Discours de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur la préparation de l'avant projet de loi relatif au futur statut de Mayotte, le transfert de compétence et les futures instituions de la collectivité locale, Paris le 19 octobre 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Clôture des deuxièmes rencontres du comité de suivi sur l'avenir institutionnel de Mayotte, à Paris, les 18 et 19 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Président du conseil général,
Monsieur le Président de l'association des maires,
Monsieur le Conseiller économique et social,
Messieurs les Membres du comité de suivi,
Monsieur le Préfet,
Conformément à l'engagement que j'avais pris avec vous le 8 septembre, la deuxième réunion du comité de suivi s'est tenue à Paris les 18 et 19 octobre.
Avant de dresser un bilan d'étape, je voudrais évoquer la concertation locale qui s'est déroulée à Mayotte entre nos deux rencontres parisiennes.
J'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt des comptes rendus des dix-sept auditions que vous avez conduites et des documents qui ont été remis par de nombreuses délégations.
J'ai été frappé par la richesse de ces réflexions et je me félicite de constater que toutes les composantes de la société mahoraise ont eu à cur d'apporter leur contribution et de participer à ce vaste débat collectif d'où va émerger le prochain statut de l'île.
Syndicats, professionnels, responsables politiques, associations d'élus, milieux sportifs, représentants des femmes, cadis ; les échanges ont été multiples et variés.
Cette concertation a témoigné d'une vision positive, pragmatique et progressive de l'avenir de Mayotte.
Tous les interlocuteurs ont considéré que l'éducation et la formation sont la clef du développement de l'île, de la réussite de la décentralisation et de l'accès des Mahorais aux postes de responsabilités.
Seule la généralisation de l'éducation et l'ouverture d'établissements en nombre suffisant, notamment pour l'enseignement professionnel, permettront d'élever le niveau général de qualification, de répondre aux besoins de l'économie de former les cadres et les techniciens dont Mayotte a besoin et, en un mot, d'exercer concrètement les nouvelles responsabilités qui seront les vôtres demain.
C'est pourquoi le contrat de plan que nous avons signé, le mois dernier, Monsieur le Président, comportait un engagement de l'Etat à hauteur de 500 MF pour les constructions scolaires.
De plus, et j'insiste sur ce point, à la suite du rapport relatif au " système éducatif à Mayotte " remis en juillet dernier au ministre de l'éducation nationale, Monsieur Jack LANG et moi-même avons arrêté une mesure exceptionnelle en faveur de la construction des collèges, lycées et lycées professionnels. En sus de la dotation provisoire de 500 MF, l'Etat apportera 681 MF, échelonnés sur quatre ans pour répondre aux besoins de la jeunesse mahoraise.
Au total, ce sera donc 1 milliard 181 millions de francs qui seront consacrés à l'éducation ; c'est, vous l'avez compris, un effort exceptionnel au profit de Mayotte.
La première réunion du comité de suivi avait permis de procéder à un examen ligne par ligne de l'Accord sur l'avenir de Mayotte, d'analyser la situation actuelle dans l'île et d'esquisser les problématiques.
A l'issue de la concertation locale et après ces deux journées de travail, la loi statutaire prend forme ; les points de convergence entre élus de Mayotte, d'une part, entre les représentants de l'île et le gouvernement, d'autre part, sont nombreux. Les services du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer vont pouvoir commencer dès demain la rédaction de chapitres entiers de l'avant-projet de loi.
1. Les questions de principe relatives aux institutions font désormais l'objet d'un consensus.
Le transfert de l'exécutif du Préfet au Président du conseil général interviendra en 2004 ; la collectivité départementale et les communes passeront à un régime de tutelle allégée la même année. En 2007, l'ensemble des collectivités locales bénéficiera d'une pleine décentralisation.
Cette double étape est le gage de la réussite ; elle permettra de préparer les élus à l'exercice de nouvelles responsabilités et de les entourer de collaborateurs formés et expérimentés. Cette formation devra être engagée sans tarder.
La collectivité départementale et les communes bénéficieront de transferts progressifs de compétences au cours de cette période de dix ans. Une clarification des compétences actuellement exercées par le conseil général sera faite par la loi statutaire, en particulier pour ce qui concerne les missions régaliennes de l'Etat.
L'évolution de la fiscalité locale et le chiffrage de la dotation de rattrapage et de premier équipement ont fait l'objet de premiers échanges ; des expertises et des simulations doivent être réalisées et des réunions de travail seront organisées par le préfet avec vous avant d'arrêter des choix définitifs.
Mais je note qu'un consensus se fait jour pour une refonte de la fiscalité à une date qui pourrait être 2004 dans un objectif de rapprochement du droit commun. Les administrations des impôts et des douanes deviendraient d'ici là des services d'Etat.
Le passage au principe d'identité législative a paru possible pour certaines matières telles le droit pénal, la procédure pénale, le droit commercial, en matière d'environnement
Enfin, l'unanimité s'est faite pour étendre à Mayotte les dispositions du code général des collectivités territoriales qui régissent la coopération régionale et la coopération décentralisée. Ainsi les Mahorais pourront développer leurs relations avec les pays de la zone sud-ouest de l'Océan Indien dans un cadre juridique clair, identique aux dispositions qui régissent les départements d'outre-mer. La création d'un fonds de coopération régionale dynamisera cette action. Sur ces points, mes services qui, vous le voyez, travaillent pour tenir les délais, vous ont remis un avant projet de texte.
Ce rapprochement avec le droit commun sera un point positif vis-à-vis de l'Union européenne et des fonds communautaires. Je vous redis ici que, avant la fin de la présidence française de l'Union, nous traiterons cette question avec Bruxelles pour envisager à court terme une prise en compte de l'adaptation du statut de Mayotte et à moyen terme une véritable réforme de la situation de l'île par rapport aux finances communautaires.
Messieurs les Parlementaires, Monsieur le Président du conseil général, Messieurs, nous pouvons cet après-midi constater ensemble que les problèmes institutionnels qui sont au cur de l'évolution statutaire, sont aujourd'hui précisés et nous pouvons avancer dans l'élaboration du texte du projet de loi.
2. Deuxième thème de discussion, les outils de développement économique ont fait l'objet de discussions approfondies et des fiches de propositions vous ont été remises.
Je note, là aussi, des rapprochements de point de vue qui vont permettre dans les prochains jours un travail d'approfondissement.
La question foncière est essentielle pour l'avenir de Mayotte. Aussi, le rôle d'opérateur foncier pour le compte de la collectivité départementale mais également des communes serait assuré par le CNASEA dans un cadre assurant la présence et la capacité de décision des élus.
La fonction d'aménagement serait confiée à un autre opérateur.
Un fonds d'aménagement et de développement, qui pourrait par exemple être alimenté par une ligne budgétaire identifiée du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, financera les projets économiques structurants pour le développement local et l'emploi ; il sera articulé avec le dispositif existant d'aide aux entreprises pour en accroître l'efficacité.
Pour les micro-projets de jeunes, le Projet Initiative Jeune (P.I.J) prévu par la loi d'orientation pour les DOM pourrait être étendu et adapté à Mayotte, afin de favoriser l'initiative et la création d'activités nouvelles.
Une agence de développement qui prendrait le statut de groupement d'intérêt public serait l'outil d'information, de conseil, de promotion et d'animation économique en partenariat avec les acteurs privés. L'accent serait porté, dans la définition de sa mission, sur l'aide aux Mahorais porteurs de projets de développements et en particulier aux jeunes. Mayotte serait ainsi dotée de leviers souples mais efficaces pour accélérer le développement économique et la création d'emplois ; l'île disposerait aussi d'un outil de maîtrise foncière indispensable en raison de la rareté de l'espace.
Je souhaite également que l'Etat mobilise ses établissements publics, et notamment EDF GDF, pour Mayotte. Nous prendrons dans les jours qui viennent les contacts nécessaires pour que Mayotte bénéficie à l'avenir de prestations de meilleure qualité et proches du droit commun.
La transformation de la chambre professionnelle en trois chambres consulaires (commerce et industrie, agriculture, métier) a donné lieu à des échanges de points de vue forts utiles. Faut-il mettre en uvre cette transformation dès 2002 ou faut-il passer par une étape intermédiaire qui se traduirait par la création de trois sections consulaires ? Il est important de veiller à conserver une cohérence dans la modernisation des institutions, qu'elles soient administratives, politiques ou professionnelles. Je privilégie donc une évolution en deux étapes : trois sections consulaires dès 2001 puis chambres de plein exercice en 2004. Le projet de décret prolongeant de quelques mois le mandat de l'actuelle chambre pour nous permettre d'agir a d'ailleurs été adopté hier matin par le Conseil d'Etat et il est présenté depuis hier soir au contreseing des membres du Gouvernement compétents.
3. Vous avez évoqué ce matin les questions qui, reconnaissons le clairement, intéressent le plus nos concitoyens : les questions sociales et celles liées à l'évolution de la société.
Il y a deux raisons à cela :
1) elles concernent très directement leur vie quotidienne, alors que les questions institutionnelles ou administratives peuvent apparaître parfois plus abstraites ;
2) elles doivent illustrer la modernisation de la société que les Mahorais appellent de leurs vux.
Sur le rôle des cadis, nous avons entendu les positions, là encore convergentes, que vous avez exprimées avec force et conviction. L'évolution du rôle des cadis et le recentrage sur des fonctions notariales et de médiation sera dans quelques mois une réalité. Cette institution est, me semble-t-il, emblématique de la situation de Mayotte : il faut moderniser en s'appuyant sur une histoire et un passé riches, dont le rôle juridictionnel des cadis est un héritage. Un dispositif d'échevinage, permettant aux cadis d'assister des juges professionnels, paraît adapté à cette réalité et à certains contentieux. Il permettra d'améliorer la qualité de la justice. La modernisation du statut personnel s'inscrit dans la même problématique.
Enfin, sur le volet social, il vous a été proposé de légiférer par ordonnances dès 2001. Je me félicite que vous ayez accepté cette méthode qui nous permettra d'aller vite et de répondre aux attentes de nos concitoyens.
Sur le fond, une mission conduite par mon conseiller social se rendra à Mayotte la semaine prochaine. Vous avez aujourd'hui déterminé, à partir de la concertation locale, ce que j'appellerai volontiers sa " feuille de route " et ses axes prioritaires de travail : extension des allocations familiales, développement de la solidarité et de la lutte contre l'exclusion, incitations à la création d'activités, amélioration du système de santé. La mission reviendra avec des propositions précises qui seront arbitrées dans les semaines qui viennent avec les ministères concernés.
Voilà, messieurs, ce que je voulais vous dire, en vous remerciant pour votre présence. J'ai le sentiment que nous avons avancé et que le programme des prochaines semaines est clair. Dès demain, les services du ministère s'attelleront à la mise en forme juridique de " l'Accord sur l'avenir de Mayotte ". Je vous propose que nous nous retrouvions mi-novembre, sans doute dans la semaine du 13, pour adopter ensemble le projet que vous aurez contribué à bâtir et pour valider les propositions que nous vous présenterons sur le volet social. Je vous donne rendez-vous pour cette nouvelle étape, avant que le projet de loi soit déposé au Parlement avant la fin de l'année 2000, ce que je vous confirme à nouveau aujourd'hui.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 20 octobre 2000)