Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur la mutation des services de police, la priorité donnée à la sécurité, le développement de la police de proximité et l'amélioration des relations entre les jeunes et la police, Paris le 30 mars 2000.

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Circonstance : Assises de la police de proximité à Paris le 30 mars 2000

Texte intégral

Madame et Monsieur les ministres,
Mesdames et Messieurs,
A l'invitation de Jean-Pierre CHEVENEMENT, ministre de L'Intérieur, qui a voulu et met en oeuvre ce grand projet de la police de proximité et en présence d'Élisabeth GUIGOU, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, j'ai tenu à venir clore ces Assises afin de marquer l'importance que revêt pour le Gouvernement le développement de la police de proximité. Vous avez ici tiré les premiers enseignements des expérimentations menées dans soixante-dix sites sur l'ensemble du territoire. Cette réforme produit déjà, vos travaux en témoignent, des résultats encourageants dans la lutte contre la délinquance. Alors que vous préparez sa généralisation, je voudrais vous dire aujourd'hui quelles sont, à mes yeux, comme aux yeux du ministre, les principales conditions du succès de la police de proximité.
Mais je souhaite, dans un premier temps, rappeler le sens de la politique de sécurité dans laquelle s'inscrit cette réforme.
Assurer la sécurité de tous nos concitoyens est une priorité de ce Gouvernement
Cette Priorité, je l'ai affirmé dès ma déclaration de politique générale, en juin 1997. La sécurité est un droit, l'insécurité une inégalité de plus. La sécurité, garante de la liberté, est un droit fondamental de la personne humaine. L'insécurité est une inégalité sociale -elle touche d'abord les plus fragiles - géographique - elle frappe plus durement certaines régions, certains quartiers, C'est donc pour conforter le contrat social qui fonde la République, et pour satisfaire une exigence de justice, que le Gouvernement a fait de la sécurité quotidienne de nos concitoyens, après l'emploi, la priorité de son action. Un droit aussi fondamental que celui de la sécurité des personnes et des biens doit être garanti à tous, dans les mêmes conditions, sur l'ensemble du territoire.
De cette priorité, nous avons tiré à Villepinte, le 25 octobre 1997, les conséquences pour l'action de l'Etat en ce domaine. Nous avons traduit concrètement ces orientations lors du Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999.
Je veux aujourd'hui, devant vous, réaffirmer cette priorité.
Assurer l'égale sécurité de tous est une responsabilité primordiale de l'Etat. Les polices municipales ont, certes, vocation à compléter l'action des services de l'Etat. Avec la loi relative aux polices municipales votée en mars 1999, le Gouvernement a marqué son souci de reconnaître leur contribution à la sécurité de nos concitoyens. Mais l'idée parfois avancée d'une décentralisation des compétences en matière de sécurité -ce que certains appellent la " municipalisation "- conduirait à remettre en cause te caractère national de la police et de la gendarmerie. Cela me paraît inacceptable dans notre pays. Les sociétés privées de sécurité jouent par ailleurs un rôle significatif: un projet de loi permettra de mieux réglementer leurs activités.
Parce que l'insécurité est présente dans les rues, dans les quartiers, nous la combattons au plus près du terrain, auprès de ceux qui en sont les victimes.
Notre démarche est ancrée dans les réalités locales. Le Gouvernement a lancé en octobre 1997 les contrats locaux de sécurité. Ils constituent l'outil privilégié d'un partenariat conçu et développé sur le terrain. Il s'agit de définir localement des priorités, d'associer et d'articuler les actions de chaque service de l'Etat avec celles des collectivités locales, d'adapter au plus près des besoins l'organisation et le fonctionnement de tous ces acteurs.
La mobilisation des services publics autour de ces objectifs a d'ores et déjà permis de mieux répondre aux demandes exprimées par les habitants. 12O contrats locaux de sécurité ont été signés. Les premiers résultats sont visibles sur le terrain. J'ai eu moi-même l'occasion de le constater à Toulouse. Il appartient aux préfets d'en assurer l'impulsion et d'en conduire l'approfondissement. C'est en effet au travers d'une adaptation constante à la situation locale que ces contrats atteindront l'objectif qui leur est fixé.
La police de proximité s'inscrit naturellement dans cette démarche. Elle entend adapter les méthodes de travail de la police nationale pour la rendre plus proche du citoyen et davantage présente sur le terrain. Pour réussir, il lui faudra susciter durablement la confiance et se rapprocher de tous ses partenaires.
Réussir la police de proximité, c'est d'abord entretenir avec la population une relation de confiance.
La confiance se construit au quotidien. Un accueil de qualité des habitants du quartier -en particulier des victimes- et une information systématique sur les suites réservées aux plaintes contribuent à tisser des liens plus étroits avec la population.
Celle-ci sera d'autant plus en confiance qu'elle se reconnaîtra dans sa police.
C'est pourquoi nous voulons une police à l'image de la population. Le profond renouvellement qui se dessine -lié à de nombreux départs en retraite permettra, dans les prochaines années, un grand nombre de nouveaux recrutements dans la police nationale. Ce doit être là l'occasion d'une plus large ouverture sur toutes les composantes de notre société. Je sais que cette question est, pour le ministre de l'Intérieur, une forte préoccupation personnelle. Il a déjà veillé à cette ouverture, en organisant des préparations aux concours de la police nationale, Celle-ci s'est aussi manifestée s'agissant du recrutement des adjoints de sécurité.
Cette ouverture sera également un moyen d'améliorer les relations entre les jeunes et la police.
La confiance doit en effet mieux s'établir avec les jeunes. Certains d'entre eux en ont exprimé fortement le besoin, lors des Assises de la citoyenneté qui se sont tenues le 18 mars à l'Arche de la Défense. La confiance naît d'un respect mutuel. A l'École, l'éducation à la citoyenneté et à la morale civique y contribuera. La formation des policiers doit par ailleurs leur permettre de mieux comprendre des jeunes très différents parfois de ceux qu'ils ont été ou qu'ils Ont connus. Le rapport plus personnel de la police à la population, qui est propre à la police de proximité, est de nature à faciliter une profonde transformation des comportements.
La confiance s'appuie aussi sur le respect de la déontologie. Elle sera d'autant mieux assurée que chacun sera sûr de voir ses droits respectés lors de chaque contact avec la police, Tout manquement doit faire l'objet d'une enquête et, s'il est avéré, d'une sanction. La Commission nationale de déontologie de la sécurité permettra de mieux répondre à cette préoccupation. La déontologie ne doit pas être interprétée par les policiers comme une contrainte. En précisant les valeurs et les références communes de votre profession, en concordance avec celles de la Nation tout entière, la déontologie est pour les policiers un guide dans leur action quotidienne. Son respect est la garantie qu'ils exercent leur difficile métier en plein accord avec les principes fondateurs de la République,
Mesdames et Messieurs,
Réussir la police de proximité, c'est aussi en faire une police plus proche de ses partenaires.
En effet, l'insécurité est un phénomène global et divers, allant des incivilités aux actes crimes. Pour être efficace, notre réponse doit donc être globale. Au delà de l'action de la Justice, de la police et de la gendarmerie, notre réponse doit associer de nombreux acteurs -les élus, l'Éducation nationale, les services sociaux, les associations.
Engagée dans un partenariat dont le contrat local de sécurité fixe le cadre, la police de proximité sera mieux à même de remplir ses missions. C'est en étant à l'écoute des élus et des habitants qu'elle pourra, avec plus d'efficacité, traiter les problèmes qui surgissent sur le terrain. Le policier peut en effet être l'objet, de la part des habitants auprès desquels il travaille, de sollicitations diverses. Toutes ne relèvent pas forcément de la compétence de la police. Il faut pourtant répondre aux besoins qui s'expriment. Grâce aux liens noués au travers du partenariat, le policier sera en mesure d'orienter utilement ses interlocuteurs, selon les cas, vers les services sociaux, des éducateurs, des associations et souvent vers la Justice.
Car une justice de proximité, elle aussi plus proche de la population, est un atout, Dans des lieux o* un véritable besoin de justice se fait sentir avec acuité, la présence de maisons de justice et du droit conforte votre action. Au plus près des citoyens, ces maisons apportent une information juridique et une réponse judiciaire plus compréhensibles et mieux adaptées aux besoins. C'est pourquoi la ministre de la Justice, Élisabeth GUIGOU, travaille à leur développement.
C'est en liaison avec les autorités judiciaires que vous lutterez le plus efficacement contre l'impunité. C'est un des buts essentiels que poursuit la police de proximité. L'objectif fixé* en Conseil de sécurité intérieure est de donner une réponse systématique à chaque acte de délinquance. Cela implique avant tout d'améliorer significativement, grâce à des enquêtes plus efficaces et plus rapides, les taux d'élucidation des actes qui touchent chaque jour nos concitoyens -la délinquance de voie publique, les vols, les cambriolages.
L'efficacité de la police de proximité dépend aussi de la qualité des procédures. Celles-ci permettent non seulement de répondre rapidement aux actes de délinquance, mais encore d'engager des enquêtes de plus grande envergure afin de démanteler tel réseau de receleurs ou de remonter une filière de trafic de stupéfiants. Cela suppose de mieux articuler, sous le contrôle des procureurs, le travail accompli avec les services spécialisés de police judiciaire.
Pour être efficace, l'action judiciaire de la police de proximité doit également S'inscrire dans les orientations de politique pénale mises en oeuvre par les procureurs de la République, conformément aux instructions générales du Garde des Sceaux. C'est donc avec le parquet que doivent être définies les modalités de transmission et d'orientation des procédures.
La généralisation de la police de proximité suscitera un accroissement du nombre des procédures pénales. Il est donc nécessaire que les procureurs soient impliqués en amont de la mise en place de ces nouvelles méthodes d'intervention, afin d'en garantir la pleine efficacité.
Mesdames et Messieurs,
C'est à une profonde transformation de la police nationale et du métier de policier que vous allez prendre part. Pour accompagner cette évolution, un important effort d'équipement est nécessaire. Nous devrons également poursuivre la grande politique de formation engagée à la suite des Assises tenues ici même le 1" février 1999. Il faut en effet que les policiers connaissent mieux les personnes auprès desquelles ils exercent leurs fonctions, dans la diversité de leurs conditions de vie, de leurs cultures, de leurs origines, de leurs âges.
Pour mener à bien l'ensemble de ces actions, le Ministre de l'intérieur a élaboré un programme sur trois ans pour mobiliser, dans la durée, des moyens supplémentaires, en ce qui concerne l'immobilier, les moyens mobiles et informatiques, les transmissions, la police scientifique et technique, le lui apporterai mon soutien,
Chacun de ceux qui sont engagés dans cette mutation des services publics de la sécurité en mesure toute la nécessité, J'en suis convaincu. Car un des enjeux de cette transformation, c'est la modernité d'une police plus efficace, mieux reconnue par les populations, plus présente dans la vie de la cité - une police, soyez-en assurés, que nous construirons ensemble.

(source http://www.interieur.gouv.fr, le 4 avril 2000)