Interview de M. Christian Poncelet, président du Sénat, à RTL le 26 octobre 2000, sur son hostilité à la baisse de la fiscalité locale, notamment la suppression de la vignette automobile, les compétences du Sénat et la proposition de loi sur la responsabilité pénale des élus.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour, Christian PONCELET !
CHRISTIAN PONCELET
Bonjour, Olivier MAZEROLLE !
OLIVIER MAZEROLLE
Alors ce matin, vous dites au gouvernement : plus jamais le coup de la vignette !
CHRISTIAN PONCELET
Oui, car il faut savoir que par cette décision, qui a été décidée sans concertation, on ampute les ressources des collectivités locales d'environ 13 à 15 milliards de francs.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors collectivités locales, c'est communes, départements, régions.
CHRISTIAN PONCELET
Donc, par conséquent, trop c'est trop, trop c'est trop. Lorsqu'on constate qu'en trois ans, on a amputé les ressources des collectivités territoriales d'environ 80 milliards de francs, qu'on a réduit l'autonomie fiscale de ces mêmes collectivités de plus de 20 %, il était nécessaire de mettre un coup d'arrêt à ce que j'ai appelé le grignotage, l'amputation, la réduction des finances locales par différents gouvernements, par différents gouvernements...
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais le gouvernement vous dit, mais attendez, on vous donne de l'argent qu'on échange.
CHRISTIAN PONCELET
Oui, c'est la compensation mais cette compensation va toujours en diminuant, elle n'intègre pas ne serait-ce que l'inflation, donc au passage je constate pour le regretter qu'elle augmente et par conséquent à terme, bien sûr, cette compensation se trouve intégrée dans DGF et croît avec la DGF et pas conséquent c'est une forte diminution en fin de compte des collectivités locales. Mais aussi cette procédure de dotation n'est pas saine, n'est pas saine parce qu'elle fait dépendre les ressources des collectivités locales pour l'essentiel de la bonne volonté du gouvernement et on s'aperçoit que ces ressources sont en quelque sorte le paramètre d'ajustement des budgets nationaux.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais quand même il y a ceux qui vous diront bah oui mais les élus locaux, ils sont d'abord soumis aux pressions locales, parfois ils dépensent beaucoup plus d'argent qu'il ne le faudrait pour faire plaisir à tel ou tel, le gouvernement au moins, lui, est exempté de ces reproches.
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, dans le cadre de la journée du livre d'économie, n'est-ce pas, que nous avons organisée au Sénat, qui a connu une participation extrêmement importante, j'avais fait faire un sondage et j'ai constaté qu'il y avait une forte impopularité de la fiscalité nationale et une faible impopularité de la fiscalité locale. Pourquoi ? Mais parce que les administrés peuvent se rendre compte sur le terrain de ce qui est fait du produit de l'impôt qu'on prélève sur leurs ressources. Ce qui n'est pas le cas pour l'Etat puisque manifestement la commission des Finances qui a fait un excellent travail tout récemment a constaté qu'il y avait là un obscurantisme total en ce qui concerne et la construction et l'utilisation des crédits de l'Etat. Donc, par conséquent, la fiscalité locale n'a pas l'impopularité que certains veulent bien lui prêter. Deuxièmement, il faut surtout reconnaître que la gestion de proximité est une gestion qui est, je dirais, la plus rigoureuse, la plus sérieuse. Oh ! Il y a toujours peut-être des améliorations à apporter, mais quelques années après la décentralisation qui a transféré certaines compétences aux collectivités locales, j'ai entendu le ministre de l'Education nationale de l'époque, qui n'était autre que Monsieur Lionel JOSPIN aujourd'hui Premier ministre, déclarer que les départements en ce qui concerne la construction des collèges et la gestion de ceux-ci faisaient plus et mieux que l'Etat donc par conséquent c'était un compliment auquel nous avons été sensibles.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous y allez fort puisque, c'est très inhabituel, vous allez vous-même monter à la tribune du Sénat pour défendre un projet de loi qui réclame pratiquement une égalité de pouvoir pour le Sénat avec l'Assemblée nationale, vous savez que c'est anticonstitutionnel, ça n'est pas possible.
CHRISTIAN PONCELET
Mais, écoutez, quand j'ai été élu j'avais utilisé cette formule que je m'efforce d'appliquer, je souhaitais qu'il y ait un modeste président pour un Sénat ambitieux. J'ai pour l'institution que je préside beaucoup d'ambitions.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous êtes modeste ?
CHRISTIAN PONCELET
Je m'efforce de l'être, je m'efforce de l'être ! Moi ce qui m'intéresse c'est surtout l'institution, n'est-ce pas, et aujourd'hui, vous pouvez le voir, j'ouvre celle-ci vers d'autres horizons : vers la culture, vers l'entreprise et en ce qui concerne les collectivités locales, sujet, n'est-ce pas, sur lequel vous m'interrogiez ; qu'est-ce qu'il est écrit dans la Constitution ? Il est écrit que la haute assemblée est l'assemblée des communes et villes de France et c'est une compétence particulière que reçoit le Sénat par la Constitution et il a ajouté plus loin, article 72 que les collectivités locales doivent se gérer d'une manière autonome. Comment voulez-vous que ce soit géré d'une manière autonome si vous n'avez pas la maîtrise de vos moyens financiers et, par conséquent, je souhaite que le Sénat, à qui on confie cette mission, puisse disposer des pouvoirs pour veiller bien sûr aux légitimes intérêts des collectivités territoriales et à la défense de leurs élus.
OLIVIER MAZEROLLE
Et vous croyez parvenir à faire passer ça ?
CHRISTIAN PONCELET
Eh bien, écoutez, il faut avoir de l'ambition, n'est-ce pas, lorsqu'on présente un texte et puis le dialogue va s'engager, le débat va avoir lieu. J'ai tenu bien sûr à intervenir personnellement en tant que simple sénateur parce que j'attache beaucoup de prix à cela, j'attache beaucoup de prix à cela.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, alors certains disent, bon bah Christian PONCELET, président du Sénat, il joue les faux modestes, en fait il est très malin et il est en train d'essayer d'obtenir des pouvoirs plus forts pour le Sénat en échange d'une réduction de la durée des mandats des sénateurs de neuf à six ans.
CHRISTIAN PONCELET
Ecoutez, en ce qui concerne le mandat des sénateurs, ce n'est pas une question tabou pour moi, je l'ai d'ailleurs dit. Si on doit en discuter, discutons-en. J'ai remarqué au passage qu'il y avait beaucoup de commentateurs qui m'avaient fait savoir qu'en ce qui concernait la réduction du mandat présidentiel, c'était un souhait profond de la population française, que celle-ci le souhaitait, n'est-ce pas, et qu'il fallait dans le cadre de la modernité, maintenant on est moderne, n'est-ce pas, si on met son chapeau à l'envers, il fallait réduire ce mandat. Je n'ai constaté, on peut le regretter, qu'on ne s'était pas bousculé dans les urnes pour exprimer ce sentiment. Alors en ce qui concerne le mandat, s'il faut en discuter, discutons-en et pour ma part je n'y suis pas opposé, à condition bien sûr qu'une telle disposition s'accompagne d'un renforcement des pouvoirs du Sénat. Mais je dis tout de suite, attention, il y a d'autres sujets, tous beaucoup plus préoccupants dont les Français attendent une solution, ne serait-ce que celui des retraites.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors avec ce projet de loi, participez-vous au lancement en fait de la campagne présidentielle parce qu'on sait que la décentralisation ça va être un des thèmes de campagne de Jacques CHIRAC, vous avez autour de vous ses partisans, là au Sénat et vous ne vous associez pas à Pierre MAUROY qui a fait un rapport, lui, sur la décentralisation et qui parle aussi d'autonomie financière.
CHRISTIAN PONCELET
Pardonnez-moi de vous faire remarquer qu'en ce qui concerne ma proposition de loi constitutionnelle, elle a été déposée en juin dernier, au printemps dernier, bien avant que l'on ne connaisse les conclusions de la commission MAUROY. Laquelle commission, est-ce le fait du hasard certainement peut-être, a été constituée au lendemain des grandes assises que j'ai tenues des élus régionaux, n'est-ce pas, à Lille, puisque j'avais là tenu des états généraux du Nord Pas-de-Calais et où il y a eu un grand débat et le débat avait été centré sur un autre sujet qui était celui de la pénalisation des décideurs publics et privés, des élus, n'est-ce pas, et là Monsieur Pierre MAUROY, qui est un homme responsable, s'est bien rendu compte qu'il y avait un problème. J'ai donc déposé quelques temps après une proposition de loi, la proposition de loi FAUCHON (phon) pour bien sûr déterminer ce qu'était la faute intentionnelle de la faute non intentionnelle. Et je suis heureux que la cour d'appel de Rennes sur ce point nous ait donné satisfaction, n'est-ce pas et, par conséquent, va dans le bon sens. Aussitôt après avoir réglé ce problème, j'en règle un autre, j'en règle un autre qui est celui de la fiscalité.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous venez des Vosges, hein ?
CHRISTIAN PONCELET
Oui.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous avez entendu Jean TIBERI hier soir ; il a traité Philippe SEGUIN de " Kim JONG des Vosges ", c'est trop ?
CHRISTIAN PONCELET
Bah, écoutez, la campagne est engagée ! Je vois que la campagne est engagée et puis j'ai le sentiment que pour tenir de tels propos certainement le candidat TIBERI, c'est en être libre puisque je crois qu'ils l'ont exclu du mouvement.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, mais vous sur le terrain vous ne l'avais jamais constaté ?
CHRISTIAN PONCELET
Non, moi j'ai de bons rapports avec Monsieur SEGUIN, n'est-ce pas. A chaque fois qu'il vient, en ce moment ses visites se font rares, mais à chaque fois qu'il vient sur le terrain, n'est-ce pas, nous avons des entretiens en ce qui concerne la situation dans ce département des Vosges. Mais enfin, vous savez, la campagne ne fait que commencer, on va en entendre d'autres !
OLIVIER MAZEROLLE
Merci, Christian PONCELET, bonne journée ! FIN*
(Source http://www.senat.fr, le 27 novembre 2000)