Déclaration de M. Alain Bocquet, président du groupe des députés communistes et républicains de l'Assemblée nationale, sur la situation politique, économique et sociale, la politique du gouvernement et sur les enjeux qui en découlent pour les élus communistes, à Saint Amand les Eaux (Nord) le 29 septembre 2005.

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Circonstance : Journées d'étude des parlementaires communistes et républicains, à Saint Amand les eaux (Nord) les 29 et 30 septembre 2005

Texte intégral

Cher(e)s camarades et cher(e)s ami(e)s,
Bonjour et bienvenue à toutes et tous à Saint Amand les Eaux
J'aurai l'occasion de le redire ce soir lors de la réception officielle et amicale prévue en mairie : c'est une fierté pour notre communauté amandinoise de recevoir dans ses murs, les députés européens, les sénatrices et sénateurs, les député-e-s de l'Assemblée nationale, communistes, républicains et citoyens, ainsi que les assistants parlementaires et collaborateurs des groupes.
Bienvenue aux représentants de la presse écrite et audiovisuelle, régionale et nationale, présents pour suivre, en direct et en toute transparence, le déroulement de nos débats. Bienvenue enfin à tous nos invités.
Les rentrées parlementaires se suivent mais ne se ressemblent pas. Et particulièrement celle - ci où la donne politique se trouve profondément modifiée.
Rappelons-nous simplement qu'au terme de leurs consultations successives, l'Assemblée nationale, le Sénat puis le Congrès, le 28 février à Versailles, s'étaient prononcés à 92 % pour l'adaptation de la Constitution française à un projet de constitution européenne rejeté trois mois plus tard, à 55 %, par les Français.
C'est notre honneur d'avoir été les seuls groupes à dire NON, et d'avoir pris cette position en osmose avec la volonté de notre peuple, avec l'intérêt de la France et avec l'avenir de l'Europe.
Si l'organisation du référendum avait été refusée à l'exigence montante des Français que nous soutenions, et si la France s'était prononcée par la voie parlementaire, sa position aurait été contraire à la volonté populaire et elle serait aujourd'hui complètement prisonnière d'une constitution ultralibérale.
L'Assemblée, le Parlement sont donc pour le moins, le miroir déformé de la souveraineté populaire. C'est dire si l'image de la représentation nationale est inversée par rapport au sentiment et à la volonté politique de la majorité du peuple. Et au passage, cela témoigne de la crise profonde de notre système institutionnel, mais aussi de la nécessité d'en changer et de le démocratiser.
Ce sera l'objet de notre débat de demain, je n'y insiste donc pas si ce n'est pour dire que les aspirations en la matière se situent très loin de l'analyse du Président de l'Assemblée nationale qui réfute l'idée d'une crise institutionnelle et la perspective d'un changement de République.
Si comme le déclare Jean Louis Debré : " la source du pouvoir c'est le peuple ", alors il faut d'urgence revenir à la source en redonnant à la politique et à la démocratie leurs lettres de noblesse et en restituant au peuple français la maîtrise de son destin.
De ce point de vue d'ailleurs, et alors que la perspective des élections présidentielles mobilise les états-majors et suscite les candidatures, il serait sans doute temps d'en finir avec le dispositif anti-démocratique qui réserve aux deux prétendants arrivés en tête, l'accès du 2ème tour.
Nous contestions déjà voilà plus de vingt ans cette clause. En fidèles disciples de Jules Guesde qui constatait qu'au 1er tour on choisit et qu'au second tour on élimine, peut-être devrions-nous contribuer à lever l'hypothèque que le deuxième tour fait peser sur le premier, en proposant de faire sauter ce verrou imposé au pluralisme de représentation.
La victoire du NON progressiste le 29 mai, après un débat d'idées sans précédent sur les questions de fond, sur l'avenir de la société et de l'Europe, a constitué un tournant dont nous nous attachons à prendre toute la mesure.
La campagne a été marquée en effet, par l'émergence d'une très forte volonté d'alternative antilibérale à gauche. Les communistes, les élus communistes, avec d'autres, ont joué un rôle indéniable en faveur de cette victoire populaire. C'est là un point d'appui solide pour l'action.
L'enquête d'opinion conduite en juillet à Vénissieux témoigne de ce potentiel de confiance, et des contradictions de la situation.
Colère et doute ; désespérance et espérance constituent bien, à des degrés divers, les maîtres-mots mêlés de cette rentrée.
De toute part, à droite, au MEDEF et ailleurs, on manuvre bien évidemment, pour faire oublier ce choc politique et tenter de continuer comme avant.
Ne laissons pas alors le sens profond du NON : contestation des choix libéraux dans cette société ; contestation de la droite au pouvoir ; volonté de changement et d'une autre Europe, être détourné ou utilisé à d'autres fins. Il faut le consolider et l'élargir.
Le Président de la République malgré ses propositions n'a rien changé sur le fond, à la démarche et aux choix stratégiques de l'Etat-UMP.
Non seulement le suffrage universel n'est donc pas respecté, mais il est bafoué. Avec le gouvernement De Villepin en lieu et place de celui de Raffarin, on prend les mêmes et on continue en pire pour passer en force.
Ce sont les ordonnances De Villepin qui zappent le dialogue social et méprisent les prérogatives parlementaires pour poursuivre le démantèlement du Code du Travail. Nous proposons de les abroger.
C'est le maintien de la loi Fillon sur l'école, vision marchande de l'éducation rejetée par un mouvement de lycéens réprimé par un ministre de l'Intérieur qui a pris depuis du galon, et qui laisse reprendre les procès alors que nous réclamons l'amnistie.
Cent mille étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Qu'attend le gouvernement pour leur permettre de vivre, de se loger et travailler décemment ? Qu'attend-il pour entendre les revendications qui s'expriment comme à Rouen, à Grenoble, ailleurs encore ? Qu'attend-il pour créer les milliers de postes et mobiliser les milliards d'euros de crédits d'Etat qui font cruellement défaut à l'Université en détresse ?
La politique de De Villepin, c'est une réforme de la fiscalité qui veut permettre que les très riches gagnent plus et paient moins, Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) compris, pendant que l'on impose aux autres de travailler plus pour gagner moins. Réforme qui coûtera à terme 3,5 milliards d'euros à la Nation, et qui casse la progressivité de l'impôt sur le revenu. Nous proposons au contraire, de préserver cette progressivité pour rendre l'impôt plus juste, plus efficace, et revendiquons un engagement ferme de la France en faveur de l'harmonisation fiscale européenne.
C'est un plan emploi qui généralise le salarié-kleenex, sonne la charge contre le contrat à durée indéterminée (CDI), soutient l'extension de l'intérim et de la précarité dans une économie où elle s'applique déjà à deux tiers des embauches, et renforce une pression culpabilisatrice sur les demandeurs d'emploi afin d'offrir au patronat une main-d'uvre encore meilleur marché et corvéable à merci.
C'est vraiment le monde à l'envers quand au lieu de s'en prendre aux " patrons-licencieurs " on traque les travailleurs sans emploi et que dans le même temps, on triche sur les chiffres du chômage à coup de radiations massives des fichiers Assedic, et de précarité généralisée.
L'Etat serait mieux inspiré d'entendre les revendications du monde du travail, de responsabiliser ces sociétés donneuses d'ordres dont les choix entraînent des licenciements dans les PME sous-traitantes, et d'élargir les droits des salariés dans l'entreprise, par exemple avec la possibilité de saisine du juge, pour contrôler le motif économique des licenciements collectifs en amont de la rupture du contrat.
Combien de restructurations d'entreprises pourraient être ainsi suspendues pour donner lieu à des négociations sur des propositions alternatives des représentants du personnel ou même des élus des collectivités locales et de l'Etat.
La politique De Villepin, c'est aussi une loi de finances 2006 prévue pour remastériser les recettes éculées des exonérations fiscales (23 milliards d'euros), des réductions et gels de dépenses sociales, et des suppressions de milliers d'emplois publics (- 18 000 en 4 ans).
Véritable panoplie de chèques en blanc supplémentaires pour le Medef, les actionnaires et les catégories les plus riches, ce projet de loi de finances ampute par exemple de 2 milliards d'euros les recettes de l'Etat pour voler au secours des profits des entreprises, par une revalorisation et la mensualisation de la prime pour l'emploi. L'Etat se substitue ainsi de fait, aux hausses indispensables du SMIC et des bas salaires, alors qu'il devrait agir comme nous le proposons, pour qu'aucun minima conventionnel ne soit inférieur au SMIC.
C'est l'accélération des privatisations avec le bradage du réseau autoroutier qui entraînera une perte de recettes de plus de 30 milliards d'euros en 20 ans, pour l'Etat ; ou encore le scandale de la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) sur lequel nous venons de demander au Premier Ministre une entrevue pour témoigner de la détermination des salariés et des populations concernés, et faire valoir des propositions préservant la continuité territoriale et l'avenir de cette entreprise de service public.
C'est l'ouverture du capital d'EDF après GDF. Ouverture contre laquelle nous appelons à la mobilisation au côté des personnels et des usagers, pour placer le secteur de l'énergie sous la protection des Français. Nos collègues sénateurs ont demandé la consultation du Parlement avant toute décision. Nous nous associons résolument à leur démarche.
C'est la casse du service public ferroviaire et de l'entreprise nationale SNCF dont la suppression des trains-corail sur des lignes nationales, représente le dernier avatar.
C'est la poursuite d'une décentralisation dévoyée qui, à l'exemple des routes nationales, transfère charges et dépenses sur les collectivités locales dont la fiscalité s'alourdit (+ 3,1 % en 2005 ; + 3,6 % pour la taxe d'habitation ; + 5 % pour le foncier). L'Etat les place en première ligne et désigne aux victimes de sa politique un coupable ainsi tout trouvé, tandis que baissent dotations, fonds structurels européens, et que les engagements des contrats de plans Etat-Région ne sont pas tenus par le gouvernement.
C'est le renforcement de l'autoritarisme et du sécuritaire : de la nouvelle carte d'identité électronique qui permettrait à l'insu des personnes concernées, la réalisation d'un fichier de police de toute la population, jusqu'aux opérations anti-squatt et contre les sans-papiers ; ou des remises en cause du " droit du sol ", jusqu'à la multiplication des écoutes et des enregistrements en dehors de tout contrôle judiciaire.
Un projet de loi est en préparation au nom de la lutte contre le terrorisme. Il s'agit d'un problème que nous prenons très au sérieux et qu'il faut aborder avec beaucoup de résolution et d'énergie. Cela dit, nous veillerons à ce que le texte soumis aux parlementaires ne soit pas le prétexte d'un renforcement de l'autoritarisme et d'attaques contre les libertés individuelles et syndicales.
Nous y serons d'autant plus attentifs que les licenciements de représentants du personnel des entreprises ont progressé de plus de 20 % entre 2000 et 2003, et frappent chaque année 15 000 d'entre eux.
En relation avec le monde associatif et avec les professions judiciaires, nous nous opposerons donc le cas échéant, à toute mesure ou proposition menaçant de s'inscrire dans cette perspective au travers de ce projet de loi.
On le voit par conséquent : il ne manque rien, à l'ensemble de cette politique gouvernementale, de ce qui a déjà témoigné en trois ans, de la soumission de ce pouvoir aux diktats de la finance et de l'Europe libérale. Le coup de tonnerre du 29 mai, Jacques Chirac, Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy et consorts ont donc fait le choix de rester sourds à son écho.
Ils persistent dans leur refus de retirer la signature de la France au bas du traité constitutionnel libéral, et d'intervenir en faveur de l'abandon définitif de la directive Bolkestein, de la directive sur le " temps de travail " et des orientations néolibérales de Bruxelles.
Ils demeurent les chantres fidèles de la " concurrence libre et non faussée ", du carcan du Pacte de stabilité, des options de Lisbonne et de l'omnipotence de la Banque Centrale Européenne, dans une Europe en panne de croissance, en panne de budget et en crise.
Bien évidemment, la situation de l'emploi dans la zone euro en est considérablement dégradée. Et c'est notamment le cas en France où cette question constitue l'enjeu majeur de société.
Les Français ne sont pas dupes du Premier Ministre qui prétend avoir réglé en trois mois, avec les mêmes ingrédients que son prédécesseur, une situation de l'emploi qu'ils ont conjointement fait progresser de 230 000 chômeurs en trois ans.
29 000 emplois industriels ont été détruits au 1er trimestre 2005, et 16 000 le trimestre précédent. Plus de 50 000 défaillances d'entreprises se seront produites en 2005, c'est la première fois depuis 1998.
Tous secteurs confondus, l'emploi privé a reculé de 6 100 postes au 2ème trimestre 2005, et les services ne sont plus en capacité de combler les pertes de l'industrie saignée à blanc. Industrie qui, d'après l'INSEE, perdra une moyenne de 13 500 emplois par an dans les prochaines années.
La politique d'exonération des cotisations sociales patronales est en échec, sans effet avéré sur l'emploi. Et l'investissement ne suit pas : en 2003, le patronat promettait une hausse de 2 % de ses investissements. Il les a diminués de 6 %. En 2004, il promettait 6 % mais les investissements sont restés à O, et on redoute en 2005 un désinvestissement général.
Les délocalisations, analysées par le rapport Arthuis, paru fin juin mais vite oublié, font redouter pour la seule période de 2006 à 2010, " une délocalisation de 202 000 emplois pour les seuls services, soit 22 % de la création nette d'emploi salarié des cinq dernières années."
Cependant, le patronat ne s'en cache pas, il entend continuer de licencier vite et fort ! " C'est par davantage de fluidité sur le marché du travail que l'on parviendra à réduire le chômage " déclare Florence Parisot qui dénonce le Code du Travail et prétend qu'il " ne fait qu'ajouter des délais, une souffrance et des coûts dont on pourrait se passer." Difficile d'être plus clair et plus cynique !
C'est donc une véritable hécatombe qui s'abat sur l'emploi stable, industriel ou de service.
Que dire par exemple de la vague impressionnante de suppressions de postes dans le secteur des hautes technologies, de l'informatique et de la communication dont on nous prédisait voilà 25 ans, qu'il se substituerait à la sidérurgie ou au textile : 10 000 postes sautent chez Sony, 12 000 chez IBM dont 770 en France, 721 chez Cegetel, , 1 000 à la STMicroélectronics, 580 prévus chez Philips, 1 240 chez Hewlett Packard où le gouvernement fait la démonstration de son impuissance à contester la souveraineté actionnariale tandis que l'Europe libérale s'en lave les mains. Et combien d'autres sont encore à venir ?
Les emplois des filières électronique et informatique en France, ont été divisés par deux depuis cinq ans passant de 240 000 à 120 000 ; et on s'achemine vers une nouvelle division par deux qui n'épargnera personne, de l'ouvrier à l'ingénieur.
Le devenir de l'industrie française qui emploie encore 6 millions de salariés, renvoie aux mêmes questions de fond. On est à la croisée des chemins et la situation appelle des décisions audacieuses. Mais des décisions qui tiennent compte aussi du fait que l'emploi, ce n'est pas simplement productivité - profits, et qu'il y a une dimension sociale incontournable que l'entreprise et l'Etat se doivent d'assumer. Il faut en finir avec cette conception court-termiste de l'économie et de la société.
Dans la société française, la part des ménages au sein desquels personne n'occupe un emploi a doublé en 25 ans, et pratiquement triplé pour les foyers monoparentaux, passant de 9 à près de 26 %. C'est à ces situations qu'il faut résolument s'attaquer.
Or, redisons-le avec force : les moyens existent dans notre pays, de mettre en uvre une véritable politique de l'emploi, de promouvoir et c'est le plus urgent, le travail qualifié, de relancer la croissance qui atteindra peut-être 1,3 % en 2005, alors qu'il faudrait au moins 3 % pour freiner durablement la progression du chômage.
L'échec des politiques économiques actuelles et de recettes appliquées sans défaillir ou presque depuis 20 ans par les pouvoirs successifs, exige de rompre sur le fond, avec la logique ultralibérale et de faire émerger un véritable droit d'ingérence des salariés dans la gestion des entreprises.
Revaloriser les salaires ; revenir sur les exonérations des cotisations sociales patronales ; plafonner, par exemple à 5 % des effectifs d'une entreprise, le salariat précaire ; resserrer les cas de recours au contrat à durée déterminée ; briser l'indépendance de la Banque Centrale Européenne et réformer une politique du crédit souvent deux ou trois fois plus favorable aux mouvements financiers qu'à la création d'activitévoilà quelques unes des mesures de fond qu'appelle une authentique politique de création d'emplois et de relance de l'économie.
Développer un pôle public financier autour de la Caisse des dépôts et de la Poste, appuyer l'intervention des fonds régionaux pour l'emploi et la formation, sur un fond national doté des milliards affectés aux exonérations sociales patronales, donnerait les moyens budgétaires de cet élan.
D'autant que pourraient s'ajouter à ces mesures comme nous le proposons aussi, une réforme de la fiscalité de l'entreprise pénalisant la spéculation boursière et financière, et soutenant les investissements créateurs d'activité et les entreprises favorisant l'emploi, la formation et la promotion des salariés.
Enfin, cette politique nouvelle exigerait d'en finir avec la compression des dépenses publiques pour la recherche, l'éducation ou la santé ; de stopper les privatisations et de développer au contraire, le secteur public en renouvelant son champ d'intervention, par exemple pour l'eau.
On est très loin du compte avec ce gouvernement. Et la vérité de cette rentrée, c'est que droite et patronat malgré l'accumulation des profits et les gains de productivité, refusent prioritairement de négocier et de s'engager sur les salaires.
" On ne peut pas donner ce qu'on n'a pas " clame la présidente du Medef en écho au Ministre de l'Economie qui dénonce une société vivant au-dessus de ses moyens. Un vrai scandale car ce n'est pas l'argent qui fait défaut dans une France plus riche que jamais.
De ce point de vue, Medefland, on y est ! Et les mois écoulés n'ont pas été avares en France de bonnes nouvelles pour l'actionnariat boursier. Les 57 milliards d'euros de profits enregistrés en 2004 par les entreprises du CAC 40, doublaient déjà les profits de 2003.
2005 n'est pas en reste puisque le premier semestre s'est traduit par une nouvelle forte hausse des résultats. La frénésie des dividendes est à son comble. On envisage 75 milliards d'euros de bénéfices pour les entreprises du CAC 40.
L'indice boursier global atteignait, au cur de l'été, " son plus haut niveau depuis trois ans ! ".
Stagnation voire régression des rémunérations et plans de restructuration nourrissent cette explosion où se distinguent France Telecom, Renault, Alcatel, Arcelor numéro 2 mondial de l'acier qui double son bénéfice net, ou BNP Paribas avec 1,5 milliard de bénéfice dans ces 6 premiers mois et Natexis banque populaire (+ 47 % en 6 mois)... Tout cela pour n'en citer que quelques uns.
TOTAL et les compagnies pétrolières ont montré que l'on peut faire beaucoup mieux avec, pour le groupe français, un bénéfice semestriel en hausse de 44 % sur 2004 : plus d'un milliard par mois !
1,5 million d'euros par heure, c'est le rythme de profit d'un groupe dont les salariés en station-service pointent à 900 euros par mois, relevait La Tribune. Il est plus que temps de taxer ces fabuleux profits qu'on chiffre à 106 milliards de dollars pour les cinq grands groupes mondiaux du pétrole dont TOTAL.
Soit dit en passant, il est donc intolérable que le gouvernement demeure fermé à l'essentiel des attentes des principaux secteurs économiques touchés par la spéculation pétrolière, et aux doléances de millions de Français contraints de recourir à leur voiture ou de se chauffer au fioul, et de régler la note.
C'est pourquoi, en plus de la taxation des superprofits pétroliers, nous exigeons du gouvernement une répartition équitable de l'effort, en jouant sur la fiscalité indirecte (70 % du prix à la pompe). Trois Français sur quatre sont favorables à une véritable baisse des taxes. Il faudra bien que ce gouvernement et cette majorité entendent leur colère et répondent à leurs revendications.
Nos concitoyens vivent mal. Jamais d'ailleurs le moral n'a été aussi bas depuis 10 ans, et pour cause !
Si l'argent coule à flot, dans les mains d'une minorité, pour la majorité de notre peuple au contraire, il faut chaque jour se serrer la ceinture. Le pouvoir d'achat moyen a perdu de 5 à 6 % en trois ans. 50 % des salariés gagnent moins de 1 400 par mois ; 40 % gagnent à peine l'équivalent de 1,33 SMIC.
Les prix à la consommation augmentent vertigineusement. Les interventions démagogiques d'un Nicolas Sarkozy auprès de la grande distribution ont fait long feu. On vit le règne du hard-discount, c'est dire ! Les loyers explosent sous la pression de la spéculation immobilière. Et en un an, le budget " énergie " des foyers a augmenté de 12,5 %.
La question du pouvoir d'achat est donc une question centrale de cette rentrée. Un rapport de l'OCDE publié cet été souligne d'ailleurs que " le défi le plus immédiat à relever est celui du redressement de la demande intérieure ".
Dit clairement, un tel constat signifie que le refrain anti-salarial des dirigeants bruxellois et français, politiques ou patronaux, est sans crédibilité, et qu'il est prioritairement urgent que s'ouvrent à tous les niveaux, ces négociations que réclament le monde du travail et le mouvement syndical, pour la revalorisation des salaires, des grilles et des retraites.
Bernard Thibault le disait le 7 septembre à Lille : il est temps pour les salariés et les retraités de pouvoir passer à la caisse.
L'insécurité sociale tous azimuts que mettent en place gouvernement et patronat sera donc au banc des accusés de la journée de grèves et manifestations du 4 octobre. Le temps du mépris ça suffit. Les gens sont excédés des choix gouvernementaux. Ils veulent voir leur dignité respectée et la seule issue réside dans le rassemblement et dans les luttes ; dans la résistance et dans le renforcement de l'exigence populaire face à la guerre économique.
C'est pourquoi les parlementaires communistes et républicains consacreront tous leurs efforts au retentissement de cette journée nationale d'action, pour qu'elle témoigne avec force contre une politique qui ne vise rien moins que d'en finir avec le modèle social français.
A la casse de la Sécurité Sociale et du système de retraite par répartition déjà mise en oeuvre, le gouvernement veut ajouter de nouvelles restrictions.
Les annonces de ces dernières semaines, de possibles fermetures de 150 services de chirurgie hospitaliers, et du déremboursement de 221 médicaments font écho au déficit de l'ensemble des branches d'une Sécurité Sociale gérée plus que jamais au fil de l'eau. Plus des deux tiers des hôpitaux ont un budget dans le rouge. Vingt ans de maîtrise comptable des dépenses de santé ont abouti à une dégradation générale du dispositif issu de la Libération. Il faut donc faire du neuf en s'attaquant résolument à la question des recettes de la protection sociale et de la santé avec : la taxation des revenus spéculatifs, le développement d'une vraie politique de l'emploi, et une réforme de l'assiette des cotisations
Dans les débats de cette rentrée, nous ne manquerons pas de revenir sur l'ensemble de ces enjeux au moment où se met en place une nouvelle campagne de culpabilisation des médecins, des personnels soignants et des usagers, cheval de Troie d'un prochain tour de vis sur l'ensemble de la protection sociale et de la santé, et contre le secteur hospitalier.
Autre grande bataille de rentrée, celle que nécessite ainsi que nous l'avons écrit au Premier Ministre, la gravité de la crise du logement social, qui plus est après les terribles drames de cet été dont tout atteste qu'ils auraient pu, qu'ils auraient dû être évités.
Nous dénonçons en bloc : ces drames humains ; les mesures d'expulsions locatives mises en uvre par le Ministre de l'Intérieur ; le cynisme de responsables politiques qui comme Nicolas Sarkozy, dans les Hauts de Seine ou à Neuilly, entérinent les ventes à la découpe du patrimoine HLM, et le détournement de l'obligation de construction de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes.
Nous dénonçons aussi la nouvelle baisse du Livret A imposée par De Villepin au creux de l'été 2005, comme par Raffarin, deux ans plus tôt. Et, au-delà des mesures de dernière heure produites par Jean Louis Borloo, nous refusons et combattons l'insuffisance des moyens mobilisés pour la construction sociale et pour la maîtrise du foncier.
Il manque 600 000 logements en France, l'équivalent de deux années de construction.
Nous y reviendrons fermement dans le cadre de la rentrée pour que ces questions soient prioritairement inscrites à l'ordre du jour de nos travaux, tant pour l'adoption de mesures d'urgence et de financements pour la construction sociale, que pour débattre sur le fond, de nos propositions de création d'un service public national de l'habitat et de logement, et du gel des loyers.
Sous l'effet cumulé des politiques gouvernementales, européennes et de la mondialisation, il y a aujourd'hui un besoin urgent de rupture avec l'ultralibéralisme. Un besoin urgent de construire une alternative, productrice de progrès social durable, d'égalité, de citoyenneté, de fraternité des peuples et de paix.
Tout un monde, c'est évident ; mais un monde à des années-lumière de celui où les forces rassemblées du néolibéralisme prétendent assigner les peuples à résidence. Un monde où l'on ne découvrirait pas, après coup, qu'il suffisait de financer quelques balises pour prévenir toutes les populations menacées de l'imminence d'un tsunami, et sans doute éviter des dizaines de milliers de morts.
Un monde où l'on n'aurait pas à déplorer les crédits confisqués qui font d'une Nouvelle-Orléans une ville morte. Le pays soit disant le plus fort du monde, les Etats-Unis, s'est montré incapable de répondre à un tel drame ; et c'est à mettre en parallèle, toute proportion gardée, avec la tempête de l'hiver 2000 en France, et l'intervention du service public et d'EDF.
Ce n'est pas la loi des séries mais la loi du profit qui se trouve à l'origine des crashs successifs d'avions de ligne de cet été. Et tous ces drames renforcent les interrogations que porte chacun d'entre nous.
Où allons-nous ? Où va le monde ? Quelle société allons-nous léguer à nos enfants et petits-enfants ? Comment ces questions ne se poseraient-elles pas quand on sait que la population mondiale passée de 2 milliards en 1939 à 6,5 milliards aujourd'hui, atteindra les 9 milliards en 2050 ? Cette évolution impressionnante, est productrice d'enjeux nouveaux, de besoins exponentiels à satisfaire pour que chacun puisse se nourrir, se loger, se soigner, se former, s'épanouir et vivre en toute dignité.
Comment ne se poseraient-elles pas aussi, quand le rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), dénonce les retards des pays riches pour tenir les objectifs de réduction d'ici 2015, d'une extrême pauvreté qui en cinq ans, n'a pas cédé un pouce de terrain.
Comment ne se poseraient-elles pas enfin dans un monde où le plus grand marché est celui de la vente d'armes, ce qui implique plus que jamais, la réflexion et l'action pour le désarmement et pour la paix.
Oui, l'ensemble de ces constats signe bel et bien la faillite d'un système asservi à la loi du profit.
Les peuples de la planète et le peuple de France ont donc le plus urgent besoin de rompre des chaînes qui pèsent plus lourd et qui les contraignent toujours plus impitoyablement.
Et nous le sentons bien, cette exigence de rupture est désormais constamment au cur de la société française et du mouvement social. Ce mot de " rupture " est d'ailleurs dans tous les discours, au point d'être l'antienne de cette rentrée. On l'a entendu à la Baule comme on l'entend dans les interventions des dirigeants du Parti Socialiste. A nous de contribuer à préserver, en référence aux souffrances de nos concitoyens et à la crise du système, l'exigence inaliénable de dignité, de justice, de liberté et de vie fraternelle dont il est porteur !
Gouvernement et patronat n'entendent pas changer de cap, et restent déterminés à poursuivre leur fuite en avant pour tout compromettre de ce qui subsiste encore de décennies d'émancipation sociale ; d'élargissement de la démocratie, de la citoyenneté et des droits ; d'essors de la création et de la culture ; de diversification et d'enrichissement des atouts économiques et potentiels de recherche dont le secteur public a produit et rassemble les plus beaux fleurons, désormais assaillis de toute part.
Droite et patronat travaillent la société française sur l'ensemble de ces points qui constituent le cadre général d'une rentrée où nous voulons intervenir de façon plus présente et plus offensive, avec des propositions novatrices, rassembleuses, porteuses d'avancées utiles à nos concitoyens et à la jeunesse en répondant à leurs aspirations et aux exigences d'essor national.
Chers amis et camarades,
Dans ce contexte, des enjeux politiques émergent avec force, qui exigent de nous que nous intervenions sans complexes, dans le prolongement de l'élan donné par la campagne référendaire, la victoire du NON et le rayonnement de la Fête de l'Humanité.
Tout nous appelle à inscrire nos efforts, nos propositions au cur du mouvement social, en réponse aux difficultés imposées à nos concitoyens, et avec l'ambition non pas de composer mais de rompre avec le système en place. L'exemple de la situation allemande est là pour nous encourager à demeurer fidèles à ce positionnement lucide et rassembleur, seul à même aujourd'hui, en France et en Europe, de prendre en charge les aspirations les plus profondes des peuples, pour dépasser par le haut, c'est-à-dire par un progrès général de civilisation, les contradictions et les tares du système capitaliste.
Quand Jacques ATTALI publie une biographie qui fait de Karl MARX le penseur du XXIe siècle, ne soyons ni en retard ni en reste !
Nous pouvons être un élément moteur du rassemblement majoritaire et populaire qu'exige la résistance à la déferlante ultralibérale, à l'autoritarisme qui l'accompagne. Et nous avons un rôle essentiel à tenir dans le débat pour construire une perspective de changement qui soit un authentique chemin d'espoir pour les Français.
La concomitance de la rentrée parlementaire et de la journée d'action du 4 octobre sur l'emploi et les salaires doit permettre de donner, et nous y prendrons toute notre part, un nouvel élan aux luttes et au débat.
Soyons plus offensifs, plus percutants dans l'action au sein de nos assemblées respectives. Dénonçons plus fortement encore cette politique insupportable pour notre peuple. Faisons connaître et soutenir beaucoup plus largement nos propositions transformatrices.
Bref, soyons pleinement nous-mêmes, novateurs, ouverts, rassembleurs pour une France aux couleurs de la justice, aux couleurs de la citoyenneté retrouvée, aux couleurs du progrès et du bonheur partagés.
(Source http://www.groupe-communiste.assemblee-nationale.fr, le 29 septembre 2005)