Texte intégral
JEAN-MICHEL APATHIE - Bonsoir à tous. Nous sommes heureux de vous accueillir dans le grand studio de RTL pour ce " GRAND JURY RTL - LE FIGARO - LCI ". Notre invité ce soir, Dominique de VILLEPIN, bonsoir Dominique de VILLEPIN.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Bonsoir.
JEAN-MICHEL APATHIE - Vous répondrez aux questions de Nicolas BEYTOUT du FIGARO et de Pierre-Luc SEGUILLON de LCI. Ce débat est retransmis simultanément sur RTL et LCI. LE FIGARO demain disséquera vos propos. Au cur de l'actualité bien sûr, l'hospitalisation de Jacques CHIRAC vendredi soir, un accident cardio-vasculaire l'a amené à l'hôpital du Val-de-Grâce pour des troubles de la vue. On n'a pas beaucoup d'informations... aucune information officielle. Des communiqués assez généraux, pas très informatifs de la part du service des armées du Val-de-Grâce. Pouvez-vous nous donner quelques éléments précis si vous les possédez, Dominique de VILLEPIN ? Par exemple, quand on dit troubles de la vue, c'est un il, les deux yeux ? La parole a-t-elle manqué à un moment au président de la République ? Etait-ce une attaque assez importante au fond ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - La réponse est non, Jean-Michel APATHIE et le Val-de-Grâce a fait deux communiqués pour préciser exactement ce qu'il en était.
JEAN-MICHEL APATHIE - Pas de termes médicaux. Aucun termes médicaux, par exemple le dernier : l'état de Jacques CHIRAC est très satisfaisant.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Un léger accident vasculaire avec petits troubles de la vue. C'est exactement et très précisément ce qui a été indiqué et c'est très précisément ce que j'ai pu constater pour ce qui est du petit trouble de la vue puisque j'ai rencontré, vous le savez, hier, le président de la République ; j'ai eu l'occasion de lui parler hier matin et de lui parler aujourd'hui et les choses sont simples : il a un petit trouble de la vision d'un il et cela ne s'est accompagné d'aucun autre trouble.
JEAN-MICHEL APATHIE - La parole ne lui a pas manqué, parce qu'il paraît que c'est assez fréquent ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - A aucun moment, il n'y a pas eu d'accident à proprement dit. Il a constaté lui-même en travaillant qu'il souffrait de ce petit trouble et c'est ce qui l'a conduit à souhaiter faire des examens, c'est pour cela qu'il s'est rendu vendredi soir au Val-de-Grâce. Les médecins lui ont proposé de rester pour faire des examens complémentaires. C'est donc ce qu'il a fait et il m'a téléphoné le lendemain matin quand les choses ont été mieux connues.
JEAN-MICHEL APATHIE - Savez-vous jusqu'à quand il sera hospitalisé ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une semaine, c'est ce qui a été dit.
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est-à-dire il sortira... samedi, dimanche ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une semaine, c'est ce qui a été indiqué, à compter du moment de son entrée.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Il y a une chose qui a été surprenante dans la gestion de cette affaire, vous pouvez nous le confirmer, c'est que vous n'ayez été prévenu de l'accident vasculaire de Jacques CHIRAC et de son hospitalisation si j'ai bien compris, qu'en début de matinée hier alors qu'il a été hospitalisé le soir même.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Pierre-Luc SEGUILLON, quand on parle du chef de l'Etat, tout est par définition surprenant et prend donc des proportions importantes y compris les choses les plus naturelles et les plus simples. Vendredi soir...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Là c'est le fonctionnement qui est en cause...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Non, à aucun moment. Quand le chef de l'Etat constate vendredi soir qu'il souffre d'un léger trouble de la vue, il en parle au médecin de l'Elysée qui lui dit : il vaudrait mieux que nous vérifions et faire donc des examens. Il se rend au Val-de-Grâce et là, les médecins du Val-de-Grâce lui disent : nous préférons pouvoir faire des examens complets et donc vous garder sous observation, donc passez la nuit. Le chef de l'Etat passe très normalement la nuit, se sentant lui, en bonne forme, une fois de plus avec ce petit trouble.
JEAN-MICHEL APATHIE - Et personne ne vous donne cette information capitale ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Quand le lendemain matin, Monsieur APATHIE, dès lors qu'il n'y a pas de motif d'inquiétude, dès lors que le président se sent parfaitement bien hormis une fois de plus ce petit trouble de la vue, il attend de savoir ce qu'il en est, le lendemain matin, on lui indique qu'il s'agit d'un petit accident vasculaire, il me téléphone immédiatement pour me dire voilà la situation et il me téléphone vers dix heures du matin.
NICOLAS BEYTOUT - Le communiqué donne le sentiment de quelque chose de très bénin...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - De très naturel...
NICOLAS BEYTOUT - Très naturel et très bénin. La surprise pour nous, c'est de voir qu'il est hospitalisé une semaine pour quelque chose d'aussi bénin et au fond naturel comme vous dites. Comment expliquer ce paradoxe ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nicolas BEYTOUT, moi je ne suis pas médecin. Ce qu'indiquent les médecins du Val-de-Grâce, c'est la nécessité dès lors qu'il y a ce léger accident vasculaire, il faut d'une part faire toutes les analyses et par ailleurs permettre au président de la République de se reposer quelques jours avant de pouvoir reprendre pleinement ses activités.
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que vous ne pensez pas que s'il y avait des termes médicaux dans les communiqués, les choses seraient un peu moins douteuses ? Parce qu'un état de santé très satisfaisant, ce n'est pas très médical comme terme.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nicolas BEYTOUT, la communication, c'est la responsabilité de l'hôpital du Val-de-Grâce, ils ont fait deux communiqués pour indiquer ce qu'il en était. Je comprends très bien le sentiment que vous avez de ne pas en savoir assez, vous souhaiteriez forcément en savoir davantage. La réalité, c'est ce que je vous dis, donc un léger accident vasculaire avec un petit trouble de la vue. Voilà, les choses en sont là et à partir de là, le président pendant ces quelques jours se reposent avant de reprendre ses activités.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver dans une situation qu'on a connue à plusieurs occasions, c'est-à-dire où on parle par omission, il manque un certain nombre d'éléments d'information et où la transparence qui a été réclamée par certains dans l'opposition notamment n'est pas tout à fait là ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Vous savez, nous avons tiré les leçons - et le président de la République est le premier à tirer les leçons de ce que nous avons connu à travers l'histoire de la Ve République, à la fois avec le président Georges POMPIDOU et avec le président MITTERRAND. Et les deux formules ont été essayées, à la fois ceux qui s'engageaient à tout dire et on a constaté que ce n'était pas, loin s'en faut, le cas ; et ceux qui souhaitaient au contraire une communication plus sporadique de façon à ne pas vivre avec cette épée de Damoclès. Nous sommes tous sujets à un pépin de santé.
JEAN-MICHEL APATHIE - Pensez-vous, Monsieur le Premier ministre, qu'il y aura dans les jours qui viennent une information médicale plus précise, avec des mots de médecin ou pensez-vous que ce n'est pas utile ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que dès lors que le diagnostic médical a été fait par les médecins puisqu'ils ont parlé très clairement d'un léger accident vasculaire avec un petit trouble de la vision, que les choses sont claires. C'est à ce stade... et c'est la réalité de ce dont souffre le président de la République.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Est-ce que vous avez eu l'occasion en discutant avec le président de la République samedi matin, d'évoquer les conséquences possibles du temps d'un rétablissement et notamment lorsqu'il y a accident vasculaire, l'impossibilité pendant un certain nombre de semaines sinon de mois par exemple de voyager en avion ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Alors j'ai évoqué avec le président de la République l'agenda des prochains jours et une fois de plus, il s'agit de voir tout au long des prochains jours comment les améliorations se font comme nous le souhaitons et comme le prévoient les médecins. Il faut voir comment les choses évoluent au cours des prochains jours. Mais je peux vous dire, ayant parlé pendant une heure avec le président de la République, c'est qu'à aucun moment, lui parlant, je ne pouvais si je l'avais ignoré, imaginer qu'il se soit passé quoi que ce soit. Je l'ai vu debout, marchant dans sa chambre et évoquant les grands sujets puisque nous avons notamment traité de l'aide que nous allons apporter à nos amis américains, parmi les autres dossiers, la préparation du conseil des ministres. Donc rien n'indiquant qu'il y ait pu avoir un accident ; donc à partir de ce moment-là, vous comprendrez qu'il n'y ait pas de raison de faire d'autres spéculations et d'imaginer d'autres scénarios.
NICOLAS BEYTOUT - Pour quelque chose d'aussi banal pour un président de la République, que de prendre l'avion pour se rendre... je ne sais pas... à l'assemblée générale des Nations Unies, en Allemagne ou ailleurs, est-ce qu'il n'y a pas une contre-indication médicale qu'on peut imaginer...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Les médecins le diront. Dans les informations dont je dispose et ce que j'ai évoqué avec le président de la République, rien ne permet de penser qu'à aucun moment, de telles difficultés ou complications pourraient survenir.
JEAN-MICHEL APATHIE - Pour être précis, dans l'état de vos discussions avec le chef de l'Etat, il pense pouvoir se rendre à l'assemblée générale des Nations Unies qui démarre le 14 septembre ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nous verrons une fois de plus ce que disent les médecins et comment se passe la convalescence du président.
JEAN-MICHEL APATHIE - Une dernière question à ce propos : la politique est un peu impitoyable, cruelle, elle s'impose toujours à nous. On évoquait quelquefois l'hypothèse d'un troisième mandat de Jacques CHIRAC et là évidemment avec un accident de santé de cette nature, cela paraît compromis. Partagez-vous ce sentiment, Dominique de VILLEPIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Jean-Michel APATHIE, il ne s'agit pas en l'occurrence de cruauté, il s'agit d'expérience de la vie et un pépin de santé, et j'ai vu combien de témoignages dans la classe politique, vous pouvez l'avoir à 35 ans, vous pouvez avoir un double pontage à cinquante ans et vous pouvez avoir un léger problème de vision à 70 ans. Donc je crois qu'il ne s'agit pas aujourd'hui de spéculer sur les choses. Il s'agit pour le président de la République, partant de cet incident, de se rétablir rapidement et pour ce qui est des spéculations politiques, je sais qu'elles vont bon train, je les trouve pour ma part tout à fait hors de proportions et pour tout dire déconnectées de la réalité d'aujourd'hui.
JEAN-MICHEL APATHIE - Mais vous savez très bien que ce sera dans la tête de tous les acteurs politiques, peut-être d'ailleurs aussi dans la vôtre.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une fois de plus, le jeu politique est une chose, vous savez comme moi que le jeu politique est souvent déconnecté du réel.
JEAN-MICHEL APATHIE - Nous allons peut-être maintenant évoquer le plan que vous avez présenté jeudi, de relance de l'économie française. On a compris que vous allez simplifier l'impôt sur le revenu, ça coûtera 3,5 milliards d'euros à l'Etat. On a compris que vous alliez mensualiser, augmenter la prime pour l'emploi, ça coûtera un milliard d'euros à l'Etat. Mais on n'a pas compris où vous allez trouver l'argent pour financer tout cela.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Non, Jean-Michel APATHIE, dites la vérité... Vous n'avez pas voulu comprendre, parce que je l'ai dit...
JEAN-MICHEL APATHIE - Vous vous souvenez de mauvais esprit ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui... Enfin pas de mauvais esprit, mais d'insister ou de vouloir appuyer sur ce qui vous paraît problème et qui pourtant a été dit clairement. Il y a deux éléments centraux qui vont permettre de réaliser ce plan, la première chose, ce sont des économies substantielles. Je l'ai indiqué...
JEAN-MICHEL APATHIE - Pour 2005 ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nous avons annulé pour 2005 la moitié des crédits qui avaient été gelés...
JEAN-MICHEL APATHIE - Le montant ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est quatre milliards, c'est donc tout à fait considérable, c'est une décision importante mais nous voulons pouvoir véritablement aller jusqu'au bout de ce plan et faire en sorte que la dépense publique se réduise...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Une précision si vous permettez : ces quatre milliards en 2005 sont-ils destinés à vous permettre de boucler un budget en restant en-deça des 3 % de déficit du fait d'une mauvaise croissance ou sont-ils destinés à financer le plan et les diverses mesures que vous avez annoncées pour les années qui viennent ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Vous savez, les règles de bonne gestion, elles s'appliquent en toutes circonstances. Donc le fait de dépenser moins et de mieux cibler nos efforts, c'est la responsabilité de tout gouvernement. Ce que nous souhaitons à un moment particulier de la conjoncture française, européenne et internationale où il n'y a pas la croissance suffisante, pas assez, c'est bien sûr appliquer nos efforts là où ils sont susceptibles de produire le plus d'effets. Nous sommes dans un moment où l'investissement public peut encourager, doit encourager la relance de la croissance...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Je comprends difficilement... pour être très clair : si vous utilisez les quatre milliards dont vous venez de parler pour boucler le budget 2005 et pour éviter de vous trouver au-dessus des 3 % de déficits publics, ce sont quatre milliards qui ne serviront pas à financer les nouvelles mesures dont vous avez parlé au cours de votre conférence de presse.
JEAN-MICHEL APATHIE - Je ne suis pas le seul à ne pas avoir compris, vous voyez...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Tous les deux, on est en état de difficulté...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Non, non, il y a l'affectation d'une partie des recettes de privatisations, six milliards. Nous avons engagé un certain nombre de privatisations : GAZ DE FRANCE, FRANCE TELECOM et par ailleurs nous engageons la privatisation des concessions d'autoroutes pour un montant qui sera entre 11, 13, 14 milliards, c'est à évaluer. Cela constitue le cur de ce qui nous permettra de faire le grand programme d'infrastructures, d'investissements publics que nous souhaitons mettre en uvre parce que nous pensons qu'aujourd'hui, c'est bien l'investissement public qui est susceptible de contribuer à cette relance ; et à cette relance publique, nous ajoutons dans un partenariat avec le privé un investissement privé de cinq milliards, qui nous permettra d'aller au-delà du montant que nous apportons nous-mêmes. En gros c'est quinze milliards qui seront injectés, d'investissements supplémentaires et qui permettront, nous l'espérons, de relancer la croissance.
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que vous avez l'impression aujourd'hui de pouvoir tenir le budget de la France en dessous des 3 % de déficit ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est l'engagement que j'ai pris et que nous confirmons et pour le faire, comme gage de notre volonté, c'est bien la volonté une fois de plus d'annuler un certain nombre de dépenses, c'est dire le sérieux avec lequel nous voulons boucler et notre plan et le budget.
NICOLAS BEYTOUT - Deuxième question et ceci se réfère directement aux promesses que vous faites pour 2006 et 2007 : la France s'est engagée à être non pas en dessous de 3 % cette année mais l'année prochaine en dessous de 2,2 % et en 2007 à 1,6 % de déficits, c'est-à-dire une pente très rapide de réduction des déficits. Est-ce que vous confirmez cet engagement ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ecoutez, nous ferons tout pour tenir nos engagements.
NICOLAS BEYTOUT - C'est-à-dire que vous allez devoir annuler d'autres dépenses, que vous allez devoir baisser la dépense publique ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Cela veut dire que nous continuerons notre effort dans le domaine de la dépense publique, avec le souci de recentrer cette dépense sur ce qui est le plus nécessaire à la vie du pays et sur ce qui est le plus nécessaire pour répondre aux besoins de notre économie.
NICOLAS BEYTOUT - Votre ministre de l'Economie et des Finances, Thierry BRETON, disait il y a quelques mois seulement que la France vivait au-dessus de ses moyens. Est-ce que vous partagez ce diagnostic ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - La dépense publique française les dépenses de l'Etat, des collectivités locales, de la sécurité sociale... n'oublions pas, la dépense de l'Etat n'est qu'une partie de la dépense totale, est aujourd'hui, c'est vrai, supérieure à ce que nous devrions à la fois en terme de bonne gestion et en même temps compte tenu des objectifs de croissance que nous nous fixons. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il ne faut pas faire des translations entre cette dépense publique et la situation des Français. Dire que les Français vivent au-dessus de leurs moyens, c'est absurde...
NICOLAS BEYTOUT - Non, non, on parlait de l'Etat français, de la puissance publique au sens large.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une fois de plus, la dépense publique englobe la sécurité sociale, les dépenses de l'Etat proprement dit et aussi des collectivités locales et vous savez que notamment les dépenses de collectivités locales ont augmenté trop rapidement au cours des dernières années et cette limitation, et c'est bien pour cela que nous voulons travailler sur cet ensemble, les trois conjugués, cet ensemble doit être mieux maîtrisé et c'est l'effort que nous allons faire.
JEAN-MICHEL APATHIE - Pour demeurer dans l'épure de cette ambition de voir rapidement réduit le déficit de la France, vous faudra-t-il, Dominique de VILLEPIN, réduire davantage que vous ne le souhaitiez peut-être le nombre de fonctionnaires en France ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Alors Jean-Michel APATHIE, je me suis posé cette question dès les premières semaines de mon arrivée. Et la question s'est posée s'il fallait réduire davantage les effectifs de la fonction publique. J'ai considéré, dans l'état des dossiers que j'avais, que cela aurait été une décision parfaitement aléatoire et injustifiable. J'ai dit à l'époque qu'on ne gouvernait pas, on ne dirigeait pas la fonction publique avec un rabot. Je souhaite aujourd'hui me doter des instruments permettant d'avoir une vraie vision de l'Etat que nous voulons à l'échéance des prochaines années.
NICOLAS BEYTOUT - Ca fait des années qu'on demande ce genre d'instruments et d'ailleurs qui existent au fond, il y a des rapports dans tous les sens qui sont dans vos tiroirs je suppose
PIERRE-LUC SEGUILLON - Sans compter Nicolas SARKOZY qui l'a encore demandé ce matin.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais c'est très bien. Resituons l'action du gouvernement dans un contexte parce que vous savez, quand on a l'il sur la vitre, on n'a pas toujours le recul nécessaire pour comprendre ce qui est engagé. Qu'est-ce qui est engagé et qu'a fait ce gouvernement ? Ce gouvernement est arrivé en constatant une situation dégradée et inacceptable de l'emploi et il a décidé d'engager une rupture, une rupture fondamentale, c'est celle du chômage. Cette rupture-là, il a marqué sa détermination à le faire, en mobilisant toute son énergie et c'est le cap que nous a fixé le président de la République, sur l'emploi. Et trois mois plus tard, que constate-t-on, alors que personne n'aurait parié un centime d'euro sur les chances de ce gouvernement à la fin de l'année d'être en dessous de 10 %, nous sommes en dessous de 10 % de chômeurs.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Pardonnez-moi, grâce à Dominique de VILLEPIN ou grâce à Jean-Pierre RAFFARIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Grâce aux efforts conjugués des gouvernements successifs de Jacques CHIRAC. Et pourquoi je dis cela ? Parce qu'il y a bien sûr les effets du plan de cohésion sociale, plan de cohésion sociale que nous avons profondément remanié, simplifié grâce à la mobilisation de l'ensemble des services de l'emploi, des services de l'Etat bien sûr, ANPE, missions locales de l'emploi, et puis grâce à cet électrochoc que nous avons créé en arrivant et qui a fait comprendre à chacun que tout ceci devait changer. Et je crois que c'est important, Monsieur SEGUILLON, de le souligner : j'ai rencontré - et aucun Premier ministre avant moi ne l'avait jamais fait - tous les cadres de l'ANPE et je vais continuer en recevant l'ensemble des responsables du ministère du Travail. Je crois qu'il est essentiel aujourd'hui de se rendre compte à quel point tous sont mobilisés pour apporter de nouvelles réponses. Et le contrat nouvelle embauche a créé là encore un déclic dans ce pays. Quand je vois des grands réseaux de PME, d'entreprises, d'experts comptables se mobiliser pour expliquer qu'il y a aujourd'hui de nouveaux outils, on se rend compte qu'on s'est doté en quelques mois de nouveaux moyens pour lutter contre le chômage. Donc je reviens quand même à ma démonstration - vous me permettrez juste de prendre encore une ou deux minutes parce que je crois qu'il faut resituer les choses dans leur contexte...
JEAN-MICHEL APATHIE - Sur la fonction publique ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je reviens à la fonction publique, rassurez-vous, je vous répondrai sur ce point. Priorité à l'emploi. Je décide maintenant d'aborder une deuxième étape, c'est la croissance sociale parce qu'on ne peut pas avancer si chacun n'a pas sa place, chacun n'a pas sa juste part de croissance et puis si la solidarité ne s'exprime pas vis-à-vis de tous y compris ceux qui sont dans la plus grande difficulté...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Permettez-moi simplement de vous interrompre sur la croissance...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - ... Je termine mon raisonnement. Je suis têtu, Monsieur SEGUILLON, je termine mon raisonnement parce qu'il faut que chaque Français comprenne bien l'enjeu. Tous nos partenaires sont engagés comme nous le sommes dans un effort de modernisation : les Anglais, les Allemands, les autres pays européens, les grands pays. Cet effort de modernisation, il est nécessaire si nous voulons prendre toute notre place au moment où de grands pays émergents arrivent sur la scène mondiale. Pour cela, cet effort de modernisation, nous devons le poursuivre et c'est pour cela que je veux remettre l'activité au cur de nos politiques sociales, c'est-à-dire faire en sorte que personne ne se cantonne dans les revenus de l'assistance mais puisse avoir une chance véritablement d'avoir une activité. Et je veux que le travail paie. Donc vous abordez l'émission en disant : vous touchez à l'impôt sur le revenu. J'ai tendance à vous dire, Monsieur APATHIE...
JEAN-MICHEL APATHIE - Ce n'était pas un reproche... c'était un constat...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je sais bien. Mais pourquoi l'impôt sur le revenu ? Parce que le travail doit payer et que ceux qui travaillent dans ce pays, doivent avoir une juste rémunération, c'est-à-dire les classes moyennes.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Je fais une remarque quand même, vous avez parlé de croissance sociale ; pour qu'il y ait croissance sociale et croissance au service de tout, il faut quand même qu'il y ait de la croissance. Quelles sont vos perspectives en matière de croissance très exactement pour cette année mais aussi quelle est l'hypothèse de croissance que vous allez prendre pour la construction de la loi de finances 2006 et qu'est-ce que vous imaginez pour les deux ans à venir sachant que beaucoup dépendra quand même de la croissance pour la réussite de votre programme.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur SEGUILLON, je chercherai à être le plus sérieux possible, donc je ne vous lancerai pas des chiffres en l'air. Nous avons dit pour cette année : une croissance entre 1,5 et 2 % et nous la voulons la plus proche de 2 % et je pense que tous les efforts que nous donnons peuvent y contribuer.
JEAN-MICHEL APATHIE - Et vous notez que tous les économistes disent que 1,5 %, ce serait un miracle.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui mais je constate aussi que tous disaient que jamais nous n'atteindrions le seuil des 10 % avant la fin de l'année, nous l'avons atteint avec six mois d'avance...
NICOLAS BEYTOUT - L'INSEE avait dit 9,9 % avant la fin de l'année, l'INSEE l'avait dit en mai dernier...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il y a un moment où les experts font leur travail mais les experts ne peuvent pas maîtriser la force, la vitalité d'un peuple. Maintenant les Français se donnent du mal, ils ont des résultats et je m'en félicite... Alors nous bâtirons une hypothèse le moment venu et je vous demande d'être patient...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Il est tout proche...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il est très proche, oui, mais je dis bien le moment venu. Et ce que je souhaite, c'est que cette croissance puisse être au-delà de 2 % parce que j'estime que c'est aujourd'hui ce que mérite la France. C'est véritablement ce qui est dans sa main et dans ses capacités.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Attendez, pardonnez-moi, c'est une question de mérite ou c'est une question d'environnement ? Quand on regarde l'économie allemande, l'économie italienne avec lesquelles nous avons beaucoup d'échanges...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est une question... mais vous savez, on a beaucoup tendance dans notre pays à penser que la croissance, c'est donné, ça vient d'ailleurs. Mais la croissance, c'est aussi ce que l'on fait. Et donc les efforts des Français, les capacités des Français, notre situation et le mouvement de notre pays dans tous les domaines, quand nous créons les pôles de compétitivité, quand nous nous mobilisons sur les hautes technologies, tout ceci contribue à créer de la croissance. Donc je n'ai pas l'idée d'une croissance passive. On gagne la croissance point par point, centième par centième.
NICOLAS BEYTOUT - Quelques mots sur l'impôt sur le revenu quand même puisqu'il y a près de la moitié des Français qui le paient, donc ça intéresse beaucoup de gens. Vous disiez le 8 juin en discours de politique générale, je vous cite : toutes nos marges de manuvre budgétaires iront à l'emploi ; ce choix commande de faire une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est exactement ce que nous faisons, Monsieur BEYTOUT.
NICOLAS BEYTOUT - Moins de trois moins plus tard, vous annoncez pour après une reprise de la baisse de l'impôt sur le revenu...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je ne vois rien d'incompatible dans les deux propos ; nous faisons une pause. Non, Monsieur BEYTOUT ?
NICOLAS BEYTOUT - Oui, c'est une pause mais pourquoi annoncer une pause ? Pourquoi par exemple le 8 juin ne pas avoir dit : pour 2005, il n'y aura rien et nous reprendrons ensuite de manière par exemple à remplir la promesse de Jacques CHIRAC ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, quand on arrive aux affaires, on se consacre à une priorité. Je l'ai dit, ma priorité c'est l'emploi. J'affirme la nécessité, ayant mobilisé toute notre énergie sur l'emploi et commençant à avoir des résultats et nous souhaitons qu'ils s'amplifient, de passer à une deuxième étape, la croissance sociale. La croissance sociale, ça suppose que les efforts de chacun soient récompensés. J'affirme...
NICOLAS BEYTOUT - Ca, vous ne l'aviez pas prévu en juin ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais Monsieur BEYTOUT, la politique, c'est l'art des rythmes. Si j'arrive avec la science infuse et je décrète d'en haut que ce sera comme ci et comme ça...
NICOLAS BEYTOUT - Ce n'est pas une question de science infuse, c'est une question par exemple de respecter les promesses de Jacques CHIRAC.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais justement, je veux les respecter, c'est bien pour cela que je n'ai jamais perdu le cap. J'ai dit : nous ferons une pause ; donc vous voyez, sur le plan sémantique, les choses sont parfaitement claires ; nous ferons une pause, c'est la réalité et dès que nous pourrons, eh bien nous reprendrons le chemin de la baisse de l'impôt sur le revenu. Pourquoi ? Dans notre pays, ceux qui travaillent ont souvent le sentiment que leur effort n'est pas récompensé. Pire, ils ont le sentiment que les choses sont de plus en plus difficiles. Leur pouvoir d'achat est de plus en plus limité, c'est vrai dans la consommation de tous les jours, c'est vrai dans les projets qu'ils font. Si nous voulons qu'ils puissent produire les richesses, richesses qui permettent la croissance, richesses qui permettent de financer la solidarité...
NICOLAS BEYTOUT - Tout ça, on comprend très bien mais pourquoi pas cette année ? Qu'est-ce que vous allez vous allez dépenser plus l'année prochaine et l'année suivante pour l'emploi, vous aurez donc besoin de marges de manuvre. Pourquoi est-ce que ces marges de manuvre demain, vous n'irez pas les chercher sur l'impôt sur le revenu ? Pourquoi est-ce que cette année vous annulez la baisse de l'impôt et que vous la reprenez l'année prochaine, je ne vois pas la logique ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Alors je vais vous l'expliquer. Quel est le calendrier gouvernemental, politique, administratif sur le plan budgétaire ? Nous allons examiner dans les prochaines semaines le projet de budget 2006. Bon. Ce projet de budget, il va donner lieu à débat et nous allons donc discuter de cette réforme sur l'impôt sur le revenu. La réforme sera adoptée d'ici la fin de l'année...
NICOLAS BEYTOUT - Applicable quand ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Applicable au 1er janvier 2007. C'est la règle. Monsieur BEYTOUT, je ne suis pas magicien. La réalité des choses, c'est que je peux agir...
NICOLAS BEYTOUT - Donc elle ne sera pas dans le budget 2006 ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, je peux agir maintenant et la réforme - je sais qu'il y a un certain nombre de Français qui peuvent douter et je les comprends - la réforme sera votée avant la fin de l'année et s'appliquera sur les revenus 2006 au 1er janvier 2007... Vous savez, Monsieur BEYTOUT, je vois bien la précipitation dans laquelle vous voudriez que le gouvernement s'engage...
NICOLAS BEYTOUT - Non, j'essaie de trouver la logique...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui, oui, mais la logique, elle est claire mais je crois qu'il faut que vous mesuriez aussi le changement que cela constitue et que ce ne sont pas des choses qu'on peut faire en un jour. Donc nous allons jusqu'à la fin de l'année adopter dans le cadre de la loi de finances, l'ensemble de ces modifications, l'ensemble de ces réformes applicables une fois de plus sur les revenus 2006.
JEAN-MICHEL APATHIE - L'emploi est votre priorité, Dominique de VILLEPIN. On a appris que 45.000 emplois de vie scolaire seraient créés dans l'Education nationale...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Et je m'en réjouis.
JEAN-MICHEL APATHIE - Quelle différence entre ces emplois de vie scolaire et les emplois jeunes JOSPIN que le gouvernement RAFFARIN auquel vous apparteniez, a supprimés ? Comment diriez-vous la différence ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien écoutez, la différence, elle est extrêmement simple. La différence, c'est d'abord la réflexion et l'expérience...
JEAN-MICHEL APATHIE - JOSPIN n'a pas réfléchi... ou RAFFARIN n'a pas réfléchi en les supprimant ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je pense qu'un chef du gouvernement, ça tire les leçons de ce qui s'est passé.
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est-à-dire ? Le gouvernement a fait une erreur de les supprimer ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nous avons souhaité au cours des dernières années créer davantage d'emplois pour répondre au problème du chômage et nous avons pensé que nous pourrions miser uniquement sur les emplois marchands. Il se trouve que les emplois marchands, ça ne suffit pas et qu'en période de croissance insuffisante, il faut aussi utiliser d'autres moyens et en particulier les emplois aidés. Ce que j'ai souhaité, c'est que les emplois aidés soient particulièrement ciblés et qu'ils fassent l'objet d'un soin attentif notamment dans le domaine de la formation pour éviter ce qui avait été reproché aux emplois jeunes de Lionel JOSPIN, d'être considérés comme des emplois parking. Donc d'une part plus de formation, d'autre part des contrats moins longs de façon à ce qu'ils soient considérés comme un marchepied vers l'activité...
NICOLAS BEYTOUT - Le problème, c'est la sortie de ces contrats.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Exactement, c'est pour ça qu'en étant plus courts, ils donnent une expérience et c'est très important de rentrer sur le marché du travail quand on a vingt ans, cela permet de dire voilà, j'ai eu une expérience dans une école, j'ai travaillé, je me suis levé le matin, je sais ce que c'est que me donner du mal et cela devient après plus facile pour trouver un emploi marchand.
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est dommage de les avoir supprimés.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais c'est très bien d'avoir corrigé et d'avoir adapté ces emplois à notre besoin d'aujourd'hui.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Je voulais vous demander quelques précisions sur le contrat nouvelle embauche...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - N'oubliez pas de revenir sur la fonction publique parce que je tiens absolument à répondre à monsieur APATHIE.
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est très gentil...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Quelques précisions sur le contrat nouvelle embauche qui est un des outils que vous vous êtes donné. Premièrement, est-ce que vous avez l'assurance que le conseil d'Etat ne va pas retoquer ce contrat nouvelle embauche après le recours des organisations syndicales ? Quel est votre pronostic ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur SEGUILLON, je me garderai bien de faire un pronostic ; nous avons des institutions indépendantes qui sont là pour donner leur avis. Ce que je peux vous dire, c'est que le conseil constitutionnel s'est prononcé sur ces ordonnances ; c'est que l'assemblée générale du conseil d'Etat a rendu un avis et que cet avis portait sur l'ensemble des points qui sont aujourd'hui en débat. Si... puisque le conseil d'Etat est saisi pour contentieux, il doit examiner les choses, nous verrons. Ce que je peux dire, c'est qu'aujourd'hui, ce contrat a été bâti avec un vrai souci de prendre en compte l'ensemble des préoccupations, celles des salariés et celles de l'employeur. C'est vraiment un emploi que nous voulons consolider à deux. Pourquoi ? Parce que pendant les Trente glorieuses, l'emploi, eh bien il suffisait de se lever et l'emploi pouvait s'obtenir. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus difficile. Donc un employeur prend un risque quand il crée un emploi, il veut une garantie, il veut savoir si cet emploi pourra être durable et évidemment le salarié qui bénéficie d'un contrat nouvelles embauches, verra ses droits augmenter au fil des mois pendant deux ans. Donc c'est un vrai contrat à durée indéterminée et ça c'est l'essentiel, c'est très important. Et si les chiffres qui sont des extrapolations à ce stade, donnent plus de 30.000 contrats nouvelles embauches, cela montre bien que nos compatriotes comprennent bien de quoi il s'agit.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Est-ce que dans votre esprit, ça peut être l'expérimentation vers un contrat unique tel celui que demandait ce matin même Nicolas SARKOZY...
JEAN-MICHEL APATHIE - Mûrissez votre réponse, Dominique de VILLEPIN, on se retrouve après la pause, ne quittez pas !
JEAN-MICHEL APATHIE - Retour au grand studio de RTL. Pour ceux qui n'ont pas suivi, Pierre-Luc reformule sa question.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Oui, je me demandais si le contrat nouvelle embauche qui est un des outils que vous vous êtes donné et contre lequel d'ailleurs militent toutes les organisations syndicales, s'il réussit, est-ce que dans votre esprit, il devrait être progressivement étendu et au fond être le chemin vers ce contrat unique dont parlait ce matin Nicolas SARKOZY lors de son intervention devant les jeunes de l'UMP ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Moi je ne peux que répondre pour la période - et vous remarquerez que toutes les propositions que je fais, sont des propositions qui correspondent à la période de responsabilités qui pourrait être la mienne, c'est-à-dire les vingt prochains mois. J'ai dit clairement et je me suis engagé à ce que ce contrat nouvelle embauche soit réservé aux très petites entreprises parce que j'avais le sentiment que nous manquions d'un outil adapté. Que l'on souhaite tirer les leçons de ce contrat nouvelles embauches et évoquer avec l'ensemble des partenaires sociaux la possibilité de prévoir d'autres dispositifs pour d'autres entreprises, c'est évidemment une possibilité qui reste entièrement possible et j'ai commencé d'ailleurs à en parler avec un certain nombre de représentants syndicaux. Mais l'idée de transférer tel quel ce contrat aux grandes entreprises n'est pas à l'ordre du jour.
NICOLAS BEYTOUT - C'est très spectaculaire, trente mille contrats signés en août ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une fois de plus, les chiffres que nous avons sont partiels et fonction d'une extrapolation mais enfin il y a tout lieu de penser que ces calculs sont en tout cas d'un ordre de grandeur conforme...
NICOLAS BEYTOUT - C'est ça, c'est trente mille ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Entre trente mille et quarante mille.
NICOLAS BEYTOUT - Ils se substituent éventuellement aux CDD, aux contrats à durée déterminée... ce n'est pas des nouveaux emplois...
DOMINIQUE DE VILLEPIN
Nous aurons le 15 septembre le décompte exact. Mais vous savez que dans notre pays, il y a 70 % des contrats qui sont signés, qui sont des CDD et que 50 % sont des contrats qui ne durent pas plus d'un mois. Donc en tout état de cause, ce contrat nouvelles embauches apporte une amélioration considérable sur le marché de l'emploi puisqu'il s'agit de contrats à durée indéterminée.
NICOLAS BEYTOUT - Mais Dominique de VILLEPIN, c'est tellement spectaculaire et cette obsession de l'emploi est tellement la vôtre, je ne comprends pas que vous n'ayez pas déjà engagé cette nouvelle étape pour essayer d'étendre ce contrat nouvelles embauches aux entreprises de plus de vingt salariés. Est-ce que vous ne vous privez pas de la possibilité de créer plus d'emplois ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nicolas BEYTOUT, ne confondons pas acte et précipitation. Nous sommes dans une démocratie qui est respectueuse de règles et en particulier d'une règle essentielle qui est celle du dialogue social. Moi je veux à la fois faire preuve de volonté et de détermination et en même temps, j'entends en permanence maintenir, développer ce dialogue social, parce que des mesures, elles sont d'autant plus efficaces quand elles sont bien comprises, bien adaptées.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Vous parlez de dialogue social mais les organisations syndicales vous reprochent précisément d'avoir initié ce contrat sans aucune concertation.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien, Pierre-Luc SEGUILLON, gouverner, c'est choisir et c'est parfois avoir à prendre des décisions après avoir écouté chacun, rencontré chacun et dans cette priorité que nous nous sommes fixée, il y avait besoin, je l'ai dit, d'un électrochoc en France. Ce que je souhaite, c'est que la tendance actuelle se confirme et que nous soyons capables d'aborder une nouvelle phase avec l'ensemble des partenaires sociaux, en quelque sorte non plus placée sous cette urgence et cette inquiétude du chômage mais avec des perspectives bien meilleures. L'ensemble du dialogue dans notre pays s'en trouvera évidemment modifié. L'esprit même de notre pays, si nous réussissons peu à peu à passer sous la barre des 9 %, des 8 %, bien des choses seront alors possibles.
JEAN-MICHEL APATHIE - A cette étape, l'esprit des partenaires sociaux n'est pas très positif. Ecoutez ce que disait Bernard THIBAULT, c'était le 11 juillet sur RTL un matin tôt.
BERNARD THIBAULT - Moi je suis convaincu d'une chose, c'est que certes nous n'avons pas les jeux olympiques mais il va y avoir du sport dans notre pays dès le mois de septembre.
JEAN-MICHEL APATHIE - Voilà, du sport dans le pays et Jean-Claude MAILLY dit un million de personnes dans la rue début octobre. Vous craignez ce climat social, Dominique de VILLEPIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur APATHIE, vous avez posé cette question à mon prédécesseur dans d'autres rentrées... Un certain nombre de vos collègues maintenant un peu plus âgés, l'ont posée à d'autres prédécesseurs. C'est un rituel de la vie politique française...
JEAN-MICHEL APATHIE - Qui vous agace visiblement. Vous avez dit lors de votre conférence de presse : c'est une exception française bizarre... vous avez eu des mots...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que la France est aujourd'hui le seul pays où systématiquement en toute rentrée, on se pose cette question...
JEAN-MICHEL APATHIE - Et ça vous agace.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que ce qui doit dominer tout, l'emporter sur tout autre chose, c'est la réponse aux préoccupations des Français. Moi j'ai appris et retenu les leçons... les leçons du 21 avril, nous en parlerons peut-être, et du défi démocratique dans notre pays, les leçons du 29 mai. Les Français ont une préoccupation qui domine les autres, c'est le chômage. Je veux apporter des réponses. Et vous savez, Monsieur APATHIE, je suis très soucieux d'écouter toutes les propositions sur la scène française, s'il y a de meilleures idées que les miennes, croyez bien que dans les vingt mois qui viennent, je les appliquerai. Je suis ouvert à toutes les propositions et si je reçois l'ensemble des forces politiques régulièrement, l'ensemble des représentants sociaux régulièrement, c'est bien parce que j'ai le souci des nouvelles idées. Alors avançons, chacun je crois pourra en bénéficier.
NICOLAS BEYTOUT - Parmi les préoccupations fortes des Français, il y a le pouvoir d'achat et vous avez annoncé il y a quelques jours que vous donneriez la possibilité à toutes les entreprises si elles le souhaitaient, de distribuer mille euros de bonus à la fin de l'année en franchise d'impôts et franchise de charges. Ma question est : est-ce que vous allez vous-même, principal employeur de la France avec la fonction publique, étendre ce bonus à la fonction publique ; et deuxièmement, est-ce que, actionnaire d'un certain nombre de très grandes entreprises, FRANCE TELECOM, EDF, GAZ DE FRANCE, vous allez demander au management que l'Etat a nommé, d'appliquer cette règle et de distribuer des bonus à tous les salariés des entreprises publiques ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Alors d'abord, Nicolas BEYTOUT, vous partez du point de vue que la situation serait la même dans le privé et dans le public. Il y a eu une hausse récente du point fonction publique, 1,8 %, je ne suis pas sûr que tout soit comparable.
NICOLAS BEYTOUT - C'est-à-dire qu'il n'y aura pas de bonus ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ca veut dire qu'il n'y aura certainement pas de bonus dans la fonction publique aujourd'hui puisque nous sommes dans une situation où nous venons d'accorder des hausses des traitements de la fonction publique. Ce qui est nécessaire, c'est de débloquer la situation dans un certain nombre de secteurs où un retard considérable s'est accumulé. Alors je retiens très bien un certain nombre d'arguments et j'ai eu l'occasion d'en parler avec Laurence PARISOT. Je comprends très bien que certaines entreprises dans la concurrence internationale, aient beaucoup de mal à voir le coût du travail renchéri. Il faut prendre aussi en compte l'inquiétude d'un certain nombre de salariés, le sentiment qu'ils ont que ce pouvoir d'achat diminue et c'est pour cela que nous encourageons par exemple les négociations de branches et ce bonus, c'est un effort fait par l'Etat puisqu'il s'agit de libérer ce bonus de toutes charges, jusqu'à mille euros.... Entièrement exonéré d'impôt...
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que vous avez demandé au management de vos entreprises publiques de l'appliquer ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je précise par ailleurs que nous faisons d'autres efforts : l'augmentation de la prime pour l'emploi - 50 % d'augmentation - et nous allons évidemment cibler sur ceux qui en ont le plus besoin parmi les huit millions de bénéficiaires et nous allons mensualiser - vous l'avez dit tout à l'heure - cette prime. C'est donc un effort tout à fait considérable que fait l'Etat pour sa part, donc dans un esprit de responsabilité. Je ne veux pas être accusé de saupoudrage. Je concentre l'effort qui est le mien parce que je crois que c'est la meilleure façon d'être efficace.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Lors de votre conférence de presse, à propos de l'impôt sur la fortune, vous n'en avez pas parlé, vous avez simplement semblé botter en touche lors d'une réponse à une question en confiant au ministre de l'Economie, le ministre du Budget, le soin d'étudier ce problème pour corriger éventuellement les difficultés que pose cet impôt sur la fortune. Première question : est-ce que vous allez l'aménager et comment et est-ce que ce sera fait dans la loi de finances 2005 ou est-ce qu'il faudra attendre 2006 voire 2007 ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Pierre-Luc SEGUILLON, j'ai évoqué cette question et je l'ai évoquée non pas à travers le petit bout de la lorgnette. Je l'ai dit, l'impôt sur la fortune est un impôt juste. S'il y a un certain nombre de situations qui aujourd'hui font problème et qui n'apparaissent pas, elles, comme étant justes, traitons ces questions. Mais je crois qu'il faut aborder cette question...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Pardonnez-moi, vous dites si... mais vous le savez...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Vous savez, il faut aller jusqu'au bout. Combien de fois on croit savoir et on constate que tout à coup, la réalité n'est pas la même. J'ai demandé au ministre de l'Economie et des Finances, au ministre du Budget, de me faire une évaluation très précise, très concrète permettant d'éventuelles décisions, nous les aurons. Mais j'ai dit quelque chose de plus important : j'ai dit que je voulais profondément réformer notre fiscalité et c'est dans le cadre d'une réforme fiscale que se pose véritablement la question pour ceux qui touchent des revenus au-delà d'un certain seuil. Et j'ai évoqué parce que c'est quelque chose qui existe dans d'autres pays européens - c'est le cas notamment en Allemagne - l'hypothèse d'un plafonnement de l'impôt à un certain niveau, qui permettrait de ne pas décourager et qui serait lui aussi juste pour les revenus supérieurs.
NICOLAS BEYTOUT - En Allemagne, ce plafond est à 50 % et Nicolas SARKOZY ce matin proposait d'adopter justement ce plafond.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - La question du niveau de ce plafond se pose. J'ai entendu Pierre MEHAIGNERIE évoquer pourquoi pas le retour à ce qu'avait préconisé Michel ROCARD, 70 %. J'ai parlé moi-même de deux tiers, Nicolas SARKOZY parle de 50 %...
NICOLAS BEYTOUT - Vous évoquez l'Allemagne et en Allemagne, c'est 50 %.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - En tout état de cause, j'ai demandé au ministre de l'Economie et des Finances de faire une évaluation mais en tout état de cause, il est important que notre économie reparte, que notre croissance reparte pour que nous puissions avoir sur ces questions un débat serein. Et c'est là où je voudrais dire - et c'est le message politique fort que je voudrais donner ce soir - ne sautons pas à pieds joints sur ces vingt prochains mois. Nous courrions un grand péril démocratique. Si de promesses en promesses présidentielles, d'alternance en alternance, de déception démocratique en déception démocratique, nous nous trouvions dans la situation de faire des prochaines échéances un nouvel exutoire de promesses qui par définition ne seront pas tenues et c'est pour cela que je souhaite remettre ce pays d'aplomb pendant les vingt prochains mois. Nous aurons un débat beaucoup plus serein si la France est remise en mouvement, remise en marche, remise à l'endroit sur des principes de justice, alors oui le débat démocratique pourra être un débat démocratique constructif. C'est la mission que m'a confiée Jacques CHIRAC et c'est ce que je ferai. Chaque mois, nous irons jusqu'au bout des exigences de modernisation. Je le ferai pour la fonction publique en faisant des propositions à la fin du mois de septembre. C'est une responsabilité globale. Je ne veux pas agir au coup par coup ; chaque sujet sera replacé dans son contexte avec à la fois l'exigence d'adaptation de fond, de structure et en même temps les mesures qui nous permettent de sortir de la situation de trop grande atonie d'aujourd'hui.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Est-ce qu'il faut entendre le propos que vous venez de tenir comme une critique en filigrane des propositions de rupture qu'a présentées ce matin Nicolas SARKOZY ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais vous savez, la plus grande rupture, elle est en train d'avoir lieu ; c'est la rupture contre le chômage. A partir de là, nous pourrons - et c'est l'étape dans laquelle nous rentrons - parler de croissance sociale, c'est-à-dire d'un pays qui redémarre et qui se soucie de la bonne répartition de ses richesses, lorsque la croissance sociale sera de retour, le débat démocratique pourra se porter sur bien d'autres sujets ; je pense qu'il y a des urgences. J'évoquerai dans les prochaines semaines les questions de la recherche, de l'université, les questions d'environnement, les questions de la création en matière artistique parce que ce pays doit retrouver toutes ses capacités ; il a des atouts exceptionnels, nous le savons, dans tous les domaines ; il s'agit, pas à pas, d'avancer et de moderniser notre pays.
JEAN-MICHEL APATHIE - Je voudrais vous citer cette phrase de Nicolas SARKOZY ce matin. Il s'est dit exaspéré par les discours interminables qui évoquent invariablement les mots justice sociale, progrès social, politique sociale. Vous avez mis ça dans votre poche, Dominique de VILLEPIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais pas du tout, Monsieur APATHIE. Moi je ne fais pas de discours, j'agis. Le gouvernement est là pour agir. Et j'agis avec Nicolas SARKOZY, vous voyez, de surcroît. Je réconcilie tout le monde. Je l'ai dit, entre l'UMP et le gouvernement, nous sommes complémentaires, nous sommes dans le camp de l'action. Ce sera pour moi, pour le gouvernement et pour la France vingt mois d'action, de modernisation. Nous aurons alors le débat démocratique que nous méritons mais nous l'aurons sur des bases saines et nous serons capables alors d'échanger des idées et non pas de s'envoyer des promesses qui n'engagent que leurs auteurs.
JEAN-MICHEL APATHIE - Et quand Nicolas SARKOZY dit : j'en fais le serment devant vous, rien, personne ne m'empêchera d'aller jusqu'au bout de ma mission ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je respecte la détermination. Vous savez, nous sommes dans un monde où il est formidable de rencontrer des gens qui savent ce qu'ils veulent, là où ils veulent aller. Moi je veux être l'un des artisans, dans la voie tracée par le président de la République, de la modernisation de ce pays au cours des vingt prochains mois. Et cette détermination, croyez-moi, rien ne l'entamera.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Quand vous dites " pour les vingt prochains mois ", ça signifie que vous resterez à Matignon jusqu'au dernier jour précédent l'élection présidentielle si le président de la République en décide ainsi bien sûr.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais Pierre-Luc SEGUILLON, comment pouvez-vous en douter ?
PIERRE-LUC SEGUILLON - Non mais je pose la question.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Dès lors que le président de la République me fait confiance, naturellement c'est la mission que j'ai acceptée et je l'honorerai jusqu'au dernier jour et je dirai même jusqu'à la dernière heure.
JEAN-MICHEL APATHIE - Deux incendies récents à Paris ont beaucoup ému les Français. On s'est rendu compte qu'il y avait dans cette belle capitale des immeubles insalubres et des gens qui vivaient dans des conditions d'indignité inacceptables. Deux squats ont été évacués vendredi. Prévoyez-vous des mesures pour évacuer d'autres immeubles insalubres et squats dans les jours qui viennent ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ces drames récents ont mis en lumière l'immense urgence du logement social dans notre pays, de l'hébergement d'urgence et plus largement, et vous savez que c'est une préoccupation qui m'anime et qui est forte, du logement dans notre pays et qui touche beaucoup de nos compatriotes. J'étais au milieu de la nuit à Opéra lors de ce terrible incendie, le premier des incendies que vous avez cités, après il y a eu Vincent-Auriol, le Roi-Doré et cette nuit l'Haÿ-les-Roses. Chaque cas est différent et chaque cas mérite donc des solutions particulières. Quand nous sommes confrontés à la situation de personnes en situation régulière dans notre pays, qui vivent un tel drame, eh bien il y a bien sûr besoin de mettre en uvre et d'activer un certain nombre de réponses qui sont d'ores et déjà dans le plan de cohésion sociale de Jean-Louis BORLOO mais qu'il faut considérablement accélérer. Nous nous sommes engagés dans un programme de 500.000 logements, nous devons aller plus vite et j'ai annoncé la réquisition d'un certain nombre de terrains, la mise à disposition de ces terrains et la construction d'un programme de vingt mille logements. Il faut rattraper le retard qui a été celui à bien des égards des années JOSPIN. Et puis il y a la situation de l'urgence, des squats...
Jean-Michel APATHIE - Des occupants illégaux...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Avec une occupation illégale. Quand vous êtes confrontés à un tel péril pour la vie des habitants, naturellement il faut pouvoir immédiatement faire face à cette situation et c'est pour cela que nous avons fait en sorte que ces habitants puissent se voir proposer un autre logement. Alors je le sais, parfois nous n'avons pas de logement suffisamment proche de là où ils ont l'habitude d'habiter mais nous faisons face à l'urgence ; nous sommes donc obligés, parce qu'il y a péril...
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce qu'il va y en avoir d'autres, Dominique de VILLEPIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Bien sûr mais dès lors que nous identifions... vous savez, nous travaillons sur la base de principes simples : dès lors qu'il y a une situation dangereuse, dès lors que ces locaux...
NICOLAS BEYTOUT - Il y a quoi, un millier d'immeubles dans Paris...
JEAN-MICHEL APATHIE - Non, combien de squats, là c'est différent, combien de squats ? Combien d'après vous, vous le connaissez ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nicolas SARKOZY fait l'évaluation de ces squats actuellement. Quand nous serons confrontés à des locaux insalubres, dangereux pour la vie de ceux qui y habitent, nous fermerons ces squats et nous serons amenés à reloger temporairement les habitants dans de nouveaux locaux. Et puis il y a, et je ne peux pas l'oublier, la situation de L'Haÿ-les-Roses. Nous sommes dans une situation semble-t-il différente, il y a une enquête. S'il s'avère qu'il y a bien un acte criminel qui a été commis, eh bien là il faut durcir les réponses qui sont les réponses de la loi et nous ferons le nécessaire bien sûr.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Ces expulsions... avec ou sans concertation avec les élus locaux ? On vous a reproché... on a reproché au ministre de l'Intérieur de ne pas avoir consulté les maires des arrondissements concernés.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur SEGUILLON, la concertation, c'est l'impératif que nous nous fixons et nous voulons tout faire pour que cette concertation puisse se faire dans les meilleures conditions. Il y a néanmoins - et j'ai été ministre de l'Intérieur - des situations d'urgence, des situations de grande gravité où nous n'avons pas forcément le temps de mener cette concertation...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Un coup de téléphone à un maire, c'est possible.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ce qui est certain, c'est que nous ne souhaitons à aucun moment nous engager dans de quelconques polémiques. Je sais que nous vivons au temps des médias où il est rapide de faire une déclaration et les choses s'enveniment. Faisons en sorte, compte tenu de la gravité de ces événements, compte tenu de l'importance des enjeux, faisons en sorte de traiter ensemble et d'apporter des réponses ensemble... vous savez, le cur de la France ne se partage pas.
JEAN-MICHEL APATHIE - Des élections générales ont lieu dans quinze jours en Allemagne, notre premier partenaire, notre principal partenaire, celui avec lequel nous faisons outre du commerce, l'Europe. Angela MERCKEL, chrétienne démocrate, est en passe de gagner ces élections et donc Gerhardt SCHRÖDER dont le gouvernement français, le président de la République était très proche, de les perdre. C'est une mauvaise nouvelle pour vous, Dominique de VILLEPIN, de voir Gerhardt SCHRÖDER potentiellement quitter le pouvoir ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est le choix du peuple allemand...
JEAN-MICHEL APATHIE - Bien sûr, on va le respecter, mais est-ce que c'est une mauvaise nouvelle ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - La France, le président CHIRAC, moi-même comme ministre des Affaires étrangères, nous avons très bien travaillé avec le chancelier SCHRÖDER et toute son équipe. Les Allemands choisiront les dirigeants qu'ils souhaitent.
JEAN-MICHEL APATHIE - Vous connaissez Angela MERCKEL ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je connais Angela MERCKEL, je l'ai reçue à Paris lors de son dernier passage. Ce que je peux vous dire, c'est que la relation entre la France et l'Allemagne est une relation qui n'est pas susceptible d'être altérée par aucune élection. C'est un impératif...
NICOLAS BEYTOUT - Elle dit elle-même que le duo, le moteur... le couple franco-allemand n'est plus d'actualité et que ce n'est pas sa priorité. Elle est plus sur la ligne disons de Nicolas SARKOZY qui pense qu'il faut élargir ce moteur à des acteurs comme l'Angleterre, l'Espagne, la Pologne... elle le dit comme ça.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, j'ai reçu Angela MERCKEL et je sais ce qu'elle m'a dit et je sais ce qu'elle a dit au président de la République : son attachement profond à la relation franco-allemande et la conviction que cette relation est indispensable à un bon fonctionnement de l'Europe.
NICOLAS BEYTOUT - Et si elle est un peu moins exclusive qu'auparavant, ça change quelque chose pour la France ou pas ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, vous avez la mémoire des relations franco-allemandes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, vous savez que cette relation, elle est incontournable en Europe ; elle est nécessaire à nos deux pays et elle est nécessaire à l'Europe et elle nous est demandée par les autres pays européens. Alors je veux bien qu'on veuille ici et là enfoncer des coins, voire susciter des polémiques. Je peux vous dire que dans la relation entre la France et l'Allemagne, quels que soient les dirigeants dont se dotent les Allemands, la relation, la vitalité de la relation franco-allemande, le partenariat franco-allemand restera le même.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Angela MERCKEL a elle aussi un programme de réforme fiscale et notamment de baisse très importante de fiscalité sur les entreprises. Si elle met en uvre ce programme, très vite, est-ce que vous n'allez pas être contraint vous aussi, dans la concurrence entre les entreprises, de jouer l'abaissement de l'impôt sur les sociétés, ce qui n'existe pas dans votre réforme fiscale ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est un tout petit peu plus compliqué que cela, Monsieur SEGUILLON. Dans le programme allemand, puisque le programme allemand puise largement dans des réflexions françaises que nous connaissons bien, il y a le souhait de prendre en compte l'ensemble de la fiscalité, tout comme nous. Donc il y a d'un côté l'impôt sur le revenu, de l'autre côté, il y a les autres impôts et c'est bien cette vision globale qu'il nous faut avoir. Que dans la compétition européenne et internationale, les Français soient amenés à constamment réviser, regarder comment on peut améliorer cette compétition fiscale puisque vous le savez, notre souhait aurait été d'aller vers une harmonisation. Force est de constater, quand nous voyons la position des Britanniques notamment, que cette harmonisation fiscale ne paraît pas pour demain. Donc le fait d'avoir une politique fiscale qui nous permette véritablement d'être en tête, je souhaite que très vite nous ayons la politique fiscale, l'outil fiscal le plus moderne d'Europe pour permettre à chacun, citoyen, particulier, entreprise, de prendre toute sa place dans cette compétition.
NICOLAS BEYTOUT - Un point sur lequel Angela MERCKEL est radicalement opposée aux positions de Gerhardt SCHRÖDER et radicalement opposée à celles défendues essentiellement par Jacques CHIRAC, qui est l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Si Angela MERCKEL gagne, il y a de fortes chances pour que l'Allemagne refuse même d'entamer les négociations le 3 octobre prochain. Est-ce que ça change quelque chose pour vous ? Est-ce qu'au fond la question de la Turquie n'est pas quelque chose qui est déjà dépassé ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, la diplomatie ne se fait pas dans les gazettes.
NICOLAS BEYTOUT - Ce sont ses discours de politique générale, c'est son programme, ce n'est pas une gazette.
JEAN-MICHEL APATHIE - Les gazettes n'y ont jamais prétendu Monsieur le Premier ministre.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je sais ce que m'a dit madame MERCKEL et je sais ce qu'elle ferait et en conséquence, je vous dis que les choses sont un tout petit peu plus compliquées que les positions tranchées que vous dites et quand on est à la tête, qu'on a la responsabilité de la diplomatie, on prend en compte un certain nombre de réalités et en particulier on prend en compte nécessairement l'exigence d'unité européenne. Donc sur la Turquie, nous avons une exigence : préserver l'unité européenne qui a déjà connu des blessures importantes au cours des derniers mois et qui connaît trop de divisions et faire en sorte que nous puissions engager les élargissements futurs dans des conditions de sérieux le plus grand. Et c'est pour cela que nous avons souhaité dès la déclaration faite par la Turquie... qui marquait une ambiguïté par rapport à l'Europe, nous avons demandé une clarification. Le président de la République et moi-même, nous avons demandé une clarification. Et c'est pour cela que l'Union européenne prépare aujourd'hui une déclaration pour véritablement demander à la Turquie de clarifier les choses et ce que je souhaite, c'est que la Turquie puisse s'engager le plus fortement, le plus rapidement sur le chemin de la reconnaissance parce qu'il me paraît indispensable que tout Etat s'engageant dans un processus d'adhésion puisse avoir une relation sereine et apaisée vis-à-vis de l'ensemble de l'Europe. C'est cette volonté que nous souhaitons de la part des Turcs.
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que ça signifie qu'au fond de vous-même, vous êtes favorable à l'adhésion de la Turquie à l'Europe ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je pense que nous ne pouvons pas, compte tenu de ce qu'ont été les dernières décennies, de ce qu'est l'histoire de l'Europe et de la Turquie, nous ne pouvons pas d'un revers de la main, balayer la candidature de la Turquie.
NICOLAS BEYTOUT - Donc la réponse est oui, vous êtes favorable...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Donc je suis favorable à ce que ce processus d'adhésion puisse s'enclencher dès lors que nous avons les garanties que nous avons demandées et je suis favorable, bien sûr, à ce que la souveraineté totale de cette décision soit remise aux Français et c'est exactement ce qu'a décidé...
NICOLAS BEYTOUT - Mais ma question était sur votre sentiment à vous... vous êtes favorable...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui mais mon sentiment, il est fonction de l'ensemble des garanties et de l'ensemble des dispositifs que nous avons mis en place et c'est pour cela que le président de la République a dit aux Français qu'ils seraient amenés par référendum à se prononcer au terme de ce processus. Et c'est pour cela que nous avons beaucoup insisté pour qu'à toutes les étapes de cette candidature, il y ait en permanence véritablement une décision qui soit prise, sujet par sujet. Donc clarification nécessaire aujourd'hui, procédure de contrôles qui permettent véritablement à cette éventuelle candidature d'être examinée avec le plus grand sérieux et responsabilité de nos compatriotes par référendum au bout du chemin.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Pardonnez-moi, pour être très clair...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - J'ai été très clair, Monsieur SEGUILLON...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Les négociations commencent le 3 octobre. Si le 3 octobre, la Turquie n'a pas reconnu la République de Chypre, néanmoins, elles commencent ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur SEGUILLON, on voit que vous n'êtes pas familier de l'exercice diplomatique...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Non mais attendez, moi je parle pour ceux qui nous écoutent, ils voudraient comprendre.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais je crois qu'ils ont très bien compris.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Ah bon, je suis le seul à ne pas comprendre alors.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je demande à la Turquie de lever l'ambiguïté qui est la sienne sur sa déclaration concernant l'union douanière et je souhaite qu'elle puisse affirmer fortement sa volonté de s'engager dans un processus de reconnaissance de Chypre. Et je dis parce que ça pèse évidemment sur la diplomatie française, que nous sommes soucieux de maintenir l'unité européenne. Vous savez, quel serait le crédit d'un Etat qui de but en blanc ouvrirait une crise sans même se soucier de l'attitude des autres Européens ? Vous savez, la diplomatie, c'est à la fois un exercice de mouvement mais aussi d'équilibre et c'est toute la responsabilité qui est celle de la France au sein de l'Europe.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Mais vous-même ministre des Affaires étrangères, vous avez su en votre temps, manier la crise quand c'était nécessaire si mes souvenirs sont bons.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais Monsieur SEGUILLON, je m'appuie sur des principes, le président de la République s'appuie sur des principes et nous nous appuyons aussi sur une vision. Cette vision, c'est une vision de l'avenir de l'Europe, c'est une philosophie concernant les élargissements et c'est le souhait que chaque processus soit engagé dans un esprit de responsabilité. Nous voulons satisfaire à tout cela ; il n'y a pas de démagogie dans la position française qui est la nôtre ; c'est la volonté d'avancer au service de l'ensemble de l'Europe sans une fois de plus un souhait de procès d'intention.
JEAN-MICHEL APATHIE - La catastrophe américaine nous saisit tous, ces images sont absolument horribles. Pensez-vous comme le disent beaucoup d'Américains, que le président BUSH a trop tardé pour réagir ? Mais en fait, peut-être que paralysé par la crise irakienne, il a du mal à gérer la situation ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je vois que nous n'avons pas une brochette de journalistes diplomates aujourd'hui ; vous voulez m'engager sur un terrain où je n'irai pas, Monsieur APATHIE...
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est pour ça que j'ai cherché une bonne question mais je n'ai pas trouvé. Ca arrive !
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je vais vous dire, l'art de gouverner est difficile et il n'appartient pas à un dirigeant français de donner de leçon à un dirigeant américain. Le président de la République a souhaité tout de suite proposer aux Américains une aide substantielle. Les Américains ont accepté que nous puissions apporter une aide matérielle, c'est ce que nous allons faire dans les prochains jours avec l'Europe.
JEAN-MICHEL APATHIE - Vous n'avez pas que des journalistes diplomatiques face à vous ; on s'intéresse aussi à la politique intérieure. Vous avez dit jeudi soir sur TF1 : je n'ai aucune ambition présidentielle...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je l'ai dit lundi soir, je le redis aujourd'hui.
JEAN-MICHEL APATHIE - Non, non... cela veut-il dire que vous renoncez par avance à être candidat à la prochaine élection présidentielle, ce qui est plus précis que votre formulation.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur APATHIE, oui, bien sûr... mais je n'ai pas l'intention...
JEAN-MICHEL APATHIE - De me répondre...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Voilà, je n'ai pas l'intention de vous répondre mais surtout je n'ai pas l'intention tous les jours de répondre à une nouvelle question sur ce sujet.
JEAN-MICHEL APATHIE - Non mais ma question est simple : renoncez-vous par avance à être candidat à l'élection présidentielle ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Elle est très simple. J'ai dit ce que j'ai dit et je le maintiens.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Alors moi j'ai une question...
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est terminé, non, non, 28 30, c'est fini... C'est fini. Eh bien on se retrouve dimanche prochain, pas avec Dominique de VILLEPIN. Bonsoir.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 6 septembre 2005)
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Bonsoir.
JEAN-MICHEL APATHIE - Vous répondrez aux questions de Nicolas BEYTOUT du FIGARO et de Pierre-Luc SEGUILLON de LCI. Ce débat est retransmis simultanément sur RTL et LCI. LE FIGARO demain disséquera vos propos. Au cur de l'actualité bien sûr, l'hospitalisation de Jacques CHIRAC vendredi soir, un accident cardio-vasculaire l'a amené à l'hôpital du Val-de-Grâce pour des troubles de la vue. On n'a pas beaucoup d'informations... aucune information officielle. Des communiqués assez généraux, pas très informatifs de la part du service des armées du Val-de-Grâce. Pouvez-vous nous donner quelques éléments précis si vous les possédez, Dominique de VILLEPIN ? Par exemple, quand on dit troubles de la vue, c'est un il, les deux yeux ? La parole a-t-elle manqué à un moment au président de la République ? Etait-ce une attaque assez importante au fond ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - La réponse est non, Jean-Michel APATHIE et le Val-de-Grâce a fait deux communiqués pour préciser exactement ce qu'il en était.
JEAN-MICHEL APATHIE - Pas de termes médicaux. Aucun termes médicaux, par exemple le dernier : l'état de Jacques CHIRAC est très satisfaisant.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Un léger accident vasculaire avec petits troubles de la vue. C'est exactement et très précisément ce qui a été indiqué et c'est très précisément ce que j'ai pu constater pour ce qui est du petit trouble de la vue puisque j'ai rencontré, vous le savez, hier, le président de la République ; j'ai eu l'occasion de lui parler hier matin et de lui parler aujourd'hui et les choses sont simples : il a un petit trouble de la vision d'un il et cela ne s'est accompagné d'aucun autre trouble.
JEAN-MICHEL APATHIE - La parole ne lui a pas manqué, parce qu'il paraît que c'est assez fréquent ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - A aucun moment, il n'y a pas eu d'accident à proprement dit. Il a constaté lui-même en travaillant qu'il souffrait de ce petit trouble et c'est ce qui l'a conduit à souhaiter faire des examens, c'est pour cela qu'il s'est rendu vendredi soir au Val-de-Grâce. Les médecins lui ont proposé de rester pour faire des examens complémentaires. C'est donc ce qu'il a fait et il m'a téléphoné le lendemain matin quand les choses ont été mieux connues.
JEAN-MICHEL APATHIE - Savez-vous jusqu'à quand il sera hospitalisé ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une semaine, c'est ce qui a été dit.
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est-à-dire il sortira... samedi, dimanche ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une semaine, c'est ce qui a été indiqué, à compter du moment de son entrée.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Il y a une chose qui a été surprenante dans la gestion de cette affaire, vous pouvez nous le confirmer, c'est que vous n'ayez été prévenu de l'accident vasculaire de Jacques CHIRAC et de son hospitalisation si j'ai bien compris, qu'en début de matinée hier alors qu'il a été hospitalisé le soir même.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Pierre-Luc SEGUILLON, quand on parle du chef de l'Etat, tout est par définition surprenant et prend donc des proportions importantes y compris les choses les plus naturelles et les plus simples. Vendredi soir...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Là c'est le fonctionnement qui est en cause...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Non, à aucun moment. Quand le chef de l'Etat constate vendredi soir qu'il souffre d'un léger trouble de la vue, il en parle au médecin de l'Elysée qui lui dit : il vaudrait mieux que nous vérifions et faire donc des examens. Il se rend au Val-de-Grâce et là, les médecins du Val-de-Grâce lui disent : nous préférons pouvoir faire des examens complets et donc vous garder sous observation, donc passez la nuit. Le chef de l'Etat passe très normalement la nuit, se sentant lui, en bonne forme, une fois de plus avec ce petit trouble.
JEAN-MICHEL APATHIE - Et personne ne vous donne cette information capitale ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Quand le lendemain matin, Monsieur APATHIE, dès lors qu'il n'y a pas de motif d'inquiétude, dès lors que le président se sent parfaitement bien hormis une fois de plus ce petit trouble de la vue, il attend de savoir ce qu'il en est, le lendemain matin, on lui indique qu'il s'agit d'un petit accident vasculaire, il me téléphone immédiatement pour me dire voilà la situation et il me téléphone vers dix heures du matin.
NICOLAS BEYTOUT - Le communiqué donne le sentiment de quelque chose de très bénin...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - De très naturel...
NICOLAS BEYTOUT - Très naturel et très bénin. La surprise pour nous, c'est de voir qu'il est hospitalisé une semaine pour quelque chose d'aussi bénin et au fond naturel comme vous dites. Comment expliquer ce paradoxe ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nicolas BEYTOUT, moi je ne suis pas médecin. Ce qu'indiquent les médecins du Val-de-Grâce, c'est la nécessité dès lors qu'il y a ce léger accident vasculaire, il faut d'une part faire toutes les analyses et par ailleurs permettre au président de la République de se reposer quelques jours avant de pouvoir reprendre pleinement ses activités.
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que vous ne pensez pas que s'il y avait des termes médicaux dans les communiqués, les choses seraient un peu moins douteuses ? Parce qu'un état de santé très satisfaisant, ce n'est pas très médical comme terme.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nicolas BEYTOUT, la communication, c'est la responsabilité de l'hôpital du Val-de-Grâce, ils ont fait deux communiqués pour indiquer ce qu'il en était. Je comprends très bien le sentiment que vous avez de ne pas en savoir assez, vous souhaiteriez forcément en savoir davantage. La réalité, c'est ce que je vous dis, donc un léger accident vasculaire avec un petit trouble de la vue. Voilà, les choses en sont là et à partir de là, le président pendant ces quelques jours se reposent avant de reprendre ses activités.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Est-ce qu'on ne risque pas de se retrouver dans une situation qu'on a connue à plusieurs occasions, c'est-à-dire où on parle par omission, il manque un certain nombre d'éléments d'information et où la transparence qui a été réclamée par certains dans l'opposition notamment n'est pas tout à fait là ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Vous savez, nous avons tiré les leçons - et le président de la République est le premier à tirer les leçons de ce que nous avons connu à travers l'histoire de la Ve République, à la fois avec le président Georges POMPIDOU et avec le président MITTERRAND. Et les deux formules ont été essayées, à la fois ceux qui s'engageaient à tout dire et on a constaté que ce n'était pas, loin s'en faut, le cas ; et ceux qui souhaitaient au contraire une communication plus sporadique de façon à ne pas vivre avec cette épée de Damoclès. Nous sommes tous sujets à un pépin de santé.
JEAN-MICHEL APATHIE - Pensez-vous, Monsieur le Premier ministre, qu'il y aura dans les jours qui viennent une information médicale plus précise, avec des mots de médecin ou pensez-vous que ce n'est pas utile ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que dès lors que le diagnostic médical a été fait par les médecins puisqu'ils ont parlé très clairement d'un léger accident vasculaire avec un petit trouble de la vision, que les choses sont claires. C'est à ce stade... et c'est la réalité de ce dont souffre le président de la République.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Est-ce que vous avez eu l'occasion en discutant avec le président de la République samedi matin, d'évoquer les conséquences possibles du temps d'un rétablissement et notamment lorsqu'il y a accident vasculaire, l'impossibilité pendant un certain nombre de semaines sinon de mois par exemple de voyager en avion ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Alors j'ai évoqué avec le président de la République l'agenda des prochains jours et une fois de plus, il s'agit de voir tout au long des prochains jours comment les améliorations se font comme nous le souhaitons et comme le prévoient les médecins. Il faut voir comment les choses évoluent au cours des prochains jours. Mais je peux vous dire, ayant parlé pendant une heure avec le président de la République, c'est qu'à aucun moment, lui parlant, je ne pouvais si je l'avais ignoré, imaginer qu'il se soit passé quoi que ce soit. Je l'ai vu debout, marchant dans sa chambre et évoquant les grands sujets puisque nous avons notamment traité de l'aide que nous allons apporter à nos amis américains, parmi les autres dossiers, la préparation du conseil des ministres. Donc rien n'indiquant qu'il y ait pu avoir un accident ; donc à partir de ce moment-là, vous comprendrez qu'il n'y ait pas de raison de faire d'autres spéculations et d'imaginer d'autres scénarios.
NICOLAS BEYTOUT - Pour quelque chose d'aussi banal pour un président de la République, que de prendre l'avion pour se rendre... je ne sais pas... à l'assemblée générale des Nations Unies, en Allemagne ou ailleurs, est-ce qu'il n'y a pas une contre-indication médicale qu'on peut imaginer...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Les médecins le diront. Dans les informations dont je dispose et ce que j'ai évoqué avec le président de la République, rien ne permet de penser qu'à aucun moment, de telles difficultés ou complications pourraient survenir.
JEAN-MICHEL APATHIE - Pour être précis, dans l'état de vos discussions avec le chef de l'Etat, il pense pouvoir se rendre à l'assemblée générale des Nations Unies qui démarre le 14 septembre ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nous verrons une fois de plus ce que disent les médecins et comment se passe la convalescence du président.
JEAN-MICHEL APATHIE - Une dernière question à ce propos : la politique est un peu impitoyable, cruelle, elle s'impose toujours à nous. On évoquait quelquefois l'hypothèse d'un troisième mandat de Jacques CHIRAC et là évidemment avec un accident de santé de cette nature, cela paraît compromis. Partagez-vous ce sentiment, Dominique de VILLEPIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Jean-Michel APATHIE, il ne s'agit pas en l'occurrence de cruauté, il s'agit d'expérience de la vie et un pépin de santé, et j'ai vu combien de témoignages dans la classe politique, vous pouvez l'avoir à 35 ans, vous pouvez avoir un double pontage à cinquante ans et vous pouvez avoir un léger problème de vision à 70 ans. Donc je crois qu'il ne s'agit pas aujourd'hui de spéculer sur les choses. Il s'agit pour le président de la République, partant de cet incident, de se rétablir rapidement et pour ce qui est des spéculations politiques, je sais qu'elles vont bon train, je les trouve pour ma part tout à fait hors de proportions et pour tout dire déconnectées de la réalité d'aujourd'hui.
JEAN-MICHEL APATHIE - Mais vous savez très bien que ce sera dans la tête de tous les acteurs politiques, peut-être d'ailleurs aussi dans la vôtre.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une fois de plus, le jeu politique est une chose, vous savez comme moi que le jeu politique est souvent déconnecté du réel.
JEAN-MICHEL APATHIE - Nous allons peut-être maintenant évoquer le plan que vous avez présenté jeudi, de relance de l'économie française. On a compris que vous allez simplifier l'impôt sur le revenu, ça coûtera 3,5 milliards d'euros à l'Etat. On a compris que vous alliez mensualiser, augmenter la prime pour l'emploi, ça coûtera un milliard d'euros à l'Etat. Mais on n'a pas compris où vous allez trouver l'argent pour financer tout cela.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Non, Jean-Michel APATHIE, dites la vérité... Vous n'avez pas voulu comprendre, parce que je l'ai dit...
JEAN-MICHEL APATHIE - Vous vous souvenez de mauvais esprit ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui... Enfin pas de mauvais esprit, mais d'insister ou de vouloir appuyer sur ce qui vous paraît problème et qui pourtant a été dit clairement. Il y a deux éléments centraux qui vont permettre de réaliser ce plan, la première chose, ce sont des économies substantielles. Je l'ai indiqué...
JEAN-MICHEL APATHIE - Pour 2005 ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nous avons annulé pour 2005 la moitié des crédits qui avaient été gelés...
JEAN-MICHEL APATHIE - Le montant ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est quatre milliards, c'est donc tout à fait considérable, c'est une décision importante mais nous voulons pouvoir véritablement aller jusqu'au bout de ce plan et faire en sorte que la dépense publique se réduise...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Une précision si vous permettez : ces quatre milliards en 2005 sont-ils destinés à vous permettre de boucler un budget en restant en-deça des 3 % de déficit du fait d'une mauvaise croissance ou sont-ils destinés à financer le plan et les diverses mesures que vous avez annoncées pour les années qui viennent ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Vous savez, les règles de bonne gestion, elles s'appliquent en toutes circonstances. Donc le fait de dépenser moins et de mieux cibler nos efforts, c'est la responsabilité de tout gouvernement. Ce que nous souhaitons à un moment particulier de la conjoncture française, européenne et internationale où il n'y a pas la croissance suffisante, pas assez, c'est bien sûr appliquer nos efforts là où ils sont susceptibles de produire le plus d'effets. Nous sommes dans un moment où l'investissement public peut encourager, doit encourager la relance de la croissance...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Je comprends difficilement... pour être très clair : si vous utilisez les quatre milliards dont vous venez de parler pour boucler le budget 2005 et pour éviter de vous trouver au-dessus des 3 % de déficits publics, ce sont quatre milliards qui ne serviront pas à financer les nouvelles mesures dont vous avez parlé au cours de votre conférence de presse.
JEAN-MICHEL APATHIE - Je ne suis pas le seul à ne pas avoir compris, vous voyez...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Tous les deux, on est en état de difficulté...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Non, non, il y a l'affectation d'une partie des recettes de privatisations, six milliards. Nous avons engagé un certain nombre de privatisations : GAZ DE FRANCE, FRANCE TELECOM et par ailleurs nous engageons la privatisation des concessions d'autoroutes pour un montant qui sera entre 11, 13, 14 milliards, c'est à évaluer. Cela constitue le cur de ce qui nous permettra de faire le grand programme d'infrastructures, d'investissements publics que nous souhaitons mettre en uvre parce que nous pensons qu'aujourd'hui, c'est bien l'investissement public qui est susceptible de contribuer à cette relance ; et à cette relance publique, nous ajoutons dans un partenariat avec le privé un investissement privé de cinq milliards, qui nous permettra d'aller au-delà du montant que nous apportons nous-mêmes. En gros c'est quinze milliards qui seront injectés, d'investissements supplémentaires et qui permettront, nous l'espérons, de relancer la croissance.
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que vous avez l'impression aujourd'hui de pouvoir tenir le budget de la France en dessous des 3 % de déficit ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est l'engagement que j'ai pris et que nous confirmons et pour le faire, comme gage de notre volonté, c'est bien la volonté une fois de plus d'annuler un certain nombre de dépenses, c'est dire le sérieux avec lequel nous voulons boucler et notre plan et le budget.
NICOLAS BEYTOUT - Deuxième question et ceci se réfère directement aux promesses que vous faites pour 2006 et 2007 : la France s'est engagée à être non pas en dessous de 3 % cette année mais l'année prochaine en dessous de 2,2 % et en 2007 à 1,6 % de déficits, c'est-à-dire une pente très rapide de réduction des déficits. Est-ce que vous confirmez cet engagement ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ecoutez, nous ferons tout pour tenir nos engagements.
NICOLAS BEYTOUT - C'est-à-dire que vous allez devoir annuler d'autres dépenses, que vous allez devoir baisser la dépense publique ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Cela veut dire que nous continuerons notre effort dans le domaine de la dépense publique, avec le souci de recentrer cette dépense sur ce qui est le plus nécessaire à la vie du pays et sur ce qui est le plus nécessaire pour répondre aux besoins de notre économie.
NICOLAS BEYTOUT - Votre ministre de l'Economie et des Finances, Thierry BRETON, disait il y a quelques mois seulement que la France vivait au-dessus de ses moyens. Est-ce que vous partagez ce diagnostic ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - La dépense publique française les dépenses de l'Etat, des collectivités locales, de la sécurité sociale... n'oublions pas, la dépense de l'Etat n'est qu'une partie de la dépense totale, est aujourd'hui, c'est vrai, supérieure à ce que nous devrions à la fois en terme de bonne gestion et en même temps compte tenu des objectifs de croissance que nous nous fixons. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'il ne faut pas faire des translations entre cette dépense publique et la situation des Français. Dire que les Français vivent au-dessus de leurs moyens, c'est absurde...
NICOLAS BEYTOUT - Non, non, on parlait de l'Etat français, de la puissance publique au sens large.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une fois de plus, la dépense publique englobe la sécurité sociale, les dépenses de l'Etat proprement dit et aussi des collectivités locales et vous savez que notamment les dépenses de collectivités locales ont augmenté trop rapidement au cours des dernières années et cette limitation, et c'est bien pour cela que nous voulons travailler sur cet ensemble, les trois conjugués, cet ensemble doit être mieux maîtrisé et c'est l'effort que nous allons faire.
JEAN-MICHEL APATHIE - Pour demeurer dans l'épure de cette ambition de voir rapidement réduit le déficit de la France, vous faudra-t-il, Dominique de VILLEPIN, réduire davantage que vous ne le souhaitiez peut-être le nombre de fonctionnaires en France ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Alors Jean-Michel APATHIE, je me suis posé cette question dès les premières semaines de mon arrivée. Et la question s'est posée s'il fallait réduire davantage les effectifs de la fonction publique. J'ai considéré, dans l'état des dossiers que j'avais, que cela aurait été une décision parfaitement aléatoire et injustifiable. J'ai dit à l'époque qu'on ne gouvernait pas, on ne dirigeait pas la fonction publique avec un rabot. Je souhaite aujourd'hui me doter des instruments permettant d'avoir une vraie vision de l'Etat que nous voulons à l'échéance des prochaines années.
NICOLAS BEYTOUT - Ca fait des années qu'on demande ce genre d'instruments et d'ailleurs qui existent au fond, il y a des rapports dans tous les sens qui sont dans vos tiroirs je suppose
PIERRE-LUC SEGUILLON - Sans compter Nicolas SARKOZY qui l'a encore demandé ce matin.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais c'est très bien. Resituons l'action du gouvernement dans un contexte parce que vous savez, quand on a l'il sur la vitre, on n'a pas toujours le recul nécessaire pour comprendre ce qui est engagé. Qu'est-ce qui est engagé et qu'a fait ce gouvernement ? Ce gouvernement est arrivé en constatant une situation dégradée et inacceptable de l'emploi et il a décidé d'engager une rupture, une rupture fondamentale, c'est celle du chômage. Cette rupture-là, il a marqué sa détermination à le faire, en mobilisant toute son énergie et c'est le cap que nous a fixé le président de la République, sur l'emploi. Et trois mois plus tard, que constate-t-on, alors que personne n'aurait parié un centime d'euro sur les chances de ce gouvernement à la fin de l'année d'être en dessous de 10 %, nous sommes en dessous de 10 % de chômeurs.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Pardonnez-moi, grâce à Dominique de VILLEPIN ou grâce à Jean-Pierre RAFFARIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Grâce aux efforts conjugués des gouvernements successifs de Jacques CHIRAC. Et pourquoi je dis cela ? Parce qu'il y a bien sûr les effets du plan de cohésion sociale, plan de cohésion sociale que nous avons profondément remanié, simplifié grâce à la mobilisation de l'ensemble des services de l'emploi, des services de l'Etat bien sûr, ANPE, missions locales de l'emploi, et puis grâce à cet électrochoc que nous avons créé en arrivant et qui a fait comprendre à chacun que tout ceci devait changer. Et je crois que c'est important, Monsieur SEGUILLON, de le souligner : j'ai rencontré - et aucun Premier ministre avant moi ne l'avait jamais fait - tous les cadres de l'ANPE et je vais continuer en recevant l'ensemble des responsables du ministère du Travail. Je crois qu'il est essentiel aujourd'hui de se rendre compte à quel point tous sont mobilisés pour apporter de nouvelles réponses. Et le contrat nouvelle embauche a créé là encore un déclic dans ce pays. Quand je vois des grands réseaux de PME, d'entreprises, d'experts comptables se mobiliser pour expliquer qu'il y a aujourd'hui de nouveaux outils, on se rend compte qu'on s'est doté en quelques mois de nouveaux moyens pour lutter contre le chômage. Donc je reviens quand même à ma démonstration - vous me permettrez juste de prendre encore une ou deux minutes parce que je crois qu'il faut resituer les choses dans leur contexte...
JEAN-MICHEL APATHIE - Sur la fonction publique ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je reviens à la fonction publique, rassurez-vous, je vous répondrai sur ce point. Priorité à l'emploi. Je décide maintenant d'aborder une deuxième étape, c'est la croissance sociale parce qu'on ne peut pas avancer si chacun n'a pas sa place, chacun n'a pas sa juste part de croissance et puis si la solidarité ne s'exprime pas vis-à-vis de tous y compris ceux qui sont dans la plus grande difficulté...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Permettez-moi simplement de vous interrompre sur la croissance...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - ... Je termine mon raisonnement. Je suis têtu, Monsieur SEGUILLON, je termine mon raisonnement parce qu'il faut que chaque Français comprenne bien l'enjeu. Tous nos partenaires sont engagés comme nous le sommes dans un effort de modernisation : les Anglais, les Allemands, les autres pays européens, les grands pays. Cet effort de modernisation, il est nécessaire si nous voulons prendre toute notre place au moment où de grands pays émergents arrivent sur la scène mondiale. Pour cela, cet effort de modernisation, nous devons le poursuivre et c'est pour cela que je veux remettre l'activité au cur de nos politiques sociales, c'est-à-dire faire en sorte que personne ne se cantonne dans les revenus de l'assistance mais puisse avoir une chance véritablement d'avoir une activité. Et je veux que le travail paie. Donc vous abordez l'émission en disant : vous touchez à l'impôt sur le revenu. J'ai tendance à vous dire, Monsieur APATHIE...
JEAN-MICHEL APATHIE - Ce n'était pas un reproche... c'était un constat...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je sais bien. Mais pourquoi l'impôt sur le revenu ? Parce que le travail doit payer et que ceux qui travaillent dans ce pays, doivent avoir une juste rémunération, c'est-à-dire les classes moyennes.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Je fais une remarque quand même, vous avez parlé de croissance sociale ; pour qu'il y ait croissance sociale et croissance au service de tout, il faut quand même qu'il y ait de la croissance. Quelles sont vos perspectives en matière de croissance très exactement pour cette année mais aussi quelle est l'hypothèse de croissance que vous allez prendre pour la construction de la loi de finances 2006 et qu'est-ce que vous imaginez pour les deux ans à venir sachant que beaucoup dépendra quand même de la croissance pour la réussite de votre programme.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur SEGUILLON, je chercherai à être le plus sérieux possible, donc je ne vous lancerai pas des chiffres en l'air. Nous avons dit pour cette année : une croissance entre 1,5 et 2 % et nous la voulons la plus proche de 2 % et je pense que tous les efforts que nous donnons peuvent y contribuer.
JEAN-MICHEL APATHIE - Et vous notez que tous les économistes disent que 1,5 %, ce serait un miracle.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui mais je constate aussi que tous disaient que jamais nous n'atteindrions le seuil des 10 % avant la fin de l'année, nous l'avons atteint avec six mois d'avance...
NICOLAS BEYTOUT - L'INSEE avait dit 9,9 % avant la fin de l'année, l'INSEE l'avait dit en mai dernier...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il y a un moment où les experts font leur travail mais les experts ne peuvent pas maîtriser la force, la vitalité d'un peuple. Maintenant les Français se donnent du mal, ils ont des résultats et je m'en félicite... Alors nous bâtirons une hypothèse le moment venu et je vous demande d'être patient...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Il est tout proche...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il est très proche, oui, mais je dis bien le moment venu. Et ce que je souhaite, c'est que cette croissance puisse être au-delà de 2 % parce que j'estime que c'est aujourd'hui ce que mérite la France. C'est véritablement ce qui est dans sa main et dans ses capacités.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Attendez, pardonnez-moi, c'est une question de mérite ou c'est une question d'environnement ? Quand on regarde l'économie allemande, l'économie italienne avec lesquelles nous avons beaucoup d'échanges...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est une question... mais vous savez, on a beaucoup tendance dans notre pays à penser que la croissance, c'est donné, ça vient d'ailleurs. Mais la croissance, c'est aussi ce que l'on fait. Et donc les efforts des Français, les capacités des Français, notre situation et le mouvement de notre pays dans tous les domaines, quand nous créons les pôles de compétitivité, quand nous nous mobilisons sur les hautes technologies, tout ceci contribue à créer de la croissance. Donc je n'ai pas l'idée d'une croissance passive. On gagne la croissance point par point, centième par centième.
NICOLAS BEYTOUT - Quelques mots sur l'impôt sur le revenu quand même puisqu'il y a près de la moitié des Français qui le paient, donc ça intéresse beaucoup de gens. Vous disiez le 8 juin en discours de politique générale, je vous cite : toutes nos marges de manuvre budgétaires iront à l'emploi ; ce choix commande de faire une pause dans la baisse de l'impôt sur le revenu.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est exactement ce que nous faisons, Monsieur BEYTOUT.
NICOLAS BEYTOUT - Moins de trois moins plus tard, vous annoncez pour après une reprise de la baisse de l'impôt sur le revenu...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je ne vois rien d'incompatible dans les deux propos ; nous faisons une pause. Non, Monsieur BEYTOUT ?
NICOLAS BEYTOUT - Oui, c'est une pause mais pourquoi annoncer une pause ? Pourquoi par exemple le 8 juin ne pas avoir dit : pour 2005, il n'y aura rien et nous reprendrons ensuite de manière par exemple à remplir la promesse de Jacques CHIRAC ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, quand on arrive aux affaires, on se consacre à une priorité. Je l'ai dit, ma priorité c'est l'emploi. J'affirme la nécessité, ayant mobilisé toute notre énergie sur l'emploi et commençant à avoir des résultats et nous souhaitons qu'ils s'amplifient, de passer à une deuxième étape, la croissance sociale. La croissance sociale, ça suppose que les efforts de chacun soient récompensés. J'affirme...
NICOLAS BEYTOUT - Ca, vous ne l'aviez pas prévu en juin ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais Monsieur BEYTOUT, la politique, c'est l'art des rythmes. Si j'arrive avec la science infuse et je décrète d'en haut que ce sera comme ci et comme ça...
NICOLAS BEYTOUT - Ce n'est pas une question de science infuse, c'est une question par exemple de respecter les promesses de Jacques CHIRAC.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais justement, je veux les respecter, c'est bien pour cela que je n'ai jamais perdu le cap. J'ai dit : nous ferons une pause ; donc vous voyez, sur le plan sémantique, les choses sont parfaitement claires ; nous ferons une pause, c'est la réalité et dès que nous pourrons, eh bien nous reprendrons le chemin de la baisse de l'impôt sur le revenu. Pourquoi ? Dans notre pays, ceux qui travaillent ont souvent le sentiment que leur effort n'est pas récompensé. Pire, ils ont le sentiment que les choses sont de plus en plus difficiles. Leur pouvoir d'achat est de plus en plus limité, c'est vrai dans la consommation de tous les jours, c'est vrai dans les projets qu'ils font. Si nous voulons qu'ils puissent produire les richesses, richesses qui permettent la croissance, richesses qui permettent de financer la solidarité...
NICOLAS BEYTOUT - Tout ça, on comprend très bien mais pourquoi pas cette année ? Qu'est-ce que vous allez vous allez dépenser plus l'année prochaine et l'année suivante pour l'emploi, vous aurez donc besoin de marges de manuvre. Pourquoi est-ce que ces marges de manuvre demain, vous n'irez pas les chercher sur l'impôt sur le revenu ? Pourquoi est-ce que cette année vous annulez la baisse de l'impôt et que vous la reprenez l'année prochaine, je ne vois pas la logique ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Alors je vais vous l'expliquer. Quel est le calendrier gouvernemental, politique, administratif sur le plan budgétaire ? Nous allons examiner dans les prochaines semaines le projet de budget 2006. Bon. Ce projet de budget, il va donner lieu à débat et nous allons donc discuter de cette réforme sur l'impôt sur le revenu. La réforme sera adoptée d'ici la fin de l'année...
NICOLAS BEYTOUT - Applicable quand ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Applicable au 1er janvier 2007. C'est la règle. Monsieur BEYTOUT, je ne suis pas magicien. La réalité des choses, c'est que je peux agir...
NICOLAS BEYTOUT - Donc elle ne sera pas dans le budget 2006 ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, je peux agir maintenant et la réforme - je sais qu'il y a un certain nombre de Français qui peuvent douter et je les comprends - la réforme sera votée avant la fin de l'année et s'appliquera sur les revenus 2006 au 1er janvier 2007... Vous savez, Monsieur BEYTOUT, je vois bien la précipitation dans laquelle vous voudriez que le gouvernement s'engage...
NICOLAS BEYTOUT - Non, j'essaie de trouver la logique...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui, oui, mais la logique, elle est claire mais je crois qu'il faut que vous mesuriez aussi le changement que cela constitue et que ce ne sont pas des choses qu'on peut faire en un jour. Donc nous allons jusqu'à la fin de l'année adopter dans le cadre de la loi de finances, l'ensemble de ces modifications, l'ensemble de ces réformes applicables une fois de plus sur les revenus 2006.
JEAN-MICHEL APATHIE - L'emploi est votre priorité, Dominique de VILLEPIN. On a appris que 45.000 emplois de vie scolaire seraient créés dans l'Education nationale...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Et je m'en réjouis.
JEAN-MICHEL APATHIE - Quelle différence entre ces emplois de vie scolaire et les emplois jeunes JOSPIN que le gouvernement RAFFARIN auquel vous apparteniez, a supprimés ? Comment diriez-vous la différence ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien écoutez, la différence, elle est extrêmement simple. La différence, c'est d'abord la réflexion et l'expérience...
JEAN-MICHEL APATHIE - JOSPIN n'a pas réfléchi... ou RAFFARIN n'a pas réfléchi en les supprimant ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je pense qu'un chef du gouvernement, ça tire les leçons de ce qui s'est passé.
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est-à-dire ? Le gouvernement a fait une erreur de les supprimer ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nous avons souhaité au cours des dernières années créer davantage d'emplois pour répondre au problème du chômage et nous avons pensé que nous pourrions miser uniquement sur les emplois marchands. Il se trouve que les emplois marchands, ça ne suffit pas et qu'en période de croissance insuffisante, il faut aussi utiliser d'autres moyens et en particulier les emplois aidés. Ce que j'ai souhaité, c'est que les emplois aidés soient particulièrement ciblés et qu'ils fassent l'objet d'un soin attentif notamment dans le domaine de la formation pour éviter ce qui avait été reproché aux emplois jeunes de Lionel JOSPIN, d'être considérés comme des emplois parking. Donc d'une part plus de formation, d'autre part des contrats moins longs de façon à ce qu'ils soient considérés comme un marchepied vers l'activité...
NICOLAS BEYTOUT - Le problème, c'est la sortie de ces contrats.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Exactement, c'est pour ça qu'en étant plus courts, ils donnent une expérience et c'est très important de rentrer sur le marché du travail quand on a vingt ans, cela permet de dire voilà, j'ai eu une expérience dans une école, j'ai travaillé, je me suis levé le matin, je sais ce que c'est que me donner du mal et cela devient après plus facile pour trouver un emploi marchand.
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est dommage de les avoir supprimés.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais c'est très bien d'avoir corrigé et d'avoir adapté ces emplois à notre besoin d'aujourd'hui.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Je voulais vous demander quelques précisions sur le contrat nouvelle embauche...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - N'oubliez pas de revenir sur la fonction publique parce que je tiens absolument à répondre à monsieur APATHIE.
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est très gentil...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Quelques précisions sur le contrat nouvelle embauche qui est un des outils que vous vous êtes donné. Premièrement, est-ce que vous avez l'assurance que le conseil d'Etat ne va pas retoquer ce contrat nouvelle embauche après le recours des organisations syndicales ? Quel est votre pronostic ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur SEGUILLON, je me garderai bien de faire un pronostic ; nous avons des institutions indépendantes qui sont là pour donner leur avis. Ce que je peux vous dire, c'est que le conseil constitutionnel s'est prononcé sur ces ordonnances ; c'est que l'assemblée générale du conseil d'Etat a rendu un avis et que cet avis portait sur l'ensemble des points qui sont aujourd'hui en débat. Si... puisque le conseil d'Etat est saisi pour contentieux, il doit examiner les choses, nous verrons. Ce que je peux dire, c'est qu'aujourd'hui, ce contrat a été bâti avec un vrai souci de prendre en compte l'ensemble des préoccupations, celles des salariés et celles de l'employeur. C'est vraiment un emploi que nous voulons consolider à deux. Pourquoi ? Parce que pendant les Trente glorieuses, l'emploi, eh bien il suffisait de se lever et l'emploi pouvait s'obtenir. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus difficile. Donc un employeur prend un risque quand il crée un emploi, il veut une garantie, il veut savoir si cet emploi pourra être durable et évidemment le salarié qui bénéficie d'un contrat nouvelles embauches, verra ses droits augmenter au fil des mois pendant deux ans. Donc c'est un vrai contrat à durée indéterminée et ça c'est l'essentiel, c'est très important. Et si les chiffres qui sont des extrapolations à ce stade, donnent plus de 30.000 contrats nouvelles embauches, cela montre bien que nos compatriotes comprennent bien de quoi il s'agit.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Est-ce que dans votre esprit, ça peut être l'expérimentation vers un contrat unique tel celui que demandait ce matin même Nicolas SARKOZY...
JEAN-MICHEL APATHIE - Mûrissez votre réponse, Dominique de VILLEPIN, on se retrouve après la pause, ne quittez pas !
JEAN-MICHEL APATHIE - Retour au grand studio de RTL. Pour ceux qui n'ont pas suivi, Pierre-Luc reformule sa question.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Oui, je me demandais si le contrat nouvelle embauche qui est un des outils que vous vous êtes donné et contre lequel d'ailleurs militent toutes les organisations syndicales, s'il réussit, est-ce que dans votre esprit, il devrait être progressivement étendu et au fond être le chemin vers ce contrat unique dont parlait ce matin Nicolas SARKOZY lors de son intervention devant les jeunes de l'UMP ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Moi je ne peux que répondre pour la période - et vous remarquerez que toutes les propositions que je fais, sont des propositions qui correspondent à la période de responsabilités qui pourrait être la mienne, c'est-à-dire les vingt prochains mois. J'ai dit clairement et je me suis engagé à ce que ce contrat nouvelle embauche soit réservé aux très petites entreprises parce que j'avais le sentiment que nous manquions d'un outil adapté. Que l'on souhaite tirer les leçons de ce contrat nouvelles embauches et évoquer avec l'ensemble des partenaires sociaux la possibilité de prévoir d'autres dispositifs pour d'autres entreprises, c'est évidemment une possibilité qui reste entièrement possible et j'ai commencé d'ailleurs à en parler avec un certain nombre de représentants syndicaux. Mais l'idée de transférer tel quel ce contrat aux grandes entreprises n'est pas à l'ordre du jour.
NICOLAS BEYTOUT - C'est très spectaculaire, trente mille contrats signés en août ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Une fois de plus, les chiffres que nous avons sont partiels et fonction d'une extrapolation mais enfin il y a tout lieu de penser que ces calculs sont en tout cas d'un ordre de grandeur conforme...
NICOLAS BEYTOUT - C'est ça, c'est trente mille ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Entre trente mille et quarante mille.
NICOLAS BEYTOUT - Ils se substituent éventuellement aux CDD, aux contrats à durée déterminée... ce n'est pas des nouveaux emplois...
DOMINIQUE DE VILLEPIN
Nous aurons le 15 septembre le décompte exact. Mais vous savez que dans notre pays, il y a 70 % des contrats qui sont signés, qui sont des CDD et que 50 % sont des contrats qui ne durent pas plus d'un mois. Donc en tout état de cause, ce contrat nouvelles embauches apporte une amélioration considérable sur le marché de l'emploi puisqu'il s'agit de contrats à durée indéterminée.
NICOLAS BEYTOUT - Mais Dominique de VILLEPIN, c'est tellement spectaculaire et cette obsession de l'emploi est tellement la vôtre, je ne comprends pas que vous n'ayez pas déjà engagé cette nouvelle étape pour essayer d'étendre ce contrat nouvelles embauches aux entreprises de plus de vingt salariés. Est-ce que vous ne vous privez pas de la possibilité de créer plus d'emplois ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nicolas BEYTOUT, ne confondons pas acte et précipitation. Nous sommes dans une démocratie qui est respectueuse de règles et en particulier d'une règle essentielle qui est celle du dialogue social. Moi je veux à la fois faire preuve de volonté et de détermination et en même temps, j'entends en permanence maintenir, développer ce dialogue social, parce que des mesures, elles sont d'autant plus efficaces quand elles sont bien comprises, bien adaptées.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Vous parlez de dialogue social mais les organisations syndicales vous reprochent précisément d'avoir initié ce contrat sans aucune concertation.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien, Pierre-Luc SEGUILLON, gouverner, c'est choisir et c'est parfois avoir à prendre des décisions après avoir écouté chacun, rencontré chacun et dans cette priorité que nous nous sommes fixée, il y avait besoin, je l'ai dit, d'un électrochoc en France. Ce que je souhaite, c'est que la tendance actuelle se confirme et que nous soyons capables d'aborder une nouvelle phase avec l'ensemble des partenaires sociaux, en quelque sorte non plus placée sous cette urgence et cette inquiétude du chômage mais avec des perspectives bien meilleures. L'ensemble du dialogue dans notre pays s'en trouvera évidemment modifié. L'esprit même de notre pays, si nous réussissons peu à peu à passer sous la barre des 9 %, des 8 %, bien des choses seront alors possibles.
JEAN-MICHEL APATHIE - A cette étape, l'esprit des partenaires sociaux n'est pas très positif. Ecoutez ce que disait Bernard THIBAULT, c'était le 11 juillet sur RTL un matin tôt.
BERNARD THIBAULT - Moi je suis convaincu d'une chose, c'est que certes nous n'avons pas les jeux olympiques mais il va y avoir du sport dans notre pays dès le mois de septembre.
JEAN-MICHEL APATHIE - Voilà, du sport dans le pays et Jean-Claude MAILLY dit un million de personnes dans la rue début octobre. Vous craignez ce climat social, Dominique de VILLEPIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur APATHIE, vous avez posé cette question à mon prédécesseur dans d'autres rentrées... Un certain nombre de vos collègues maintenant un peu plus âgés, l'ont posée à d'autres prédécesseurs. C'est un rituel de la vie politique française...
JEAN-MICHEL APATHIE - Qui vous agace visiblement. Vous avez dit lors de votre conférence de presse : c'est une exception française bizarre... vous avez eu des mots...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que la France est aujourd'hui le seul pays où systématiquement en toute rentrée, on se pose cette question...
JEAN-MICHEL APATHIE - Et ça vous agace.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que ce qui doit dominer tout, l'emporter sur tout autre chose, c'est la réponse aux préoccupations des Français. Moi j'ai appris et retenu les leçons... les leçons du 21 avril, nous en parlerons peut-être, et du défi démocratique dans notre pays, les leçons du 29 mai. Les Français ont une préoccupation qui domine les autres, c'est le chômage. Je veux apporter des réponses. Et vous savez, Monsieur APATHIE, je suis très soucieux d'écouter toutes les propositions sur la scène française, s'il y a de meilleures idées que les miennes, croyez bien que dans les vingt mois qui viennent, je les appliquerai. Je suis ouvert à toutes les propositions et si je reçois l'ensemble des forces politiques régulièrement, l'ensemble des représentants sociaux régulièrement, c'est bien parce que j'ai le souci des nouvelles idées. Alors avançons, chacun je crois pourra en bénéficier.
NICOLAS BEYTOUT - Parmi les préoccupations fortes des Français, il y a le pouvoir d'achat et vous avez annoncé il y a quelques jours que vous donneriez la possibilité à toutes les entreprises si elles le souhaitaient, de distribuer mille euros de bonus à la fin de l'année en franchise d'impôts et franchise de charges. Ma question est : est-ce que vous allez vous-même, principal employeur de la France avec la fonction publique, étendre ce bonus à la fonction publique ; et deuxièmement, est-ce que, actionnaire d'un certain nombre de très grandes entreprises, FRANCE TELECOM, EDF, GAZ DE FRANCE, vous allez demander au management que l'Etat a nommé, d'appliquer cette règle et de distribuer des bonus à tous les salariés des entreprises publiques ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Alors d'abord, Nicolas BEYTOUT, vous partez du point de vue que la situation serait la même dans le privé et dans le public. Il y a eu une hausse récente du point fonction publique, 1,8 %, je ne suis pas sûr que tout soit comparable.
NICOLAS BEYTOUT - C'est-à-dire qu'il n'y aura pas de bonus ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ca veut dire qu'il n'y aura certainement pas de bonus dans la fonction publique aujourd'hui puisque nous sommes dans une situation où nous venons d'accorder des hausses des traitements de la fonction publique. Ce qui est nécessaire, c'est de débloquer la situation dans un certain nombre de secteurs où un retard considérable s'est accumulé. Alors je retiens très bien un certain nombre d'arguments et j'ai eu l'occasion d'en parler avec Laurence PARISOT. Je comprends très bien que certaines entreprises dans la concurrence internationale, aient beaucoup de mal à voir le coût du travail renchéri. Il faut prendre aussi en compte l'inquiétude d'un certain nombre de salariés, le sentiment qu'ils ont que ce pouvoir d'achat diminue et c'est pour cela que nous encourageons par exemple les négociations de branches et ce bonus, c'est un effort fait par l'Etat puisqu'il s'agit de libérer ce bonus de toutes charges, jusqu'à mille euros.... Entièrement exonéré d'impôt...
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que vous avez demandé au management de vos entreprises publiques de l'appliquer ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je précise par ailleurs que nous faisons d'autres efforts : l'augmentation de la prime pour l'emploi - 50 % d'augmentation - et nous allons évidemment cibler sur ceux qui en ont le plus besoin parmi les huit millions de bénéficiaires et nous allons mensualiser - vous l'avez dit tout à l'heure - cette prime. C'est donc un effort tout à fait considérable que fait l'Etat pour sa part, donc dans un esprit de responsabilité. Je ne veux pas être accusé de saupoudrage. Je concentre l'effort qui est le mien parce que je crois que c'est la meilleure façon d'être efficace.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Lors de votre conférence de presse, à propos de l'impôt sur la fortune, vous n'en avez pas parlé, vous avez simplement semblé botter en touche lors d'une réponse à une question en confiant au ministre de l'Economie, le ministre du Budget, le soin d'étudier ce problème pour corriger éventuellement les difficultés que pose cet impôt sur la fortune. Première question : est-ce que vous allez l'aménager et comment et est-ce que ce sera fait dans la loi de finances 2005 ou est-ce qu'il faudra attendre 2006 voire 2007 ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Pierre-Luc SEGUILLON, j'ai évoqué cette question et je l'ai évoquée non pas à travers le petit bout de la lorgnette. Je l'ai dit, l'impôt sur la fortune est un impôt juste. S'il y a un certain nombre de situations qui aujourd'hui font problème et qui n'apparaissent pas, elles, comme étant justes, traitons ces questions. Mais je crois qu'il faut aborder cette question...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Pardonnez-moi, vous dites si... mais vous le savez...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Vous savez, il faut aller jusqu'au bout. Combien de fois on croit savoir et on constate que tout à coup, la réalité n'est pas la même. J'ai demandé au ministre de l'Economie et des Finances, au ministre du Budget, de me faire une évaluation très précise, très concrète permettant d'éventuelles décisions, nous les aurons. Mais j'ai dit quelque chose de plus important : j'ai dit que je voulais profondément réformer notre fiscalité et c'est dans le cadre d'une réforme fiscale que se pose véritablement la question pour ceux qui touchent des revenus au-delà d'un certain seuil. Et j'ai évoqué parce que c'est quelque chose qui existe dans d'autres pays européens - c'est le cas notamment en Allemagne - l'hypothèse d'un plafonnement de l'impôt à un certain niveau, qui permettrait de ne pas décourager et qui serait lui aussi juste pour les revenus supérieurs.
NICOLAS BEYTOUT - En Allemagne, ce plafond est à 50 % et Nicolas SARKOZY ce matin proposait d'adopter justement ce plafond.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - La question du niveau de ce plafond se pose. J'ai entendu Pierre MEHAIGNERIE évoquer pourquoi pas le retour à ce qu'avait préconisé Michel ROCARD, 70 %. J'ai parlé moi-même de deux tiers, Nicolas SARKOZY parle de 50 %...
NICOLAS BEYTOUT - Vous évoquez l'Allemagne et en Allemagne, c'est 50 %.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - En tout état de cause, j'ai demandé au ministre de l'Economie et des Finances de faire une évaluation mais en tout état de cause, il est important que notre économie reparte, que notre croissance reparte pour que nous puissions avoir sur ces questions un débat serein. Et c'est là où je voudrais dire - et c'est le message politique fort que je voudrais donner ce soir - ne sautons pas à pieds joints sur ces vingt prochains mois. Nous courrions un grand péril démocratique. Si de promesses en promesses présidentielles, d'alternance en alternance, de déception démocratique en déception démocratique, nous nous trouvions dans la situation de faire des prochaines échéances un nouvel exutoire de promesses qui par définition ne seront pas tenues et c'est pour cela que je souhaite remettre ce pays d'aplomb pendant les vingt prochains mois. Nous aurons un débat beaucoup plus serein si la France est remise en mouvement, remise en marche, remise à l'endroit sur des principes de justice, alors oui le débat démocratique pourra être un débat démocratique constructif. C'est la mission que m'a confiée Jacques CHIRAC et c'est ce que je ferai. Chaque mois, nous irons jusqu'au bout des exigences de modernisation. Je le ferai pour la fonction publique en faisant des propositions à la fin du mois de septembre. C'est une responsabilité globale. Je ne veux pas agir au coup par coup ; chaque sujet sera replacé dans son contexte avec à la fois l'exigence d'adaptation de fond, de structure et en même temps les mesures qui nous permettent de sortir de la situation de trop grande atonie d'aujourd'hui.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Est-ce qu'il faut entendre le propos que vous venez de tenir comme une critique en filigrane des propositions de rupture qu'a présentées ce matin Nicolas SARKOZY ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais vous savez, la plus grande rupture, elle est en train d'avoir lieu ; c'est la rupture contre le chômage. A partir de là, nous pourrons - et c'est l'étape dans laquelle nous rentrons - parler de croissance sociale, c'est-à-dire d'un pays qui redémarre et qui se soucie de la bonne répartition de ses richesses, lorsque la croissance sociale sera de retour, le débat démocratique pourra se porter sur bien d'autres sujets ; je pense qu'il y a des urgences. J'évoquerai dans les prochaines semaines les questions de la recherche, de l'université, les questions d'environnement, les questions de la création en matière artistique parce que ce pays doit retrouver toutes ses capacités ; il a des atouts exceptionnels, nous le savons, dans tous les domaines ; il s'agit, pas à pas, d'avancer et de moderniser notre pays.
JEAN-MICHEL APATHIE - Je voudrais vous citer cette phrase de Nicolas SARKOZY ce matin. Il s'est dit exaspéré par les discours interminables qui évoquent invariablement les mots justice sociale, progrès social, politique sociale. Vous avez mis ça dans votre poche, Dominique de VILLEPIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais pas du tout, Monsieur APATHIE. Moi je ne fais pas de discours, j'agis. Le gouvernement est là pour agir. Et j'agis avec Nicolas SARKOZY, vous voyez, de surcroît. Je réconcilie tout le monde. Je l'ai dit, entre l'UMP et le gouvernement, nous sommes complémentaires, nous sommes dans le camp de l'action. Ce sera pour moi, pour le gouvernement et pour la France vingt mois d'action, de modernisation. Nous aurons alors le débat démocratique que nous méritons mais nous l'aurons sur des bases saines et nous serons capables alors d'échanger des idées et non pas de s'envoyer des promesses qui n'engagent que leurs auteurs.
JEAN-MICHEL APATHIE - Et quand Nicolas SARKOZY dit : j'en fais le serment devant vous, rien, personne ne m'empêchera d'aller jusqu'au bout de ma mission ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je respecte la détermination. Vous savez, nous sommes dans un monde où il est formidable de rencontrer des gens qui savent ce qu'ils veulent, là où ils veulent aller. Moi je veux être l'un des artisans, dans la voie tracée par le président de la République, de la modernisation de ce pays au cours des vingt prochains mois. Et cette détermination, croyez-moi, rien ne l'entamera.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Quand vous dites " pour les vingt prochains mois ", ça signifie que vous resterez à Matignon jusqu'au dernier jour précédent l'élection présidentielle si le président de la République en décide ainsi bien sûr.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais Pierre-Luc SEGUILLON, comment pouvez-vous en douter ?
PIERRE-LUC SEGUILLON - Non mais je pose la question.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Dès lors que le président de la République me fait confiance, naturellement c'est la mission que j'ai acceptée et je l'honorerai jusqu'au dernier jour et je dirai même jusqu'à la dernière heure.
JEAN-MICHEL APATHIE - Deux incendies récents à Paris ont beaucoup ému les Français. On s'est rendu compte qu'il y avait dans cette belle capitale des immeubles insalubres et des gens qui vivaient dans des conditions d'indignité inacceptables. Deux squats ont été évacués vendredi. Prévoyez-vous des mesures pour évacuer d'autres immeubles insalubres et squats dans les jours qui viennent ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ces drames récents ont mis en lumière l'immense urgence du logement social dans notre pays, de l'hébergement d'urgence et plus largement, et vous savez que c'est une préoccupation qui m'anime et qui est forte, du logement dans notre pays et qui touche beaucoup de nos compatriotes. J'étais au milieu de la nuit à Opéra lors de ce terrible incendie, le premier des incendies que vous avez cités, après il y a eu Vincent-Auriol, le Roi-Doré et cette nuit l'Haÿ-les-Roses. Chaque cas est différent et chaque cas mérite donc des solutions particulières. Quand nous sommes confrontés à la situation de personnes en situation régulière dans notre pays, qui vivent un tel drame, eh bien il y a bien sûr besoin de mettre en uvre et d'activer un certain nombre de réponses qui sont d'ores et déjà dans le plan de cohésion sociale de Jean-Louis BORLOO mais qu'il faut considérablement accélérer. Nous nous sommes engagés dans un programme de 500.000 logements, nous devons aller plus vite et j'ai annoncé la réquisition d'un certain nombre de terrains, la mise à disposition de ces terrains et la construction d'un programme de vingt mille logements. Il faut rattraper le retard qui a été celui à bien des égards des années JOSPIN. Et puis il y a la situation de l'urgence, des squats...
Jean-Michel APATHIE - Des occupants illégaux...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Avec une occupation illégale. Quand vous êtes confrontés à un tel péril pour la vie des habitants, naturellement il faut pouvoir immédiatement faire face à cette situation et c'est pour cela que nous avons fait en sorte que ces habitants puissent se voir proposer un autre logement. Alors je le sais, parfois nous n'avons pas de logement suffisamment proche de là où ils ont l'habitude d'habiter mais nous faisons face à l'urgence ; nous sommes donc obligés, parce qu'il y a péril...
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce qu'il va y en avoir d'autres, Dominique de VILLEPIN ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Bien sûr mais dès lors que nous identifions... vous savez, nous travaillons sur la base de principes simples : dès lors qu'il y a une situation dangereuse, dès lors que ces locaux...
NICOLAS BEYTOUT - Il y a quoi, un millier d'immeubles dans Paris...
JEAN-MICHEL APATHIE - Non, combien de squats, là c'est différent, combien de squats ? Combien d'après vous, vous le connaissez ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nicolas SARKOZY fait l'évaluation de ces squats actuellement. Quand nous serons confrontés à des locaux insalubres, dangereux pour la vie de ceux qui y habitent, nous fermerons ces squats et nous serons amenés à reloger temporairement les habitants dans de nouveaux locaux. Et puis il y a, et je ne peux pas l'oublier, la situation de L'Haÿ-les-Roses. Nous sommes dans une situation semble-t-il différente, il y a une enquête. S'il s'avère qu'il y a bien un acte criminel qui a été commis, eh bien là il faut durcir les réponses qui sont les réponses de la loi et nous ferons le nécessaire bien sûr.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Ces expulsions... avec ou sans concertation avec les élus locaux ? On vous a reproché... on a reproché au ministre de l'Intérieur de ne pas avoir consulté les maires des arrondissements concernés.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur SEGUILLON, la concertation, c'est l'impératif que nous nous fixons et nous voulons tout faire pour que cette concertation puisse se faire dans les meilleures conditions. Il y a néanmoins - et j'ai été ministre de l'Intérieur - des situations d'urgence, des situations de grande gravité où nous n'avons pas forcément le temps de mener cette concertation...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Un coup de téléphone à un maire, c'est possible.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ce qui est certain, c'est que nous ne souhaitons à aucun moment nous engager dans de quelconques polémiques. Je sais que nous vivons au temps des médias où il est rapide de faire une déclaration et les choses s'enveniment. Faisons en sorte, compte tenu de la gravité de ces événements, compte tenu de l'importance des enjeux, faisons en sorte de traiter ensemble et d'apporter des réponses ensemble... vous savez, le cur de la France ne se partage pas.
JEAN-MICHEL APATHIE - Des élections générales ont lieu dans quinze jours en Allemagne, notre premier partenaire, notre principal partenaire, celui avec lequel nous faisons outre du commerce, l'Europe. Angela MERCKEL, chrétienne démocrate, est en passe de gagner ces élections et donc Gerhardt SCHRÖDER dont le gouvernement français, le président de la République était très proche, de les perdre. C'est une mauvaise nouvelle pour vous, Dominique de VILLEPIN, de voir Gerhardt SCHRÖDER potentiellement quitter le pouvoir ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est le choix du peuple allemand...
JEAN-MICHEL APATHIE - Bien sûr, on va le respecter, mais est-ce que c'est une mauvaise nouvelle ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - La France, le président CHIRAC, moi-même comme ministre des Affaires étrangères, nous avons très bien travaillé avec le chancelier SCHRÖDER et toute son équipe. Les Allemands choisiront les dirigeants qu'ils souhaitent.
JEAN-MICHEL APATHIE - Vous connaissez Angela MERCKEL ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je connais Angela MERCKEL, je l'ai reçue à Paris lors de son dernier passage. Ce que je peux vous dire, c'est que la relation entre la France et l'Allemagne est une relation qui n'est pas susceptible d'être altérée par aucune élection. C'est un impératif...
NICOLAS BEYTOUT - Elle dit elle-même que le duo, le moteur... le couple franco-allemand n'est plus d'actualité et que ce n'est pas sa priorité. Elle est plus sur la ligne disons de Nicolas SARKOZY qui pense qu'il faut élargir ce moteur à des acteurs comme l'Angleterre, l'Espagne, la Pologne... elle le dit comme ça.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, j'ai reçu Angela MERCKEL et je sais ce qu'elle m'a dit et je sais ce qu'elle a dit au président de la République : son attachement profond à la relation franco-allemande et la conviction que cette relation est indispensable à un bon fonctionnement de l'Europe.
NICOLAS BEYTOUT - Et si elle est un peu moins exclusive qu'auparavant, ça change quelque chose pour la France ou pas ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, vous avez la mémoire des relations franco-allemandes depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, vous savez que cette relation, elle est incontournable en Europe ; elle est nécessaire à nos deux pays et elle est nécessaire à l'Europe et elle nous est demandée par les autres pays européens. Alors je veux bien qu'on veuille ici et là enfoncer des coins, voire susciter des polémiques. Je peux vous dire que dans la relation entre la France et l'Allemagne, quels que soient les dirigeants dont se dotent les Allemands, la relation, la vitalité de la relation franco-allemande, le partenariat franco-allemand restera le même.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Angela MERCKEL a elle aussi un programme de réforme fiscale et notamment de baisse très importante de fiscalité sur les entreprises. Si elle met en uvre ce programme, très vite, est-ce que vous n'allez pas être contraint vous aussi, dans la concurrence entre les entreprises, de jouer l'abaissement de l'impôt sur les sociétés, ce qui n'existe pas dans votre réforme fiscale ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est un tout petit peu plus compliqué que cela, Monsieur SEGUILLON. Dans le programme allemand, puisque le programme allemand puise largement dans des réflexions françaises que nous connaissons bien, il y a le souhait de prendre en compte l'ensemble de la fiscalité, tout comme nous. Donc il y a d'un côté l'impôt sur le revenu, de l'autre côté, il y a les autres impôts et c'est bien cette vision globale qu'il nous faut avoir. Que dans la compétition européenne et internationale, les Français soient amenés à constamment réviser, regarder comment on peut améliorer cette compétition fiscale puisque vous le savez, notre souhait aurait été d'aller vers une harmonisation. Force est de constater, quand nous voyons la position des Britanniques notamment, que cette harmonisation fiscale ne paraît pas pour demain. Donc le fait d'avoir une politique fiscale qui nous permette véritablement d'être en tête, je souhaite que très vite nous ayons la politique fiscale, l'outil fiscal le plus moderne d'Europe pour permettre à chacun, citoyen, particulier, entreprise, de prendre toute sa place dans cette compétition.
NICOLAS BEYTOUT - Un point sur lequel Angela MERCKEL est radicalement opposée aux positions de Gerhardt SCHRÖDER et radicalement opposée à celles défendues essentiellement par Jacques CHIRAC, qui est l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Si Angela MERCKEL gagne, il y a de fortes chances pour que l'Allemagne refuse même d'entamer les négociations le 3 octobre prochain. Est-ce que ça change quelque chose pour vous ? Est-ce qu'au fond la question de la Turquie n'est pas quelque chose qui est déjà dépassé ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur BEYTOUT, la diplomatie ne se fait pas dans les gazettes.
NICOLAS BEYTOUT - Ce sont ses discours de politique générale, c'est son programme, ce n'est pas une gazette.
JEAN-MICHEL APATHIE - Les gazettes n'y ont jamais prétendu Monsieur le Premier ministre.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je sais ce que m'a dit madame MERCKEL et je sais ce qu'elle ferait et en conséquence, je vous dis que les choses sont un tout petit peu plus compliquées que les positions tranchées que vous dites et quand on est à la tête, qu'on a la responsabilité de la diplomatie, on prend en compte un certain nombre de réalités et en particulier on prend en compte nécessairement l'exigence d'unité européenne. Donc sur la Turquie, nous avons une exigence : préserver l'unité européenne qui a déjà connu des blessures importantes au cours des derniers mois et qui connaît trop de divisions et faire en sorte que nous puissions engager les élargissements futurs dans des conditions de sérieux le plus grand. Et c'est pour cela que nous avons souhaité dès la déclaration faite par la Turquie... qui marquait une ambiguïté par rapport à l'Europe, nous avons demandé une clarification. Le président de la République et moi-même, nous avons demandé une clarification. Et c'est pour cela que l'Union européenne prépare aujourd'hui une déclaration pour véritablement demander à la Turquie de clarifier les choses et ce que je souhaite, c'est que la Turquie puisse s'engager le plus fortement, le plus rapidement sur le chemin de la reconnaissance parce qu'il me paraît indispensable que tout Etat s'engageant dans un processus d'adhésion puisse avoir une relation sereine et apaisée vis-à-vis de l'ensemble de l'Europe. C'est cette volonté que nous souhaitons de la part des Turcs.
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que ça signifie qu'au fond de vous-même, vous êtes favorable à l'adhésion de la Turquie à l'Europe ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je pense que nous ne pouvons pas, compte tenu de ce qu'ont été les dernières décennies, de ce qu'est l'histoire de l'Europe et de la Turquie, nous ne pouvons pas d'un revers de la main, balayer la candidature de la Turquie.
NICOLAS BEYTOUT - Donc la réponse est oui, vous êtes favorable...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Donc je suis favorable à ce que ce processus d'adhésion puisse s'enclencher dès lors que nous avons les garanties que nous avons demandées et je suis favorable, bien sûr, à ce que la souveraineté totale de cette décision soit remise aux Français et c'est exactement ce qu'a décidé...
NICOLAS BEYTOUT - Mais ma question était sur votre sentiment à vous... vous êtes favorable...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui mais mon sentiment, il est fonction de l'ensemble des garanties et de l'ensemble des dispositifs que nous avons mis en place et c'est pour cela que le président de la République a dit aux Français qu'ils seraient amenés par référendum à se prononcer au terme de ce processus. Et c'est pour cela que nous avons beaucoup insisté pour qu'à toutes les étapes de cette candidature, il y ait en permanence véritablement une décision qui soit prise, sujet par sujet. Donc clarification nécessaire aujourd'hui, procédure de contrôles qui permettent véritablement à cette éventuelle candidature d'être examinée avec le plus grand sérieux et responsabilité de nos compatriotes par référendum au bout du chemin.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Pardonnez-moi, pour être très clair...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - J'ai été très clair, Monsieur SEGUILLON...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Les négociations commencent le 3 octobre. Si le 3 octobre, la Turquie n'a pas reconnu la République de Chypre, néanmoins, elles commencent ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur SEGUILLON, on voit que vous n'êtes pas familier de l'exercice diplomatique...
PIERRE-LUC SEGUILLON - Non mais attendez, moi je parle pour ceux qui nous écoutent, ils voudraient comprendre.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais je crois qu'ils ont très bien compris.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Ah bon, je suis le seul à ne pas comprendre alors.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je demande à la Turquie de lever l'ambiguïté qui est la sienne sur sa déclaration concernant l'union douanière et je souhaite qu'elle puisse affirmer fortement sa volonté de s'engager dans un processus de reconnaissance de Chypre. Et je dis parce que ça pèse évidemment sur la diplomatie française, que nous sommes soucieux de maintenir l'unité européenne. Vous savez, quel serait le crédit d'un Etat qui de but en blanc ouvrirait une crise sans même se soucier de l'attitude des autres Européens ? Vous savez, la diplomatie, c'est à la fois un exercice de mouvement mais aussi d'équilibre et c'est toute la responsabilité qui est celle de la France au sein de l'Europe.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Mais vous-même ministre des Affaires étrangères, vous avez su en votre temps, manier la crise quand c'était nécessaire si mes souvenirs sont bons.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais Monsieur SEGUILLON, je m'appuie sur des principes, le président de la République s'appuie sur des principes et nous nous appuyons aussi sur une vision. Cette vision, c'est une vision de l'avenir de l'Europe, c'est une philosophie concernant les élargissements et c'est le souhait que chaque processus soit engagé dans un esprit de responsabilité. Nous voulons satisfaire à tout cela ; il n'y a pas de démagogie dans la position française qui est la nôtre ; c'est la volonté d'avancer au service de l'ensemble de l'Europe sans une fois de plus un souhait de procès d'intention.
JEAN-MICHEL APATHIE - La catastrophe américaine nous saisit tous, ces images sont absolument horribles. Pensez-vous comme le disent beaucoup d'Américains, que le président BUSH a trop tardé pour réagir ? Mais en fait, peut-être que paralysé par la crise irakienne, il a du mal à gérer la situation ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je vois que nous n'avons pas une brochette de journalistes diplomates aujourd'hui ; vous voulez m'engager sur un terrain où je n'irai pas, Monsieur APATHIE...
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est pour ça que j'ai cherché une bonne question mais je n'ai pas trouvé. Ca arrive !
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je vais vous dire, l'art de gouverner est difficile et il n'appartient pas à un dirigeant français de donner de leçon à un dirigeant américain. Le président de la République a souhaité tout de suite proposer aux Américains une aide substantielle. Les Américains ont accepté que nous puissions apporter une aide matérielle, c'est ce que nous allons faire dans les prochains jours avec l'Europe.
JEAN-MICHEL APATHIE - Vous n'avez pas que des journalistes diplomatiques face à vous ; on s'intéresse aussi à la politique intérieure. Vous avez dit jeudi soir sur TF1 : je n'ai aucune ambition présidentielle...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je l'ai dit lundi soir, je le redis aujourd'hui.
JEAN-MICHEL APATHIE - Non, non... cela veut-il dire que vous renoncez par avance à être candidat à la prochaine élection présidentielle, ce qui est plus précis que votre formulation.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Monsieur APATHIE, oui, bien sûr... mais je n'ai pas l'intention...
JEAN-MICHEL APATHIE - De me répondre...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Voilà, je n'ai pas l'intention de vous répondre mais surtout je n'ai pas l'intention tous les jours de répondre à une nouvelle question sur ce sujet.
JEAN-MICHEL APATHIE - Non mais ma question est simple : renoncez-vous par avance à être candidat à l'élection présidentielle ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Elle est très simple. J'ai dit ce que j'ai dit et je le maintiens.
PIERRE-LUC SEGUILLON - Alors moi j'ai une question...
JEAN-MICHEL APATHIE - C'est terminé, non, non, 28 30, c'est fini... C'est fini. Eh bien on se retrouve dimanche prochain, pas avec Dominique de VILLEPIN. Bonsoir.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 6 septembre 2005)