Déclaration de M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce, à l'artisanat et à la consommation, sur le soutien et l'action des pouvoirs publics en faveur de l'esprit d'entreprise, l'innovation et la création d'entreprise, Paris, le 20 octobre 2000.

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Circonstance : Clôture du Forum "Former pour entreprendre" à Paris, le 20 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Ministre, Messieurs les Présidents,
Monsieur le Directeur, Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord vous dire mon regret de n'avoir pu prendre part aussi assidûment que l'aurait fait Marylise Lebranchu à ce Forum " Former pour Entreprendre ", du fait des circonstances tout à fait imprévues qui me valent de lui succéder à la tête du Secrétariat d'Etat aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce, à l'Artisanat et à la Consommation.
Je vous dirai également combien je suis impressionné par le nombre, la qualité des intervenants et des participants, présents au cours de ces deux journées, mais également par la forte mobilisation de l'ensemble des pays européens. Cela confirme combien il était opportun, sous la présidence française de l'Union européenne, d'organiser un large débat européen sur le thème du développement de l'esprit d'entreprise, de l'innovation, de la création d'entreprise.
Je pense en effet que ces thèmes sont porteurs d'enjeux considérables pour l'avenir de notre Europe. En effet, les quinze pays membres de l'Union Européenne ont choisi d'expliciter dans des traités les valeurs qu'ils partagent et les objectifs qu'ils entendent atteindre par la conjonction de leurs efforts. Ils veulent une Europe qui soit une zone de prospérité économique, un espace dans lequel les droits individuels et sociaux progressent, où le souci de la préservation de l'environnement soit pris en compte, et une puissance politique écoutée et respectée dans le monde. Ils savent que l'approfondissement des échanges dans tous les domaines, humains, culturels et aussi économiques, est la voie principale par laquelle passe la construction de ce projet commun.
Aussi, au-delà même de la construction du marché unique et, pour ceux des pays qui l'ont acceptée, de la réalisation de l'Euro d'ici à peine plus d'un an, les membres de l'Union européenne reconnaissent que la concurrence, convenablement organisée et justement régulée, est le principe essentiel du fonctionnement de leurs systèmes économiques. Dès lors quel meilleur moyen d'activer la concurrence que d'encourager l'entrée sur les marchés de nouvelles entreprises, vecteurs de l'innovation et des progrès technologiques au service des consommateurs ?
S'il me fallait résumer d'un mot notre ambition, je dirais que c'est celle d'une société entreprenante, c'est-à-dire :
Une société qui valorise l'entreprise et l'entrepreneur, lesquels sont au cur du processus de création de richesses et donc d'emplois,
Une société qui favorise par conséquent la prise de risque,
Une société qui suscite de nouvelles vocations d'entrepreneurs dans tous les métiers, sans discrimination entre " nouvelle économie " et " ancienne économie",
Enfin, une société qui détecte les nouveaux talents dans les entreprises, qui ne demandent qu'à se lancer dans l'aventure de la création d'entreprise.
Mais cette société entreprenante doit être aussi une société apprenante. Si nos économies ont l'exigence de la compétitivité et de l'innovation, nos systèmes éducatifs doivent être porteurs des mêmes valeurs, anticiper et traduire ces évolutions. Il faut favoriser l'émergence de nouveaux comportements plus entreprenants chez les jeunes, dès le début de leur scolarité, mais également chez les salariés, afin de développer encore plus activement l'innovation au sein des entreprises.
L'enjeu est de taille car, par delà les mesures que les Etats peuvent prendre pour accompagner les créateurs d'entreprise au début de leur projet, il s'agit, ni plus, ni moins, que de changer la culture d'entreprise et, plus profondément, certains traits fondamentaux de nos représentations collectives : ne plus stigmatiser l'échec, reconnaître à l'erreur les vertus de l'apprentissage, donner aux jeunes d'autres modèles, de nouveaux repères, élargir le champ des possibles qui s'ouvrent à eux, faire place à l'imagination.
Les Etats-Unis, certes, ont quelques années d'avance sur le sujet, comme l'a souligné, ce matin, Monsieur Twaalfhoven.
Pour autant, nous devons être confiants dans nos capacités de définir notre propre " modèle " européen et notre vision de l'entrepreneuriat.
Si la première chaire spécialisée dans le domaine de l'entrepreneuriat a vu le jour aux USA en 1963, il n'en est pas moins vrai qu'en France, la première chaire spécialisée dans ce domaine, - HEC-entrepreneurs - a été créée au sein du groupe HEC dès les années 1970, suivie de près par l'Ecole de Management de Lyon.
Le mouvement s'est amplifié en France au cours des dernières années : des actions de sensibilisation, des options, des filières spécialisées se sont développées à la fois dans les lycées, les universités, les écoles de management et les écoles d'ingénieurs. Sous l'impulsion de mon collègue en charge de l'industrie, Christian Pierret, les écoles des mines et des télécommunications, mais aussi des écoles d'ingénieurs des chambres de commerce et d'industrie, se sont résolument engagées dans cette voie, qui implique des remises en cause pédagogiques profondes.
En ce qui concerne plus particulièrement mon Secrétariat d'Etat, je voudrais souligner que l'apprentissage est aussi, à tous les niveaux de formation, du plus modeste au plus élevé, une formidable école d'éducation à l'esprit d'entreprise.
Prises au départ sous l'impulsion d'acteurs dynamiques du système éducatif, toutes ces initiatives ont bénéficié du soutien des pouvoirs publics qui se sont efforcé de les coordonner et de leur donner de la cohérence. Les conditions sont maintenant remplies pour que l'esprit d'entreprendre se diffuse plus largement, et que les formations entrepreneuriales se développent au niveau européen avec autant de succès et de reconnaissance qu'aux Etats-Unis.
Il ne nous faut cependant pas relâcher nos efforts. En effet, quelle que soit l'efficacité de nos politiques de soutien à la création d'entreprise et de l'innovation, celles-ci ne porteront pleinement leurs fruits que si l'ensemble des acteurs du développement économique - au premier plan desquels se trouvent les formateurs - prennent une part active à la véritable mutation culturelle que constitue l'éducation à l'esprit d'entreprise.
Cette évolution sera source de créativité et d'épanouissement personnel pour les individus qui créeront des entreprises ou développeront des activités innovantes par la floraison d'échanges et de partenariats qu'elle engendrera, elle créera de nouveaux liens de solidarité à l'échelon européen, national comme local.
Tout cela me conforte dans l'idée que j'exprimais au début de mon intervention, que les actions que nous pourrons mener ensemble en faveur de la formation de l'esprit d'entreprise concourront à la construction d'une Europe plus proche des citoyens.
Pour sa part, la France conduit avec détermination une politique en faveur de l'innovation et de l'initiative entrepreneuriale. Ce n'est pas ici le lieu, bien entendu, de dresser l'inventaire des mesures prises en France dans ce domaine mais je souhaite en rappeler les grandes lignes, soulignant les efforts accomplis à ce jour.
Depuis janvier 1998, le Gouvernement a mis en uvre un plan pour faire entrer la France dans la société de l'information. La loi sur l'innovation et la recherche, les mesures en faveur du capital risque - incubateurs d'entreprises, fonds d'amorçage et fonds public de capital risque -, la création d'un régime juridique et fiscal adapté aux entreprises de croissance : toutes ces mesures forment un dispositif global et cohérent qui a fait bénéficier la croissance et l'emploi des progrès de la science et de la technologie. Les fonds investis dans l'innovation ont triplé l'an dernier, après avoir été multipliés par quatre l'année précédente.
M. Dumont a évoqué hier les Etats généraux de la création d'entreprise, que Marylise Lebranchu a organisés en avril dernier, avec le soutien du Premier ministre. J'en rappellerai les principaux acquis : simplification des formalités auxquelles sont exposés les créateurs d'entreprise, amélioration de leur environnement social, élargissement de l'accès des jeunes entreprises au financement.
Permettez-moi seulement de mentionner que le gouvernement a mis en place pas plus tard que la semaine dernière un nouvel outil de financement pour les créateurs de petites entreprises : le prêt à la création d'entreprise qui sera délivré sans garantie ni caution demandées au créateur. Conçu spécialement pour les porteurs de petits projets, ce nouveau produit devrait permettre de rétablir l'égalité d'accès à la création d'entreprise. Il était en effet devenu, en France, plus difficile d'obtenir un prêt de 50 000 francs que de un million de francs. Voilà typiquement une situation dans laquelle le rôle de régulateur de l'Etat doit s'affirmer.
Dans le même temps, nous entendons inscrire cette politique dans une démarche commune européenne.
Ainsi, au Conseil Européen de Lisbonne, en harmonie avec ses partenaires de l'Union, le gouvernement français a prôné une démarche globale européenne en faveur de l'innovation et de l'emploi. Les conclusions adoptées ont mis l'accent sur la création d'entreprise et les nouvelles technologies. Une charte pour les petites entreprises a été adoptée par les Etats membres afin de promouvoir collectivement une économie novatrice et entrepreneuriale.
Les débats qui se sont déroulés tout au long de ces deux journées ont été très riches.
Ces échanges de "bonnes pratiques" sont essentiels. Ils ne peuvent donner que plus d'impact à ce que chacun peut ou pourrait entreprendre dans son pays.
Les ressources que nous offrent les technologies de l'information et de la communication nous permettent aujourd'hui de prolonger ces échanges : à l'initiative de la Commission les Actes du Forum seront largement diffusés, et mis en ligne sur Internet. Puis-je me permettre de suggérer que l'on saisisse cette opportunité pour ouvrir dans les semaines qui viennent un forum de discussion qui permette d'élargir le débat et de faire émerger d'autres propositions d'action ?
Ainsi nous franchirons - j'en suis convaincu - une nouvelle étape dans la construction de l'Europe des entrepreneurs.
(source http://www.pme-commerce-artisanat.gouv.fr, le 9 novembre 2000)