Texte intégral
Messieurs les ministres,
Monsieur le Secrétaire général du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous recevoir, Mesdames et Messieurs les Préfets, à l'Hôtel de Matignon, pour la seconde fois. A plusieurs reprises, je me suis rendu place Beauvau, à l'invitation du ministre de l'Intérieur qui vous rassemble régulièrement, pour m'exprimer devant vous. Souvent, lors de mes déplacements en régions, ou à l'occasion de séances de travail, je rencontre certains d'entre vous. Aujourd'hui, j'ai tenu à vous réunir ici pour célébrer, avec le ministre Daniel VAILLANT, le bicentenaire de la création de l'institution préfectorale.
Préfets d'un département, préfets de région, représentants de l'Etat dans les collectivités d'Outre-mer, mais aussi directeurs d'administration centrale, membres de cabinet ministériel, chefs de missions d'étude, et même ambassadeur ou membre d'une mission de l'ONU, vous servez tous l'Etat. Au sein d'un corps qui a une longue tradition au service de la République, vous exercez une fonction qui s'est beaucoup transformée depuis deux siècles et qui se transformera encore profondément dans les prochaines décennies, mais dont les principes fondamentaux demeurent.
L'administration préfectorale reste l'armature de l'Etat sur le territoire de la République.
Au cours des deux derniers siècles, la Nation a connu les plus grandes transformations : l'instauration -difficile- de la République, deux conflits mondiaux, l'expansion coloniale puis la décolonisation, l'industrialisation et l'urbanisation, l'éducation de masse, la croissance économique et plusieurs révolutions technologiques. Les préfets ont vécu ces transformations. Ils ont souvent participé aux grands moments de notre histoire. Il suffit de mentionner les personnalités, très différentes, du baron HAUSSMANN, aménageur du Paris moderne, ou de Jean MOULIN, chef de " l'armée des ombres ", un de ceux qui ont sauvé l'honneur de notre pays dans des heures parmi les plus sombres de son histoire. Je veux aussi évoquer la mémoire de Claude ERIGNAC, homme de dialogue et de conviction, parfaite illustration des vertus du corps préfectoral, mort, lâchement assassiné, au service de la Nation et de la République. Beaucoup d'autres, moins connus -car votre fonction ne conduit pas, sauf circonstances particulières, à la notoriété-, ont joué un rôle très important, en tant que bâtisseur, gardien de l'ordre républicain ou conciliateur.
La fonction préfectorale est demeurée identique, dans ses principes, à ce qu'elle est depuis son origine. Au sein de l'Etat, elle est une des garantes de l'unité de la République puisque, comme le dispose notre Constitution, le préfet " a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ". De ces principes inchangés, se déduisent les caractéristiques fondamentales de votre métier et les qualités nécessaires à son exercice.
Le préfet est d'abord un homme -ou une femme- de terrain. Il doit le rester. Il doit être à l'écoute de la société, dans toute sa diversité. Sa tâche d'information du Gouvernement demeure essentielle. Bien sûr, il existe aujourd'hui de multiples canaux d'information et les préfets n'ont plus -l'ont-ils jamais eu ? faudrait-il qu'ils l'aient ?- le monopole de l'information du Gouvernement sur le territoire dont ils ont la charge. Mais leur fonction de synthèse est toujours irremplaçable. Pour cela, vous devez aller, vous-mêmes, à la rencontre de nos concitoyens pour écouter, analyser et comprendre les évolutions sociales. Dans notre société, les informations sont abondantes mais les jugements critiques, fondés sur une connaissance personnelle des faits, manquent souvent. Ne craignez pas de rapporter ce que vous avez vu et de dire ce que vous en pensez, quand bien même ce n'est pas l'opinion commune. Restez des administrateurs ouverts, attentifs, disponibles. La pertinence de vos analyses est précieuse au Gouvernement.
Le préfet a la charge du respect des lois. Celles-ci sont nombreuses. Il est de plus en plus difficile de respecter l'adage selon lequel nul n'est censé ignorer la loi. Or le respect du droit fonde notre pacte républicain. Au niveau local, c'est sur vous que repose, pour une large part, cette responsabilité. Dans l'exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités locales et de leurs établissements publics, mais aussi dans la mise en uvre des politiques publiques, vous êtes tenus à la plus grande vigilance. Votre rôle de conciliateur et parfois d'arbitre, qui consiste à rechercher les solutions acceptables et applicables dans une situation donnée, vous conduit naturellement à refuser qu'une obligation légale ne soit pas respectée. Vous devez signaler au Gouvernement les difficultés d'application des textes législatifs. Si la loi s'avère inapplicable, il faut envisager de la modifier. Les situations floues dans lesquelles il serait toléré qu'une règle soit ignorée parce que son respect serait jugé impossible sont dangereuses. Il doit y être mis fin.
Le préfet a la responsabilité de la sécurité. L'insécurité a pris des formes diverses et nouvelles -les crises alimentaires et la lutte contre les pollutions sont au premier rang de nos préoccupations. Le besoin de sécurité de nos concitoyens est croissant. Il n'est pas encore, nous le savons, pleinement satisfait, notamment pour ce qui concerne la petite délinquance.
Je suis informé par le ministre de l'Intérieur, M. Daniel VAILLANT, de votre implication personnelle dans la mise en uvre de la politique de sécurité définie par le Gouvernement, avec notamment les contrats locaux de sécurité et la police de proximité. Je vous demande de continuer à vous engager pour que le combat contre l'insécurité soit gagné. En apportant votre appui et vos encouragements aux forces de police et de gendarmerie, en assurant avec les autres autorités publiques la cohérence locale des politiques de sécurité, vous pouvez contribuer de manière décisive à la réussite de cette grande politique nationale.
J'ai pu constater, avec nos concitoyens, le rôle clé joué par les préfets dans le traitement des conséquences des catastrophes qui ont meurtri notre pays -je pense en particulier aux plus récentes : les tempêtes, les inondations, le naufrage de l'Erika. Dans ces graves circonstances, chacun se tourne vers l'Etat -c'est-à-dire, au plan local, vers les préfets. Je rends hommage une nouvelle fois au travail qui a été accompli. Il nous appartient de tirer tous les enseignements de ces événements, en termes de moyens et d'organisation, afin que la réponse de l'Etat aux crises soit encore plus rapide et plus efficace. Nous avons commencé à le faire, on l'a vu, après le naufrage du Ievoli Sun. Le renforcement en cours du rôle et des moyens des préfets de zone devrait y contribuer.
Je voudrais aussi souligner l'importance -je sais que vous en êtes conscients- de la lutte contre l'insécurité routière, cette catastrophe quotidienne dont le coût humain et matériel est inacceptable. Le Gouvernement vient d'adopter, lors d'un comité interministériel de la sécurité routière, d'importantes mesures de prévention et de répression. Il vous appartient, dans chaque département, de faire uvre de pédagogie -j'ai relevé d'excellentes initiatives locales, notamment pour réduire l'insécurité routière chez les jeunes- et de rappeler à vos services que cette politique est une priorité.
Connaissance du terrain pour informer le Gouvernement, vigilance pour assurer le respect du droit, engagement dans la lutte contre toutes les formes d'insécurité, ces trois caractéristiques permanentes de la fonction préfectorale exigent deux qualités primordiales qui sont, heureusement, présentes chez les préfets.
La première est la loyauté à l'égard de l'Etat républicain. Le Gouvernement confie au préfet de lourdes responsabilités. Pour nos concitoyens et pour les fonctionnaires placés sous son autorité, ce que dit, fait et commande le préfet l'est au nom du Gouvernement -et engage celui-ci. Il est donc essentiel que le lien de confiance entre le Gouvernement et le préfet soit solide. Le préfet n'est pas pour autant partisan. Quels que soient ses convictions et ses engagements personnels passés, il doit pouvoir être reconnu par tous ses interlocuteurs comme le représentant de l'Etat, qui traite également tous les citoyens.
La seconde qualité primordiale des préfets, qui leur est largement commune, est leur engagement personnel dans leur fonction. Le métier préfectoral engage les femmes et les hommes qui l'ont choisi dans tous les aspects de leur personnalité. Il est de ceux qui ne permettent pas de distinguer strictement le temps du travail et celui de la vie personnelle, alors que c'est là une aspiration particulièrement forte aujourd'hui. C'est dire que c'est un métier exigeant, pour soi et aussi pour sa famille. C'est dire aussi qu'à côté des connaissances professionnelles, plus que jamais nécessaires, les qualités de personnalité -le courage, le caractère, le sang-froid, la constance, la sociabilité, une certaine abnégation- sont essentielles.
Au-delà de cette permanence, la fonction préfectorale s'est beaucoup transformée et se transformera encore dans le proche avenir.
La décentralisation a été un premier facteur important de changement. Vingt ans après les grandes lois de décentralisation, les craintes qui s'étaient alors exprimées sur l'avenir du métier préfectoral dans une France décentralisée apparaissent infondées. Les préfets mettent en uvre localement les politiques nationales, par exemple en matière de lutte contre le chômage et d'aménagement du territoire. Ils exercent la mission de contrôle qui revient à l'Etat vis-à-vis des collectivités locales. Ils jouent un rôle de partenaire dans les actions contractualisées. Loin de perdre en intérêt, la fonction préfectorale a gagné en cohérence à travers la décentralisation, au succès de laquelle les préfets ont d'ailleurs contribué. Certes, cette profonde transformation a nécessité des adaptations importantes de la part des administrations de l'Etat. Mais il me paraît aujourd'hui établi que la décentralisation n'a pas compromis la fonction préfectorale, car dans notre pays attaché aux principes d'égalité et de solidarité, les rôles fondamentaux de l'Etat demeurent.
Plusieurs autres changements ont également eu des conséquences importantes sur l'exercice de la fonction préfectorale.
Je citerai en premier lieu les problèmes d'intégration et d'exclusion qui ont pris une acuité nouvelle il y a un quart de siècle. Les préfets se sont engagés dans les politiques publiques mises en uvre dans ces domaines, notamment au moyen des contrats de ville. Ils ont contribué à maintenir le principe de solidarité, essentiel dans notre conception de la République, dans une société où des forces inégalitaires puissantes sont à l'uvre. Il me semble que cette dimension du métier préfectoral, qui a peut-être supplanté le rôle d'aménageur, dominant après la Libération, n'est pas la moins importante aujourd'hui, ni la moins attachante pour des fonctionnaires convaincus de faire vivre les valeurs de notre République.
Je mentionnerai aussi le développement des moyens de communication, sous des formes sans cesse renouvelées. Là se situe sans doute un des changements fondamentaux du métier préfectoral dans la période récente. Le préfet est nécessairement au cur des réseaux de communication. Leur densité et leur qualité sont nécessaires au développement économique comme à la démocratie.
La construction européenne fait également évoluer la fonction préfectorale. La mise en uvre locale des politiques communautaires, notamment des fonds structurels, la participation aux échanges qui se développent entre les collectivités d'Europe, constituent aujourd'hui une part significative des tâches des préfets de région ou des départements frontaliers.
Le métier préfectoral va encore évoluer dans un proche avenir.
En premier lieu, la décentralisation va connaître une nouvelle étape. Je l'ai annoncé à Lille. A partir du rapport de la commission présidée par M. Pierre MAUROY, le Parlement débattra en décembre des orientations du Gouvernement. Certaines seront traduites dans un projet de loi qui sera discuté en 2001 -notamment sur l'approfondissement de la démocratie locale et certains transferts de compétences-, d'autres feront l'objet de concertations plus longues, telle la réforme nécessaire, mais fort complexe, des finances locales. A travers cette nouvelle étape de la décentralisation, où la participation des citoyens à la démocratie locale sera mieux assurée, le rôle de chaque niveau de collectivité locale mieux défini et la coopération entre les collectivités plus développée à tous les niveaux, vous conserverez toute votre place, de responsable des politiques de l'Etat et de partenaire des collectivités.
Pour cela, les services placés sous votre autorité connaîtront également des évolutions sensibles. Le ministre de l'Intérieur présidera à Lyon, dans deux semaines, la réunion des Assises nationales des préfectures qui traceront les orientations de l'évolution des services préfectoraux. Le bicentenaire du corps préfectoral est en effet aussi celui des préfectures. Sans la grande compétence et l'exceptionnel dévouement des personnels du cadre national des préfectures, vous ne pourriez remplir votre mission ; je sais que vous en êtes conscients. Il nous faut donc veiller à ce que l'organisation des préfectures et ses moyens humains et matériels correspondent à l'évolution de leurs tâches. Les préfets devront montrer l'exemple : se former en permanence, renouveler constamment leurs connaissances et leurs méthodes, travailler davantage en équipe et en réseau. La réflexion devra aussi porter sur le rôle des sous-préfectures, maillage irremplaçable de services de proximité.
Face à tous ces changements, il convient de se préparer.
Depuis trois ans, le Gouvernement fait en sorte que l'administration préfectorale soit mieux à même de remplir son rôle dans cet environnement nouveau. Les mesures prises tendent à donner un contenu renouvelé à la déconcentration, principe constamment réaffirmé à juste titre comme complémentaire de la décentralisation. Le Gouvernement attend beaucoup de la démarche du projet territorial, dont l'élaboration vous demande un travail de taille, mais qui est garant de la cohérence de la déconcentration. C'est sur la base de ce projet territorial que pourra être définie une nouvelle organisation des services de l'Etat dans les départements et les régions, adaptée aux réalités locales, notamment au moyen des délégations inter-services. Le service d'information territorial, illustration du rôle du préfet dans les nouveaux réseaux de communication, devra aussi s'inspirer, dans sa structure et son contenu, des orientations du projet territorial. Je vous demande donc d'attacher le plus grand soin à la mise au point de ce document.
Le Gouvernement a également engagé une nouvelle étape de responsabilisation des préfets dans la gestion des crédits. Après la globalisation des crédits de fonctionnement, le chapitre 37-10, une expérience est conduite dans quatre départements, le Doubs, le Finistère, l'Isère et la Seine-Maritime -qui sera étendue à 10 départements en 2001- de globalisation des crédits de rémunération et de fonctionnement, laquelle permettra une plus grande souplesse de gestion, nécessitant la mise en place et le suivi d'un contrôle de gestion. C'est là une nouvelle étape dans le développement de vos responsabilités.
Mesdames et Messieurs,
Après deux siècles, notre institution préfectorale, souvent imitée dans le monde, fait preuve d'une remarquable vitalité. Je ne suis donc pas inquiet pour son avenir, dès lors qu'elle continue à s'adapter, comme elle l'a fait dans le passé.
Ce changement, vous en êtes les premiers acteurs. Vous avez d'ailleurs vous-mêmes changé, puisque plus de la moitié d'entre vous n'étaient pas préfets en poste territorial il y a trois ans. Il y a donc eu et il y aura dans les prochaines années, pour des raisons démographiques, un profond renouvellement des hommes, qui permettra d'abord, je l'espère, de nommer davantage de femmes. La proportion des femmes préfètes reste en effet insuffisante, malgré le soin que le Gouvernement a mis à les promouvoir. Le Gouvernement veillera aussi, comme il l'a fait depuis trois ans, à proposer la nomination en Conseil des ministres, comme préfets, de fonctionnaires de grande qualité, issus des sous-préfets, de l'administration centrale ou d'autres corps de l'Etat, capables de tenir les postes difficiles que la République leur confie.
Mesdames et Messieurs, à chacune et chacun de vous, à vous tous, je souhaite un plein succès dans l'accomplissement de votre mission. Je vous exprime ma confiance et mes encouragements.
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 10 novembre 2000)
Monsieur le Secrétaire général du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Préfets,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous recevoir, Mesdames et Messieurs les Préfets, à l'Hôtel de Matignon, pour la seconde fois. A plusieurs reprises, je me suis rendu place Beauvau, à l'invitation du ministre de l'Intérieur qui vous rassemble régulièrement, pour m'exprimer devant vous. Souvent, lors de mes déplacements en régions, ou à l'occasion de séances de travail, je rencontre certains d'entre vous. Aujourd'hui, j'ai tenu à vous réunir ici pour célébrer, avec le ministre Daniel VAILLANT, le bicentenaire de la création de l'institution préfectorale.
Préfets d'un département, préfets de région, représentants de l'Etat dans les collectivités d'Outre-mer, mais aussi directeurs d'administration centrale, membres de cabinet ministériel, chefs de missions d'étude, et même ambassadeur ou membre d'une mission de l'ONU, vous servez tous l'Etat. Au sein d'un corps qui a une longue tradition au service de la République, vous exercez une fonction qui s'est beaucoup transformée depuis deux siècles et qui se transformera encore profondément dans les prochaines décennies, mais dont les principes fondamentaux demeurent.
L'administration préfectorale reste l'armature de l'Etat sur le territoire de la République.
Au cours des deux derniers siècles, la Nation a connu les plus grandes transformations : l'instauration -difficile- de la République, deux conflits mondiaux, l'expansion coloniale puis la décolonisation, l'industrialisation et l'urbanisation, l'éducation de masse, la croissance économique et plusieurs révolutions technologiques. Les préfets ont vécu ces transformations. Ils ont souvent participé aux grands moments de notre histoire. Il suffit de mentionner les personnalités, très différentes, du baron HAUSSMANN, aménageur du Paris moderne, ou de Jean MOULIN, chef de " l'armée des ombres ", un de ceux qui ont sauvé l'honneur de notre pays dans des heures parmi les plus sombres de son histoire. Je veux aussi évoquer la mémoire de Claude ERIGNAC, homme de dialogue et de conviction, parfaite illustration des vertus du corps préfectoral, mort, lâchement assassiné, au service de la Nation et de la République. Beaucoup d'autres, moins connus -car votre fonction ne conduit pas, sauf circonstances particulières, à la notoriété-, ont joué un rôle très important, en tant que bâtisseur, gardien de l'ordre républicain ou conciliateur.
La fonction préfectorale est demeurée identique, dans ses principes, à ce qu'elle est depuis son origine. Au sein de l'Etat, elle est une des garantes de l'unité de la République puisque, comme le dispose notre Constitution, le préfet " a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ". De ces principes inchangés, se déduisent les caractéristiques fondamentales de votre métier et les qualités nécessaires à son exercice.
Le préfet est d'abord un homme -ou une femme- de terrain. Il doit le rester. Il doit être à l'écoute de la société, dans toute sa diversité. Sa tâche d'information du Gouvernement demeure essentielle. Bien sûr, il existe aujourd'hui de multiples canaux d'information et les préfets n'ont plus -l'ont-ils jamais eu ? faudrait-il qu'ils l'aient ?- le monopole de l'information du Gouvernement sur le territoire dont ils ont la charge. Mais leur fonction de synthèse est toujours irremplaçable. Pour cela, vous devez aller, vous-mêmes, à la rencontre de nos concitoyens pour écouter, analyser et comprendre les évolutions sociales. Dans notre société, les informations sont abondantes mais les jugements critiques, fondés sur une connaissance personnelle des faits, manquent souvent. Ne craignez pas de rapporter ce que vous avez vu et de dire ce que vous en pensez, quand bien même ce n'est pas l'opinion commune. Restez des administrateurs ouverts, attentifs, disponibles. La pertinence de vos analyses est précieuse au Gouvernement.
Le préfet a la charge du respect des lois. Celles-ci sont nombreuses. Il est de plus en plus difficile de respecter l'adage selon lequel nul n'est censé ignorer la loi. Or le respect du droit fonde notre pacte républicain. Au niveau local, c'est sur vous que repose, pour une large part, cette responsabilité. Dans l'exercice du contrôle de légalité des actes des collectivités locales et de leurs établissements publics, mais aussi dans la mise en uvre des politiques publiques, vous êtes tenus à la plus grande vigilance. Votre rôle de conciliateur et parfois d'arbitre, qui consiste à rechercher les solutions acceptables et applicables dans une situation donnée, vous conduit naturellement à refuser qu'une obligation légale ne soit pas respectée. Vous devez signaler au Gouvernement les difficultés d'application des textes législatifs. Si la loi s'avère inapplicable, il faut envisager de la modifier. Les situations floues dans lesquelles il serait toléré qu'une règle soit ignorée parce que son respect serait jugé impossible sont dangereuses. Il doit y être mis fin.
Le préfet a la responsabilité de la sécurité. L'insécurité a pris des formes diverses et nouvelles -les crises alimentaires et la lutte contre les pollutions sont au premier rang de nos préoccupations. Le besoin de sécurité de nos concitoyens est croissant. Il n'est pas encore, nous le savons, pleinement satisfait, notamment pour ce qui concerne la petite délinquance.
Je suis informé par le ministre de l'Intérieur, M. Daniel VAILLANT, de votre implication personnelle dans la mise en uvre de la politique de sécurité définie par le Gouvernement, avec notamment les contrats locaux de sécurité et la police de proximité. Je vous demande de continuer à vous engager pour que le combat contre l'insécurité soit gagné. En apportant votre appui et vos encouragements aux forces de police et de gendarmerie, en assurant avec les autres autorités publiques la cohérence locale des politiques de sécurité, vous pouvez contribuer de manière décisive à la réussite de cette grande politique nationale.
J'ai pu constater, avec nos concitoyens, le rôle clé joué par les préfets dans le traitement des conséquences des catastrophes qui ont meurtri notre pays -je pense en particulier aux plus récentes : les tempêtes, les inondations, le naufrage de l'Erika. Dans ces graves circonstances, chacun se tourne vers l'Etat -c'est-à-dire, au plan local, vers les préfets. Je rends hommage une nouvelle fois au travail qui a été accompli. Il nous appartient de tirer tous les enseignements de ces événements, en termes de moyens et d'organisation, afin que la réponse de l'Etat aux crises soit encore plus rapide et plus efficace. Nous avons commencé à le faire, on l'a vu, après le naufrage du Ievoli Sun. Le renforcement en cours du rôle et des moyens des préfets de zone devrait y contribuer.
Je voudrais aussi souligner l'importance -je sais que vous en êtes conscients- de la lutte contre l'insécurité routière, cette catastrophe quotidienne dont le coût humain et matériel est inacceptable. Le Gouvernement vient d'adopter, lors d'un comité interministériel de la sécurité routière, d'importantes mesures de prévention et de répression. Il vous appartient, dans chaque département, de faire uvre de pédagogie -j'ai relevé d'excellentes initiatives locales, notamment pour réduire l'insécurité routière chez les jeunes- et de rappeler à vos services que cette politique est une priorité.
Connaissance du terrain pour informer le Gouvernement, vigilance pour assurer le respect du droit, engagement dans la lutte contre toutes les formes d'insécurité, ces trois caractéristiques permanentes de la fonction préfectorale exigent deux qualités primordiales qui sont, heureusement, présentes chez les préfets.
La première est la loyauté à l'égard de l'Etat républicain. Le Gouvernement confie au préfet de lourdes responsabilités. Pour nos concitoyens et pour les fonctionnaires placés sous son autorité, ce que dit, fait et commande le préfet l'est au nom du Gouvernement -et engage celui-ci. Il est donc essentiel que le lien de confiance entre le Gouvernement et le préfet soit solide. Le préfet n'est pas pour autant partisan. Quels que soient ses convictions et ses engagements personnels passés, il doit pouvoir être reconnu par tous ses interlocuteurs comme le représentant de l'Etat, qui traite également tous les citoyens.
La seconde qualité primordiale des préfets, qui leur est largement commune, est leur engagement personnel dans leur fonction. Le métier préfectoral engage les femmes et les hommes qui l'ont choisi dans tous les aspects de leur personnalité. Il est de ceux qui ne permettent pas de distinguer strictement le temps du travail et celui de la vie personnelle, alors que c'est là une aspiration particulièrement forte aujourd'hui. C'est dire que c'est un métier exigeant, pour soi et aussi pour sa famille. C'est dire aussi qu'à côté des connaissances professionnelles, plus que jamais nécessaires, les qualités de personnalité -le courage, le caractère, le sang-froid, la constance, la sociabilité, une certaine abnégation- sont essentielles.
Au-delà de cette permanence, la fonction préfectorale s'est beaucoup transformée et se transformera encore dans le proche avenir.
La décentralisation a été un premier facteur important de changement. Vingt ans après les grandes lois de décentralisation, les craintes qui s'étaient alors exprimées sur l'avenir du métier préfectoral dans une France décentralisée apparaissent infondées. Les préfets mettent en uvre localement les politiques nationales, par exemple en matière de lutte contre le chômage et d'aménagement du territoire. Ils exercent la mission de contrôle qui revient à l'Etat vis-à-vis des collectivités locales. Ils jouent un rôle de partenaire dans les actions contractualisées. Loin de perdre en intérêt, la fonction préfectorale a gagné en cohérence à travers la décentralisation, au succès de laquelle les préfets ont d'ailleurs contribué. Certes, cette profonde transformation a nécessité des adaptations importantes de la part des administrations de l'Etat. Mais il me paraît aujourd'hui établi que la décentralisation n'a pas compromis la fonction préfectorale, car dans notre pays attaché aux principes d'égalité et de solidarité, les rôles fondamentaux de l'Etat demeurent.
Plusieurs autres changements ont également eu des conséquences importantes sur l'exercice de la fonction préfectorale.
Je citerai en premier lieu les problèmes d'intégration et d'exclusion qui ont pris une acuité nouvelle il y a un quart de siècle. Les préfets se sont engagés dans les politiques publiques mises en uvre dans ces domaines, notamment au moyen des contrats de ville. Ils ont contribué à maintenir le principe de solidarité, essentiel dans notre conception de la République, dans une société où des forces inégalitaires puissantes sont à l'uvre. Il me semble que cette dimension du métier préfectoral, qui a peut-être supplanté le rôle d'aménageur, dominant après la Libération, n'est pas la moins importante aujourd'hui, ni la moins attachante pour des fonctionnaires convaincus de faire vivre les valeurs de notre République.
Je mentionnerai aussi le développement des moyens de communication, sous des formes sans cesse renouvelées. Là se situe sans doute un des changements fondamentaux du métier préfectoral dans la période récente. Le préfet est nécessairement au cur des réseaux de communication. Leur densité et leur qualité sont nécessaires au développement économique comme à la démocratie.
La construction européenne fait également évoluer la fonction préfectorale. La mise en uvre locale des politiques communautaires, notamment des fonds structurels, la participation aux échanges qui se développent entre les collectivités d'Europe, constituent aujourd'hui une part significative des tâches des préfets de région ou des départements frontaliers.
Le métier préfectoral va encore évoluer dans un proche avenir.
En premier lieu, la décentralisation va connaître une nouvelle étape. Je l'ai annoncé à Lille. A partir du rapport de la commission présidée par M. Pierre MAUROY, le Parlement débattra en décembre des orientations du Gouvernement. Certaines seront traduites dans un projet de loi qui sera discuté en 2001 -notamment sur l'approfondissement de la démocratie locale et certains transferts de compétences-, d'autres feront l'objet de concertations plus longues, telle la réforme nécessaire, mais fort complexe, des finances locales. A travers cette nouvelle étape de la décentralisation, où la participation des citoyens à la démocratie locale sera mieux assurée, le rôle de chaque niveau de collectivité locale mieux défini et la coopération entre les collectivités plus développée à tous les niveaux, vous conserverez toute votre place, de responsable des politiques de l'Etat et de partenaire des collectivités.
Pour cela, les services placés sous votre autorité connaîtront également des évolutions sensibles. Le ministre de l'Intérieur présidera à Lyon, dans deux semaines, la réunion des Assises nationales des préfectures qui traceront les orientations de l'évolution des services préfectoraux. Le bicentenaire du corps préfectoral est en effet aussi celui des préfectures. Sans la grande compétence et l'exceptionnel dévouement des personnels du cadre national des préfectures, vous ne pourriez remplir votre mission ; je sais que vous en êtes conscients. Il nous faut donc veiller à ce que l'organisation des préfectures et ses moyens humains et matériels correspondent à l'évolution de leurs tâches. Les préfets devront montrer l'exemple : se former en permanence, renouveler constamment leurs connaissances et leurs méthodes, travailler davantage en équipe et en réseau. La réflexion devra aussi porter sur le rôle des sous-préfectures, maillage irremplaçable de services de proximité.
Face à tous ces changements, il convient de se préparer.
Depuis trois ans, le Gouvernement fait en sorte que l'administration préfectorale soit mieux à même de remplir son rôle dans cet environnement nouveau. Les mesures prises tendent à donner un contenu renouvelé à la déconcentration, principe constamment réaffirmé à juste titre comme complémentaire de la décentralisation. Le Gouvernement attend beaucoup de la démarche du projet territorial, dont l'élaboration vous demande un travail de taille, mais qui est garant de la cohérence de la déconcentration. C'est sur la base de ce projet territorial que pourra être définie une nouvelle organisation des services de l'Etat dans les départements et les régions, adaptée aux réalités locales, notamment au moyen des délégations inter-services. Le service d'information territorial, illustration du rôle du préfet dans les nouveaux réseaux de communication, devra aussi s'inspirer, dans sa structure et son contenu, des orientations du projet territorial. Je vous demande donc d'attacher le plus grand soin à la mise au point de ce document.
Le Gouvernement a également engagé une nouvelle étape de responsabilisation des préfets dans la gestion des crédits. Après la globalisation des crédits de fonctionnement, le chapitre 37-10, une expérience est conduite dans quatre départements, le Doubs, le Finistère, l'Isère et la Seine-Maritime -qui sera étendue à 10 départements en 2001- de globalisation des crédits de rémunération et de fonctionnement, laquelle permettra une plus grande souplesse de gestion, nécessitant la mise en place et le suivi d'un contrôle de gestion. C'est là une nouvelle étape dans le développement de vos responsabilités.
Mesdames et Messieurs,
Après deux siècles, notre institution préfectorale, souvent imitée dans le monde, fait preuve d'une remarquable vitalité. Je ne suis donc pas inquiet pour son avenir, dès lors qu'elle continue à s'adapter, comme elle l'a fait dans le passé.
Ce changement, vous en êtes les premiers acteurs. Vous avez d'ailleurs vous-mêmes changé, puisque plus de la moitié d'entre vous n'étaient pas préfets en poste territorial il y a trois ans. Il y a donc eu et il y aura dans les prochaines années, pour des raisons démographiques, un profond renouvellement des hommes, qui permettra d'abord, je l'espère, de nommer davantage de femmes. La proportion des femmes préfètes reste en effet insuffisante, malgré le soin que le Gouvernement a mis à les promouvoir. Le Gouvernement veillera aussi, comme il l'a fait depuis trois ans, à proposer la nomination en Conseil des ministres, comme préfets, de fonctionnaires de grande qualité, issus des sous-préfets, de l'administration centrale ou d'autres corps de l'Etat, capables de tenir les postes difficiles que la République leur confie.
Mesdames et Messieurs, à chacune et chacun de vous, à vous tous, je souhaite un plein succès dans l'accomplissement de votre mission. Je vous exprime ma confiance et mes encouragements.
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 10 novembre 2000)