Texte intégral
Madame la Ministre
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de me trouver aujourd'hui parmi vous.
C'est un grand honneur pour moi de rencontrer celles et ceux qui, jour après jour, s'engagent au service des plus démunis dans notre pays.
Tous ici, vous avez choisi de donner votre temps et votre énergie pour être aux côtés d'hommes, de femmes et d'enfants qui souffrent et qui parfois ont perdu espoir.
A travers votre engagement vous apportez une pierre essentielle à la cohésion de notre nation.
Pourtant, je sais que vous ne vous sentez pas toujours soutenus dans votre mission et que bien souvent vous avez l'impression de mener un combat isolé. Je sais aussi le découragement que vous ressentez parfois lorsque, dès les premiers grands froids, les mêmes situations d'urgence resurgissent d'année en année, avec aussi les mêmes insuffisances et les mêmes problèmes d'hébergement.
Aujourd'hui je suis venu vous dire que l'Etat sera à vos côtés pour vous permettre de mener à bien votre mission. Ensemble nous allons poursuivre et compléter la mise en oeuvre de la loi de 1998 qui a marqué un véritable tournant dans la lutte contre l'exclusion.
Cette réunion du Conseil national de lutte contre l'exclusion constitue une étape importante dans notre mobilisation commune.
J'ai voulu vous rencontrer personnellement parce que j'attache une importance toute particulière à ce que l'Etat reste garant de la solidarité.
C'est aussi la première fois que les partenaires sociaux s'associent à ce Conseil. Je tiens en particulier à remercier Mme Laurence PARISOT pour sa présence.
C'est une bonne nouvelle car, dans le combat qui nous réunit, nous avons besoin de toutes les énergies et de toutes les volontés.
1. Votre combat est essentiel pour notre pays.
Il est d'autant plus important que nous sommes confrontés à une situation difficile.
Nos entreprises doivent faire face à une concurrence internationale de plus en plus importante, qui en pousse certaines à se délocaliser là où la main d'oeuvre est moins chère.
Le chômage reste à un niveau trop élevé, frappant en particulier les jeunes, les femmes et les seniors. Perdre son emploi c'est souvent mettre en jeu les revenus d'une famille ; ne pas retrouver d'emploi, après de nombreux mois de recherche, c'est aussi perdre sa dignité, sa place dans la société.
De nouvelles divisions apparaissent, avec d'un côté, ceux qui ont une grande capacité d'adaptation, qui ont la force de relever des défis et qui s'en sortent et de l'autre, ceux qui sont plus éprouvés, qui n'ont pas les mêmes atouts et qui souvent restent au bord du chemin.
Je vois bien que face à ces difficultés la tentation existe de se replier sur l'indifférence et l'individualisme. Ce n'est pas acceptable, car il y a dans notre pays trop de situations de détresse et de souffrance pour nous résigner à l'inaction.
Nous l'avons vu avec les incendies récents qui ont coûté la vie à tant de personnes et d'enfants.
Nous le voyons chaque hiver, lorsque le froid tue des hommes et des femmes, qui sont sans abri et sans ressources.
Nous le voyons enfin avec la persistance de la pauvreté des enfants : un million d'enfants pauvres, ce n'est pas tolérable dans un pays qui est l'un des plus riches de la planète. Car cela veut dire des enfants qui sont en mauvaise santé, des enfants qui auront de graves difficultés à surmonter, notamment pendant leur scolarité. Cela veut dire des enfants qui n'auront pas les mêmes chances que les autres.
Ces situations vous les connaissez. Vous êtes souvent en première ligne pour faire face à l'urgence, pour aider ceux qui ont souvent tout perdu. Vous êtes à leurs côtés pour leur trouver un hébergement, leur apporter des soins, ou tout simplement pour être à leur écoute. Certains d'entre vous sont sur le terrain depuis plus de dix ans : ils ont vu ce qui s'améliorait, avec par exemple la baisse du taux de pauvreté. Mais chacun dans votre mission vous voyez aussi apparaître de nouvelles formes de précarité.
La précarité c'est une famille qui ne peut faire face à la perte d'un logement, ou qui est victime du surendettement.
Ce sont des femmes isolées qui doivent élever leur enfant et qui n'ont, dans le meilleur des cas, plus que leur famille pour les soutenir.
Ce sont des salariés à très faibles ressources, des travailleurs pauvres qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts ; des personnes qui ont un emploi épisodique mais qui dorment à l'hôtel, dans un camping, ou même parfois dans leur voiture parce qu'ils ne peuvent plus faire face à la hausse des loyers.
Ce sont ces personnes âgées qui peu à peu ont perdu tout lien social ou affectif et qui sont victimes de l'isolement.
Lutter contre l'exclusion et la précarité c'est donc une condition essentielle de la cohésion nationale. Car la peur de la précarité paralyse la société française. Elle alimente les inquiétudes des classes moyennes, qui craignent pour leur emploi, leur logement et leur pouvoir d'achat. Peu à peu la tentation du repli sur soi progresse, animée par la peur de l'avenir et le découragement chez certains de nos concitoyens. Peu à peu, des fractures apparaissent sur notre territoire, avec des quartiers qui concentrent toutes les difficultés, des écoles qui regroupent les élèves les moins armés pour la réussite scolaire et le développement, de nouvelles formes de discrimination.
Lutter contre l'exclusion c'est donc aussi renforcer la relation humaine et le lien social au sein de notre société. C'est redonner un souffle nouveau au vouloir vivre ensemble qui est au cur de notre idéal de fraternité.
Ensemble nous devons construire une France fraternelle, généreuse et solidaire, qui vient en aide à ceux qui ont eu moins de chance ;
Une France où la mixité sociale est acceptée et appliquée ;
Une France où l'ouverture à l'autre l'emporte sur la tentation du repli.
2. Pour construire cette France de la fraternité, chacun doit se mobiliser.
A. D'abord le Conseil National de Lutte contre l'Exclusion :
Vous êtes aujourd'hui une instance de référence, reconnue et écoutée par tous. Je tiens à saluer à cet égard le travail et l'engagement de votre Président, le sénateur Bernard SEILLIER. Vous êtes les partenaires privilégiés du gouvernement : chacun a ici en mémoire le rapport, présenté au Conseil économique et social, du père Joseph WRESINSKI et celui de Didier ROBERT et la prise de conscience qu'ils avaient suscitée en leur temps.
Aujourd'hui c'est un Conseil national de lutte contre l'exclusion renforcé qui se réunit, puisqu'il est désormais ouvert au Conseil Economique et Social, aux partenaires sociaux, aux caisses de sécurité sociale et aux organismes HLM. C'est l'expression d'une conviction forte que nous partageons tous : dans la lutte contre l'exclusion chacun doit prendre ses responsabilités.
Pour appuyer cette nouvelle dynamique le gouvernement souhaite renforcer vos moyens humains et matériels.
J'ai donc demandé à Jean-Louis BORLOO d'examiner, en liaison avec le président SEILLIER, les modalités de ce renforcement, pour le 1er janvier 2006.
Je souhaite par ailleurs que nous accélérions la création d'une maison de la Cohésion sociale regroupant le CNLE, le Conseil National pour l'insertion par l'activité économique et le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées.
Ces améliorations nous permettront de mettre en place une coopération renforcée entre le CNLE et les pouvoirs publics. Je sais que certains d'entre vous ont parfois l'impression de ne pas être suffisamment entendus. En retour, les administrations ont besoin d'être davantage nourrie de propositions et d'idées nouvelles.
Afin d'élargir notre espace de débat et d'échange je souhaite que le CNLE remette un rapport annuel au gouvernement à partir de l'année prochaine, sur le thème qu'il aura choisi. Quant aux conclusions des deux groupes de travail que vous avez constitués sur les thématiques de la prévention des situations d'exclusion et de la territorialisation des politiques d'exclusion, le gouvernement y sera particulièrement attentif.
Je souhaite également élargir le débat pour préparer la prochaine conférence nationale de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion, que je souhaite réunir au printemps 2006. Nous organiserons donc à partir de janvier 2006 une série de rencontres inter-régionales en amont afin que tous les acteurs locaux et les publics en difficulté puissent s'exprimer de manière simple et libre.
Ce débat doit être pour nous l'occasion d'ouvrir deux chantiers de réflexions majeurs :
Notre pays doit-il se fixer des objectifs chiffrés en matière de réduction de la pauvreté, par exemple la réduction de 25% la pauvreté monétaire d'ici fin 2007 ou la réduction du nombre d'enfants pauvres de 250 000 d'ici fin 2007 ?
La seconde question est à mes yeux la plus importante : comment définir le travail et l'activité pour les plus démunis ? L'élargissement de votre conseil aux partenaires sociaux doit être l'occasion pour nous tous de réfléchir à cette question cruciale. J'ai lu avec intérêt l'appel final du collectif " Alerte " du 26 mai dernier. Je suis convaincu que chaque individu possède un savoir-faire, un talent, qu'il est porteur d'un projet de vie. Nous devons tout mettre en oeuvre pour encourager et faciliter la réalisation de ce projet. Dans ce cadre, je demande à Jean-Louis BORLOO de prêter une attention toute particulière à la question de la validation des acquis de l'expérience.
Dans chacun de ces débats, nous devons être à l'écoute des personnes les plus fragiles, des personnes en rupture. Leur parole est essentielle pour améliorer nos procédures et nos actions. L'Etat soutiendra toutes les initiatives en la matière.
Au-delà de cette coopération, c'est une véritable relation de confiance que je veux nouer entre l'Etat et les associations. Je sais qu'aujourd'hui plusieurs questions vous préoccupent, qu'il s'agisse de la pérennité de vos budgets ou de la cohérence des actions engagées par l'Etat mais aussi de celles des collectivités locales. Sur chacun de ces points je veux vous apporter une réponse :
Sur la question des moyens, je m'engage à préserver les crédits de la lutte contre l'exclusion de toute régulation budgétaire. Alors que je viens de décider l'annulation de la moitié des crédits gelés pour l'ensemble de l'administration, c'est un effort considérable.
Afin de rendre plus efficace le partenariat entre l'Etat et les associations, nous devons réfléchir ensemble à la question de la coopération voire de la mutualisation des moyens des associations présents sur un même territoire. Les Chartes territoriales de cohésion sociale peuvent de ce point de vue être un excellent outil.
B. L'Etat jouera aussi tout son rôle, car je suis convaincu que la justice sociale doit être au cur de notre action.
Beaucoup a été fait depuis quelques années, sous l'impulsion du président Jacques CHIRAC.
Je tiens à saluer l'engagement et le combat de celui qui a ouvert dans notre pays la voie de l'action humanitaire d'urgence, Xavier EMMANUELLI. Il préside aujourd'hui le Haut comité pour le logement des plus défavorisés : ses avis me seront particulièrement précieux dans la mise en oeuvre du pacte d'engagement national pour le logement.
Je veux saluer également tous ceux qui depuis plus d'un an travaillent à l'application du plan de cohésion sociale, qui a constitué pour l'Etat un véritable effort de rattrapage dans la lutte contre l'exclusion.
Mais je souhaite désormais ouvrir une nouvelle étape, sur la base d'une conviction simple : le but de toute aide et de toute assistance c'est de favoriser le retour à l'emploi. Vous le savez, le souhait profond de ceux qui vivent aujourd'hui dans l'exclusion, c'est bien sûr de résoudre leurs problèmes les plus urgents et les plus immédiats. Mais c'est surtout de retrouver la fierté d'avoir une place dans la société et de reconstruire un projet de vie pour soi et pour sa famille.
La mobilisation pour l'emploi participe donc pleinement à la lutte contre l'exclusion.
Nous avons voulu apporter les réponses les plus adaptées à chaque situation, et notamment celle des personnes les plus éloignées de l'emploi, les chômeurs de longue durée ou les bénéficiaires de minimas sociaux.
Afin de leur faciliter le retour vers l'emploi, ils disposent d'ores et déjà d'une prime de 1000 euros qui permettra de faire face aux premières dépenses qu'implique la reprise d'une activité. J'ai d'ailleurs décidé d'étendre cette prime à tous les bénéficiaires de minimas sociaux. Elle sera complétée par une réforme du système de l'intéressement avec la mise en place d'une prime mensuelle forfaitaire.
Nous avons enfin donné un nouvel élan aux contrats aidés du plan de cohésion sociale, notamment le contrat d'avenir et le contrat d'accompagnement dans l'emploi, en les simplifiant largement et en majorant significativement la part prise en charge par l'Etat : 90% pour les CAE jeunes signés avant la fin de l'année, et 90% pour le premier semestre des contrats d'avenir.
Je souhaite également que dans notre dispositif d'aides sociales l'insertion soit davantage encouragée :
Nous avons un dispositif lourd et complexe, qui est le fruit de notre histoire. C'est un obstacle pour tous les professionnels du secteur social, pour vous qui vous engagez chaque jour auprès des personnes les plus éloignées de l'emploi.
L'intérêt financier à reprendre une activité n'est pas toujours évident : reprendre un emploi cela veut presque toujours dire renoncer à un certain nombre de prestations gratuites ; cela veut donc souvent dire perdre de l'argent.
Il y a enfin les abus et les fraudes : comme vous, je sais que ces comportements sont loin d'être la norme. Mais comme vous je sais aussi combien ils nuisent à l'ensemble du système et de sa crédibilité, ainsi qu'à l'effort de ceux qui se battent vraiment pour retrouver un emploi.
Pour aller vers une meilleure justice sociale nous devons redonner une cohérence d'ensemble à notre système. J'ai fait pour cela des choix clairs.
Le premier choix c'est de valoriser la reprise d'une activité : il doit être plus intéressant et plus facile dans notre pays de travailler plutôt que de vivre de l'assistance.
Nous disposons pour cela d'un outil précieux : la prime pour l'emploi.
Aujourd'hui elle est trop dispersée et donc trop faible pour devenir réellement incitative.
J'ai décidé d'en faire un véritable complément de rémunération : il sera versé chaque mois et sera considérablement augmenté pour les revenus les plus modestes, en particulier les personnes travaillant à temps partiel : 800 euros au niveau du SMIC au lieu de 500, cela représente une augmentation de près de 50%.
Le second choix que j'ai fait c'est celui de la responsabilité. Pour que notre système fonctionne il faut que chacun respecte l'équilibre des droits et des devoirs.
Le droit des personnes les plus démunies, c'est de bénéficier d'un accompagnement personnalisé qui leur permettre de revenir à l'emploi. J'ai donc demandé que tous les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique soient reçus individuellement par les services de l'ANPE avant le 31 décembre. Les parents isolés seront également reçus par les Caisses d'allocations familiales et par l'ANPE : ils bénéficieront d'une priorité d'accès aux crèches. Je veux également m'assurer auprès des départements que les titulaires du RMI bénéficient eux aussi de cet accompagnement, y compris dans les premiers mois de la reprise d'emploi.
Les devoirs c'est de respecter les règles et les engagements. Le contrôle des fraudes et des abus sera donc renforcé, notamment contre ceux qui pratiquent une activité illégale tout en touchant un revenu d'assistance. Toute fraude entraînera une suspension immédiate des droits à prestation. Je souhaite aussi que la loi s'applique à ceux qui ne se rendent pas à une convocation ou qui refusent à plusieurs reprises un contrat ou une offre de formation.
Au-delà de ces choix, nous devons consolider l'avenir de notre système de solidarité à travers deux reformes essentielles :
* La réforme des droits connexes. Les prestations qui relèvent de l'Etat comme la redevance audiovisuelle ou la prise en charge de la taxe d'habitation devront être attribuées en fonction du niveau de revenu et non en fonction du statut.
Je souhaite enfin engager une discussion avec les présidents de Conseils Généraux sur la pertinence d'un rapprochement du RMI, de l'allocation de solidarité spécifique et de l'allocation parent isolé. Nous avons évidemment besoin de davantage de simplicité, mais nous devons également veiller à préserver les intérêts de tous les titulaires.
Dans l'urgence et face aux crises, vous pourrez compter sur un Etat réactif et solidaire.
Aujourd'hui l'urgence pour beaucoup de Français c'est le logement :
Après les incendies de ces dernières semaines nous avons pris une série de mesures qui permettront d'améliorer la situation dans les deux ans à venir :
J'ai décidé d'utiliser des bâtiments collectifs inutilisés afin de les transformer en résidences hôtelières à destination de ménages modestes : 5000 places seront ainsi créées en deux ans. L'Etat va également mobiliser et réquisitionner s'il le faut des terrains pour permettre à la SONACOTRA de réaliser 5000 logements d'urgence d'ici à la fin 2006.
J'ai par ailleurs débloqué 50 millions d'euros pour permettre aux gestionnaires de structures d'hébergement collectifs de procéder à la remise aux normes de sécurité lorsque ce n'est pas encore le cas.
L'ordonnance sur l'habitat indigne prévue dans la loi de cohésion sociale et qui permettra d'accélérer le traitement des immeubles insalubres ou dangereux sera présentée au Conseil des Ministres avant la fin octobre.
J'entends enfin lancer un vaste plan de lutte contre le saturnisme pour que plus aucun enfant ne soit intoxiqué par le plomb dans notre pays. Je demande des mesures immédiates au ministre du logement.
En ce qui concerne le logement social j'ai demandé à Jean-Louis BORLOO de mettre en oeuvre un pacte national : afin de tenir les engagements du plan de cohésion sociale, l'Etat s'engage à verser très rapidement aux organismes HLM les sommes dues pour les nouvelles constructions. Nous fixerons également des objectifs quantifiés de libération de terrains publics qui seront affectés à la construction de logements, notamment sociaux. J'ai enfin demandé à Jean-Louis BORLOO d'étudier la possibilité de fixer une part de logement intermédiaire et de logements sociaux dans chaque construction nouvelle.
Sur un certain nombre de questions qui vous préoccupent tout particulièrement j'ai décidé, sans attendre le prochain comité interministériel, quatre mesures concrètes.
Il n'est pas acceptable que des familles puissent se voir couper l'électricité pendant l'hiver parce qu'elles n'ont pas les moyens de payer leur facture EDF. Les dispositions législatives appropriées seront prises.
En ce qui concerne l'accès à la santé, l'Etat doit accroître ses efforts pour que personne ne renonce à des soins pour des raisons financières. C'est pourquoi, j'ai demandé à Xavier BERTRAND d'augmenter le montant de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé dès le début de l'année prochaine.
Pour avoir une place dans la société, pour avoir une vraie perspective d'insertion, il est indispensable d'avoir accès au service bancaire. Je souhaite donc qu'un service bancaire universel soit mis sur pied dans les plus brefs délais afin qu'en 2006 les personnes les plus démunies puissent toutes avoir un compte en banque et qu'elles bénéficient d'un accompagnement personnalisé. Je demande à Thierry BRETON, Jean-Louis BORLOO et Catherine VAUTRIN de me faire des propositions pour lutter contre l'exclusion financière et pour développer l'accès au crédit.
Je veux que soit mis en place, dans les procédures de surendettement, un accompagnement systématique des familles en lien avec les CAF, les Conseils généraux et les associations de consommateurs. Cette mesure doit s'appliquer pour tous les dossiers passés en commission de surendettement.
Dans les sujets d'actualité, je sais qu'un certain nombre d'entre vous sont inquiets pour l'avenir du programme européen d'aide alimentaire aux plus démunis, le PEAD. Ce programme est un outil de solidarité indispensable qui donne du cur à l'Europe. Depuis deux ans, le France discute avec ses partenaires d'une réévaluation de ce programme. Je tiens à vous assurer que mon Gouvernement maintiendra et intensifiera ses efforts pour aboutir à un accord.
Le rôle de l'Etat c'est aussi d'impulser, d'innover et d'évaluer.
Certains d'entre vous ont exprimé des inquiétudes au sujet de la décentralisation et du transfert aux collectivités locales d'un certain nombre de compétences essentielles dans le domaine social.
Je veux vous rassurer sur ce point : l'Etat continuera à veiller sur l'égalité territoriale et sur la justice sociale.
Cela suppose que nous renforcions nos capacités d'évaluation en termes de coûts et de résultats des politiques mises en oeuvre au niveau local.
Dans le cadre de la réforme de l'Etat je souhaite donc définir de nouveaux instruments d'évaluation de l'efficacité publique. Je serai très attentif aux propositions que vous me ferez dans ce domaine.
Pour rester le garant de la cohésion nationale dans notre pays, l'Etat doit retrouver toute sa capacité à inventer de nouvelles politiques publiques et à en assurer l'application.
Il doit favoriser les expérimentations locales qui méritent souvent d'être étendues au niveau national.
Repérer les bonnes pratiques, cela suppose aussi de regarder ce que font nos voisins, ou d'autres pays en matière de politique sociale. Pourquoi ne pas nous inspirer de ce qui marche et qui a fait ses preuves ?
Mais inventer, rester à la pointe de l'innovation sociale, cela suppose d'être en dehors des contraintes de gestion qui sont celles des administrations locales et centrales.
C'est pourquoi j'ai décidé de transformer la Délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie solidaire en Délégation interministérielle à l'innovation et l'expérimentation sociale. Elle sera directement rattachée à Jean-Louis BORLOO et Catherine VAUTRIN. Les missions actuelles de la DIIES en ce qui concerne la vie associative resteront auprès de Jean-François LAMOUR :
La nouvelle délégation sera une structure légère, elle aurait pour mission de rassembler les pratiques les plus innovantes et efficaces en France mais aussi à l'étranger et de définir les conditions de leur application.
La délégation devra également accompagner les grands chantiers décidés par le gouvernement, qu'il s'agisse de la réforme des minimas sociaux, la mise en place des chartes territoriales de cohésion sociale ou bien encore le développement du micro-crédit.
Elle travaillera en étroite relation avec le CNLE pour contribuer à vos travaux.
Je souhaite que ce nouvel outil de l'Etat puisse être opérationnel début 2006.
Je propose également la création dès 2006 d'un fonds départemental d'innovation et d'expérimentation sociale doté de 20 millions d'euros. Géré par les Préfets et les Directions départementales des affaires sociales, il permettra de soutenir les innovations locales et de favoriser, par le biais d'appels à projet, aussi bien le développement du micro-crédit, que la création du guichet unique d'accueil, la mise en réseau d'acteurs sur un territoire ou bien de soutenir des démarches d'évaluation.
Enfin, afin que l'action de l'Etat gagne en cohérence, nous allons créer, en 2006 et dans le cadre de la réforme budgétaire et de la LOLF un document de politique transversale consacré à la lutte contre l'exclusion. Nous pourrons ensuite aller plus loin en recensant les actions des collectivités locales et des associations.
Mesdames, Messieurs,
Vous pouvez compter sur l'engagement déterminé de l'Etat à vos côtés : un Etat au service de l'intérêt général, de la cohésion sociale et d'un projet collectif. C'est l'idée que je me fais du rôle des pouvoirs publics et de l'administration.
A vous tous qui avez fait le choix de consacrer votre temps et votre énergie à ceux qui en ont le plus besoin je veux vous dire que votre travail est essentiel et que nous vous soutiendrons. Aux partenaires sociaux qui sont désormais membres du Conseil National de Lutte contre l'exclusion je voudrais dire qu'ils ont un rôle important à jouer. Vous êtes au cur de l'activité économique et sociale de notre pays. Vous connaissez mieux que quiconque les blocages de notre société.
La politique de lutte contre l'exclusion a été trop longtemps une politique publique de plus, à côté des autres. Pour moi, elle est au cur des missions de l'Etat, elle doit être le meilleur témoignage de notre volonté nationale de donner une place à chacun, une chance à chacun.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 septembre 2005)
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de me trouver aujourd'hui parmi vous.
C'est un grand honneur pour moi de rencontrer celles et ceux qui, jour après jour, s'engagent au service des plus démunis dans notre pays.
Tous ici, vous avez choisi de donner votre temps et votre énergie pour être aux côtés d'hommes, de femmes et d'enfants qui souffrent et qui parfois ont perdu espoir.
A travers votre engagement vous apportez une pierre essentielle à la cohésion de notre nation.
Pourtant, je sais que vous ne vous sentez pas toujours soutenus dans votre mission et que bien souvent vous avez l'impression de mener un combat isolé. Je sais aussi le découragement que vous ressentez parfois lorsque, dès les premiers grands froids, les mêmes situations d'urgence resurgissent d'année en année, avec aussi les mêmes insuffisances et les mêmes problèmes d'hébergement.
Aujourd'hui je suis venu vous dire que l'Etat sera à vos côtés pour vous permettre de mener à bien votre mission. Ensemble nous allons poursuivre et compléter la mise en oeuvre de la loi de 1998 qui a marqué un véritable tournant dans la lutte contre l'exclusion.
Cette réunion du Conseil national de lutte contre l'exclusion constitue une étape importante dans notre mobilisation commune.
J'ai voulu vous rencontrer personnellement parce que j'attache une importance toute particulière à ce que l'Etat reste garant de la solidarité.
C'est aussi la première fois que les partenaires sociaux s'associent à ce Conseil. Je tiens en particulier à remercier Mme Laurence PARISOT pour sa présence.
C'est une bonne nouvelle car, dans le combat qui nous réunit, nous avons besoin de toutes les énergies et de toutes les volontés.
1. Votre combat est essentiel pour notre pays.
Il est d'autant plus important que nous sommes confrontés à une situation difficile.
Nos entreprises doivent faire face à une concurrence internationale de plus en plus importante, qui en pousse certaines à se délocaliser là où la main d'oeuvre est moins chère.
Le chômage reste à un niveau trop élevé, frappant en particulier les jeunes, les femmes et les seniors. Perdre son emploi c'est souvent mettre en jeu les revenus d'une famille ; ne pas retrouver d'emploi, après de nombreux mois de recherche, c'est aussi perdre sa dignité, sa place dans la société.
De nouvelles divisions apparaissent, avec d'un côté, ceux qui ont une grande capacité d'adaptation, qui ont la force de relever des défis et qui s'en sortent et de l'autre, ceux qui sont plus éprouvés, qui n'ont pas les mêmes atouts et qui souvent restent au bord du chemin.
Je vois bien que face à ces difficultés la tentation existe de se replier sur l'indifférence et l'individualisme. Ce n'est pas acceptable, car il y a dans notre pays trop de situations de détresse et de souffrance pour nous résigner à l'inaction.
Nous l'avons vu avec les incendies récents qui ont coûté la vie à tant de personnes et d'enfants.
Nous le voyons chaque hiver, lorsque le froid tue des hommes et des femmes, qui sont sans abri et sans ressources.
Nous le voyons enfin avec la persistance de la pauvreté des enfants : un million d'enfants pauvres, ce n'est pas tolérable dans un pays qui est l'un des plus riches de la planète. Car cela veut dire des enfants qui sont en mauvaise santé, des enfants qui auront de graves difficultés à surmonter, notamment pendant leur scolarité. Cela veut dire des enfants qui n'auront pas les mêmes chances que les autres.
Ces situations vous les connaissez. Vous êtes souvent en première ligne pour faire face à l'urgence, pour aider ceux qui ont souvent tout perdu. Vous êtes à leurs côtés pour leur trouver un hébergement, leur apporter des soins, ou tout simplement pour être à leur écoute. Certains d'entre vous sont sur le terrain depuis plus de dix ans : ils ont vu ce qui s'améliorait, avec par exemple la baisse du taux de pauvreté. Mais chacun dans votre mission vous voyez aussi apparaître de nouvelles formes de précarité.
La précarité c'est une famille qui ne peut faire face à la perte d'un logement, ou qui est victime du surendettement.
Ce sont des femmes isolées qui doivent élever leur enfant et qui n'ont, dans le meilleur des cas, plus que leur famille pour les soutenir.
Ce sont des salariés à très faibles ressources, des travailleurs pauvres qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts ; des personnes qui ont un emploi épisodique mais qui dorment à l'hôtel, dans un camping, ou même parfois dans leur voiture parce qu'ils ne peuvent plus faire face à la hausse des loyers.
Ce sont ces personnes âgées qui peu à peu ont perdu tout lien social ou affectif et qui sont victimes de l'isolement.
Lutter contre l'exclusion et la précarité c'est donc une condition essentielle de la cohésion nationale. Car la peur de la précarité paralyse la société française. Elle alimente les inquiétudes des classes moyennes, qui craignent pour leur emploi, leur logement et leur pouvoir d'achat. Peu à peu la tentation du repli sur soi progresse, animée par la peur de l'avenir et le découragement chez certains de nos concitoyens. Peu à peu, des fractures apparaissent sur notre territoire, avec des quartiers qui concentrent toutes les difficultés, des écoles qui regroupent les élèves les moins armés pour la réussite scolaire et le développement, de nouvelles formes de discrimination.
Lutter contre l'exclusion c'est donc aussi renforcer la relation humaine et le lien social au sein de notre société. C'est redonner un souffle nouveau au vouloir vivre ensemble qui est au cur de notre idéal de fraternité.
Ensemble nous devons construire une France fraternelle, généreuse et solidaire, qui vient en aide à ceux qui ont eu moins de chance ;
Une France où la mixité sociale est acceptée et appliquée ;
Une France où l'ouverture à l'autre l'emporte sur la tentation du repli.
2. Pour construire cette France de la fraternité, chacun doit se mobiliser.
A. D'abord le Conseil National de Lutte contre l'Exclusion :
Vous êtes aujourd'hui une instance de référence, reconnue et écoutée par tous. Je tiens à saluer à cet égard le travail et l'engagement de votre Président, le sénateur Bernard SEILLIER. Vous êtes les partenaires privilégiés du gouvernement : chacun a ici en mémoire le rapport, présenté au Conseil économique et social, du père Joseph WRESINSKI et celui de Didier ROBERT et la prise de conscience qu'ils avaient suscitée en leur temps.
Aujourd'hui c'est un Conseil national de lutte contre l'exclusion renforcé qui se réunit, puisqu'il est désormais ouvert au Conseil Economique et Social, aux partenaires sociaux, aux caisses de sécurité sociale et aux organismes HLM. C'est l'expression d'une conviction forte que nous partageons tous : dans la lutte contre l'exclusion chacun doit prendre ses responsabilités.
Pour appuyer cette nouvelle dynamique le gouvernement souhaite renforcer vos moyens humains et matériels.
J'ai donc demandé à Jean-Louis BORLOO d'examiner, en liaison avec le président SEILLIER, les modalités de ce renforcement, pour le 1er janvier 2006.
Je souhaite par ailleurs que nous accélérions la création d'une maison de la Cohésion sociale regroupant le CNLE, le Conseil National pour l'insertion par l'activité économique et le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées.
Ces améliorations nous permettront de mettre en place une coopération renforcée entre le CNLE et les pouvoirs publics. Je sais que certains d'entre vous ont parfois l'impression de ne pas être suffisamment entendus. En retour, les administrations ont besoin d'être davantage nourrie de propositions et d'idées nouvelles.
Afin d'élargir notre espace de débat et d'échange je souhaite que le CNLE remette un rapport annuel au gouvernement à partir de l'année prochaine, sur le thème qu'il aura choisi. Quant aux conclusions des deux groupes de travail que vous avez constitués sur les thématiques de la prévention des situations d'exclusion et de la territorialisation des politiques d'exclusion, le gouvernement y sera particulièrement attentif.
Je souhaite également élargir le débat pour préparer la prochaine conférence nationale de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion, que je souhaite réunir au printemps 2006. Nous organiserons donc à partir de janvier 2006 une série de rencontres inter-régionales en amont afin que tous les acteurs locaux et les publics en difficulté puissent s'exprimer de manière simple et libre.
Ce débat doit être pour nous l'occasion d'ouvrir deux chantiers de réflexions majeurs :
Notre pays doit-il se fixer des objectifs chiffrés en matière de réduction de la pauvreté, par exemple la réduction de 25% la pauvreté monétaire d'ici fin 2007 ou la réduction du nombre d'enfants pauvres de 250 000 d'ici fin 2007 ?
La seconde question est à mes yeux la plus importante : comment définir le travail et l'activité pour les plus démunis ? L'élargissement de votre conseil aux partenaires sociaux doit être l'occasion pour nous tous de réfléchir à cette question cruciale. J'ai lu avec intérêt l'appel final du collectif " Alerte " du 26 mai dernier. Je suis convaincu que chaque individu possède un savoir-faire, un talent, qu'il est porteur d'un projet de vie. Nous devons tout mettre en oeuvre pour encourager et faciliter la réalisation de ce projet. Dans ce cadre, je demande à Jean-Louis BORLOO de prêter une attention toute particulière à la question de la validation des acquis de l'expérience.
Dans chacun de ces débats, nous devons être à l'écoute des personnes les plus fragiles, des personnes en rupture. Leur parole est essentielle pour améliorer nos procédures et nos actions. L'Etat soutiendra toutes les initiatives en la matière.
Au-delà de cette coopération, c'est une véritable relation de confiance que je veux nouer entre l'Etat et les associations. Je sais qu'aujourd'hui plusieurs questions vous préoccupent, qu'il s'agisse de la pérennité de vos budgets ou de la cohérence des actions engagées par l'Etat mais aussi de celles des collectivités locales. Sur chacun de ces points je veux vous apporter une réponse :
Sur la question des moyens, je m'engage à préserver les crédits de la lutte contre l'exclusion de toute régulation budgétaire. Alors que je viens de décider l'annulation de la moitié des crédits gelés pour l'ensemble de l'administration, c'est un effort considérable.
Afin de rendre plus efficace le partenariat entre l'Etat et les associations, nous devons réfléchir ensemble à la question de la coopération voire de la mutualisation des moyens des associations présents sur un même territoire. Les Chartes territoriales de cohésion sociale peuvent de ce point de vue être un excellent outil.
B. L'Etat jouera aussi tout son rôle, car je suis convaincu que la justice sociale doit être au cur de notre action.
Beaucoup a été fait depuis quelques années, sous l'impulsion du président Jacques CHIRAC.
Je tiens à saluer l'engagement et le combat de celui qui a ouvert dans notre pays la voie de l'action humanitaire d'urgence, Xavier EMMANUELLI. Il préside aujourd'hui le Haut comité pour le logement des plus défavorisés : ses avis me seront particulièrement précieux dans la mise en oeuvre du pacte d'engagement national pour le logement.
Je veux saluer également tous ceux qui depuis plus d'un an travaillent à l'application du plan de cohésion sociale, qui a constitué pour l'Etat un véritable effort de rattrapage dans la lutte contre l'exclusion.
Mais je souhaite désormais ouvrir une nouvelle étape, sur la base d'une conviction simple : le but de toute aide et de toute assistance c'est de favoriser le retour à l'emploi. Vous le savez, le souhait profond de ceux qui vivent aujourd'hui dans l'exclusion, c'est bien sûr de résoudre leurs problèmes les plus urgents et les plus immédiats. Mais c'est surtout de retrouver la fierté d'avoir une place dans la société et de reconstruire un projet de vie pour soi et pour sa famille.
La mobilisation pour l'emploi participe donc pleinement à la lutte contre l'exclusion.
Nous avons voulu apporter les réponses les plus adaptées à chaque situation, et notamment celle des personnes les plus éloignées de l'emploi, les chômeurs de longue durée ou les bénéficiaires de minimas sociaux.
Afin de leur faciliter le retour vers l'emploi, ils disposent d'ores et déjà d'une prime de 1000 euros qui permettra de faire face aux premières dépenses qu'implique la reprise d'une activité. J'ai d'ailleurs décidé d'étendre cette prime à tous les bénéficiaires de minimas sociaux. Elle sera complétée par une réforme du système de l'intéressement avec la mise en place d'une prime mensuelle forfaitaire.
Nous avons enfin donné un nouvel élan aux contrats aidés du plan de cohésion sociale, notamment le contrat d'avenir et le contrat d'accompagnement dans l'emploi, en les simplifiant largement et en majorant significativement la part prise en charge par l'Etat : 90% pour les CAE jeunes signés avant la fin de l'année, et 90% pour le premier semestre des contrats d'avenir.
Je souhaite également que dans notre dispositif d'aides sociales l'insertion soit davantage encouragée :
Nous avons un dispositif lourd et complexe, qui est le fruit de notre histoire. C'est un obstacle pour tous les professionnels du secteur social, pour vous qui vous engagez chaque jour auprès des personnes les plus éloignées de l'emploi.
L'intérêt financier à reprendre une activité n'est pas toujours évident : reprendre un emploi cela veut presque toujours dire renoncer à un certain nombre de prestations gratuites ; cela veut donc souvent dire perdre de l'argent.
Il y a enfin les abus et les fraudes : comme vous, je sais que ces comportements sont loin d'être la norme. Mais comme vous je sais aussi combien ils nuisent à l'ensemble du système et de sa crédibilité, ainsi qu'à l'effort de ceux qui se battent vraiment pour retrouver un emploi.
Pour aller vers une meilleure justice sociale nous devons redonner une cohérence d'ensemble à notre système. J'ai fait pour cela des choix clairs.
Le premier choix c'est de valoriser la reprise d'une activité : il doit être plus intéressant et plus facile dans notre pays de travailler plutôt que de vivre de l'assistance.
Nous disposons pour cela d'un outil précieux : la prime pour l'emploi.
Aujourd'hui elle est trop dispersée et donc trop faible pour devenir réellement incitative.
J'ai décidé d'en faire un véritable complément de rémunération : il sera versé chaque mois et sera considérablement augmenté pour les revenus les plus modestes, en particulier les personnes travaillant à temps partiel : 800 euros au niveau du SMIC au lieu de 500, cela représente une augmentation de près de 50%.
Le second choix que j'ai fait c'est celui de la responsabilité. Pour que notre système fonctionne il faut que chacun respecte l'équilibre des droits et des devoirs.
Le droit des personnes les plus démunies, c'est de bénéficier d'un accompagnement personnalisé qui leur permettre de revenir à l'emploi. J'ai donc demandé que tous les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique soient reçus individuellement par les services de l'ANPE avant le 31 décembre. Les parents isolés seront également reçus par les Caisses d'allocations familiales et par l'ANPE : ils bénéficieront d'une priorité d'accès aux crèches. Je veux également m'assurer auprès des départements que les titulaires du RMI bénéficient eux aussi de cet accompagnement, y compris dans les premiers mois de la reprise d'emploi.
Les devoirs c'est de respecter les règles et les engagements. Le contrôle des fraudes et des abus sera donc renforcé, notamment contre ceux qui pratiquent une activité illégale tout en touchant un revenu d'assistance. Toute fraude entraînera une suspension immédiate des droits à prestation. Je souhaite aussi que la loi s'applique à ceux qui ne se rendent pas à une convocation ou qui refusent à plusieurs reprises un contrat ou une offre de formation.
Au-delà de ces choix, nous devons consolider l'avenir de notre système de solidarité à travers deux reformes essentielles :
* La réforme des droits connexes. Les prestations qui relèvent de l'Etat comme la redevance audiovisuelle ou la prise en charge de la taxe d'habitation devront être attribuées en fonction du niveau de revenu et non en fonction du statut.
Je souhaite enfin engager une discussion avec les présidents de Conseils Généraux sur la pertinence d'un rapprochement du RMI, de l'allocation de solidarité spécifique et de l'allocation parent isolé. Nous avons évidemment besoin de davantage de simplicité, mais nous devons également veiller à préserver les intérêts de tous les titulaires.
Dans l'urgence et face aux crises, vous pourrez compter sur un Etat réactif et solidaire.
Aujourd'hui l'urgence pour beaucoup de Français c'est le logement :
Après les incendies de ces dernières semaines nous avons pris une série de mesures qui permettront d'améliorer la situation dans les deux ans à venir :
J'ai décidé d'utiliser des bâtiments collectifs inutilisés afin de les transformer en résidences hôtelières à destination de ménages modestes : 5000 places seront ainsi créées en deux ans. L'Etat va également mobiliser et réquisitionner s'il le faut des terrains pour permettre à la SONACOTRA de réaliser 5000 logements d'urgence d'ici à la fin 2006.
J'ai par ailleurs débloqué 50 millions d'euros pour permettre aux gestionnaires de structures d'hébergement collectifs de procéder à la remise aux normes de sécurité lorsque ce n'est pas encore le cas.
L'ordonnance sur l'habitat indigne prévue dans la loi de cohésion sociale et qui permettra d'accélérer le traitement des immeubles insalubres ou dangereux sera présentée au Conseil des Ministres avant la fin octobre.
J'entends enfin lancer un vaste plan de lutte contre le saturnisme pour que plus aucun enfant ne soit intoxiqué par le plomb dans notre pays. Je demande des mesures immédiates au ministre du logement.
En ce qui concerne le logement social j'ai demandé à Jean-Louis BORLOO de mettre en oeuvre un pacte national : afin de tenir les engagements du plan de cohésion sociale, l'Etat s'engage à verser très rapidement aux organismes HLM les sommes dues pour les nouvelles constructions. Nous fixerons également des objectifs quantifiés de libération de terrains publics qui seront affectés à la construction de logements, notamment sociaux. J'ai enfin demandé à Jean-Louis BORLOO d'étudier la possibilité de fixer une part de logement intermédiaire et de logements sociaux dans chaque construction nouvelle.
Sur un certain nombre de questions qui vous préoccupent tout particulièrement j'ai décidé, sans attendre le prochain comité interministériel, quatre mesures concrètes.
Il n'est pas acceptable que des familles puissent se voir couper l'électricité pendant l'hiver parce qu'elles n'ont pas les moyens de payer leur facture EDF. Les dispositions législatives appropriées seront prises.
En ce qui concerne l'accès à la santé, l'Etat doit accroître ses efforts pour que personne ne renonce à des soins pour des raisons financières. C'est pourquoi, j'ai demandé à Xavier BERTRAND d'augmenter le montant de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé dès le début de l'année prochaine.
Pour avoir une place dans la société, pour avoir une vraie perspective d'insertion, il est indispensable d'avoir accès au service bancaire. Je souhaite donc qu'un service bancaire universel soit mis sur pied dans les plus brefs délais afin qu'en 2006 les personnes les plus démunies puissent toutes avoir un compte en banque et qu'elles bénéficient d'un accompagnement personnalisé. Je demande à Thierry BRETON, Jean-Louis BORLOO et Catherine VAUTRIN de me faire des propositions pour lutter contre l'exclusion financière et pour développer l'accès au crédit.
Je veux que soit mis en place, dans les procédures de surendettement, un accompagnement systématique des familles en lien avec les CAF, les Conseils généraux et les associations de consommateurs. Cette mesure doit s'appliquer pour tous les dossiers passés en commission de surendettement.
Dans les sujets d'actualité, je sais qu'un certain nombre d'entre vous sont inquiets pour l'avenir du programme européen d'aide alimentaire aux plus démunis, le PEAD. Ce programme est un outil de solidarité indispensable qui donne du cur à l'Europe. Depuis deux ans, le France discute avec ses partenaires d'une réévaluation de ce programme. Je tiens à vous assurer que mon Gouvernement maintiendra et intensifiera ses efforts pour aboutir à un accord.
Le rôle de l'Etat c'est aussi d'impulser, d'innover et d'évaluer.
Certains d'entre vous ont exprimé des inquiétudes au sujet de la décentralisation et du transfert aux collectivités locales d'un certain nombre de compétences essentielles dans le domaine social.
Je veux vous rassurer sur ce point : l'Etat continuera à veiller sur l'égalité territoriale et sur la justice sociale.
Cela suppose que nous renforcions nos capacités d'évaluation en termes de coûts et de résultats des politiques mises en oeuvre au niveau local.
Dans le cadre de la réforme de l'Etat je souhaite donc définir de nouveaux instruments d'évaluation de l'efficacité publique. Je serai très attentif aux propositions que vous me ferez dans ce domaine.
Pour rester le garant de la cohésion nationale dans notre pays, l'Etat doit retrouver toute sa capacité à inventer de nouvelles politiques publiques et à en assurer l'application.
Il doit favoriser les expérimentations locales qui méritent souvent d'être étendues au niveau national.
Repérer les bonnes pratiques, cela suppose aussi de regarder ce que font nos voisins, ou d'autres pays en matière de politique sociale. Pourquoi ne pas nous inspirer de ce qui marche et qui a fait ses preuves ?
Mais inventer, rester à la pointe de l'innovation sociale, cela suppose d'être en dehors des contraintes de gestion qui sont celles des administrations locales et centrales.
C'est pourquoi j'ai décidé de transformer la Délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie solidaire en Délégation interministérielle à l'innovation et l'expérimentation sociale. Elle sera directement rattachée à Jean-Louis BORLOO et Catherine VAUTRIN. Les missions actuelles de la DIIES en ce qui concerne la vie associative resteront auprès de Jean-François LAMOUR :
La nouvelle délégation sera une structure légère, elle aurait pour mission de rassembler les pratiques les plus innovantes et efficaces en France mais aussi à l'étranger et de définir les conditions de leur application.
La délégation devra également accompagner les grands chantiers décidés par le gouvernement, qu'il s'agisse de la réforme des minimas sociaux, la mise en place des chartes territoriales de cohésion sociale ou bien encore le développement du micro-crédit.
Elle travaillera en étroite relation avec le CNLE pour contribuer à vos travaux.
Je souhaite que ce nouvel outil de l'Etat puisse être opérationnel début 2006.
Je propose également la création dès 2006 d'un fonds départemental d'innovation et d'expérimentation sociale doté de 20 millions d'euros. Géré par les Préfets et les Directions départementales des affaires sociales, il permettra de soutenir les innovations locales et de favoriser, par le biais d'appels à projet, aussi bien le développement du micro-crédit, que la création du guichet unique d'accueil, la mise en réseau d'acteurs sur un territoire ou bien de soutenir des démarches d'évaluation.
Enfin, afin que l'action de l'Etat gagne en cohérence, nous allons créer, en 2006 et dans le cadre de la réforme budgétaire et de la LOLF un document de politique transversale consacré à la lutte contre l'exclusion. Nous pourrons ensuite aller plus loin en recensant les actions des collectivités locales et des associations.
Mesdames, Messieurs,
Vous pouvez compter sur l'engagement déterminé de l'Etat à vos côtés : un Etat au service de l'intérêt général, de la cohésion sociale et d'un projet collectif. C'est l'idée que je me fais du rôle des pouvoirs publics et de l'administration.
A vous tous qui avez fait le choix de consacrer votre temps et votre énergie à ceux qui en ont le plus besoin je veux vous dire que votre travail est essentiel et que nous vous soutiendrons. Aux partenaires sociaux qui sont désormais membres du Conseil National de Lutte contre l'exclusion je voudrais dire qu'ils ont un rôle important à jouer. Vous êtes au cur de l'activité économique et sociale de notre pays. Vous connaissez mieux que quiconque les blocages de notre société.
La politique de lutte contre l'exclusion a été trop longtemps une politique publique de plus, à côté des autres. Pour moi, elle est au cur des missions de l'Etat, elle doit être le meilleur témoignage de notre volonté nationale de donner une place à chacun, une chance à chacun.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 septembre 2005)