Point de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, avec l'association de la presse étrangère, sur l'action de l'UE, des Etats-Unis et de la France pour la paix au Proche-Orient et la démocratie en Yougoslavie, sur les relations entre l'UE et la Russie et entre la France et la Russie et sur les négociations pour la réforme des institutions communautaires, Paris le 3 octobre 2000.

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Q - Merci, Monsieur Védrine, d'avoir accepté notre invitation ici au CAPE que vous avez inauguré il y a quelques mois avec M. Fabius et M. Moscovici. Nous allons parler évidemment de l'Europe et de la présidence française, mais d'abord, nous aimerions, si vous le voulez bien, aborder les deux crises majeures qui préoccupent le monde entier ; le Proche Orient et la Yougoslavie. Donc commençons par le Proche Orient. Demain Paris va accueillir les protagonistes du drame sous l'égide des Etats-Unis, mais la France se limite-t-elle à être le siège de ce sommet extraordinaire ou bien va-t-elle jouer avec l'Union européenne un rôle plus prépondérant pour désamorcer vraiment cette crise et remettre en marche le processus de paix ? Comme dirait un italien "la Francia ci prova da vero ?" La France essaie pour de bon.
R - Je crois que le fond du sujet est plus important que le rôle des uns et des autres. Et de toute façon, à propos de Proche-Orient il faut bien distinguer deux choses : Il faut distinguer les protagonistes, donc les Israéliens, les Palestiniens, c'est eux qui sont au cur de ce problème. Et ce sont les dirigeants israéliens et les dirigeants palestiniens qui auront à prendre des décisions historiques pour conclure la paix. Après il y a le rôle des autres. Alors les autres pays sont placés plus ou moins bien pour faciliter les choses, les Etats-Unis sont placés dans une position tout à fait particulière depuis toujours d'ailleurs sur cette question de Proche-Orient. Cette position est peut-être mieux utilisée qu'à d'autres époques en raison de l'engagement personnel du Président Clinton et de la façon dont il a fixé la position des Etats-Unis, engagement du Président, engagement de Mme Albright. Mais ils sont, en dehors des protagonistes mêmes, naturellement, le pays clé, c'est la vérité cela, tout le monde le sait, et c'est comme cela depuis toujours. Mais je dois dire que la France est dans une position elle-même de facilitatrice. Pourquoi ? Parce qu'elle a son engagement historique et ancien et qu'elle a des relations fortes avec chacun des protagonistes, qu'elle a fait un travail ces toutes dernières années pour avoir une relation de confiance avec chacun au Proche-Orient mais aussi avec les Américains sur ce sujet et aussi avec les autres Européens. Par conséquent, je considère que le fait que le président Clinton ait eu l'idée de proposer cette rencontre à Paris, que les protagonistes l'aient acceptée immédiatement, je crois que c'est aussi parce qu'ils se sentent, ici à Paris, dans un climat de confiance et qu'ils savent que notre seul objectif par rapport au Proche-Orient, c'est de concourir à la paix.
Voilà, c'est cela le cur du sujet, à part ça, personne n'a intérêt à entrer dans une sorte de compétition, de concurrence sur les rôles comparés des uns et des autres. Ce qui est important, c'est que les uns et les autres aillent dans le même sens, or nous recherchons tous la paix en ce moment. C'était déjà terriblement compliqué de mener cette négociation de paix qui à partir de la mi-août devait faire naître des espérances immenses, tout à fait nouvelles en raison des concessions majeures faites par les Israéliens et par les Palestiniens à Camp David. Depuis ce travail s'est poursuivi de façon soit très visible, soit très discrète, mais s'est poursuivi constamment jusqu'à maintenant et c'est dans ce contexte qu'est intervenue cette provocation - je continue à penser que cela a été fait délibérément, précisément parce que le processus de paix avance malgré tout, malgré les difficultés, pour des raisons liées à la politique intérieure israélienne et je crois qu'il est irresponsable de jouer avec le feu ; dans ce type de situation - au contraire chacun doit se montrer plus que jamais responsable - on sait bien que cette recherche de la paix se fait au-dessus d'un volcan - chacun doit agir en conséquence - c'est pour cela que nous avons condamné dans des termes particulièrement sévères, mais je crois justifiés, cette action et les conséquences qu'elle a entraînées.
Maintenant, l'urgence c'est que les responsables de part et d'autre, qui d'ailleurs ne sont pas responsables du drame au départ, les responsables politiques israéliens et palestiniens doivent faire tout ce qui dépend d'eux pour que la tension baisse. Bien sûr on ne peut recréer tout de suite un climat de confiance après une telle tragédie mais, au minimum, il faut reconstituer un climat de travail, un climat de négociations, donc c'est cela l'urgence, je souhaite que les conversations qui auront lieu à Paris demain permettent d'amorcer cette détente dans le climat et qu'après on puisse reprendre le fil de la discussion de fond et nous sommes très heureux que la France qui est symboliquement le pays qui représente l'Europe en ce moment, puisse apporter sous cette forme sa contribution - mais ce n'est qu'un moment - ne pensez pas que tout va se régler demain - ce n'est qu'un moment, un moment important et après il faut revenir à la décision de fond.
Q - Monsieur le Ministre, deux petites questions concernant vos déclarations - il y a le congrès juif européen qui critique votre position et il dit que "la Présidence française de l'Union européenne manque de discernement et de nuance et risque de faire preuve d'une partialité préjudiciable aux propositions de paix de paix d'Ehud Barak - deuxième élément de question : la Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme demande à la Présidence française de l'Union européenne de convoquer d'urgence une réunion des Conseils d'association - pour superviser ou bien pour observer le respect des Droits de l'Homme dans les territoires occupés - quelle est votre réaction ?
R - Sur le premier point, je n'ai rien à ajouter, j'ai dit ce qu'il me semblait juste et il me semble qu'il y a un certain nombre de personnalités qui ont dit ensuite ce qui leur semblait juste également c'est à dire la même chose, c'est un jugement universellement répandu.
Sur le second point, je crois que l'urgence n'est pas tout à fait là, il ne s'agit pas de donner une réponse institutionnelle ou d'observer le respect de je ne sais quoi, l'urgence absolue c'est que les deux principaux responsables se parlent et voient ce qu'ils peuvent faire ensemble pour faire retomber cette tension consécutive à ce drame. Il faudrait plutôt soutenir en priorité cette approche qui me paraît plus accordée au rythme des événements.
Q - Israël a dit "non" aux Commissions d'enquête, qu'en pensez-vous ?
A part la signification symbolique d'une rencontre que peut faire l'Union européenne ?
R - Sur la Commission d'enquête, si le refus israélien était définitif je le regretterais puisque je pense que c'est précisément un des éléments qui devraient permettre de faire retomber cette tension le président Clinton lui-même avait fait tout de suite une proposition que nous avons soutenue - je lui ai même proposé que l'Union européenne y participe, je pense que la question reviendra dans la discussion de demain. Peut-être pouvons-nous considérer à ce stade que ce n'est pas une réponse israélienne définitive - ils peuvent faire des contre propositions - on verra.
D'autre part, demain, il faut se dire les choses franchement - ce n'est pas une action de l'Union européenne, ce n'est pas parce que cela se passe dans une des capitales de l'Union européenne que c'est l'Union européenne. La vérité des choses c'est celle que j'ai rappelée, que tout le monde connaît, la conclusion de la paix au Proche-Orient et cela dépend essentiellement des Israéliens et des Palestiniens : aider, faciliter, accompagner par un tout petit nombre de pays qui, pour des raisons historiques et politiques, sont en situation d'apporter quelque chose - il n'y en a pas beaucoup. Je crois que la France, pour différentes raisons, en fait partie. J'ai rappelé le rôle central et évident des Etats-Unis. Cela concerne la conclusion de la paix, en revanche pour la construction de la paix, quand la paix sera conclue et je crois que nous y arriverons un jour, je pense que l'Union européenne aura un rôle central à jouer. Les instruments sont d'ailleurs déjà là, les instruments, la méthode, les relations, les accords avec Israël, les Palestiniens. Tout naturellement pour raisons géographiques, pour des raisons économiques, pour des raisons de proximité l'Union européenne redeviendra centrale de façon presque mécanique après ce que je distingue c'est l'OTAN. Vous savez, je ne fais pas de rhétorique facile, je préfère dire les choses vraies.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez évoqué la conclusion de la paix, mais cette conclusion n'aura pas lieu tant que des questions épineuses ne seront pas résolues dont principalement la question de Jérusalem. On a su que vous avez des idées, genre mélange de souveraineté. Est-ce qu'aujourd'hui vous pouvez nous faire le point sur vos propositions, vos idées. Est-ce que demain, il serait question de ces idées dans les discussions entre le président de la République et Mme Albright.
R - Je ne pense pas que les discussions de demain entre Israéliens et Palestiniens et Américains portent sur le fond à cause de ce drame. Les discussions de demain porteront en priorité sur la façon de contrôler les situations et de faire baisser les tensions. C'est le sens de cette rencontre à Paris et c'est ça la priorité absolue. Après il faudra prendre la discussion sur le fond mais aujourd'hui, c'est ça la priorité. Quant à nos idées, vous m'excuserez mais je ne veux pas en parler à ce stade en détails, il sera toujours temps si nous arrivons à la paix d'expliquer ce qui a été fait, pourquoi et comment. Tant que la paix n'est pas faite, vous savez à quel point c'est difficile, c'est sensible de part et d'autre tout le courage politique qu'il faudra à Ehud Barak et à Yasser Arafat pour trouver finalement un vrai compromis constructif. Donc, il faut continuer à privilégier le travail discret mais un jour viendra où on pourra expliquer plus peut-être.
Q - Vous pouvez peut-être nous expliquer : on est dans la phase de la construction de la paix, comment est-ce que la position européenne par rapport à la France se place aujourd'hui de ces développements actuels c'est à dire qu'on a l'impression que vos déclarations et celles du président Chirac, celles du Premier ministre sont quand même bien plus claires que celles de l'Union européenne en ce qui concerne le développement. Est-ce qu'il y a vraiment des divergences très importantes au sein de l'Union européenne sur ce problème, sur ces derniers développements actuellement, et le premier communiqué qui est sorti de l'Union européenne sur ce qui s'est passé en Israël était assez faible. Est-ce que c'était le résultat des divisions qui existent ?
R - Non, ce ne sont pas des divisions mais des différences et ce n'est pas la même chose. Quand vous vous exprimez au nom de l'Union européenne, vous n'avez pas le droit d'employer les termes que vous employez d'habitude à titre national. Un pays qui est président, qu'est ce qu'il fait quand il veut s'exprimer ? Il fait une proposition et le texte circule - cela prend quelques minutes, cela va très vite mais cela circule dans quinze pays et chaque pays dit : ce mot là ce n'est pas possible, il faut employer un autre mot, il faut ajouter ceci, il faut enlever cela etc... donc, vous avez une synthèse. Quand l'Union européenne s'exprime, c'est une position de synthèse, par conséquent, c'est une proposition de compromis. Dans le système européen, aucun pays notamment pas le pays président, qui en tant que président a des obligations de courtoisie en quelque sorte de faire attention à l'opposition de tout le monde sans bousculer personne - donc, tout ce qui sort de l'Union européenne, est la synthèse qui a été trouvée entre les Quinze. Vous pouvez apprécier les résultats, vous avez en effet une expression coordonnée à quinze et une expression française.
Q - Est-ce que les Quinze actuellement pensent comme vous que c'est une convocation délibérée ?
R - Vous avez la réponse dans les textes, les Quinze pensent ce qui a été dit au nom des Quinze et au nom des Quinze unanimes. Nous avons dit ce que nous avions à dire en tant que président. Nous, Français, nous avons dit ce que nous pensions mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autre pays qui pensent la même chose, mais vous déduisez vous-même, c'est une soustraction.
Q - Monsieur Védrine, hier et aujourd'hui, M. Nabil Chaath a dit qu'il n'a pas besoin d'idées créatives et veut une reconnaissance de l'Autorité palestinienne sur Jérusalem. Qu'en pensez-vous ?
R - Je ne réponds pas sur des morceaux de la négociation. J'ai dit tout à l'heure : nous ne sommes pas en position centrale, je comprends très bien que les Israéliens et les Palestiniens expriment leur position et disent ce qui est fondamental pour eux ; ce qu'ils peuvent accepter ou pas. Nous ne sommes pas les deux protagonistes du conflit et donc de la paix. Nous sommes un pays "ami", facilitateur, tout le travail que l'on veut faire c'est pour les aider à trouver une solution. Ce n'est pas la peine d'exacerber les positions ou les différences, c'est pour cela qu'on fait un travail discret et qu'on cherche la valeur ajoutée par rapport à la paix. Donc, je ne commente pas et d'ailleurs je n'ai fait aucune déclaration depuis la mi-août, depuis l'élément nouveau à Camp David qui soit une déclaration pour commenter telle ou telle position sur le fond ce n'est pas utile dans notre position de faire cela.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que un éventuel retour - du Likoud - en la personne de Sharon ou de Netanyahou au pouvoir vous inquiète ? Est-ce que demain vous participez directement aux réunions ou vous suivez de loin ?
R - Pour le moment, c'est essentiellement une réunion américano-israélo-palestinienne mais tout n'est pas fixé, à l'heure où je parle ce n'est pas organisé dans les détails et je ne sais pas si on participera à quelque chose ou pas mais ce n'est pas le cur du sujet. N'oubliez pas que nous sommes en contact tout le temps, que ce soit à New York, en Europe ou au Proche-Orient ou je ne sais où. Donc, n'analysez pas comme si c'étaient des rencontres des gens qui ne se sont pas vus depuis des années. Bon, sur le reste je ne vais pas commenter les événements de la politique intérieure israélienne mais il est quand même clair qu'il y a eu cette démarche que nous jugeons irresponsable de M. Sharon, c'est une chose et que d'autre part, il s'agit d'Israël ou des Palestiniens. Nous préférons avoir aux commandes des forces qui sont animées par la recherche de paix. Ce n'est pas une découverte, il est clair que pour le Proche-Orient, il y a soit la recherche de l'accord de paix même si c'est très très difficile, on le sait ou alors il y a le retour à une situation de tension. La violence peut dégénérer en un instant comme on l'a vu. Malheureusement, l'alternative est aussi claire que ça.
Q - Pensez-vous que pour calmer la tension dans les Territoires palestiniens, occupés par les Israéliens - l'idée palestinienne d'un déploiement international d'observateurs qui se positionnent dans les points sensibles des Territoires palestiniens n'est pas une idée intéressante et ce serait un geste de bonne conduite, de bonne volonté ?
R - Je ne vais pas m'engager sur cette demande en particulier mais je suis convaincu qu'il faut des gestes demain qui soient faits de part et d'autre, y compris de la part des Israéliens - il faut des gestes concrets en ce qui concerne la façon dont la sécurité est assurée. Mais vous savez, à la veille de cette rencontre, je veux laisser à M. Barak la possibilité d'arriver avec ses propres propositions. Je ne veux pas présenter cette discussion.
Q - Pour les observateurs - les moyens utilisés pour réprimer les Palestiniens...
R - Je l'ai dit quand j'ai reçu M. Nabil Chaath, il est évident que c'était d'une part disproportionné, à supposer que la notion de "proportion" puisse être déterminée avec précision - mais évidemment c'est disproportionné et il y a un vrai problème quant aux modalités du maintien de l'ordre, c'est clair. J'espère qu'ils pourront se parler franchement demain à ce sujet.
Q - Est-ce que vous allez assister à l'entretien entre M. Chirac et MM. Barak et Arafat demain ?
R - Je ne sais pas encore - c'est une question d'organisation.
Q - Pour faire face à la situation en République fédérale de Yougoslavie et aux manuvres que pourrait tenter un pouvoir en perdition, vous avez dit Monsieur Védrine "M. Kostunica et le peuple doivent savoir qu'ils peuvent compter sur l'Europe. Comment, Monsieur le Ministre et quels sont les moyens, les pressions de l'Union européenne en général et de la France en particulier ?
R - Je voudrais vous rappeler ce que nous avons déjà fait. Nous avons, lors de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères européens à Evian, au début du mois de septembre, envoyé un message au peuple serbe dans lequel nous avons dit que nous tendions la main au peuple serbe, que la victoire de la démocratie à Belgrade entraînerait une révision radicale de la politique européenne à l'égard de la République fédérale de Yougoslavie. Nous l'avons dit sur un ton dont M. Kostunica nous a fait dire que "c'était un ton juste et qu'il avait été entendu par les Yougoslaves. Ce n'est pas un ton menaçant, ce n'est pas un ton conditionnel et on sait que cette opinion yougoslave même les gens les plus démocrates sont restés hypersensibles à toutes les interventions extérieures et même les opposants les plus déterminés à Milosevic ont quand même une réaction de fierté par rapport à certaines interventions qui sont théoriquement inspirées par l'idée de leur vouloir du bien mais qui sont parfois maladroites. Dans le cas d'espèce, les opposants serbes nous ont dit que c'était le ton juste, que cela jouait un rôle, que cette perspective avait été mobilisatrice. Mais ce sont quand même les Serbes qui font l'essentiel du travail. En Serbie, c'est le peuple serbe qui a eu le courage de voter - ils ont voté en masse - ils ont évidemment voté en masse pour Kostunica. Nous sommes convaincus qu'il a dépassé 50 %. Le régime, dans un premier temps, très certainement, s'est demandé s'il ne pouvait annoncer que Milosevic était élu au premier tour. Ils n'ont pas osé et ont dû se demander s'ils ne pouvaient pas l'annoncer comme étant en tête quand même mais ils n'ont pas osé, tellement cela aurait été choquant, tellement la disproportion par rapport à la réalité aurait été explosive. Ils ont fait cette annonce, que vous connaissez, dans laquelle M. Milosevic avait annoncé 40 % des voix, ce qui est l'aveu déjà d'un échec même si c'est un aveu qui est un mensonge par ailleurs, la vérité aurait été de reconnaître la victoire de Kostunica au premier tour. Ce régime sur la défensive emploie les dernières cartes qui lui restent puisque, manifestement, les Yougoslaves n'ont plus tout à fait la peur qu'ils avaient avant. Et ça, c'est le début du commencement de la fin, quand un régime de ce type a en face un peuple qui n'a plus tout à fait peur de lui. Maintenant ils emploient des procédures, des manipulations et c'est le sens du second tour que l'opposition récuse, puisqu'ils estiment avoir gagné et que le second tour est donc une escroquerie ; d'où la demande de l'opposition - que j'ai soutenue - que les résultats du premier tour soient vérifiés. Toutes les formules proposées ont été récusées. D'abord la commission électorale a confirmé ces chiffres mais c'est une commission dans laquelle il n'y a aucune personnalité indépendante et aucun représentant de l'opposition, aucun observateur extérieur. Donc cette commission a confirmé les chiffres après avoir semble-t-il hésité sur les chiffres exacts à donner aux deux principaux candidats. L'opposition démocratique a déposé des recours devant la cour constitutionnelle. Je trouve légitime la demande de l'opposition.
Alors nous sommes dans cette situation, momentanément confuse sur ce plan. Mais je vais vous dire que sur le fond cela ne change rien à notre analyse. Pour nous M. Kostunica incarne la légitimité d'une République fédérale de Yougoslavie nouvelle. Le pouvoir de M. Milosevic a été battu, il a été désavoué, il a été battu par les Serbes eux-mêmes, et comme je l'avais dit dimanche : quelque chose a commencé qui ne s'arrêtera plus. Alors je ne peux pas vous dire, je ne suis pas devin, je ne peux pas vous dire quelle forme cela va prendre mais je ne pense pas que les manuvres puissent maintenant réemprisonner ce peuple, dans la situation absolument déplorable où l'avait mis la politique de M. Milosevic. Notre ligne est de continuer à soutenir l'opposition démocratique dans ses droits légitimes jusqu'à ce que l'objectif soit complètement atteint. La concertation est constante entre membres de l'Union européenne, ainsi qu'avec les Etats-Unis, et ainsi qu'avec les Russes. Avec les Russes, l'expression est assez différente, et vous comprenez bien pourquoi, la relation historique entre les deux pays, la réaction de l'opinion publique russe par rapport à ce qui s'est passé fait que les dirigeants russes ne peuvent pas s'exprimer de la même façon. Mais je vous redis ce que j'ai déjà dit ; c'est que, à Moscou, j'ai pu vérifier qu'il n'y a aucune indulgence de la part des autorités russes par rapport à M. Milosevic. Il n'y a aucune indulgence, il n'y a aucune sympathie, il n'y a aucune complaisance. Donc le grand objectif commun c'est le retour ou en tout cas l'établissement de la démocratie en Serbie, oui c'est l'objectif commun de tous les partenaires extérieurs. Et c'est le peuple serbe qui veut finalement trancher et je pense que personne ne pourra l'empêcher très longtemps d'imposer sa volonté.
Q - Monsieur Védrine, si M. Milosevic persiste à organiser le deuxième tour, qu'est- ce que l'Europe peut faire, qu'est ce que vous pouvez faire, parce qu'il faut être préparé d'une certaine manière avec une politique de rechange ou une politique de représailles ou quelque chose comme ça ?
R - C'est un peu comme sur le Proche Orient, vous voyez, on peut jouer un rôle plus ou moins important dans différentes situations mais on ne peut pas se substituer aux responsables directs. Donc ce problème est d'abord posé à l'opposition démocratique serbe, qui estime en conscience et nous pensons qu'elle a raison, qu'elle a gagné. Donc ça c'est la première chose. Si le second tour est organisé quand même dans les conditions que j'ai rappelées nous n'en tiendrons pas compte. Pour nous cela ne changera rien à la situation qui est issue du premier tour, ce sera une manipulation de plus. Et peut-être une manipulation de trop.
Q - Dans la même hypothèse, est-ce que vous ne pouvez pas imposer ou proposer une commission de contrôle, je ne sais pas très bien sous quelle forme la présence d'observateurs, des machines à compter, je ne crois pas que les Russes soient très très bons pour ça, ils ne l'ont pas encore prouvé, mais l'Europe peut-être ? Ou l'ONU ?
R - Madame, si on avait affaire à un régime prêt à accepter des machines à compter de façon incontestable ou des observateurs des élections, ils auraient reconnu leur défaite au premier tour. Donc il n'y a pas de moyen de l'imposer ça, ni de la part des Russes ni de la part des autres. Donc la solution n'est pas là, ou si cette solution était applicable, cela voudrait dire qu'on a déjà réglé le problème. Donc on a affaire à une situation qui est différente, on a un régime qui s'accroche, qui refuse l'évidence et qui veut essayer d'embrouiller les choses pour qu'on oublie que la démocratie s'est prononcée clairement au premier tour. Tout repose dans l'endurance du peuple serbe, sa ténacité, sa volonté de changement, sa volonté de sortir de la masse, de la trappe et je crois qu'ils y arriveront. Je ne sais pas comment mais si on pouvait imposer ça, il y a longtemps qu'on aurait imposé la démocratie. Si on pouvait l'imposer, encore une fois, c'est qu'on aurait à faire à un régime normal et s'il était normal le problème serait réglé, on n'aurait plus besoin d'imposer un contrôle. Cela ne se présente pas comme ça, il faut se préparer, soutenir longtemps s'il le faut cette opposition démocratique, légitime maintenant. Toutes les propositions de contrôle du premier tour ont été récusées, toutes les propositions extérieures, de même que ce régime a refusé d'accepter sur son sol ce que nous avions appelé les "témoins de la démocratie" qui sont allés avant le premier tour pour justement observer. Les observateurs qui ont fait le travail, ce sont des observateurs serbes issus de l'opposition qui sont allés dans les bureaux de vote, qui ont réussi à collecter des informations qui ont été ensuite recoupées de toutes les façons pour aboutir aux évaluations que vous connaissez à l'heure actuelle. Donc, ce sera plutôt une question d'endurance civique et politique.
Q - Monsieur le Ministre, je souhaiterais savoir si votre voyage à Moscou a été fructueux et si donc le prochain voyage de M. Poutine se passera aussi bien ?
R - Je me suis rendu à Moscou, à la fois pour préparer le sommet Union européenne-Russie qui aura lieu à Paris fin octobre et la visite bilatérale du président Poutine à Paris - ainsi d'ailleurs que la rencontre des deux Premiers ministres français et russes qui coprésident la commission, et qui aura lieu le 18 décembre. Donc il y a un ensemble de forums européen et français. Sur ces deux plans, je suis très satisfait des entretiens nombreux que j'ai eus à Moscou, non seulement avec le président et les ministres mais aussi avec d'autres ministres responsables. Cela se présente bien sur les deux plans : un programme sérieux, un programme important de relance et le sommet européen-Russie qui va être substantiel. Nous avons identifié au moins 7 ou 8 sujets de discussion. Ce ne sera pas formel, ce n'est pas une rencontre de politesse, il y a des sujets à évoquer. Quant aux perspectives franco-russes, elles sont importantes. J'ai d'ailleurs trouvé que la communauté d'affaires française en Russie, que je rencontre chaque fois que je vais en Russie, était assez optimiste sur les perspectives générales du pays. Ils m'ont tous dit que le pays est en phase ascendante. Les hommes d'affaires ont une vision des choses, parfois les diplomates en ont une autre encore, les hommes politiques, les intellectuels en ont une autre, mais c'est un des éléments du paysage.
Pour le reste je vous ai dit que je considère que la Russie a le même objectif global que nous sur la Yougoslavie mais des méthodes différentes et une expression différente pour des raisons intérieures que je peux comprendre. L'essentiel étant que nous ayons le même objectif. La proposition russe me semble inspirée par le désir de montrer que déjà ils considèrent que M. Kostunica a une certaine légitimité, sinon ils ne l'inviteraient pas. Ils ne vont pas aussi loin que nous en ce qui concerne le premier tour. Là, il y a une différence mais pas tellement entre eux et nous parce que ce n'est pas un problème central. Il y a une différence entre les Russes et l'analyse que l'opposition yougoslave fait de la situation mais je pense que les initiatives russes même si elles sont différentes de notre approche sont plutôt inspirées par le même projet que nous, globalement.
Q - Quels sont les problèmes dont vous allez discuter lors du sommet Russie-Union européenne ? Est-ce qu'il s'agira de l'accord énergétique entre l'Union européenne et la Russie que M. Prodi a souhaité ces derniers jours pour ne pas dépendre des pays de l'OPEP pour les matières énergétiques ?
R - Ce n'est pas aussi précis que cela mais la question de l'énergie fait partie du sujet. Le fait que cela fasse partie de l'ordre du jour ne veut pas dire qu'on s'est mis d'accord sur cette formule. C'est une formule parmi d'autres, donc il n'y a pas d'accord a priori sur une formule particulière, simplement on a pensé que c'était un sujet intéressant. Je ne peux pas faire l'analyse de chaque sujet mais il y a à la fois des accords même par exemple relancer l'accord de coopération scientifique et technologique entre l'Union européenne et la Russie, ça c'est un exemple mais vous avez aussi des sujets de discussion, d'échange simplement. Par exemple, les Russes demandent qu'on leur explique mieux le processus de défense européenne - c'est une demande légitime - les Russes demandent qu'il y ait un échange sur les conséquences qu'auront sur la Russie l'élargissement, il y a aussi des discussions à avoir sur le programme européen TACIS de coopération. Donc voilà quelques exemples mais ce n'est pas exhaustif mais cela vous montre que ce sont de vrais sujets.
Q - L'affaire Macha Ouary Zakharova - le dossier, vous le connaissez bien - vous allez dire que c'est une affaire de la justice qui est indépendante - mais cela a déjà pris des allures d'affaire d'Etat - Est-ce que vous avez un commentaire, une réflexion ?
R - Je suis obligé de redire qu'en effet, c'est une affaire judiciaire. Le gouvernement n'a aucune espèce d'influence sur la façon dont cette affaire est traitée. En tant qu'individu, je peux exprimer le souhait, l'espérance que la justice française trouve une solution plus humaine à cette situation qui est pénible. Tous ceux qui présentent ça comme une affaire d'Etat se trompent. L'affaire d'Etat serait un problème qui engagerait les autorités françaises et les autorités russes, ce n'est pas le cas et ce n'est pas plus le cas que quand il y a eu l'affaire du bateau - l'affaire de la mobilisation du bateau - les autorités françaises n'y étaient absolument pour rien, il n'y avait aucun lien. C'est une action judiciaire intentée dans un autre pays. Ce sont des lois, des mécanismes et je pense que le travail de la presse russe aussi doit être d'apprendre aux lecteurs russes à distinguer les choses entre ce qui relève vraiment des relations entre gouvernement et le reste. Sur la Tchétchénie, c'est différent, quand on a à faire des commentaires sur la Tchétchénie, je pense qu'on a dit des choses justes d'ailleurs - c'est juste de dire qu'un jour ou l'autre il faudra bien une solution politique - cela a provoqué des réactions d'énervement à Moscou mais là on peut dire, en effet, qu'il y a un désaccord sur un point - ce n'est pas faux, l'erreur d'analyse était de considérer que le désaccord évidemment, envahissait l'ensemble des relations alors que dans toutes relations entre les grands pays - vous travaillez toujours sur 10, 20, 30 sujets en même temps. A l'époque il y avait une erreur de proportion dans l'analyse. En revanche dans le cas que vous citez, comme dans l'affaire du bateau, il y a une erreur complète puisque cela n'a rien à voir avec les relations entre Etats et gouvernement, c'est autre chose.
Q - La Présidence française a été l'occasion de créer le CAPE, c'est déjà une chose très positive mais est-ce qu'on peut déjà faire un bilan, après le sommet d'Evian et avant le Sommet de Biarritz - les 12 et 13 octobre. Le ministre des Affaires étrangères que vous êtes du pays qui assume la Présidence de l'Union européenne est-il encore pessimiste sur les chances d'un accord au Sommet de Nice, sur la réforme des institutions ?
R - D'abord, je voudrais vous dire qu'une Présidence européenne de second semestre, en réalité cela commence début septembre, alors on peut me dire qu'il y a des Conseils au mois de juillet, mais ce n'est pas comparable à la Présidence du premier semestre qui démarre début janvier et qui travaille sans arrêt jusqu'à fin juin. Le second semestre, en réalité à cause de l'arrêt du mois d'août, où toutes les institutions s'arrêtent, recommence début septembre et la Présidence a commencé avec la rencontre informelle des ministres au Gymnich d'Evian, début septembre, et cela va jusqu'à la mi-décembre. Donc c'est très court et on n'est pas à mi-parcours, on ne peut faire aucun bilan.
Je demande une chose simple, c'est de faire le bilan de la Présidence française quand elle sera terminée.
Deuxièmement, nous avons beaucoup de projets pour la Présidence française et nous travaillons sur beaucoup de plans qui concernent l'Europe des citoyens, la sécurité alimentaire, la sécurité des transports, l'économie, la formation, la culture. Nous savons très bien à l'avance et tous les spécialistes de l'Europe qui sont là le savent, on sait très bien que le sujet le plus compliqué ce sera la réforme des institutions. Cette réforme a déjà été tentée en 1996-1997 et a conduit à un échec qui avait été constaté trois semaines avant Amsterdam. C'est parce que c'était très difficile, c'est toujours difficile, ce n'est pas devenu plus facile entre temps. On savait, à l'avance, que ce sujet allait être dominant et qu'il est très difficile à résoudre. Il n'y a pas besoin d'être devin, là aussi, pour comprendre que ce problème va être présent pendant toute la Présidence française et que l'on a une chance de trouver une solution si vraiment on fait tout ce qu'il faut. D'ici là, nous préparons les choses et M. Moscovici et moi-même, nous travaillons beaucoup là-dessus, nous faisons toutes sortes de réunions qui portent des noms variés mais le contenu est toujours le même. Ce sont les quatre sujets de la Conférence intergouvernementale. On peut préparer les options, les hypothèses, les compromis, les arbitrages, mais vraisemblablement cela se dénouera entre le Conseil européen de Biarritz et le Conseil européen de Nice et plus précisément juste avant Nice ou à Nice, donc raison de plus pour ne pas faire de bilan avant.
Q - J'espère qu'on peut prendre date ?
R - Oui, là c'est facile - mais je ne suis pas forcément disponible pour venir faire le bilan fin décembre. D'ici là, nous avons la convention chargée de réviser la Charte et d'adopter un texte - je crois que c'est un bon texte, un texte politique et simple qui est clair, lisible, qui a de l'allure, qui aura des retentissements dans les esprits et qui sera symbolique au sens fort du terme. La charte doit être transmise au Conseil européen de Biarritz, adoptée formellement à Nice, mais on sait que la convention a réussi à se mettre d'accord sur ce texte important. La négociation CIG, nous savions quelle allait être difficile, ce n'est pas une surprise. Début septembre j'ai lancé un petit signal d'alarme en disant "attention rien ne bouge" depuis la Présidence portugaise. On patiente, chacun explique sa position et on ne bouge pas. A partir de la mi-septembre, nous avons constaté avec M. Moscovici, qu'il y avait un petit mouvement, que les différents pays acceptaient d'entrer dans des scénarios supposant qu'ils essayaient de changer un peu de position, mais personne ne s'engage complètement. Et comme chacun des quatre points est lié aux autres et que l'accord sera au bout du compte global, on ne peut pas isoler un des sujets en disant "on s'est mis d'accord sur autre chose". Nous entrons petit à petit dans la phase de la vraie négociation - voilà où nous en sommes.
Q - Qu'est-ce que vous pensez de ceux qui ont déclaré, ce matin, qu'ils veulent un peu plus d'Europe et un peu moins de nation, c'est-à-dire, accusent la méthode intergouvernementale en dehors des discussions européennes ?
R - Je ne veux pas me prononcer très en détail puisque je n'ai pas lu ce texte en entier et puis je me méfie des phrases qui sont sorties du contexte. Je ne pense pas qu'il critique la Conférence intergouvernementale qui est en cours, si c'était le cas, je ne vois pas très bien par quelle méthode on peut remplacer la Conférence intergouvernementale. Je ne vois pas tellement comment sur des sujets qui relèvent de l'unanimité, on peut négocier autrement qu'en négociant entre les gouvernements. Je suppose que c'est un propos plus large qui porte sur l'avenir.
Q - Il a juste revendiqué la représentativité de l'Europe dans le monde même pour la sécurité de la défense et la fonction d'interlocuteurs directs de la Banque centrale européenne par exemple ?
R - Pour le coup, je pense que cette revendication n'est pas fondée. Je pense que sur l'euro, les deux autorités compétentes sont le président de la Banque centrale et le ministre des Finances, président en exercice de l'Euro-groupe et pour le reste c'est clairement une revendication infondée - ne serait-ce que parce que cela ne coïncide pas ni en terme de compétence, ni en terme de pays participant. Pour le reste, c'est sans doute tout le débat sur l'avenir de l'Europe, la façon dont elle doit évoluer. J'ai lu tous les discours et récemment celui du Premier ministre belge et il y en aura un bientôt de M. Tony Blair. Je pense au débat qui se poursuit sur l'avenir de l'Europe qui prendra une position plus exacte de la position de chaque pays.
Je dois vous dire que ma priorité à moi, c'est de réussir à Nice et je considère que tout passe par là. Si à Quinze, nous n'étions pas capables d'aboutir à un bon résultat à Nice, toutes les discussions et les réflexions sur l'avenir seraient un peu dans le vide. Donc, la priorité c'est Nice, d'ailleurs tous ceux qui s'expriment sur l'avenir de l'Europe depuis quelques mois disent toujours à la fin "la priorité, c'est Nice". C'est en tout cas, un programme commun.
Q - Qu'est-ce que vous attendez vraiment à Biarritz, Monsieur le Ministre ?
R - Biarritz, pour le coup, c'est un Conseil européen d'étape, donc nous en attendons d'abord un point sur la Charte. La convention transmet au Conseil européen à Biarritz, la Charte. Je vous ai dit que la conclusion serait donnée à Nice. Nous en attendons un point exact sur la CIG, c'est là où on va voir où on en est sur chacun des points. S'il y a des mouvements, est-ce que les mouvements aboutissent ? Est-ce que des options apparaissent ? Des esquisses de solutions, de compromis ? Nous verrons si nous devons mettre sur la table de la négociation des solutions possibles. Jusque là, ce n'était pas possible parce que je le répète, chaque pays a répété sans arrêt sa position connue.
A partir du moment où il y a un peu de mouvement, on peut essayer d'esquisser des avant projets de solution. C'est cela que Biarritz va nous permettre de voir. Un Conseil européen, c'est toujours l'occasion de faire le point sur l'actualité. Donc nous allons évidemment parler du Proche-Orient et de la Yougoslavie.
L'Union européenne a, en effet, réfléchi à une forme de dialogue qui serait souhaitable de développer entre les consommateurs de pétrole et les producteurs, pas uniquement l'OPEP mais les producteurs dans leur ensemble. La réflexion a lieu sur la façon de nouer ce dialogue. C'est une matière sensible, ce n'est pas évident mais peut-être qu'un échange est possible entre tous les groupes, que ce soient les producteurs, les consommateurs riches et les consommateurs pauvres qui ont tous le même intérêt : la croissance durable.
L'Union européenne souhaite un dialogue de ce type et je pense que certains Etats auront un échange là-dessus.
Q - Ce matin, le président Fox est parti dans sa tournée en Europe - la France a toujours eu des relations très convenables avec le Mexique, avec les parties qui étaient au pouvoir avant. Est-ce que vous, après avoir rencontré toute l'équipe de transition, vous pensez que la France aura un changement de position ?
R - J'ai moi-même eu le plaisir d'accueillir le Président Fox, hier soir au Quai d'Orsay pour un dîner que j'ai donné en son honneur. Nous avons parlé de beaucoup choses. J'ai appris qu'il avait vécu en France d'ailleurs pendant dix huit mois et la conversation a été très sympathique. J'ai trouvé en lui un homme très très ouvert sur la France ou l'Europe en général, très désireux manifestement de développer les relations Mexique-Europe qui sont très bonnes mais on peut toujours améliorer les choses. Pour le fond de votre question, les relations ne sont pas avec un parti, elles sont de pays à pays, donc, les relations entre la France et le Mexique c'est entre la France et le Mexique, ce n'est pas entre la France et tel parti. Il n'y a aucune espèce de raison pour que la France ne développe pas les meilleures relations possibles avec le Mexique pendant la présidence de M. Fox, au contraire nous sommes tout à fait ouverts.
Q - Monsieur le Ministre, je voudrais m'adresser au ministre français des Affaires étrangères qui, j'imagine ne se contente pas de présider et d'arbitrer les discussions sur la réforme des institutions mais qui est aussi partie prenante et je voudrais vous poser une question précise : il semble bien qu'un des problèmes sur lesquels butent les discussions est la pondération des voix dans les institutions à l'avenir. Est-ce que la formule, selon laquelle on donnerait 33 voix à l'Allemagne et 30 voix à la France, et aux autres grands pays de l'Union européenne vous paraît acceptable pour la France et pour les autres ?
R - Je ne veux pas me lier à une formule en particulier à ce stade de la discussion. Il est vrai que la pondération plutôt la repondération est un des points durs mais tous les points sont durs en fait dans la discussion et ce point est lié à d'autres et avant d'accepter telle ou telle formule pour la majorité qualifiée, pour la pondération, pour la Commission, chaque pays verra ce qu'il obtient sur les autres points. En fait tout est lié. A ce stade, je ne souhaite pas que cela devienne une discussion publique parce que c'est trop sensible, c'est trop incertain. Le mouvement de négociation a à peine commencé et je crois qu'il est prématuré de présenter même un état moyen de la discussion. Je peux simplement vous rappeler à ce stade, que nous souhaitons, nous, une repondération substantielle pour les grands pays qui devraient permettre d'élargir plus que ce n'est le cas aujourd'hui le vote à la majorité qualifiée, que nous souhaitons une Commission qui soit plafonnée ou alors qui soit organisée tout à fait autrement et que la hiérarchisation lui permette de rester efficace et que nous souhaitons le plus grand assouplissement possible des coopérations renforcées. Voilà, les quatre objectifs et, pour le moment, je ne veux pas juger les choses sur quelque point que ce soit avant Biarritz.
Q - Monsieur le Ministre, il y a quelques jours M. Bové militant anti mondialisation a annoncé qu'il était prêt avec ses amis à lancer une campagne internationale pour marginaliser la Colombie - il a ajouté qu'il allait profiter de la Présidence française au nom de l'Union européenne pour isoler la Colombie - quel est votre sentiment sur ce type d'initiative qui touche directement la présidence française ?
R - Il y a d'un côté M. Bové et de l'autre il y a la Présidence française de l'Union européenne, ce sont deux choses différentes - voilà ma réponse. La position de la Présidence est de soutenir l'action des autorités colombiennes sur beaucoup de plans - il y a une coopération sérieuse entre l'Union européenne et la Colombie pour aider la Colombie à surmonter les problèmes auxquels elle fait face.
Q - Monsieur le Ministre, hier vous avez discuté avec Mme Albright au sujet de l'Iraq - est-ce qu'il y a du neuf à ce propos ? Est-ce que la France est prête, pour sauter l'impasse à faire des propositions pour aménager la résolution 1284 ?
R - Il n'y a pas d'élément fondamentalement nouveau par rapport à l'Iraq, vous connaissez bien notre position. Je crois, qu'en effet, un travail à New York pour préciser certains points de la résolution 1284 avec les différents membres permanents ne serait pas inutile. Quant au vol, j'avais déjà expliqué que j'avais autorisé ce vol humanitaire parce que j'avais vérifié juridiquement que ce n'était pas interdit par les résolutions et que vol était strictement humanitaire. Si un autre vol correspondait à ces critères il serait autorisé et s'il ne correspond pas à ces critères il ne sera pas autorisé.
Q - Les vols réguliers de passagers ?
R - Les vols réguliers de passagers ne sont pas autorisés par les résolutions. La distinction entre vol strictement humanitaire ou pas - mais tout vol commercial régulier générant des flux financiers tombe sous le coup des résolutions.
Je voulais vous annoncer, avant de nous séparer, que j'ai nommé François Rivasseau qui est ici à ma droite, comme directeur de la DCI et porte-parole et Bernard Valéro comme porte-parole adjoint./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 octobre 2000)