Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur les grandes orientations de la politique de l'environnement, Paris le 23 juin 2005.

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Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
Merci d'avoir répondu présents à cette conférence de presse qui est notre première véritable
rencontre depuis ma nomination au Ministère de l'Écologie et du Développement durable.
Je tiens tout d'abord à vous assurer de ma volonté d'être disponible pour vous rencontrer et
répondre à vos interrogations.
Je tiens également à saluer mon prédécesseur Serge LEPELTIER, pour le courage et la
détermination dont il a fait preuve.
Ma nomination à la tête de ce Ministère a, vous l'avez constaté, suscité quelques réactions. J'arrive avec des convictions fortes fondées sur mon expérience d'élue de terrain et sur la nécessité que je perçois de reconstruire, sur l'ensemble des sujets qui sont les miens, la gouvernance, le dialogue et la médiation.
J'ai bien perçu la formidable attente de nos concitoyens à l'égard de l'État sur les sujets de l'écologie et du développement durable, mais aussi la déception car parfois les choses ne vont pas assez loin ou pas assez vite.
J'arrive ici avec une grande modestie mais aussi avec une forte volonté d'agir, une forte volonté d'écoute et une conviction : que la cause de l'écologie est par excellence une cause humaniste.
Ce qui nous anime, la lutte contre le réchauffement climatique, la réduction des déchets, la lutte contre les pollutions, la défense de la biodiversité, nous le faisons d'abord et avant tout pour le bien et pour l'avenir de l'humanité. Les progrès que nous ferons, nous les ferons avec les habitants de la planète, avec nos concitoyens, en veillant à les respecter, à les écouter, à les informer Ce qui ne m'empêchera pas, car c'est mon rôle de ministre, de décider.
Depuis ma nomination, je travaille avec mon équipe, mes services et je rencontre, consulte et écoute l'ensemble des acteurs concernés : associations, élus, professionnels J'ai voulu travailler avec les équipes en place qui allient passion et compétence. Je serai également très présente sur le terrain, pour apprécier directement les situations délicates et apporter des réponses concrètes aux différents acteurs uvrant dans le domaine de l'écologie.
Dans le cadre des fonctions qui m'ont été confiées par le Président de la République et le Premier ministre, j'ai des défis importants à relever, de nombreux dossiers à défendre et de nombreuses décisions à prendre.
Je vais ici vous présenter, en quelques mots, les dossiers qui connaîtront des développements importants dans les mois à venir.
Pour répondre aux enjeux planétaires, la politique environnementale doit couvrir 3 idées maîtresses : être exemplaire ; sensibiliser, prévenir et protéger ; mais aussi innover.
1. Etre exemplaire.
La France devrait, mieux qu'elle ne le fait aujourd'hui, jouer pleinement le rôle de moteur qui devrait être le sien au niveau international. Autant qu'en matière de droits de l'homme, la France doit être en mesure de donner l'exemple en matière de protection de l'environnement, c'est-à-dire avant tout être exemplaire.
La Charte de l'environnement est un facteur particulièrement important dans le rôle moteur que la France entend jouer au plan international.
La France peut être un exemple. Son exceptionnel patrimoine naturel tant métropolitain qu'outre mer le lui permet.
La compétence et la capacité de ses chercheurs, de ses ingénieurs et techniciens de l'environnement, qui représentent une formidable source de savoirs scientifiques et techniques, le lui permettent également.
Mais aussi importants soient-ils chez nous, les enjeux environnementaux ne se limitent pas à la France : ils sont planétaires. Le changement climatique, la disparition des espèces, le transport des substances dangereuses ou encore les pluies acides sont autant de problèmes
qui ne tiennent aucun compte des frontières.
Aussi ma mission devra également consister à renforcer, autant que possible et avec tous les acteurs - ONG, organisations internationales, entreprises - le rôle moteur de la France à l'international. Je sais pouvoir compter en cela sur le soutien du Président de la République, qui s'est mobilisé à de très nombreuses reprises sur cette question ; que ce soit sur l'amélioration de la gouvernance internationale de l'environnement en proposant une ONUE ou en suscitant une mobilisation sans précédent des scientifiques du monde entier en faveur de la lutte contre la perte de la biodiversité.
Mais bien évidemment, l'action internationale de la France ne peut se concevoir sans une action renforcée au niveau communautaire. Or, nous avons des progrès à faire dans ce domaine : la France, vous le savez, a accumulé un retard considérable dans la transposition des directives environnement. Je prends ce problème très au sérieux : mes premiers contacts internationaux ont été pour le commissaire Dimas et pour mes homologues européens.
Je serai d'ailleurs demain à Luxembourg pour le Conseil des ministres de l'environnement ; j'y défendrai bien évidemment les positions de la France mais j'y annoncerai également que la France transposera dans les tout prochains jours les directives européennes. Mon objectif est d'atteindre " Zéro retard " dans les transpositions d'ici la fin de l'année. Nous ne pouvons défendre des positions sans honorer nos engagements européens.
Plus encore notre pays se doit d'être exemplaire dans l'application du protocole de Kyoto. Vous le savez, les pays industrialisés se sont engagés à respecter des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012.
L'objectif de la France est une stabilisation de ses émissions au niveau de 1990, année de référence. Tout l'enjeu des négociations à venir, qui auront lieu à Montréal à la fin de l'année, est d'associer les pays en voie de développement qui à l'heure actuelle n'ont pas formalisé d'engagements.
Le Plan Climat, rassemblant une soixantaine de mesures, doit permettre d'économiser 72 millions de tonnes de CO2 par an à l'horizon 2010, soit plus que l'effort nécessaire pour respecter le protocole de Kyoto. La France peut être à la fois exemplaire mais également en pointe grâce à ses technologies et nous devons trouver, au delà de Kyoto, les moyens de diviser par 4 les émissions d'ici 2050.
Pour aller encore plus loin, je souhaite que l'ensemble des ministères s'engage dans une politique volontariste en matière d'écologie et de développement durable en réalisant les engagements de la Stratégie nationale de développement durable.
Ainsi, une circulaire du Premier ministre en cours de finalisation sur l'efficacité énergétique permettra d'assurer l'exemplarité de l'Etat dans ce domaine. Cette circulaire renforcera les économies d'énergie dans les bâtiments publics et permettra d'établir les statistiques des véhicules propres achetés par les ministères. Il s'agit donc d'une avancée très importante.
2. Sensibiliser / prévenir / protéger.
Je l'ai dit, l'action, c'est-à-dire, protéger, réglementer, organiser, ne peut aller à mes yeux sans la sensibilisation et la prévention. C'est tous ensemble : Etat, collectivités, associations et citoyens, que nous progresserons.
Le réchauffement climatique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction de la production de déchets, la collecte sélective et le tri, la préservation de la biodiversité, la qualité de l'eau, la protection du littoral, le développement de modes de transport alternatifs, le bruit sont autant d'enjeux sur lesquels nos concitoyens doivent s'engager. Ils y sont prêts, comme l'illustre le succès de l'initiative de l'ADEME et de la Fondation Nicolas HULOT, qui a recueilli plus de 100 000 signatures.
L'échange, la concertation, les rencontres et visites, sont autant de moyens auxquels j'aurai recours pour favoriser au maximum la pédagogie et sensibiliser l'ensemble de la population, plus particulièrement les jeunes qui sont plus que jamais maîtres de l'avenir de notre planète.
Je me félicite également du travail réalisé par le Parlement des enfants qui a adopté une proposition de loi prônant l'utilisation de sacs de caisse biodégradables ou réutilisables. Le Parlement des enfants a insisté sur la nécessité de faire preuve de pédagogie à l'égard des consommateurs et des enfants. Il s'agit en effet de montrer à chacun qu'il a la possibilité d'agir pour protéger l'environnement et notamment pour produire moins de déchets.
C'est pourquoi, je souhaite que sur le modèle de la campagne de sensibilisation " Faisons vite ça chauffe " qui continue à être diffusée à la radio et à la télévision, une campagne de sensibilisation à la réduction de la production des déchets soit lancée dès l'automne.
Autre domaine important, celui des transports. Je souhaite favoriser le recours aux modes de transports alternatifs à la route.
Ainsi, nous devrons avec Dominique PERBEN, Ministre des transports, imaginer des solutions pour accroître le transport de marchandises par voie ferroviaire, fluviale ou maritime, de préférence à la route, en particulier pour les liaisons transalpines et celles traversant les Pyrénées.
Cet enjeu est un enjeu d'environnement et de sécurité, qui a encore récemment été tristement illustré lors de l'accident du tunnel du Fréjus le 4 juin dernier.
L'effort pour encourager les transports et les véhicules propres doit également être poursuivi. La semaine "Bougez Autrement" qui aura lieu du 16 au 22 septembre prochain sera l'occasion d'une mobilisation de nos concitoyens sur ces sujets.
D'ici la fin de l'année, plusieurs mesures importantes seront mises en place dans le domaine des transports :
- L'étiquette-énergie qui sera apposée sur les véhicules des particuliers à la vente ;
- L'épreuve de " conduite apaisée " qui deviendra obligatoire dans l'examen du permis de conduire ;
- La généralisation du filtre à particules : avec d'autres pays dont l'Allemagne, nous soutenons l'adoption rapide de normes européennes qui conduisent à généraliser ces dispositifs pour les véhicules diesel. Je le redirai demain à Luxembourg.
J'organiserai également fin octobre, au niveau national, un grand " rendez-vous du climat ", qui sera l'occasion de faire le point de l'avancée des actions du Plan Climat, avec l'ensemble des acteurs du bâtiment économe, des transports propres, de l'industrie et de l'énergie.
L'augmentation des émissions de CO2 dans les transports et le bâtiment n'est pas une fatalité. Nous arriverons à réduire ces émissions si nous nous retroussons tous les manches.
Je suis persuadée que chacun d'entre nous est à même de prendre ses responsabilités.
Ensemble, nous réduirons ces émissions, et ensemble nous sauverons notre planète, pour assurer un avenir aux générations futures.
Je souhaite également que l'on avance rapidement sur la question des déchets. Aujourd'hui, la mise en place du tri est un succès : 53 millions de Français trient. Il faut poursuivre l'effort. Mais à l'inverse, la production de déchets est en constante augmentation.
Pour donner un nouvel élan à notre politique déchets, je rencontre actuellement l'ensemble des acteurs impliqués : industriels, associations et élus. Parallèlement, je compte faire avancer les dossiers en cours avec détermination. Je pense par exemple à la fermeture des décharges non autorisées ou au respect de l'échéance du 28 décembre 2005 pour la mise aux normes des incinérateurs. Sur ce point, j'ai rappelé dès cette semaine aux Préfets, la nécessité de faire preuve de fermeté et d'anticipation.
Je suis également déterminée à agir sur les impacts négatifs de la pollution sur la santé, en lien avec Xavier BERTAND, Ministre de la Santé. Le projet de loi sur l'eau qui vise entre autres à améliorer sensiblement la qualité de l'eau, est l'une des mesures uvrant en faveur d'une amélioration de la santé de nos concitoyens. Ce texte apporte des améliorations significatives en matière de protection des milieux aquatiques, de fonctionnement des services d'eau potable et d'assainissement ou d'organisation institutionnelle.
En ce qui concerne la protection des rivières, je considère qu'un compromis acceptable a été trouvé entre la nécessaire sauvegarde des continuités écologiques et des écosystèmes pour atteindre le bon état requis par la directive européenne.
Reconquérir la qualité de l'eau dans le milieu naturel, c'est s'assurer que demain, l'ensemble des usages de l'eau pourra être satisfait. J'ai d'ores et déjà demandé qu'un créneau parlementaire soit dégagé début 2006 pour l'examen du projet de loi.
Enfin, nous sommes tous conscients que la situation hydrologique en France est préoccupante. Sur la façade atlantique et en Provence-Alpes-Côte d'Azur, la situation est plus sévère qu'en 1976 avec 25 à 50% de pluviométrie en moins. Il est important de poursuivre une gestion économe de l'eau pour gérer au mieux les réserves disponibles avec un souci de donner la priorité à l'eau potable.
Un effort de tous, même s'il n'est pas facile, est nécessaire. C'est à ce prix que nous trouverons un équilibre entre les différents usages de l'eau. Je travaille sur ces questions en parfaite collaboration avec Dominique BUSSEREAU, Ministre de l'Agriculture.
Je m'attacherai également à la préservation du milieu marin. La France, avec ses 10 millions de km² d'eaux sous juridiction et ses 8000 km de rivage en métropole et outre-mer, a une responsabilité mondiale dans ce domaine. Cette préservation commence dès le littoral, et je défendrai, dans la concertation bien sûr, le principe de préservation mis en oeuvre par la loi Littoral de 1986.
En mer, la protection de la flore et de la faune, et je pense en particulier aux cétacés, sera l'objet d'une grande attention. Je veillerai également à la poursuite de la politique de prévention et de répression contre les pollutions par les hydrocarbures, politique hélas encore indispensable à ce jour.
Pour poursuivre l'action du Conservatoire du Littoral, il est indispensable qu'il dispose d'une ressource financière pérenne, comme il a été acté au Comité interministériel d'aménagement du territoire en septembre 2004. Je contribuerai avec détermination à la mise en place concrète de cette ressource.
La prévention des risques technologiques et naturels sera un axe de travail très important. A cet égard, je souhaite continuer et renforcer la politique mise en place depuis 3 ans, tant en matière de lutte contre les inondations (PPR, prévision, aménagements par bassin versants) que de risques technologiques (PPRT).
Enfin, la perte accélérée de la diversité biologique de notre planète est une catastrophe en train de se produire sous nos yeux, et à laquelle trop peu parmi nous ont pris la véritable mesure.
Les chiffres abondent qui démontrent l'état d'urgence où se trouvent aujourd'hui les différentes formes de vie sur terre : réduction continue et accélérée des surfaces de forêts tropicales ; disparition en métropole de biotopes particulièrement riches ; diminution des populations d'oiseaux communs ainsi que des insectes, autant de signaux d'alerte qui me déterminent à achever rapidement avec mes collègues du Gouvernement les plans d'actions de la stratégie nationale pour la biodiversité.
Celle-ci sera ouverte en collaboration avec les collectivités, les entreprises et les associations. De nombreux lieux de débat et de concertation existent : les parcs naturels régionaux, les comités de pilotage Natura 2000, les conservatoires des espaces naturels, le conservatoire du littoralJ'entends mieux les valoriser. Dans cette démarche, l'outre mer occupera évidemment un place déterminante.
Sur l'ensemble de ces sujets, j'inscris mon action dans l'interministérialité et je travaillerai ainsi en parfaite concertation avec mes collègues du Gouvernement que je souhaite rencontrer régulièrement au cours de réunions de travail conjointes.
A la suite des États Généraux des entreprises du 2 juin dernier, j'ouvrirai prochainement un forum permanent de dialogue et d'engagement avec les entreprises en m'appuyant sur le délégué interministériel au développement durable et mes collègues.
Je souhaite également être à l'écoute de nos concitoyens. C'est pourquoi je participerai à l'occasion de mes déplacements, et dans la mesure du possible, à des rencontres publiques pour écouter et répondre aux inquiétudes et aux interrogations des Français.
3. Innovation.
Nous devons avoir une véritable politique en matière d'innovation. Comme l'a rappelé le Premier ministre dans son discours de politique générale, nous devons renouer avec les grands projets porteurs d'avenir.
C'est pourquoi l'Agence pour l'innovation industrielle, lancée par le Président de la République, verra le jour dans les toutes prochaines semaines.
Elle sera dotée d'1 milliard d'euros, lui permettant notamment de financer des projets dans le domaine de l'énergie solaire, des biotechnologies et des biocarburants. Cette initiative exemplaire sera rapidement ouverte à d'autres pays européens, en particulier l'Allemagne : elle gagnera ainsi en ambition et en puissance.
Pour conclure, je tiens à dire à chacun d'entre vous combien l'environnement est une priorité du Gouvernement. Cela est d'autant plus vrai que l'écologie et le développement durable représentent un formidable vivier d'emplois.
Si les mesures et actions impulsées par l'État sont mises en uvre par les entreprises, elles auront automatiquement recours aux compétences nécessaires.
Les filières de l'écologie et du développement durable doivent donc être valorisées pour inciter les jeunes à s'y engager. Le développement de ces compétences figurent également parmi mes préoccupations.
Plus les entreprises et les industries mettront en uvre leur responsabilité sociale et environnementale, plus le développement durable et l'écologie seront générateurs d'emplois.
Les associations peuvent également bénéficier des aides mises en place par le Gouvernement pour la création d'emplois.
C'est pourquoi, j'ai décidé de travailler en lien avec Jean-Louis BORLOO, dans le cadre des orientations fixées par le Premier ministre, pour étudier les possibilités de développer l'emploi dans le secteur de l'environnement.
Vous le voyez, le développement durable constitue l'une des priorités que le Gouvernement inscrit dans l'ensemble de ses politiques.
Au delà des actions significatives qu'il mène, l'État doit susciter et favoriser la mobilisation de
l'ensemble des acteurs, privés et publics.
L'État, qui se doit d'être de plus en plus exemplaire dans son fonctionnement au quotidien, doit également valoriser les bonnes pratiques et communiquer sur les questions primordiales d'écologie et de développement durable. L'État a un formidable rôle d'animation à jouer. L'État doit faire émerger une prise de conscience collective pour que l'écologie devienne le réflexe de chacun.
Il y quatre mois, la Charte de l'Environnement était promulguée.
Par la solennité particulière de cette modification du préambule de la Constitution de 1958, le Président de la République a voulu marquer la gravité de la situation et l'impératif de l'action. En étant placée au plus haut niveau de notre droit, la Charte de l'Environnement s'impose à tous. Elle sera prise en compte pour l'élaboration de toutes les lois et sa mise en uvre sera contrôlée par l'ensemble des juridictions. D'ores et déjà, la Charte de l'Environnement fonde de nombreuses politiques publiques.
Maintenant, il faut agir.
Collectivement et individuellement.
Chacun doit devenir éco-citoyen.
L'écologie a besoin de nous tous.
Je vous remercie.
(Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 24 juin 2005)