Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur l'installation de la Commission de transparence sur la fiscalité pétrolière chargée de montrer aux Français les conséquences de la hausse du pétrole sur les recettes fiscales, Paris le 15 septembre 2005.

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Circonstance : Installation de la Commission de transparence sur la fiscalité pétrolière à Paris le 15 septembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les sénateurs,
Messieurs les députés,
Je suis heureux de lancer aujourd'hui, en compagnie de Jean-François Copé, les travaux de la commission de transparence sur la fiscalité pétrolière.
La constitution de cette commission indépendante et pluraliste est la traduction d'un engagement du Gouvernement pris le 16 août dernier.
Face à la crise pétrolière, le Premier ministre souhaitait en effet poser plusieurs exigences.
- Une exigence de vérité, d'abord, car cette crise est appelée à durer. Tous les facteurs sont réunis pour que le pétrole reste cher dans les années et les décennies à venir :
Premièrement, le pétrole est une ressource épuisable, qui va se faire de plus en plus rare ; les réserves connues aujourd'hui sont équivalentes aux besoins de consommation tel qu'estimés d'ici 2030. La raréfaction progressive des ressources face à une demande croissante se fera sentir bien avant cette date ;
Deuxièmement le nombre de consommateurs augmente en effet rapidement. La Chine et l'Inde, qui connaissent une croissance vigoureuse, viennent s'ajouter aux pays occidentaux pour " tirer " sur les réserves disponibles ;
Troisième facteur, les réserves sont concentrées pour les 2/3 au Moyen-Orient, dans une zone qui connaît des tensions politiques qui vont perdurer.
- La deuxième exigence, c'est celle de la transparence, car nous sommes face à une situation qui pèse sur le quotidien des Français.
Dans le contexte de renchérissement du prix du pétrole, il nous faut répondre aux questions légitimes qui se posent sur les éventuels surplus de recettes en matière de fiscalité pétrolière.
Je rappelle que les carburants supportent deux types de taxes : la taxe intérieure sur les produits pétroliers (la TIPP) et la TVA.
La TIPP est perçue sur les volumes de carburants et non sur le prix de vente du produit. Lorsque le prix du pétrole augmente, les recettes de TIPP perçues par l'État tendent à diminuer, dans la mesure où les Français réduisent leur consommation ou se tournent vers des véhicules roulant au diesel, qui est moins taxé ;
La TVA, pour sa part, est perçue sur le prix de vente du produit. Les recettes de la TVA tendent donc bien à augmenter avec le prix du pétrole.
Au total, l'expérience prouve que l'effet net de ces deux mouvements est difficile à prévoir. Le Gouvernement a souhaité cependant que ces recettes pétrolières ne fassent l'objet d'aucune polémique.
Le Premier ministre a indiqué que l'État ne bénéficiera en aucun cas de " recettes d'opportunité ".
C'est la raison pour laquelle Dominique de Villepin nous a demandé, à Jean-François Copé et à moi-même, de constituer une commission indépendante d'évaluation, associant les assemblées parlementaires, chargée d'estimer le montant des éventuelles recettes supplémentaires de TVA et de TIPP induites par la hausse du prix du pétrole.
Et s'il s'avère que ces recettes sont supérieures à celles inscrites dans le budget, elles seront rétrocédées aux Français.
Je remercie Bruno Durieux d'avoir accepté de présider cette commission de transparence, qui doit présenter ses premiers résultats début octobre, avant d'entamer l'examen du budget pour 2006.
Je remercie également tous les parlementaires, de l'assemblée nationale et du sénat, représentant toutes les sensibilités, d'avoir accepté de collaborer à cette entreprise démocratique visant à éclairer les Français.
Avant de laisser la parole à Jean-François Copé, je voudrai conclure en faisant trois observations.
La première, c'est qu'à travers la perception de la TIPP, l'État ne bénéficie en aucun cas d'une rente fiscale.
Rappelons les enjeux : la TIPP, c'est 25 Md de recettes, 20 Md sur la part de l'État et 5 Md pour la part affectée aux départements.
Or 25 Md , cela représente très exactement le coût pour la collectivité du développement des infrastructures de transport (13 Md ), des accidents de la route (7 Md ), des missions de sécurité routière (plus de 2 Md ) et de la recherche dans le domaine de l'énergie et de la prévention des risques (près de 2 Md ).
Le produit de la TIPP a donc pour contrepartie intégrale des charges liée à l'utilisation des véhicules : la construction d'infrastructure, les coûts des sinistres matériels et humains, les dépenses de prévention et de recherche.
La seconde remarque, c'est que face au choc que nous connaissons, les Français sont en droit d'attendre une totale transparence, de la part de l'État - et c'est précisément ce que nous faisons à travers cette Commission - mais également de la part des sociétés pétrolières. Nous attendons de leur part une démarche de même nature. Et si l'augmentation des prix du pétrole conduit à la constitution d'une rente manifestement anormale, cette rente doit être restituée aux Français.
J'attends des entreprises du secteur une démarche citoyenne et non prédatrice.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité réunir demain les représentants des industries pétrolières, afin de faire un point précis de la situation.
La troisième remarque, c'est que face à un renchérissement durable des prix de l'énergie, nous devons aider les Français les plus vulnérables et les agents économiques les plus exposés. L'enjeu est de faciliter une adaptation progressive des modes de consommation et de production, à travers des incitations fiscales que Jean-François Copé indiquera dans un instant.
En revanche, ce que nous ne devons absolument éviter, c'est d'encourager les Français à consommer davantage d'énergie. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est fermement opposé au rétablissement de tout dispositif du type " TIPP flottante " qui ne présente que des effets pervers au plan économique et environnemental.
Pour l'heure, je souhaite que la commission présidée par Bruno Durieux contribue à éclairer les Français, et fasse toute la transparence sur les conséquences de la hausse du pétrole sur les recettes fiscales.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 16 septembre 2005)