enfermer.
Le 9 décembre dernier, j'ai fait de la Participation l'un des axes forts de mon contrat "France 2005". Je suis venu aujourd'hui vous dire pourquoi elle est pour moi une idée moderne, en quoi elle permet de dessiner une véritable voie française dans la mondialisation. Je ne viens pas vous proposer une "nième" réforme, mais jeter les bases d'une renaissance de cette idée. Je suis venu devant le Conseil Economique et Social, en raison de ses contributions sur ce sujet ; parce que "l'assemblée du premier mot" apporte au Gouvernement des conseils sans préjugés, fondés sur la connaissance du terrain.
La société française dans son ensemble récuse le modèle financier anglo-saxon, dans la mesure où celui-ci se caractérise par une emprise excessive des marchés sur la vie économique et une attention insuffisante apportée à la personne humaine et à la cohésion sociale. Notre pays doit donc définir sa propre voie dans la mondialisation, pour concilier ouverture au monde et ambitions sociales. Les difficultés sont connues :
- l'internationalisation du capital et la globalisation financière peuvent conduire à un divorce entre entreprises et territoires, parfois entre actionnaires et salariés ;
- en France, l'insuffisance du dialogue social et un certain archaïsme des options économiques ont conduit à déconnecter le débat récurrent sur le partage des fruits de la croissance du débat sur les conditions de retour au plein-emploi. Cette déconnexion a trouvé son point d'orgue, si l'on peut dire, avec le partage du travail.
I - Surmonter ces difficultés, réconcilier l'économique et le social sont au cur du projet de cohésion sociale de Jacques CHIRAC. Il ne peut y avoir de progrès social dans notre pays sans revalorisation du travail et la créativité de l'entreprise.
C'est pourquoi la valorisation du travail et de l'esprit d'entreprise constituent le "fil rouge" de l'action gouvernementale engagée depuis trois ans. Notre action a pris quatre formes :
- une simplification des procédures pour créer son entreprise ;
- un effort en faveur du pouvoir d'achat des bas salaires, afin que le travail soit mieux rémunéré que l'assistance ;
- une revitalisation du dialogue social au sein des entreprises et des branches, pour permettre à ceux qui le souhaitent, de promouvoir " le temps choisi " ;
- et un effort massif pour l'intégration des jeunes par l'apprentissage.
Nous avons ainsi libéré un potentiel d'initiatives et de projets considérables : 600 000 entreprises nouvelles se sont créées en l'espace de 3 ans, donnant ainsi à notre reprise des fondements solides.
II - Sur la lancée de cette action, nous devons construire une voie française, une voie européenne dans la mondialisation.
1 - Le Général de Gaulle écrit dans ses Mémoires d'Espoir qu'"il manque à la société mécanique moderne un ressort humain qui assure son équilibre".
Cette phrase garde toute son actualité. Pour moi, comme pour le Chef de l'Etat, la Participation concourt à cet équilibre.
La Participation ne se résume pas à une modalité de répartition des fruits de la croissance ; elle ne se réduit pas à une réponse circonstancielle aux attentes légitimes des Français en matière de pouvoir d'achat. Elle est d'abord un état d'esprit, celui de la France, gage du développement durable de ses entreprises.
Si l'entreprise ne peut se développer sans satisfaire ses clients ni mériter la confiance de ses actionnaires, elle ne peut pas espérer durer sans l'adhésion de ses salariés.
Ceux-ci doivent être reconnus en tant qu'acteurs bénéficiaires à part entière de sa création de richesses.
L'épanouissement des salariés passe par un partage de l'avoir, du savoir et du pouvoir : c'est cela la Participation. Elle se décline par des mécanismes nombreux que sont les formules de participation aux résultats, aux performances - les accords d'intéressement - et au capital - l'actionnariat salarié - toutes formules qui concourent au même objectif.
2 - La Participation doit nous aider à transformer la reprise en "croissance durable et partagée". Dans cette perspective, elle présente à mes yeux un triple mérite :
- elle facilite, via notamment l'actionnariat salarié, le recyclage des profits vers la consommation des Français ;
- elle favorise l'implication des salariés dans la vie de l'entreprise, au moment où nous rentrons de plain-pied dans l'économie de la connaissance ;
- elle favorise l'ancrage des entreprises dans leurs territoires.
a) La Participation doit d'abord permettre un partage des profits des entreprises orienté plus directement vers les salariés qui y contribuent.
Le débat sur le partage des fruits de la croissance ne doit pas faire oublier qu'une entreprise qui fait des profits, c'est une bonne nouvelle pour la croissance. Une entreprise qui perd de l'argent, c'est une menace pour l'emploi. Par ailleurs, la situation des entreprises reste contrastée.
Si les grandes entreprises du "CAC 40" tirent profit de la vigueur de la croissance mondiale, les PME, en revanche, se battent dans des conditions très rudes, face à une concurrence mondialisée et agressive.
Dans le même temps, il faut veiller à entretenir notre dynamique de croissance interne, ce qui suppose que nos concitoyens bénéficient de gains suffisants de pouvoir d'achat et de taux d'intérêt suffisamment bas.
Au titre du pouvoir d'achat, deux initiatives importantes ont déjà été engagées :
- la lutte contre la vie chère. La concurrence doit jouer entre les entreprises pour faire bénéficier les consommateurs de prix plus bas. Cette politique commence à porter ses fruits : les prix dans la grande distribution ont baissé de 0,7 % sur les 12 derniers mois. Ils continueront de baisser avec la réforme des relations entre industrie et commerce ;
- la revalorisation des bas salaires. Le Gouvernement a choisi une politique de revalorisation du travail fondée sur l'augmentation du SMIC et de la prime pour l'emploi. Celle-ci sera poursuivie en 2005, avec une nouvelle hausse du pouvoir d'achat du SMIC horaire de 3,7 % au 1er juillet. Mais il appartient aussi aux partenaires sociaux de prendre le relais et d'adapter les grilles de salaires et de qualifications à la hausse du SMIC. Il n'est pas normal qu'un grand nombre de branches ait des minima inférieurs au SMIC.
Mais il faut aussi que les salariés puissent bénéficier d'un retour financier sur l'accroissement de la valeur de leur entreprise, d'un véritable "dividende du travail". Si les salariés sont actionnaires, les dividendes versés se recyclent de préférence en France plutôt que chez des actionnaires extérieurs.
Si les salariés ne sont pas actionnaires mais ont accès aux formules d'intéressement ou à la réserve spéciale de participation, ils bénéficient d'un remarquable outil qui permet à la fois, par une motivation accrue de leur part, de faire croître les profits des entreprises mais aussi de mieux les répartir et de les recycler dans l'économie de notre pays.
Soyons clairs : la Participation n'est pas et ne saurait être un substitut aux nécessaires négociations sur les salaires et les minima de branche. Elle n'a pas été conçue pour cela. Cependant elle constitue une modalité efficace de distribution des profits au sein de notre pays lorsque la conjoncture s'améliore.
C'est pourquoi j'ai décidé de retenir la proposition de Thierry BRETON : permettre le versement en 2005 d'une prime exceptionnelle représentant jusqu'à 15 % de l'intéressement 2004 ou 200 par salarié. Cette faculté sera ouverte à toutes les entreprises, y compris celles qui n'ont pas d'accord d'intéressement et qui seront invitées à négocier de tels dispositifs.
b) La Participation doit aussi nous aider à rentrer de plain-pied dans l'économie de la connaissance.
Le progrès humain fait le progrès économique. Or, dans la société de la connaissance et de l'innovation, la performance des entreprises dépend davantage encore de la compétence et de la motivation des collaborateurs de l'entreprise que de la valeur des machines. Si l'on accepte cette proposition, on comprend immédiatement la place que peut prendre dans nos sociétés, dans notre société, la Participation. Ce n'est pas un hasard si la Participation suscite un intérêt croissant en Europe.
Comme l'a montré un récent rapport d'un groupe d'experts européens présidé par M. de FOUCAULD, les entreprises des différents pays de l'Union ont une tendance croissante à diffuser la Participation auprès des salariés de leurs différents établissements, tant pour créer un esprit et une culture commune que pour améliorer leurs performances.
En Europe, la France est le pays où la Participation est la plus répandue. Notre pays possède un incontestable savoir-faire en la matière et pourrait jouer un rôle d'entraînement au sein de l'Union.
Nous devons donc uvrer activement en Europe pour lever les différents obstacles et barrières réglementaires ou fiscales à la diffusion des techniques de participation financière.
c) La Participation est, enfin, un moyen de recréer une adhésion à l'entreprise, en réponse à la mondialisation et à la financiarisation de l'économie.
La mondialisation et la financiarisation de l'économie inquiètent nos concitoyens. De manière souvent excessive, car la mondialisation recèle autant d'opportunités nouvelles que de contraintes. De façon parfois justifiée dans la mesure où l'entreprise s'affranchit des territoires, où les logiques financières prennent le pas sur les logiques industrielles.
Au cours du XXe siècle, l'importance prise par les sociétés anonymes avait provoqué une séparation entre la propriété et le contrôle des entreprises ; l'actionnaire avait perdu son influence au profit du dirigeant, en échange d'une rémunération.
Depuis 20 ans, la montée de la finance de marché et le retour de l'actionnaire ont changé la nature du capitalisme.
Celui-ci est devenu à certains égards plus efficace, mais aussi plus financier, plus mobile.
Dans ce contexte, le développement de la Participation est de nature à la fois à recréer de la confiance vis-à-vis de l'entreprise et à mieux ancrer l'entreprise dans son territoire. L'actionnariat salarié peut contribuer à l'existence d'un groupe d'actionnaires stables, les salariés privilégiant le développement durable de leur entreprise sur les logiques financières de court terme. Il peut protéger des OPA hostiles.
III - Face à ces potentialités, nos dispositifs de Participation sont anciens : il faut leur donner un nouveau souffle.
Les différents mécanismes de Participation en vigueur dans nos entreprises représentent d'ores et déjà des montants importants : selon les informations réunies par le Conseil Supérieur de la Participation, le montant global de la participation, de l'intéressement et de l'abondement versés par les entreprises aux plans d'épargne salariale s'élèvent à 1758 par bénéficiaire et par an.
Les dispositifs actuels ainsi que l'actionnariat salarié sont bien ancrés dans les pratiques de certaines entreprises cotées ou non cotées en bourse, qui ont compris que la Participation constituait une stratégie "gagnant-gagnant" : SAGEM, Dassault, Schneider Electric, Steria ou Auchan, pour ne prendre que ces quelques exemples.
Ces dispositifs rencontrent cependant plusieurs limites :
- comme souvent, l'accès à la Participation est beaucoup plus répandu dans les grandes entreprises que dans les petites.
Moins de 10 % de salariés des entreprises de moins de 50 salariés ont accès à un dispositif de Participation ; à l'inverse plus de 90 % des salariés des entreprises de plus de 500 en bénéficient ;
- Cette disparité entre salariés des grandes et des petites entreprises reflète naturellement l'état du droit, puisque la participation n'est obligatoire que dans les entreprises de plus de 50 salariés. Mais elle reflète aussi sans doute le manque d'information des dirigeants des PME et de leurs salariés et la complexité, voire le cloisonnement des dispositifs existants.
Au-delà de ses difficultés techniques, du manque de lisibilité et de fluidité des dispositifs existants, une question plus fondamentale est posée : les partenaires sociaux ont-ils pris la pleine mesure des enjeux ?
Les chefs d'entreprises et les syndicats ne sont-ils pas, pour des raisons différentes, souvent réticents à exploiter pleinement les potentialités existantes. A son encontre se conjuguent, en effet, les préventions des employeurs et celles des syndicats, parfois figés dans un état de méfiance réciproque.
Ces réticences méritent selon moi d'être surmontées. C'est le manque de dialogue social et de gestion participative qui rigidifie nos entreprises, autant que les réglementations et le droit du travail.
IV - Puisque le Conseil Economique et Social est l'assemblée du dialogue, je suis venu ici aujourd'hui vous présenter de nouvelles initiatives en faveur de la Participation.
Je tiens tout d'abord à préciser que je ne proposerai de modifier la loi que dans la limite nécessaire et dans la concertation. L'objectif n'est pas d'imposer des charges nouvelles, d'édicter de nouvelles obligations, mais d'améliorer l'information et les incitations, celles des PME en particulier. Je souhaite modifier les comportements, aider à la diffusion des bonnes pratiques et promouvoir le libre choix des salariés.
1 - Le premier axe de mon action pour la Participation vise à donner davantage de visibilité aux dispositifs existants, en donnant davantage de liberté de choix aux entreprises et aux salariés.
La participation aux résultats est trop souvent vécue comme une charge par les entreprises, comme une épargne forcée par les salariés, qui voient les sommes bloquées pendant cinq ans - ce qui peut représenter un délai considérable pour les jeunes salariés qui doivent faire face à des frais élevés pour s'insérer dans la vie professionnelle et se loger.
Je crois que le blocage obligatoire des sommes issues de la participation n'a plus aujourd'hui de véritable raison d'être. Le principe du blocage avait été conçu dans une période où l'accès au crédit était difficile, où le pays manquait d'épargne pour financer sa croissance. Je pense qu'aujourd'hui c'est la liberté de choix qui doit prédominer : les salariés pourront, dès 2005, librement disposer des sommes nouvelles reçues au titre de la participation.
Chaque salarié pourra choisir entre un complément monétaire immédiatement disponible ou une épargne au sein de l'entreprise, pour accompagner son développement.
Les salariés disposeront ainsi, au-delà de leur salaire, d'une source complémentaire de rémunération qu'ils pourront librement affecter soit à un usage immédiat, soit à une épargne au sein de l'entreprise avec, dans ce dernier cas, un abondement possible de l'employeur.
Parallèlement, le calcul de la réserve spéciale de participation doit être repensé afin que le lien entre l'amélioration des profits des entreprises et l'évolution des sommes consacrées à la participation soit plus directe, plus lisible. Le Conseil Supérieur de la Participation a entamé des travaux en ce sens qui méritent d'être approfondis.
Je pense, en particulier, qu'il est équitable que la participation soit assise sur le bénéfice comptable, plus représentatif de la réalité économique de l'entreprise que le bénéfice fiscal
La formule de la participation obligatoire peut parfois mal s'accorder à la diversité des entreprises et des secteurs. De plus, le cloisonnement entre d'une part la participation obligatoire aux résultats qui s'impose aux entreprises de plus de 50 salariés et l'intéressement librement négocié d'autre part, me paraît excessif.
Pour y remédier, la loi pourrait ouvrir la faculté de conclure des accords d'intéressement valant également participation. A condition bien sûr que le mécanisme d'intéressement mis en place soit ambitieux et assure à chaque salarié un montant minimum supérieur à ce qu'il toucherait avec la participation seule.
Cette faculté pourrait être ouverte dans un premier temps aux entreprises de moins de 250 salariés. Elle permettrait ainsi aux PME franchissant le seuil des 50 salariés de conserver leur dispositif d'intéressement sans avoir à créer en plus un régime de participation. Cette faculté devrait parallèlement inciter les entreprises de moins de 50 salariés à adopter l'intéressement.
2 - Dans cette perspective, le deuxième axe de relance des dispositifs de Participation porte sur leur développement dans l'ensemble du tissu des PME.
Parmi les mesures préparées par Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER et inscrites dans le projet de loi pour les PME la participation et le financement de l'économie, je tiens à citer ici les deux initiatives suivantes :
- l'ouverture du bénéfice d'un accord d'intéressement aux chefs d'entreprise des PME lorsque ses salariés en bénéficient ;
- l'amélioration de l'information des salariés, en permettant à un tiers chargé de la gestion de l'épargne salariale, d'informer les salariés de l'entreprise de l'existence d'un plan d'épargne ouvert par l'employeur.
Je veillerai à ce qu'une information claire et lisible soit mise à la disposition de tous les chefs d'entreprises. Le Gouvernement éditera une plaquette présentant les différents dispositifs de Participation et d'épargne salariale, avec les incitations fiscales et sociales associées.
3 - Le troisième axe consiste à démocratiser l'actionnariat salarié.
Alors qu'existe depuis longtemps dans notre pays un dispositif de stock-options réservé de fait aux cadres, la loi de finances pour 2005 vient d'instituer, sur la proposition d'Edouard BALLADUR, un nouveau dispositif de distribution d'actions gratuites doté d'une fiscalité attractive, susceptible de bénéficier à l'ensemble des salariés.
Ce nouveau dispositif est beaucoup plus simple et compréhensible pour les salariés que celui des stock-options :
- le salarié est assuré d'un gain quel que soit le cours de l'échéance puisqu'au lieu de recevoir le droit d'acheter une action à un certain prix, il obtient la promesse de recevoir une action gratuite. Cela permet une maîtrise des risques car il s'agit d'éviter de cumuler sur la tête du salarié le risque du travailleur et celui de l'actionnaire ;
- le gain, pour le salarié, pourra être réalisé plus rapidement puisque pour bénéficier du régime fiscal de faveur, le délai est ramené de 6 à 4 ans.
Je ne veux pas oublier de saluer l'inventivité de certaines entreprises comme AXA ou Casino qui proposent à leurs salariés des mécanismes d'acquisition d'actions à conditions privilégiées et garantissant le maintien du capital - mécanismes dits à effet de levier.
Parallèlement, le projet de loi sur les PME, la participation et le financement de l'économie prévoit l'extension aux sociétés non cotées de la possibilité de proposer un rabais de 20 à 30 % sur les actions non cotées proposées aux salariés. En complément de cette nouvelle possibilité, des garanties seront données aux salariés sur la valorisation des actions non cotées.
La Participation sous forme d'actionnariat salarié pourrait aussi être développée comme moyen de préparer la transmission des entreprises. Alors que 500 000 chefs d'entreprise doivent partir en retraite dans les 10 ans qui viennent, un dispositif de reprise fondé sur la Participation mérite d'être expérimenté. Il reposerait sur un aménagement ponctuel des dispositifs existants actuellement dans le cadre de l'épargne salariale, afin de faciliter l'accumulation de titres de l'entreprise par les salariés avant la phase de reprise proprement dite. Il serait ainsi possible de s'affranchir des règles de diversification et de liquidité qui s'appliquent aujourd'hui. L'exemple de la pérennité des sociétés coopératives ouvrières de production atteste des atouts pour la transmission des entreprises de leur propriété par les salariés.
V - Ce n'est pas la seule espérance de profit qui guide le créateur d'entreprise, l'entrepreneur : c'est la réalisation du projet.
1 - L'approche française de La Participation doit nous permettre de promouvoir un certain modèle européen de gouvernance des entreprises.
Il y a plusieurs types de gouvernance possibles permettant d'associer selon des modalités différentes les apporteurs de capital et les apporteurs de travail : celles des entreprises cotées, des entreprises patrimoniales, des coopératives. Mais il y a une aspiration commune que Valéry GISCARD D'ESTAING avait bien rappelé dans "Démocratie Française" : " l'aspiration des travailleurs à n'être pas tenus à l'écart des décisions qui les concernent ".
2 - J'ai une conviction : dans l'économie de la connaissance, les entreprises seront d'autant plus performantes qu'elles sauront allier de manière équilibrée capital humain et capitaux financiers. Je ne souhaite pas légiférer aujourd'hui sur le sujet de la gouvernance.
Mais la Participation doit être l'occasion de franchir un nouveau cap. Il faut y voir d'abord l'occasion d'une meilleure information sur la vie économique de l'entreprise.
Les PME bénéficieront à cet effet d'un crédit d'impôt formation de 10 heures par an et par salarié pour mieux informer leurs salariés sur la vie de l'entreprise et les dispositifs de Participation.
Elle doit aussi être une occasion de dialogue social : temps choisi, compte épargne temps et mécanismes de Participation peuvent se combiner pour créer de nouveaux modes d'organisation du travail et de nouvelles possibilités d'arbitrage et de conversion entre temps et argent.
Le mouvement de réformes que mon Gouvernement a engagé depuis 3 ans se poursuit. Il ne s'agit nullement de "réformer pour réformer" mais de réformer pour progresser. Progresser vers plus de croissance et plus d'équité sociale. La Participation s'inscrit pleinement dans cette démarche de réformes.
Pour progresser sur les différents axes de relance de la Participation que je viens de définir devant vous, j'ai décidé de nommer 2 parlementaires en mission : François CORNUT-GENTILLE et Jacques GODFRAIN. Je leur demande de me faire sous 3 mois des propositions qui auront été concertées avec les principaux acteurs et les partenaires sociaux.
Sur la base de ce travail et de l'avis que le Conseil Economique et Social voudra bien rendre, Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER prépareront les textes législatifs et réglementaires nécessaires.
Avec la cohésion sociale, avec la Participation, avec la nouvelle politique industrielle que nous mettons en place, mon Gouvernement dessine une voie française dans la mondialisation et affirme son ambition de faire avancer un modèle européen.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 24 mars 2005)
[Réponse à P. Ollier (UMP) à l'Assemblée nationale le 30 mars]
Monsieur le président,
Mesdames, Messieurs les députés,
Monsieur le député et cher président Ollier,
Merci de ce soutien à l'action du président de la Commission, je voulais vous dire que nous voulons, en effet, donner un nouveau souffle à cette grande idée du général De Gaulle "la participation", parce que c'est une idée moderne. Il faut, en effet, que l'intérêt de l'entreprise et l'intérêt du salarié soient renforcés, et puissent se rapprocher. Trop souvent, on a le sentiment que se creuse un fossé entre le travail et le capital. C'est pourquoi, aujourd'hui, la participation, qui est, comme vous l'avez souligné, une réalité, puisque 10 milliards d'euros sont versés chaque année, Mesdames et Messieurs les députés, à 8 millions de salariés, ce qui représente un complément de salaire - c'est un complément, ce n'est pas un salaire - de 1700 euros pour 8 millions de salariés. Nous voulons élargir cette démarche.
C'est pour cela que je souhaite retenir, Monsieur le président, votre proposition du dividende du travail. Permettre à ce que la réserve de participation soit libérée, et donner le libre choix aux salariés. Soit, il prend son épargne immédiatement pour la consommation, soit il continue d'épargner dans son entreprise avec la possibilité d'avoir un abondement de l'entreprise. C'est la libre disposition de la réserve de participation qui permet, en effet, d'introduire cette idée de "dividende du travail".
Mais je crois qu'il faut aussi développer d'autres idées, qui vous seront proposées. Vous aurez un débat parlementaire d'ici l'été sur le sujet, avec le développement aux PME, et notamment, en ouvrant le bénéfice de l'intéressement aux chefs d'entreprises, et aussi la proposition qu'a formulée récemment le ministre de l'Economie et des Finances, le versement d'une prime exceptionnelle représentant jusqu'à 15 % de l'investissement. C'est très important, et je vous dis vraiment, que la participation aujourd'hui est une réponse qu'il faut au pays. Ce qui montrera vraiment... cette vérité que vous avez tous en mémoire, que tout le monde a été, est, ou sera gaulliste.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 31 mars 2005)