Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la politique d'aménagement du territoire et le rôle des préfets dans la mise en place des réformes et l'application de la loi, Paris le 7 février 1995.

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Circonstance : Réunion avec les préfets pour la mise en oeuvre de la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire, Paris le 6 février 1995

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les Sous-Préfets,
La politique d'aménagement du territoire a été placée par le Gouvernement au rang de ses priorités.
Ouvrir le débat en 1993 était courageux. Parler d'aménager mieux l'espace du pays alors que celui-ci traversait la crise économique la plus grave qu'il ait connue depuis la guerre, relevait du défi. La réflexion aboutit aujourd'hui, quand le taux de croissance attendu en 1995 est de 3 % et que beaucoup d'experts annoncent un nouveau cycle de croissance. Cela facilitera l'action. Je m'en réjouis.
Grâce à M. Charles PASQUA et à M. Daniel HOEFFEL, le défi que constituait la restauration de la politique d'aménagement du territoire a été gagné.
Les objectifs que nous nous étions fixés, au nombre de quatre, ont été atteints.
1. Il nous fallait, tout d'abord, obtenir l'adhésion des Français, grâce à une concertation approfondie.
Le débat national a rencontré un grand succès : des centaines de milliers de Français se sont exprimés, les régions ont dessiné leurs ambitions, le pays tout entier en a parlé. Je salue la contribution que vous avez apportée : elle a été essentielle. Quant au Parlement, son apport a été déterminant.
Le débat a permis une prise de conscience nationale.
Les oppositions traditionnelles villes-campagnes ou Paris-province ont été dépassées. Chacun a admis qu'une politique d'aménagement du territoire suppose des choix. Car, je le souligne, corriger les handicaps géographiques, ce n'est pas donner toujours plus. C'est assurer une différence qui soit significative dans le traitement des situations.
La méthode adoptée par le Gouvernement a donc porté ses fruits.
2. Il nous fallait aussi définir les nouveaux principes fondamentaux de l'aménagement du territoire.
Le premier de ces principes est que l'égalité des chances entre les citoyens doit s'apprécier sur l'ensemble du territoire.
Le Conseil constitutionnel a estimé que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte des dispositions pour des motifs d'aménagement du territoire. Ainsi, l'égalité des chances ne suppose pas l'égalité de traitement.
Le second principe est que l'aménagement du territoire participe à la politique de développement économique. En corrigeant les handicaps géographiques, en corrigeant les conséquences de l'évolution dite "naturelle" des grandes tendances économiques, l'aménagement du territoire garantit l'unité du pays.
Le troisième principe posé par le législateur est que l'aménagement du territoire relève désormais d'une approche globale. L'ensemble des politiques de l'État doit y contribuer. Il en est de même de l'ensemble des collectivités.
La politique économique, la politique sociale, la politique de l'éducation, la politique de la sécurité, toutes les politiques doivent incorporer la dimension de l'aménagement du territoire. C'est le grand apport de ce texte.
3. Troisième aspect de cette politique : il fallait inscrire la réforme de l'aménagement du territoire dans la durée.
C'est à partir d'une vision de la France en 2015 que cette réforme s'est construite. C'est dans ce délai que cette réforme s'inscrit.
On ne bâtit pas de nouveaux schémas d'infrastructures ou d'équipements de recherche sans étude ni concertation. On ne modifie pas la répartition des compétences publiques ou la fiscalité locale sans quelque réflexion préalable approfondie. L'histoire nous rappelle à cette obligation.
Ce qui compte alors, c'est de se fixer un calendrier. La loi le fait. Ce qui compte aussi, c'est d'ébaucher les orientations générales qui seront à explorer et les objectifs à atteindre.
La loi le fait aussi.
En somme, c'est bien une loi cadre qui a été adoptée par le législateur. Il a fixé des repères à l'action gouvernementale pour que la France de l'an 2015, celle de la prochaine génération, soit bien celle que les Français ont voulu aujourd'hui.
4. Mais le diagnostic de la situation du pays, dressé en 1993, imposait des mesures rapides, et il fallait répondre très vite aux besoins des Français. C'est le quatrième objectif de la réforme.
Les comités interministériels qui se sont tenus à Mende, à Bar-le-Duc, à Troyes ont pris de nombreuses décisions. Les cartes des zones prioritaires ont été intégralement revues. La politique de la ville a été réformée et développée. Il en a été de même de la politique des grandes infrastructures de communication. Beaucoup a été fait qui ne pouvait l'être sans la loi. Vous y avez largement contribué.
La loi d'orientation présentée par Charles PASQUA et Daniel HOEFFEL marque une étape supplémentaire, déterminante.
Les dispositions qui permettent un développement plus équilibré du pays soit par l'attribution de moyens nouveaux, soit par l'instauration de régimes fiscaux ou sociaux dérogatoires au bénéfice des entreprises, prennent effet dès 1995. Celles qui renforcent la péréquation entre les collectivités prennent également effet dès cette année. Je souligne que les représentants de l'État que vous êtes, disposent dorénavant d'un pouvoir renforcé en ce qui concerne notamment l'organisation des services publics et la gestion des crédits d'aménagement du territoire.
Ce sont prés de 5 milliard de francs qui sont nouvellement dégagés par la loi de finances pour 1995, c'est un rôle plus important qui est imparti aux Préfets.
Une mise en oeuvre rapide de la loi d'orientation s'impose.
J'ai demandé aux ministres concernés de prendre le plus tôt possible les textes réglementaires nécessaires. Les premières circulaires vont vous être adressées dans les prochains jours. Soyez assuré que je serai vigilant pour que la mise en place de cette réforme soit rapide.
Je vous demande de l'être également.
Il vous appartient de faire connaître le contenu de la loi, dans les meilleurs délais et à tous vos interlocuteurs, élus, chefs d'entreprise, responsables associatifs, citoyens. Comme vous l'avez fait pour le débat national, il vous faut vous mobiliser.
Le calendrier électoral impose des contraintes. J'en ai conscience ! Raison supplémentaire pour agir immédiatement.
N'oublions pas que l'État assume une responsabilité éminente en matière d'aménagement du territoire. Vous en êtes les dépositaires dans les régions et les départements. C'est de vous dont dépend la pleine utilisation des nouveaux outils mis en place. Il en va d'une répartition équilibrée de la croissance sur tout le territoire. Les zones en difficulté participeront au mouvement dès lors que par votre action, vous faciliterez la correction de leurs handicaps naturels ou sociaux.
Vous avez été des acteurs essentiels du débat national. Il faut à présent montrer aux citoyens le résultat du débat national.
Il faut les guider, les informer, les servir.
Il faut leur donner les moyens. Nombreux sont ceux qui sont porteurs d'initiatives. Sachez leur montrer comment cette réforme peut les aider.
La France est maintenant dotée d'une législation de nature à la conduire vers plus de cohésion et de progrès. Le développement équilibré du territoire, l'égalité devant le service public, l'égalité des chances où que l'on habite peuvent maintenant devenir des réalités.
Y a-t-il plus grande motivation pour votre action ?