Texte intégral
Q- Que peut opposer une démocratie au terrorisme ? "La menace terroriste existe à un niveau très élevé", affirmait hier soir N. Sarkozy. Les mesures constituant l'avant-projet de loi contre le terrorisme - surveillance vidéo, contrôle du réseau Internet et des téléphones cellulaires, accès aux fichiers des compagnies de transport, garde à vue prolongée dans les affaires de terrorisme - sont-elles de nature à empêcher d'agir des hommes et des femmes prêts à sacrifier leur vie ? On est dans la gravité, car se demander ce qu'une démocratie peut opposer au terrorisme, c'est franchement une question complexe. Et comment faire la part de ce qui relève de la gravité et de ce qui relève de la communication ? Je vous pose la question car, hier soir, dans l'émission - et d'ailleurs nos confrères du Parisien le relèvent avec malice - N. Sarkozy dit : "A la minute où je vous parle, des arrestations ont lieu, ce sont des arrestations préventives" etc. Or cette émission a été enregistrée mercredi de la semaine dernière ! Comment un ministre de l'Intérieur peut-il dire "à la minute où je vous parle, des arrestations ont lieu", alors que l'émission est enregistrée quatre jours avant ?!
R- J'ai du mal à répondre à la place de N. Sarkozy, vous le comprendrez. Ce que je sais, c'est que j'ai été moi aussi choqué par la présence des caméras au moment de l'arrestation et les images que l'on a vues après en boucle tout au long de la soirée. Ce qui veut dire que les informations ont été divulguées, d'une manière ou d'une autre. Donc cela veut dire que cette arrestation était prévue, qu'elle avait été montée et que l'on peut se dire qu'elle avait peut-être été montée opportunément par rapport à l'émission de télévision. Alors, que peut faire une démocratie face au terrorisme ? Eh bien, opposer la démocratie, c'est-à-dire la plus grande transparence. Et pour cela, d'ailleurs, je souhaite que dans la discussion qui va avoir lieu sur le projet de loi sur le terrorisme, soit mise en place une commission parlementaire dans laquelle l'opposition puisse siéger et où toutes les informations soient communiquées régulièrement. On le fait pour les écoutes téléphoniques, il faut le faire aussi dans la lutte contre le terrorisme. Pas simplement une réunion de temps à temps, à Matignon, où le Premier ministre donne quelques indications. Mais une commission où les parlementaires de l'opposition soient là et puissent suivre l'ensemble des procédures. Je pense d'ailleurs que ce sera la meilleure garantie par rapport aux policiers, pour qu'il n'y ait pas, après, des reproches qu'ils soient instrumentalisés dans telle ou telle action politique.
Q- La difficulté est immense. On comprend parfaitement que les policiers ou que les agents des services de renseignement aient besoin d'outils pour remonter dans les systèmes et pour anticiper avant même que les attentats ne se produisent. Donc surveillance électronique, caméras vidéo, surveillance d'Internet, surveillance des communications des téléphones cellulaires... Encore une fois, cette nécessité, qui existe aujourd'hui, va se heurter à la liberté des citoyens. Comment trouver une voie de passage possible, acceptable ?
R- La meilleure lutte contre le terrorisme, c'est l'action préventive. Ce n'est pas la multiplication des barbelés autour des barbelés. On le voit bien, les caméras à Londres n'ont pas empêché le terrorisme de faire l'action. Elles permettent de rattraper les terroristes par la suite, mais quand vous savez, quand ce sont des kamikazes, vous ne rattrapez pas grand-chose. La multiplication des systèmes très sophistiqués a donc montré ses limites et, d'ailleurs, les Américains en ont porté témoignage, puisqu'ils avaient mis tous leurs moyens dans le tout électronique, avec les fameuses "grandes oreilles", avec toute cette sophistication qu'ils avaient essayé de développer et qui n'a pas empêché les attentats du 11-Septembre. La meilleure manière de travailler aujourd'hui, c'est la pénétration en profondeur des réseaux. Cela veut dire des agents, formés, préparés, recrutés et soutenus dans leurs actions. C'est ce qui permet de démanteler les réseaux, et puis aussi une surveillance assidue de tout ce qui peut donner lieu à des concentrations et, à partir de là, à des recrutements. Il n'y a pas de hasard : c'est à Trappes que l'on a arrêté une cellule terroriste. Et ceux qui ont été attentifs, qui étaient devant leur poste de télévision, ont peut-être vu, il y a quelques mois, un reportage qui était extrêmement alarmant sur ce qui se passait à Trappes, sur la manière dont un certain nombre de groupes fondamentalistes organisaient la population localement, notamment dans la lutte contre la loi sur le port des insignes religieux. Donc il y a là un travail d'action de terrain. Ce ne sont pas les caméras, c'est la présence d'actions et donc de moyens, d'hommes et de femmes, qui permettent tout cela. Après, sur le projet de loi, il va falloir regarder au cas par cas. Il faut effectivement donner les garanties qu'il n'y a pas, après, une utilisation qui devient peut-être un effet d'affichage, mais qui n'est pas efficace. Sur la vidéo, je reste circonspect. Il faut regarder au cas par cas, parce que la fuite en avant vers le tout vidéo est la solution de facilité. Je le constate au quotidien, comme vice-président de la région Ile-de-France, notamment dans la surveillance dans les établissements scolaires, où on a une tentation, pour un certain nombre de gens, à mettre des caméras partout, ce qui peut être utile dans les surveillances statiques, mais qui parfois aussi se substitue à une présence humaine, qui est pourtant forcément utile, notamment par exemple dans les transports.
Q- Mais sur une question aussi importante que celle-là, comment le débat s'instruit-il à l'Assemblée nationale ? Est-on à nouveau dans un débat droite-gauche, ou est-ce que, sur des questions qui engagent une certaine définition de la démocratie, vous réfléchissez ensemble à des réponses possibles ?
R- Honnêtement, l'Assemblée, pour l'instant, n'a pas véritablement réfléchi, en tant que tel, à ces questions. Je pense qu'elle va le faire, de manière sérieuse, au moment où l'on va discuter ce projet de loi, qui permettra une confrontation. L'objectif, pour l'opposition, n'est pas d'essayer de chercher la querelle, ce n'est pas d'essayer de reproduire un clivage qui serait, d'après moi, artificiel. Dans le combat contre le terrorisme, il doit y avoir une solidarité totale. Mais pour qu'il y ait solidarité totale, il faut qu'il y ait transparence totale de la part du Gouvernement dans son action. Alors, on comprend bien qu'il faille garder un certain nombre d'informations. C'est pour cela que la proposition que je fais, c'est-à-dire qu'une commission parlementaire, dans laquelle l'opposition siège, puisse se mettre en place, je crois que c'est justement la garantie qu'il n'y a pas parfois utilisation intempestive, en fonction d'une situation particulière, d'un ministre qui voudrait appuyer son projet de loi par une opération montée opportunément.
Q- Quand on entendait, hier soir, les propos de certains fondamentalistes, qui dénoncent les démocraties pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des systèmes ouverts où règnerait les pires désordres, est-ce que l'on va pas insidieusement mettre en place, dans ces démocraties - prenons le cas des Etats-Unis, avec le Patriot Act, dont certains remarquent que c'est un extraordinaire recul de l'Habeas corpus et des droits des citoyens, plébiscité en plus par l'opinion américaine -, est-ce qu'en Europe - et je parle d'Europe à dessein, car si la France répond seule, il n'y aura pas de réponse possible - on ne va pas assister aussi à un recul des droits des citoyens ?
R- Il y a effectivement une menace. Et on le voit bien d'ailleurs dans la généralisation par exemple des contrôles sur les déplacements des populations, avec la possibilité d'accéder au fichier des compagnies aériennes... Ce qui n'est pas forcément utile, parce qu'il ne faut pas prendre les terroristes pour plus bêtes qu'ils ne le sont : à partir du moment où ils savent qu'il y a une possibilité de regarder où ils vont atterrir, ils contourneront les pays dits sensibles et ils passeront simplement les frontières en voiture. Il faut donc faire attention. Moi je crois qu'il faut effectivement être extrêmement prudent. Il faut qu'il y ait la discussion, le contrôle démocratique. Mais je reste persuadé d'une chose : ce n'est pas en multipliant les projets de loi les plus sécuritaires, que l'on luttera le plus efficacement contre le terrorisme. Il y a deux choses à faire : la pénétration des réseaux, la surveillance d'un certain nombre de situations difficiles qui existent, et aussi un combat réel contre ce qui conduit aussi au recrutement des terroristes, c'est-à-dire une certaine misère sociale ou une certaine désignation à la vindicte populaire de certaines catégories de population. La meilleure manière de casser ces possibilités de recrutement, c'est qu'il n'y ait pas des ghettos comme à Trappes...
Q- Une chose apparaît, il faut que l'on en parle quand même : la vacuité politique face à des questions de cette importance. On ne va pas revenir sur la droite et les déchirements entre Messieurs Villepin et Sarkozy. Mais à gauche, sept postulants au PS, un Congrès du Mans, dont on se demande si il va être un Congrès de sanctions ou un congrès de réconciliation. La "vacuité politique", je n'arrive pas à trouver d'autres qualificatifs que cela...
R- Vous avez raison. Lorsque je me lève le matin en ce moment, je ne suis pas fier de moi, comme responsable politique. Et je me demande quelle mouche est en train de piquer l'ensemble des responsables politiques, qu'ils soient hommes ou femmes ? Et parfois, je me demande à quoi je sers ? Parce que, cette multiplication de candidatures, de petites phrases, de comportements qui sont même étonnants... pour des socialistes, en arriver à être sexistes, parce que simplement une femme dit qu'elle peut être candidate, qu'ils oublient leur engagement fondamental de socialistes, qui doit normalement, justement, considérer qu'une femme a autant de droits et de devoirs d'ailleurs qu'un homme. Tout cela est insupportable ! Et je crois qu'il y a aujourd'hui... J'ai dit il y a quelques semaines, l'élection présidentielle les rend fous, les rend tous fous ! C'est la vraie question qui est posée aujourd'hui. Le drame qui peut se produire, c'est effectivement que, si l'on continue comme cela, les uns et les autres, à droite comme à gauche, l'on ait un troisième tour à nouveau. Et cette fois-ci on risque d'avoir J.-M. Le Pen au premier, qui soit en tête, parce qu'il y a une telle crise. Il faut donc, que l'ensemble des responsables politiques, je le dis ce matin, se ressaisisse, les uns et les autres, réponde aux questions de fond qui sont posées dans la société. Je pense aux problèmes de logement, le problème de lutte contre les ghettos, au problème de pouvoir d'achat qui existe dans notre société, et que la compétition ait lieu là-dessus. Je ne sais pas, je vais être honnête avec vous, je ne sais pas exactement si, quand je dis cela ce matin, je vais être entendu. Et si je ne parle pas aussi dans un désert, tellement il y a une sorte de spirale infernale qui a touché les uns et les autres. J'entendais par exemple un responsable politique dire : "il faut une opposition frontale", je ne veux pas le citer pour ne pas entrer dans la polémique. Mais j'ai l'impression que "l'opposition frontale" maintenant est dans chaque famille politique. Et que je le jeu consiste à dézinguer ce qui sont en place. On a beau essayer... Je prends un exemple très simple : je considère qu'il y a eu un référendum, c'est un état de fait. Le "non" l'a emporté. On ne va pas refaire sans arrêt la polémique là-dessus. Il faut essayer de dépasser cette situation. On n'est pas dans une situation où les uns doivent prendre leur revanche sur les autres. On doit essayer collectivement de trouver des solutions à la crise européenne qui s'est installée. Donc, la vraie réflexion collective que l'on doit avoir c'est celle-là. Ce n'est pas d'essayer d'obtenir que les uns ou les autres fassent une sorte de génuflexion devant ceux qui ont gagné. Je crois que ce sont les questions qui sont posées, qui sont des questions importantes. Je ne baisse pas les bras, parce que je crois qu'il ne faut pas baisser les bras. Mais je suis un peu démoralisé, je le dis, quand je vois ces comportements.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 septembre 2005)
R- J'ai du mal à répondre à la place de N. Sarkozy, vous le comprendrez. Ce que je sais, c'est que j'ai été moi aussi choqué par la présence des caméras au moment de l'arrestation et les images que l'on a vues après en boucle tout au long de la soirée. Ce qui veut dire que les informations ont été divulguées, d'une manière ou d'une autre. Donc cela veut dire que cette arrestation était prévue, qu'elle avait été montée et que l'on peut se dire qu'elle avait peut-être été montée opportunément par rapport à l'émission de télévision. Alors, que peut faire une démocratie face au terrorisme ? Eh bien, opposer la démocratie, c'est-à-dire la plus grande transparence. Et pour cela, d'ailleurs, je souhaite que dans la discussion qui va avoir lieu sur le projet de loi sur le terrorisme, soit mise en place une commission parlementaire dans laquelle l'opposition puisse siéger et où toutes les informations soient communiquées régulièrement. On le fait pour les écoutes téléphoniques, il faut le faire aussi dans la lutte contre le terrorisme. Pas simplement une réunion de temps à temps, à Matignon, où le Premier ministre donne quelques indications. Mais une commission où les parlementaires de l'opposition soient là et puissent suivre l'ensemble des procédures. Je pense d'ailleurs que ce sera la meilleure garantie par rapport aux policiers, pour qu'il n'y ait pas, après, des reproches qu'ils soient instrumentalisés dans telle ou telle action politique.
Q- La difficulté est immense. On comprend parfaitement que les policiers ou que les agents des services de renseignement aient besoin d'outils pour remonter dans les systèmes et pour anticiper avant même que les attentats ne se produisent. Donc surveillance électronique, caméras vidéo, surveillance d'Internet, surveillance des communications des téléphones cellulaires... Encore une fois, cette nécessité, qui existe aujourd'hui, va se heurter à la liberté des citoyens. Comment trouver une voie de passage possible, acceptable ?
R- La meilleure lutte contre le terrorisme, c'est l'action préventive. Ce n'est pas la multiplication des barbelés autour des barbelés. On le voit bien, les caméras à Londres n'ont pas empêché le terrorisme de faire l'action. Elles permettent de rattraper les terroristes par la suite, mais quand vous savez, quand ce sont des kamikazes, vous ne rattrapez pas grand-chose. La multiplication des systèmes très sophistiqués a donc montré ses limites et, d'ailleurs, les Américains en ont porté témoignage, puisqu'ils avaient mis tous leurs moyens dans le tout électronique, avec les fameuses "grandes oreilles", avec toute cette sophistication qu'ils avaient essayé de développer et qui n'a pas empêché les attentats du 11-Septembre. La meilleure manière de travailler aujourd'hui, c'est la pénétration en profondeur des réseaux. Cela veut dire des agents, formés, préparés, recrutés et soutenus dans leurs actions. C'est ce qui permet de démanteler les réseaux, et puis aussi une surveillance assidue de tout ce qui peut donner lieu à des concentrations et, à partir de là, à des recrutements. Il n'y a pas de hasard : c'est à Trappes que l'on a arrêté une cellule terroriste. Et ceux qui ont été attentifs, qui étaient devant leur poste de télévision, ont peut-être vu, il y a quelques mois, un reportage qui était extrêmement alarmant sur ce qui se passait à Trappes, sur la manière dont un certain nombre de groupes fondamentalistes organisaient la population localement, notamment dans la lutte contre la loi sur le port des insignes religieux. Donc il y a là un travail d'action de terrain. Ce ne sont pas les caméras, c'est la présence d'actions et donc de moyens, d'hommes et de femmes, qui permettent tout cela. Après, sur le projet de loi, il va falloir regarder au cas par cas. Il faut effectivement donner les garanties qu'il n'y a pas, après, une utilisation qui devient peut-être un effet d'affichage, mais qui n'est pas efficace. Sur la vidéo, je reste circonspect. Il faut regarder au cas par cas, parce que la fuite en avant vers le tout vidéo est la solution de facilité. Je le constate au quotidien, comme vice-président de la région Ile-de-France, notamment dans la surveillance dans les établissements scolaires, où on a une tentation, pour un certain nombre de gens, à mettre des caméras partout, ce qui peut être utile dans les surveillances statiques, mais qui parfois aussi se substitue à une présence humaine, qui est pourtant forcément utile, notamment par exemple dans les transports.
Q- Mais sur une question aussi importante que celle-là, comment le débat s'instruit-il à l'Assemblée nationale ? Est-on à nouveau dans un débat droite-gauche, ou est-ce que, sur des questions qui engagent une certaine définition de la démocratie, vous réfléchissez ensemble à des réponses possibles ?
R- Honnêtement, l'Assemblée, pour l'instant, n'a pas véritablement réfléchi, en tant que tel, à ces questions. Je pense qu'elle va le faire, de manière sérieuse, au moment où l'on va discuter ce projet de loi, qui permettra une confrontation. L'objectif, pour l'opposition, n'est pas d'essayer de chercher la querelle, ce n'est pas d'essayer de reproduire un clivage qui serait, d'après moi, artificiel. Dans le combat contre le terrorisme, il doit y avoir une solidarité totale. Mais pour qu'il y ait solidarité totale, il faut qu'il y ait transparence totale de la part du Gouvernement dans son action. Alors, on comprend bien qu'il faille garder un certain nombre d'informations. C'est pour cela que la proposition que je fais, c'est-à-dire qu'une commission parlementaire, dans laquelle l'opposition siège, puisse se mettre en place, je crois que c'est justement la garantie qu'il n'y a pas parfois utilisation intempestive, en fonction d'une situation particulière, d'un ministre qui voudrait appuyer son projet de loi par une opération montée opportunément.
Q- Quand on entendait, hier soir, les propos de certains fondamentalistes, qui dénoncent les démocraties pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire des systèmes ouverts où règnerait les pires désordres, est-ce que l'on va pas insidieusement mettre en place, dans ces démocraties - prenons le cas des Etats-Unis, avec le Patriot Act, dont certains remarquent que c'est un extraordinaire recul de l'Habeas corpus et des droits des citoyens, plébiscité en plus par l'opinion américaine -, est-ce qu'en Europe - et je parle d'Europe à dessein, car si la France répond seule, il n'y aura pas de réponse possible - on ne va pas assister aussi à un recul des droits des citoyens ?
R- Il y a effectivement une menace. Et on le voit bien d'ailleurs dans la généralisation par exemple des contrôles sur les déplacements des populations, avec la possibilité d'accéder au fichier des compagnies aériennes... Ce qui n'est pas forcément utile, parce qu'il ne faut pas prendre les terroristes pour plus bêtes qu'ils ne le sont : à partir du moment où ils savent qu'il y a une possibilité de regarder où ils vont atterrir, ils contourneront les pays dits sensibles et ils passeront simplement les frontières en voiture. Il faut donc faire attention. Moi je crois qu'il faut effectivement être extrêmement prudent. Il faut qu'il y ait la discussion, le contrôle démocratique. Mais je reste persuadé d'une chose : ce n'est pas en multipliant les projets de loi les plus sécuritaires, que l'on luttera le plus efficacement contre le terrorisme. Il y a deux choses à faire : la pénétration des réseaux, la surveillance d'un certain nombre de situations difficiles qui existent, et aussi un combat réel contre ce qui conduit aussi au recrutement des terroristes, c'est-à-dire une certaine misère sociale ou une certaine désignation à la vindicte populaire de certaines catégories de population. La meilleure manière de casser ces possibilités de recrutement, c'est qu'il n'y ait pas des ghettos comme à Trappes...
Q- Une chose apparaît, il faut que l'on en parle quand même : la vacuité politique face à des questions de cette importance. On ne va pas revenir sur la droite et les déchirements entre Messieurs Villepin et Sarkozy. Mais à gauche, sept postulants au PS, un Congrès du Mans, dont on se demande si il va être un Congrès de sanctions ou un congrès de réconciliation. La "vacuité politique", je n'arrive pas à trouver d'autres qualificatifs que cela...
R- Vous avez raison. Lorsque je me lève le matin en ce moment, je ne suis pas fier de moi, comme responsable politique. Et je me demande quelle mouche est en train de piquer l'ensemble des responsables politiques, qu'ils soient hommes ou femmes ? Et parfois, je me demande à quoi je sers ? Parce que, cette multiplication de candidatures, de petites phrases, de comportements qui sont même étonnants... pour des socialistes, en arriver à être sexistes, parce que simplement une femme dit qu'elle peut être candidate, qu'ils oublient leur engagement fondamental de socialistes, qui doit normalement, justement, considérer qu'une femme a autant de droits et de devoirs d'ailleurs qu'un homme. Tout cela est insupportable ! Et je crois qu'il y a aujourd'hui... J'ai dit il y a quelques semaines, l'élection présidentielle les rend fous, les rend tous fous ! C'est la vraie question qui est posée aujourd'hui. Le drame qui peut se produire, c'est effectivement que, si l'on continue comme cela, les uns et les autres, à droite comme à gauche, l'on ait un troisième tour à nouveau. Et cette fois-ci on risque d'avoir J.-M. Le Pen au premier, qui soit en tête, parce qu'il y a une telle crise. Il faut donc, que l'ensemble des responsables politiques, je le dis ce matin, se ressaisisse, les uns et les autres, réponde aux questions de fond qui sont posées dans la société. Je pense aux problèmes de logement, le problème de lutte contre les ghettos, au problème de pouvoir d'achat qui existe dans notre société, et que la compétition ait lieu là-dessus. Je ne sais pas, je vais être honnête avec vous, je ne sais pas exactement si, quand je dis cela ce matin, je vais être entendu. Et si je ne parle pas aussi dans un désert, tellement il y a une sorte de spirale infernale qui a touché les uns et les autres. J'entendais par exemple un responsable politique dire : "il faut une opposition frontale", je ne veux pas le citer pour ne pas entrer dans la polémique. Mais j'ai l'impression que "l'opposition frontale" maintenant est dans chaque famille politique. Et que je le jeu consiste à dézinguer ce qui sont en place. On a beau essayer... Je prends un exemple très simple : je considère qu'il y a eu un référendum, c'est un état de fait. Le "non" l'a emporté. On ne va pas refaire sans arrêt la polémique là-dessus. Il faut essayer de dépasser cette situation. On n'est pas dans une situation où les uns doivent prendre leur revanche sur les autres. On doit essayer collectivement de trouver des solutions à la crise européenne qui s'est installée. Donc, la vraie réflexion collective que l'on doit avoir c'est celle-là. Ce n'est pas d'essayer d'obtenir que les uns ou les autres fassent une sorte de génuflexion devant ceux qui ont gagné. Je crois que ce sont les questions qui sont posées, qui sont des questions importantes. Je ne baisse pas les bras, parce que je crois qu'il ne faut pas baisser les bras. Mais je suis un peu démoralisé, je le dis, quand je vois ces comportements.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 septembre 2005)