Texte intégral
Conférence de M. Moscovici le 8 décembre 00 :
Je vais vous rendre compte des travaux de la matinée. En ce moment même les chefs d'Etat et de gouvernement sont en train de déjeuner. Le déjeuner sera consacré aux questions de politique étrangère, de sécurité et de défense, ce qui explique que je sois seul puisque Hubert Védrine fait le rapport introductif à ce déjeuner. Ensuite le président de la République et le Premier ministre, ainsi qu'Hubert Védrine, président du CAG, viendront vous rendre compte de ces questions et commenceront - sous une forme dont nous reparlerons plus tard - les travaux de la Conférence intergouvernementale.
Ce matin, comme je vous l'avais annoncé hier, nous avons consacré une bonne et longue séance de travail à l'adoption des conclusions sur l'ensemble des points en dehors de la CIG. Nous avions pu distribuer le projet de conclusion cette nuit, et non au déjeuner comme c'était initialement prévu, car il y a eu très peu de désaccords constatés lors des discussions d'hier après midi. Néanmoins, l'examen des points de conclusion a été approfondi et détaillé.
Que retenir de ce matin ? D'abord, sur le fond, le Conseil européen a pris acte et précisé les grands résultats engrangés par la Présidence française de l'Union européenne, notamment dans le domaine économique, social et citoyen.
A été rappelé, donc, l'accord général sur l'emploi et sur les questions sociales, y compris sur l'agenda social.
A été acté, et nous en remercions vivement la délégation espagnole, un accord sur le statut de la société européenne. Je crois qu'il faut souligner cela. Cela faisait 30 ans que nous cherchions cet accord sur le volet social de la société européenne. Cet accord a donc été accepté par le Conseil européen de ce matin.
Nous avons aussi marqué notre volonté de poursuivre les travaux sur l'autre directive qui reste en souffrance depuis quelques temps, la directive "information, consultation des travailleurs".
A été introduite aussi une référence, je crois utile, à la poursuite de la modernisation du service public et une référence aux travaux qui ont été faits par les ministres de la Fonction publique sur Galiléo où nous avons souligné la nécessité d'intensifier les travaux pour une décision de lancement au Conseil Transport du 20 décembre.
A été définie une liste restreinte d'indicateurs structurels en matière d'emploi d'ici au Conseil européen de Stockholm. La Présidence a pu constater le fait que nous nous félicitions tous du paquet fiscal et nous avons aussi défini des pistes pour la poursuite des travaux, notamment la négociation du code de conduite concernant la fiscalité des entreprises et de la directive sur l'imposition des revenus du capital.
Voilà pour les sujets économiques et sociaux.
Ensuite, le Conseil européen s'est penché sur les sujets qui sont ceux de l'Europe citoyenne, de l'Europe du quotidien. Je pense notamment à la confirmation du plan d'action pour la mobilité des étudiants et, là-dessus, les conclusions sont parfaitement conformes à ce que nous disions hier et à ce qui a pu être travaillé depuis quelques mois.
En matière de santé et de sécurité alimentaire - et notamment de lutte contre l'ESB- a été décidé le principe de la création de l'Autorité alimentaire européenne qui devrait être opérationnelle début 2002. A été prise en compte la résolution, qui avait été adoptée au Conseil Marché intérieur, sur le principe de précaution. A été aussi demandée la mise en uvre rapide des décisions du Conseil Agricole sur l'ESB, c'est-à-dire un programme de tests, la suspension des farines animales, pour six mois dans un premier temps - c'est vrai qu'il n'y a pas d'opposition de principe à aller plus loin, mais pour l'heure c'est cela qui est décidé - de retrait des animaux à risques. Et puis confirmation également pour les mesures de marché en faveur du marché des producteurs de viande bovine dans le strict respect des perspectives financières décidées à Berlin. Cela ne signifie pas, comme j'ai pu le lire ici ou là ce matin, que cela a un coût nul. Cela signifie que ce coût est compatible avec les dispositions qui ont été arrêtées notamment pour la politique agricole commune lors du Sommet de Berlin sur l'Agenda 2000.
Pour ce qui concerne la sécurité maritime, le paquet maritime a été confirmé tout en mentionnant que nous souhaitions parvenir à un accord plus large dans le cadre de l'Organisation maritime internationale. Ce qui n'exclut pas, si nous n'y parvenons pas, que nous prenions des mesures par nous-mêmes dans le cadre régional que constitue l'Union européenne. Le Conseil européen est également invité à une mise en uvre anticipée.
Pour ce qui concerne les services publics, a été annexée aux conclusions la déclaration sur le service public qui marque bien l'équilibre entre les services d'intérêt général, tels qu'ils sont mentionnés à l'article 7 du Traité, et le marché intérieur.
En matière d'environnement, le Conseil européen a souligné le souhait qu'on puisse poursuivre les travaux, voire même les accélérer afin d'obtenir rapidement une conclusion sur les pistes qui n'avaient pas pu aboutir lors du Sommet de La Haye.
Je dis deux derniers mots sur des sujets qui touchent aux questions de sécurité, de défense et de politique étrangère.
D'abord, sur l'élargissement. Le Conseil européen a fait la synthèse des conclusions du Conseil Affaires générales en marquant de façon très claire son appui à la stratégie de la Commission. Je le dis, parce qu'il n'y a aucune divergence, les choses sont claires et sans ambiguïté, à savoir que nous recherchons la fin des négociations pour les pays qui sont prêts d'ici à fin 2002, avec l'éventualité, qui a été rajoutée dans les conclusions, d'une participation aux élections au Parlement européen en 2004. Donc, c'est là une perspective que nous acceptons. Ce n'est pas un engagement car n'oublions jamais que l'élargissement est une négociation qui suppose que les uns et les autres remplissent les conditions, l'Union européenne en se réformant, et les pays candidats en remplissant les conditions d'adhésion, mais en même temps notre souhait est qu'il soit possible que des pays candidats puissent être de nouveaux adhérents participants aux élections de 2004. La différenciation demeure le principe cardinal. Nous avons aussi décidé d'avoir un rapport d'évaluation sur cette question de l'élargissement lors du Sommet de Göteborg en juin 2001, étant entendu qu'il s'agit là d'une des priorités que s'assigne la Présidence suédoise.
Un dernier mot sur la défense. Vous connaissez les débats qui ont pu agiter les uns et les autres en marge du Conseil. Nous avons pris une option extrêmement simple que vous pourrez lire dans les conclusions, à savoir que nous les avons simplifiées à l'extrême en nous contentant de reprendre le rapport de la Présidence tel qu'il est issu du Conseil Affaires générales plutôt que de délayer ou de commenter, tout en marquant notre souci d'aller plus loin. Donc, le Conseil européen reprend intégralement le rapport du Conseil Affaires générales qui marque toutes les avancées qui ont pu être concrétisées sous la Présidence française, remplissant d'ailleurs ainsi le cahier des charges qui nous avait été confié depuis Helsinki, et, j'oserais même dire - retournons davantage en arrière - depuis Saint-Malo. Donc, la défense européenne aura continué de marquer des progrès.
Ces conclusions sont en cours de finalisation car il y a eu, ici ou là, des amendements et des discussions, elles seront disponibles. Nous n'y reviendrons pas. Ce sont des conclusions sur tout le travail de la Présidence, en dehors de la CIG. Et maintenant, après le déjeuner dont le Président et le Premier ministre vous rendront compte, nous allons concentrer nos efforts, à compter de cet après-midi, sur la Conférence intergouvernementale. Je précise tout de suite que nous sommes non seulement dans les temps mais plutôt en avance sur le calendrier que nous nous étions fixé.
Q - Pour revenir à cette question de la défense, dans une version préliminaire de ces conclusions, il y avait plusieurs paragraphes. Pourquoi avez-vous simplifié ?
R - Nous avons simplifié ces paragraphes parce que nous avons estimé, notamment à la demande du Premier ministre britannique, mais la Présidence y a volontiers accédé, que finalement cette nouvelle rédaction, qui re-rédigeait, qui délayait un peu le rapport du Conseil Affaires générales sans y apporter d'éléments forcément nouveaux, était plus une source de controverses, on a pu le voir ici ou là, qu'un apport essentiel.
Donc, nous avons simplifié à l'extrême nous contentant de dire que le Conseil européen approuvait le rapport de la Présidence et ses annexes concernant la politique européenne de sécurité et de défense, et ajoutant enfin que le Conseil invitait la prochaine présidence à faire avancer les travaux au sein du Conseil Affaires générales, l'objectif étant que l'Union européenne soit rapidement opérationnelle en matière de défense et précisant qu'une décision à cet effet serait prise par le Conseil européen le plus tôt possible au cours de l'année 2001, au plus tard lors du Conseil européen de Laeken sous présidence belge. La Présidence suédoise est invitée à soumettre un rapport sur l'ensemble de ces sujets au Conseil européen de Göteborg.
Je crois que c'est la sagesse, cela ne retire rien au fond de nos travaux, tels qu'ils ont été faits depuis six mois, et cela évite des querelles sémantiques dont nous savons tous qu'elles sont parfois contre-productives. Et je vous précise, car je sais qu'il y a beaucoup de journalistes britanniques et j'ai vu la presse britannique ici ou là, que la délégation britannique, qui était assez demandeuse de cela, et la Présidence sont tombées d'accord sans débat si passionné que cela, nous étions d'accord avec cette demande. Je crois qu'il était plus commode de faire ainsi que de se livrer à un long travail d'amendement ou de re-rédaction.
Q - Pourquoi l'interdiction des farines animales pour six mois dans un premier temps ? Est-ce que cela veut dire qu'il y a eu des oppositions, des débats assez fermes sur l'interdiction définitive ?
R - Non, pas du tout. Je crois que l'esprit général c'est de considérer qu'il est possible, sinon probable, que cette suspension soit confirmée le moment venu. Mais il a été estimé que nous étions parvenus lors du Conseil agricole, vous vous souvenez que cela a été un marathon - je crois qu'il s'est terminé à 8h du matin - à des mesures qui ont été faites dans un équilibre assez complexe. Et donc, nous avons estimé qu'il fallait s'en tenir là pour le moment, ce qui ne change rien à la détermination complète du Conseil européen de lutter dans la durée contre ce fléau.
Q - Monsieur le Ministre, la délégation polonaise a quitté Nice hier très déçue parce qu'elle n'a pas entendu la date qu'elle a tellement souhaitée. Ma question est la suivante : dans le cas de la réussite de la Conférence, c'est-à-dire s'il y a accord sur la réforme institutionnelle, peut-on encore parler de 2003 comme date d'adhésion de la Pologne à l'Europe ?
R - Je crois qu'il y a, depuis le départ, une petite confusion sur cette date. Je voudrais vous rappeler que, depuis quelques temps déjà, l'Union européenne s'est fixé une date : c'est le 1er janvier 2003. Elle s'est fixé comme date le 1er janvier 2003 pour être prête à accueillir de nouveaux pays membres, c'est à dire les pays candidats qui auraient terminé leurs négociations. Voilà où nous en sommes. Cette date, on s'en doute bien, n'a pas été choisie fortuitement. On ne se donne pas une obligation à soi-même si on n'a pas l'intention de l'appliquer. Et c'est pour cela que la même date figure dans les conclusions d'aujourd'hui, à savoir qu'à la fin 2002, le 31 décembre 2002 - c'est encore mieux que le 1er janvier 2003 -, si les pays sont prêts à adhérer, ils adhéreront. A chacun de faire sa part du chemin. Le processus d'élargissement, c'est la rencontre d'une réforme interne de l'Union européenne
- c'est à nous de la faire avec la réforme institutionnelle - et les travaux d'adaptation des pays candidats, le tout dans une négociation. Mais je répète pour la énième fois que si les négociations avec les pays plus avancés sont terminées et si ceux-ci sont prêts - c'est peut-être le cas de la Pologne -, alors le 1er janvier 2003 il peut y avoir des adhésions, à condition bien sûr, par ailleurs que nous menions à bien nos travaux sur la réforme institutionnelle.
Et nous avons été encore plus loin puisque nous avions mentionné, ce qui peut toucher votre ratification, le souhait, si cela est possible, que des pays candidats à l'adhésion participent aux élections européennes de 2004. Ce qui suppose aussi que cela soit ratifié et aussi que le nombre de sièges, sous le plafond de 700, dans le Parlement européen, soit réparti, ce qui est un des sujets de la CIG. Donc, non, je peux comprendre mais je ne vois pas l'objet de déception là-dedans ; l'Union européenne a réaffirmé, au cours de ce sommet, que ce soit à travers la Conférence européenne, ou que ce soit à travers le Conseil européen, sa volonté très claire de poursuivre sa politique en faisant l'élargissement qui est la priorité politique et je dirais même historique qui s'applique à nous tous. Et les conclusions de ce matin vont encore plus loin dans ce sens.
Q - Sans être technique, est-ce que vous pouvez nous dire en quoi la Société européenne est une avancée aussi considérable qu'on semble le dire ?
R - Ce sera difficile de ne pas être technique. Je vais revenir aux conclusions, si vous me le permettez. Le Conseil est parvenu à un accord sur le volet social de la Société européenne, c'est cela dont il s'agit, et c'était cela l'ambiguïté qui demeurait. Il s'agit de prendre en compte la diversité des situations dans les Etats membres en matière de relations sociales, notamment de participation de travailleurs au pouvoir dans l'entreprise. Et cela laissera aux Etats membres la faculté de transposer ou non dans l'ordre national les dispositions de référence relatives à la participation applicable aux sociétés européennes par fusion. On sait que ce souhait d'un statut de la Société européenne est réclamé depuis longtemps par les entreprises. On sait qu'il butait sur les modalités de représentations des salariés, de participation aux organes de direction de l'entreprise.
Je crois que c'est un statut qui permet de traiter davantage les sociétés qui désormais sont établies à l'échelle européenne, et qui permet aussi d'associer, après cette ratification du volet social, davantage les travailleurs à leur gestion.
Donc, je crois que c'est un projet qui est de nature à la fois à satisfaire le monde de l'entreprise et le monde du travail, le but d'ailleurs n'étant pas distinct. Voilà ce qu'apporte tout ce projet, dont je rappelle qu'il est en négociation depuis une trentaine d'années.
Q - Sur la sécurité publique, suite aux violences au sommet de la Banque mondiale de septembre à Prague, la présidence de la Banque et de la conférence s'était rendues à l'hôpital auprès des policiers frappés par des hooligans. Je suis sur que le Président Chirac et Mme Fontaine se rendront à l'hôpital de Nice où 25 policiers français ont été admis pour soigner les blessures qu'ils ont subies hier. A Prague, les journalistes avaient appris cela après cette visite. Pouvez vous maintenant nous fournir l'occasion aux journalistes de faire une visite à cet hôpital pour pouvoir remercier les policiers d'avoir assuré la sécurité des journalistes de façon à ce que ceux-ci puissent travailler en paix ?
R - Je ne vais pas improviser une réponse à cela. Mais il va de soi, le Premier ministre et le président l'ont dit ici-même, que nous avons été assez choqués par certaines violences et que nous éprouvons beaucoup de sympathie, et même plus que cela pour ceux qui ont été blessés dans ces manifestations. Blessés qui, je le signale, sont tous du côté des forces de l'ordre.
Q - Est-ce que vous pourriez nous donner des indications sur le dîner d'hier soir auquel vous ne participiez pas, je crois, mais enfin le dîner des chefs d'Etat et de gouvernement, nous donner des éléments du climat qui a régné. L'un des participants a déjà expliqué que, selon lui, il n'y avait pas la tension nécessaire pour réussir un grand accord
R - le stress
Q - exactement, la dramatisation nécessaire. Et, concernant cet après-midi, pouvez-vous nous dire dans quel ordre seront abordés les principaux points de la CIG ?
R - Je ne peux pas vous parler du dîner hier puisque je n'y étais pas effectivement. Je voudrais faire une petite remarque simplement de climat, c'est que quand le climat est dramatique on s'en plaint, et que quand le climat n'est pas dramatique on s'en plaint aussi. Donc, cela laisse un peu perplexe. Peut-être ne parle-t-on pas d'ailleurs dans les deux cas, de dramatisation dans le même sens du terme. Je crois simplement que ce qui a été dit hier, c'était la volonté commune d'aboutir, c'était un débat, je crois, d'orientation politique sur l'esprit que nous devions suivre et la Présidence a bien reçu le message. La Présidence prendra des initiatives dont elle vous informera, je pense, dans le courant de l'après-midi. Nous avons quelques idées sur la manière de mener ce Conseil européen pour réussir un accord le plus ambitieux et le plus rapide possible. Je crois, en tout cas, que c'était un dîner où le climat était plutôt positif. Encore une fois, ce que j'en ai retenu, c'est surtout cela : la volonté générale d'aboutir à un bon accord à Nice.
Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 décembre 2000)
Conférence de presse conjointe de MM. Védrine et Moscovici le 9 décembre 00 à 14h :
Le ministre - Mesdames et Messieurs, les discussions avancent laborieusement mais elles avancent. Ce sont des discussions difficiles, mais votre situation consistant à attendre est encore plus difficile, j'imagine. Nous essayons de vous apporter quelques éléments qui sont des éléments en cours de discussion. On ne peut que photographier les choses à un moment donné, ce qui est important sera la dynamique générale et l'aboutissement. Ce n'est pas pour que l'on puisse porter à ce stade des jugements qui seraient forcément prématurés mais pour avoir une indication de la façon dont les choses se passent.
Je voudrais rappeler que la Présidence, comme il est normal de la part d'une Présidence dans un Conseil européen aussi difficile, a procédé à ce que vous appelez des "confessionnaux". Cela a pris toute la soirée d'hier. Après quoi la Présidence a élaboré un document qui vise à dégager un compromis dynamique ou à resserrer les oppositions sur certains sujets, qui vise à ce que vraiment on avance, pour dire les choses simplement. On n'en est plus au stade où il faut répéter des thèses connues sur les sujets, c'est ce qui a été fait dans la nuit. Le document qui a été communiqué aux différentes délégations, et à partir duquel s'est organisée une discussion, a porté sur les principaux sujets sur lesquels il faut maintenant déboucher, trouver une solution. Donc pas des vrais tours de table, organisés d'une façon formelle, mais seuls ceux qui ont de vrais problèmes ou qui voulaient faire des contre-propositions sont intervenues sur la Commission, sur la majorité qualifiée, et maintenant sur la repondération. Cela continue.
On est sortis pour vous rencontrer, pour que vous n'attendiez pas trop, mais les choses continuent en ce moment. Je pense qu'après on fera une interruption de séance et il faut bien que les uns et les autres déjeunent malgré tout. La Présidence, tenant compte de tout ce qui aura été fait et dit, pourra ajuster les propositions sur tel ou tel point, toujours pour faire avancer. C'est difficile, comme prévu, mais tout le monde sait cela, tout le monde le savait et l'avait annoncé. Il faut se méfier des jugements précipités, prématurés ou partiels qui ne portent que sur des éléments de ce qui au bout du compte sera un paquet. Aussi, il faut l'avoir à l'esprit.
Voilà du point de vue méthodologique où nous en sommes et le travail se fait dans une bonne ambiance, c'est une ambiance de travail. Personne n'est là pour rigoler. On est là pour travailler et déboucher. C'est une vraie ambiance de travail. Les arguments sont entendus, sont écoutés, on discute, et manifestement les uns et les autres cherchent des solutions. Et nous en premier lieu puisque, en temps que Présidence, c'est la charge qui nous revient.
Pierre Moscovici va vous expliquer maintenant comment nous avons conçu ce paquet et à quelle logique positive et constructive il répond.
Le ministre délégué - En effet, je vais essayer de vous expliquer quel est l'état d'esprit de la Présidence, comment elle essaye de travailler, comment elle a élaboré sa proposition et comment elle va continuer de réfléchir. Comme le dit Hubert Védrine, c'était l'évidence, il fallait un paquet pour avancer. Nous ne pouvions pas recommencer les tours de tables interminables et un peu statiques tels que nous en avions fait trop souvent. D'où la méthode qui a été choisie du "confessionnal", qui est une méthode d'écoute et de dialogue, et qui a été poursuivie jusqu'à assez tard hier soir. Elle a permis de constater ce que nous savions, à savoir que la difficulté de la tâche était très grande puisque chacun a ses interdits et ses priorités, ses lignes rouges. Lignes rouges qui sont d'ailleurs contradictoires et qui viennent annuler certaines ambitions que nous partageons. Je ferai observer que si c'était simple, cela ne ferait pas cinq ans que nous sommes en train de travailler sur ces questions et qu'il n'y aurait pas eu, je n'entre pas dans ce débat, 330 ou 360 heures de négociations sur cette CIG, au cours de cette année, sous les présidences portugaise puis française.
A partir de ces confessionnaux, nous avons essayé de trouver une synthèse autour de quelques principes visant à faire des progrès sur chacun des sujets qui sont sur la table depuis Amsterdam. Ces principes, je crois qu'on les connaît. Nous constatons que la plupart des délégations, beaucoup de délégations en tout cas, veulent un commissaire par Etat membre. Mais il y a aussi la conscience qu'à un moment donné la Commission ne pourra pas être trop nombreuse. D'où l'idée d'un plafonnement à terme. Pour essayer de répondre à cela nous avons avancé deux solutions : une qui suppose que l'on passe à 20 commissaires avec une rotation égalitaire en 2010 et une autre, qui pourrait être à un terme soit un peu plus rapproché soit un peu plus lointain, qui suppose que l'on attende que l'Union européenne ait 27 Etats membres. Et je vous signale que sur ce point notre proposition est extrêmement ouverte.
En ce qui concerne le vote à la majorité qualifiée, nous avons travaillé dans l'esprit qui est un peu celui du Premier ministre italien, M. Amato, c'est à dire de tenter des avancées dont nous savons qu'elles ne pourront pas être aussi complètes que nous le souhaitions sur chacun des grands sujets. Nous souhaitons très sincèrement qu'à l'issue de ce Conseil européen on puisse avoir des avancées sur la fiscalité, qu'on puisse avoir des avancées sur la protection sociale, qu'on puisse avoir des avancées sur des sujets de justice et d'affaires intérieures et qu'on puisse avoir des avancées sur la politique de cohésion et qu'on puisse avoir des avancées sur la politique commerciale extérieure, ce que l'on appelle le 133.5. Je signale d'ailleurs, en enlevant une seconde la casquette de la Présidence, que la France a bougé. Quel a été notre esprit ? Cela a été de chercher dans ce premier paquet qui était là pour discuter, qui est sur la table mais qui n'était pas là pour conclure, une forme d'équilibre. Ce paquet n'est pas aussi ambitieux que certains le souhaiteraient, mais il est beaucoup plus audacieux que d'autres ne le voudraient. Nous pensons qu'il y avait là une base de travail, d'ailleurs nous l'avons constaté.
Sur la repondération des voix, nous avons constaté qu'il y avait une disponibilité, cette fois-ci générale, je ne dirais pas majoritaire mais générale, à travailler sur une repondération simple des voix mais avec plusieurs compléments. D'abord la plupart des délégations ne souhaitaient pas que l'on aille aussi loin que ce que l'on appelait la grille italienne, de 3 à 33 voix. Donc un éventail un peu plus resserré, et aussi que l'on prenne en compte par des formes appropriées à la fois la démographie et les Etats, nombre d'Etats et population. Et nous avons fait une proposition qui respectait ces trois impératifs : pondération simple, filet d'Etat, filet démographique. Avec l'idée de mieux respecter les légitimités des Etats et des peuples, de prendre en compte la démographie, mais aussi de permettre des minorités de blocage qui soient substantielles ou en tout cas significatives. Voilà je crois ce qu'a été l'esprit de notre proposition.
C'est vrai que la première réaction a été difficile, mais je crois qu'il ne faut pas s'en émouvoir. C'est quelque chose de très logique parce qu'un paquet, par définition, ne peut pas satisfaire chacun. S'il satisfaisait chacun, compte tenu des lignes rouges contradictoires que j'évoquais, il n'y aurait rien dedans. Par définition, ce paquet s'écarte des lignes rouges, ou en tout cas, il les transgresse. Je crois que nous sommes maintenant dans la logique du compromis et un compromis suppose de faire des efforts, des mouvements. Chacun doit faire des efforts, chacun doit faire des mouvements, y compris sur les points les plus sensibles pour les nations. Je note d'ailleurs que la France a bougé en levant ses deux réserves telles qu'on les évoquait à un moment donné, que ce soit sur les problèmes de justice et d'affaires intérieures ou sur les problèmes de politique commerciale extérieure. Nous sommes entrés dans la négociation sur ces sujets là.
Comme l'a dit Hubert Védrine, nous avons commencé le travail à la fois globalement par une première prise de contact générale puis thème par thème. Je crois comme lui qu'il y a une volonté d'aboutir, que quelques principes de travail se dégagent et à partir de cela une nouvelle proposition sera élaborée et sera examinée dans l'après-midi en tenant compte des demandes et des sensibilités des uns et des autres. Si je devais chercher une formule peut-être imprudente d'optimisme pour donner la température, je dirais que le climat est un climat de travail, un climat serein, et qu'il y a une volonté d'aboutir et que la présidence peut tirer les premiers éclaircissements de ce débat. Mais en même temps, il est clair que cela reste difficile, beaucoup de chemin reste à parcourir, et nous allons le parcourir ensemble. J'ajoute que nous allons le parcourir avec la Commission, qui est respectée, écoutée, consultée par la présidence, et dont les propositions sont précieuses. Mais en même temps il faut que chacun soit conscient de la nature de l'exercice. C'est un exercice intergouvernemental et donc la présidence prend, a pris et prendra ses responsabilités, en tenant compte de tous ceux qui sont autour de la table : les 14 Etats membres autres que la France et la Commission, représentée par son Président et par le Commissaire Barnier. Voilà ce que l'on peut dire à cette heure.
Q - Est ce que cela veut dire que l'on va rédiger un nouveau texte dans l'après-midi qui va donc être soumis à nos partenaires en fin de soirée ou que l'on va peaufiner le texte actuel ?
Le ministre - Cela revient au même. C'est tout à fait probable que pour avancer on adapte le texte, et si on l'adapte beaucoup, c'est un nouveau texte. On refera une proposition après l'interruption, ne serait-ce que pour le déjeuner qui suivra la fin des discussions actuelles sur les points dont Pierre Moscovici vous a parlé.
Le ministre délégué - Sur les principes que j'évoquais, même si bien sûr il y a des réactions, je constate que ces principes peuvent constituer des axes de travail pour tout le monde. Et ça c'est important. Ce qui signifie qu'effectivement un nouveau texte sera élaboré mais en tenant compte de ces principes.
Le ministre - En fait, c'est l'existence de ce texte ce matin qui a permis les discussions qui ont lieu depuis et qui prennent une tournure de vraie négociation quand même.
Q - J'ai trouvé un peu hermétique le texte sur l'article 133. Est-ce que vous pouvez nous expliquer exactement ce qui est en dehors de la liste ? Et puis j'ai eu l'impression que l'Espagne était très bien traitée dans l'ensemble des propositions. Et quelle est la raison pour laquelle vous avez suggéré cette différence pour la repondération des voix entre l'Espagne et la Pologne ?
Le ministre délégué - Sur le 133.5, je ne vais pas longuement m'étendre. Je vais simplement marquer deux choses. D'abord qu'il n'y avait effectivement pas de préalable pour nous. Nous ne refusons pas d'en discuter. D'autres peuvent peut être dire, ici ou là, qu'on ne peut pas discuter de ceci, de cela, du social, du fiscal, ou je ne sais quoi. Nous n'avons pas de préalable. C'est important. Par ailleurs, la démarche que nous avons suggérée consiste à proposer une liste positive de sujets qui peuvent passer au vote à la majorité qualifiée. C'est une démarche. Il y en a d'autres, on les connaît. Il y a une option finlandaise qui est sur la table et un autre option qui a été présentée à un moment donné dans les travaux de la CIG. La discussion se poursuit. Mais voilà quelle a été la logique, quel est l'état d'esprit.
Quant à l'Espagne, on sait qu'elle rencontre des problèmes spécifiques qui ont déjà été abordés dans les précédentes Conférences intergouvernementales, notamment à Amsterdam. C'est en fonction de cela que nous avons voulu répondre à ce problème qui est un problème spécifique. Si je parle d'un problème spécifique c'est bien pour dire qu'il y a une logique des propositions sur la repondération, mais elles sont en train d'être discutées, elles bougeront, soyons clairs. Cette logique n'est pas une logique purement démographique. Nous avons maintenu ou constitué des groupes d'Etats.
Q - Quel est la logique pour ce décrochage entre l'Espagne et la Pologne ? Est ce qu'il est vrai, comme le disent les petits pays, qu'il s'agit justement ici de prononcer la plus grande différence entre les grands la Pologne ?
Le ministre délégué - Je voudrais quand même faire observer une chose. Encore une fois on va reparler de tout cela à nos amis polonais. Mais la logique n'est pas purement démographique et si l'on s'attache à la démographie, la Pologne est plutôt très bien servie. Parce qu'avec 26 voix dans ce schéma, alors que l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France ou l'Italie en ont 30, cela ne reflète absolument pas les 20 voire 40 millions d'habitants en plus que peuvent avoir ou l'Allemagne, ou le France, l'Italie ou la Grande Bretagne.
Le ministre - La discussion continue là dessus.
Q - Dans la liste que vous avez préparée sur la repondération des voix, on trouve les douze pays candidats et pas la Turquie. Comment expliquez vous cela ?
Le ministre - Par ce que la Turquie n'est pas dans la même position que les autres pays puisqu'il s'agit des douze pays avec lesquels des négociations ont été entamées. La Turquie est dans une position qui est différente, qui est à part, spéciale. Depuis Helsinki où la Turquie a été reconnue comme pays candidat, et pour des tas de raisons que vous connaissez bien, la négociation n'est pas entamée.
Q - Envisagez vous de refaire une tournante de confessionnaux si dans les heures qui viennent la situation n'a pas avancé ?
Le ministre - On fera tout ce qui est utile pour que cela avance. Mais ce n'est pas fixé à l'avance, on verra. Des séances plénières, des confessionnaux, des rencontres bilatérales, des suspensions de séance, de nouvelles initiatives, d'autres textes, tous les moyens sont disponibles pour avancer.
Q - Sans dévoiler le secret du confessionnal, est ce que vous pouvez nous expliquer en quoi le texte que vous avez produit ce matin ne pouvait pas être présenté dès hier en début d'après-midi ? Est-ce que les confessionnaux ont vraiment apporté des éléments nouveaux alors que le président de la République et vous-même aviez effectué une tournée une semaine avant ?
Le ministre - Oui ils ont apporté certains éléments nouveaux, et je pense que sans ces rencontres, que d'ailleurs les uns et les autres demandaient, on n'aurait pas pu faire le texte et introduire ces éléments de mouvement dans le texte de ce matin.
Le ministre délégué - La confession a été utile et secrète. Chacun a tout de même dit vraiment, cette fois ci dans le blanc des yeux et en très peu de temps, ce sur quoi il pouvait avancer, ce à quoi il pouvait renoncer et en contrepartie de quoi il souhaitait le faire. Encore une fois, je crois qu'après, chacun apprécie et c'est normal qu'il y ait des réactions. Mais le paquet de la Présidence est une tentative honnête de chercher une synthèse difficile entre des positions qui sont effectivement contradictoires.
Q - Vous avez dit que vous alliez continuer à discuter autant qu'il le faudrait. Est-ce que vous vous êtes fixé une date limite pour la poursuite de ces discussions ou est ce que c'est non-stop jusqu'à arriver à un accord quel que soit le temps ?
Le ministre - Je crois que nous n'avons rien à ajouter à ce qui a été dit ces derniers jours par le président de la République et par nous qui est que l'on s'est organisé sur le plan technique et logistique pour que cela puisse durer jusqu'à demain s'il le faut. Là il n'y a pas d'éléments nouveaux par rapport à cela. Nous sommes en train de débattre, pas de tourner en rond. Donc on est entrain d'avancer. Laborieusement, mais en train d'avancer et pour le moment ce qui nous préoccupe c'est d'avancer et d'atteindre l'objectif.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2000)
Point de presse conjoint de MM. Védrine et Moscovici le 9 décembre 00 à 22h :
R - Hubert Védrine - Pour rester sur cette bonne impression, il faut peut être que l'on ne dise rien. Qu'on reparte tout de suite.
Alors, nous continuons avec une louable persévérance à venir vous informer régulièrement de l'avancement des travaux, au fond la formule que j'ai employé il y a quelques heures est la même, nous avançons laborieusement mais ce qui est important dans cette phrase, c'est nous avançons.
Cet après-midi, à partir de 17 heures et à partir des nouvelles propositions françaises, les travaux ont continué, notamment sur la Commission, sur la majorité qualifiée, continué jusque vers 22 h, je crois avec un moment d'interruption pour permettre aux uns et autres de parler entre eux et de se consulter. Un dîner est en cours pour ceux qui le voulaient, ce n'est pas un vrai dîner de travail, c'est un dîner facultatif sans plan de table, à la bonne franquette et avec de la bonne cuisine quand même et les uns et les autres bavardent autour de cette table que nous venons de quitter à regrets pour vous retrouver avec plaisir et les travaux doivent reprendre demain matin à 9 h 30, notamment sur la question de la repondération et quelques autres questions qui restent à traiter.
Mais il restera à cristalliser les éléments de l'accord ; c'est à dire que dans la suite du Conseil telle que l'on peut l'anticiper aujourd'hui, il y a un moment où il faut que la Présidence française récapitule tous les éléments traités dans toutes les discussions pour en faire un document et à ce moment là on procédera, ce qui est classique, à l'examen des conclusions une par une, point par point. J'oubliais de dire que l'on a également parlé de l'après-Nice, à la fin de la séance de la soirée, avant le dîner.
Donc, voilà où nous en sommes. C'était encore une fois prévisible que ce soit très compliqué, mais les choses ne sont pas bloquées, on avance. Pour les pays qui avaient exprimé des impossibilités à bouger, c'est une vraie concession quand ils bougent, parce que s'ils avaient exprimé pendant des semaines, voire pendant des mois leur impossibilité à bouger, ce n'était pas pour compliquer la vie des autres, c'est parce que cela correspond à des vrais problèmes mais on sent malgré les difficultés, la volonté d'aboutir quand même, on sent cette volonté de trouver un cheminement vers la solution que nous espérons et à laquelle nous travaillons avec beaucoup d'énergie.
R - Pierre Moscovici - Je suis venu sans aucune restriction parce que l'on mange bien, on mange un tout petit peu trop et donc il était temps de quitter la table.
Je dirais, moi aussi, que l'on continue de travailler dans le même esprit que ce matin. Comme vous le savez, la Présidence a fait une nouvelle proposition qui a été plutôt bien accueillie, toujours bien sûr avec les différences que l'on connaît, parce qu'elle prend en compte beaucoup de sentiments qui s'étaient exprimés ce matin. Je vais peut-être insister sur deux sujets : la Commission et le vote à la majorité qualifié. Sur la Commission, je dirais qu'il commence à se dessiner un consensus qui a le mérite d'exister même s'il n'est pas pleinement satisfaisant. Vous avez vu les nouvelles propositions de la Présidence, elles consistent à dire qu'il y aura un commissaire par Etat membre jusqu'à 27, donc jusqu'au bout de l'actuel cycle d'élargissement et ensuite on ira vers un nombre inférieur qui devra être précisé avec une rotation égalitaire. Et, nous sommes en train d'esquisser ce que seront des pouvoirs renforcés, de façon claire, pour le président de la Commission.
Sur la Commission, un consensus semble se dessiner, même si certaines réserves demeurent, c'est-à-dire qu'un certain nombre de pays continuent à préférer une simple clause de rendez-vous à une inscription dans le traité.
Je signalerai simplement deux ou trois petits choses. On a beaucoup parlé au cours de la Présidence de l'hégémonisme supposé des grands pays ou d'une opposition entre les grands et les petits. Mais là, indubitablement si l'on raisonnait de cette façon, ce serait une démarche forte de la part de ceux que l'on appelle les grands parce qu'en toute hypothèse ceux qui ont aujourd'hui deux commissaires en perdent un dans la prochaine Commission, ensuite pourraient en perdre deux. La deuxième réflexion que je voulais faire, cette vision d'une Commission qui se plafonne dans le temps, est une vision un peu différente de celle qu'on pouvait avoir quand on souhaitait une Commission resserrée. Alors, cet accord, qui n'est pas encore concrétisé, peut être un élément d'un paquet mais cela suppose, la Présidence continue de le penser, qu'on aille plus loin et même beaucoup plus loin sur les autres questions.
Sur la majorité qualifiée : la Présidence a fait de nouvelles propositions qui ont été saluées et reconnues comme constituant des avancées. Je souligne d'ailleurs qu'il n'y a plus dans ce paquet de réserves françaises, puisqu'il y a une proposition sur l'asile, l'immigration, les visas, qu'il y aussi une proposition sur l'article 133-5 qui n'est pas celle de ce matin, qui se situe sur un terrain déjà connu. Nous continuons de travailler dans le même esprit que ce matin, c'est à dire de souhaiter des avancées sur chacun des grands thèmes qui sont encore sur la table : sur la fiscalité, sur les questions sociales, sur la politique commerciale, sur les visas, l'asile, l'immigration et sur la cohésion.
Si je devais résumer brièvement les débats, je dirais qu'il reste des blocages, en tout cas la Présidence souhaite que l'on dépasse ces blocages. Elle a fait pour cela ses meilleurs efforts, elle continuera de le faire parce que cette question du vote à la majorité qualifiée est une question déterminante pour que l'Union ne soit pas dans une logique de blocage et pour améliorer la démocratie européenne. Comme l'a dit Hubert Védrine, après ce tour de table qui a été plutôt fructueux, nous allons maintenant préparer les éléments d'un traité dont nous étudierons, de façon fine, les articles demain après-midi, après que l'on ait déposé une nouvelle proposition sur la repondération, sur le Parlement européen, et sur l'après-Nice.
Voilà, c'est un très gros travail, il faut se mettre d'accord dans un premier temps sur l'équilibre d'un paquet, nous souhaitons que cela soit fait après l'examen des questions sur la repondération et puis finalement, nous terminerons par une lecture fine des articles du nouveau projet de traité.
Peut-être quelques éléments d'ambiance : je dirais que l'ambiance n'est pas tendue, elle est toujours assez cordiale, sérieuse. Ma conviction c'est que les éléments d'un accord existent. Mais pour faire cet accord, il faut deux choses : il faut d'abord que les efforts soient équitablement répartis, personne ne peut prétendre à être le gagnant ou le perdant sur tout ; personne ne peut dire voilà moi j'ai une situation nationale, comme si les autres n'en avaient pas. Comme l'a dit à plusieurs reprises le Premier ministre, Lionel Jospin, nous avons tous des Parlements, mais en même temps il faut que les gouvernements prennent leurs responsabilités. Et puis, la deuxième condition, c'est que nous conservions un niveau d'ambition suffisant. Il ne s'agit pas de faire un traité au rabais, mais un traité qui permette à l'Europe de s'élargir tout en améliorant son propre fonctionnement. La France, en tant que Présidence, veille et veillera à conserver cette ambition pour l'Europe en espérant qu'elle sera partagée par tous. C'est dans ces conditions que nous achèverons "in due time", comme on dit en anglais, un bon traité de Nice.
Q - Est ce que vous pouvez essayer de nous expliquer en quoi la position de la France a changé sur l'article 133-5
R - Pierre Moscovici - Ce matin nous avions proposé une liste positive de sujets qui pouvaient passer à la majorité qualifiée. Cette fois-ci, nous nous sommes inscrits dans une démarche générale, je ne veux pas être trop technique, mais vous vous souvenez qu'il y avait deux options sur la table dans les discussions de la CIG à un stade préalable, nous sommes plutôt sur cette deuxième option tout en continuant de faire savoir qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous avons des problèmes, des problèmes sérieux : je pense à la santé, à l'éducation, à la culture, l'audiovisuel. J'ajoute d'ailleurs, contrairement à ce que l'on peut dire ici ou là, ce n'est pas un problème spécifiquement français, puisque quatre ou cinq autres délégations ont aussi des problèmes sur des secteurs spécifiques qui les concernent. Je crois que la discussion s'est bien engagée, je pense que l'on trouvera un accord sur le 133-5, je pense et je l'espère.
Q - Quel est le type de logique utilisée par la France lorsqu'elle a accordé 4 membres du Parlement européen à Malte par rapport au Luxembourg donc est-ce qu'il y aura une modification une repondération au profit de Malte ?
R - Pierre Moscovici - Nous déposerons une nouvelle proposition sur la repondération et sur le Parlement européen.
Q - A propos du nombre de commissaires : vous avez dit ensuite un nombre inférieur que l'on précisera, est-ce que vous désirez que ce nombre soit précisé dès aujourd'hui ou bien est-ce que vous fixez une date à laquelle il faudra préciser ce nombre ?
R - Pierre Moscovici - Comme vous avez vu, il y a eu donc deux propositions aujourd'hui, je pense que vous avez eu les deux. Dans la première, nous avions indiqué un nombre qui était le nombre de 20, ce nombre ne figure pas dans la seconde, ce qui figure dans la seconde, c'est le principe d'un nombre inférieur à 27. C'est pour cela que je parlais de concession et d'esprit de compromis. Vous avez vu très exactement comment les choses sont rédigées. Ce sera précisé ultérieurement, ce n'est donc pas dans ce traité, si on veut dire cela.
R - Hubert Védrine - Ceux qui font "fuiter" les documents ne peuvent pas le faire avant qu'ils aient eu les documents eux-mêmes, voyez, c'est cela la difficulté technique.
Q - En ce qui concerne la fiscalité : dans la nouvelle version que vous avez présenté ce soir, il y a encore deux articles concernant la fiscalité, l'un d'entre eux au titre de la coopération financière et douanière et je suis sûr que vous avez entendu un certain nombre d'oppositions sur ce point. Est-ce que vous pourriez nous parler demain matin de ces deux clauses : est-ce qu'elles seront toujours sur la table ces clauses sur la fiscalité ?
R - Pierre Moscovici - Nous n'avons rien retiré. Je voudrais simplement répéter ce qu'est l'attitude de la Présidence. Nous souhaitons qu'il y ait des avancées ; nous verrons quelles avancées, sur chacun des cinq grands sujets, qui restent à traiter en matière de vote à la majorité qualifiée et la Présidence, elle, est prête à faire des avancées sur la fiscalité, sur les questions sociales, sur les questions commerciales, sur les questions des visas, d'asile et d'immigration et sur la politique de cohésion. Encore une fois, je souhaite que chacun fasse les mêmes efforts parce que c'est vrai que l'on se tourne par exemple vers la France en disant "mais sur la politique commerciale extérieure vous étiez bloqués" je l'ai entendu souvent, nous l'avons entendu à Biarritz. Nous avons bougé et donc tout le monde doit bouger en prenant en compte que cela n'est pas simple politiquement de faire un mouvement, donc c'est pour cela que j'évoquais les responsabilités que nous devons prendre. Tout est sur la table, il y aura demain des articles du traité sur toutes ces questions, et c'est à ce moment là que nous ferons les choix définitifs.
Q - Sur la pondération, vous avez sondé les Belges pour savoir s'ils acceptaient un décrochage par rapport aux Néerlandais, j'aimerais savoir si la délégation française elle-même s'est consultée à ce sujet, il semble qu'il y ait de la souplesse du côté de l'Elysée, je voudrais savoir si c'est la même chose du côté de Matignon et du côté du gouvernement ?
Autre question sur le 133-5 : est-ce que l'on comprend bien dans la rédaction de cet article que dorénavant il y a un droit de veto, disons le sur les sujets qui ont été retenus mais que ces sujets ne peuvent pas servir de prise en otage des autres sujets d'une négociation commerciale, à savoir si quelque chose vous déplaît à la majorité qualifiée en agriculture, on ne peut pas bloquer ce paquet agricole sous prétexte que l'on aurait un problème de services sociaux ou de culture ?
R - Pierre Moscovici - Sur le premier point : comme vous pouvez le constater pendant tout le déroulement de ce Conseil européen, il y a une seule position française et la question de la pondération se débattue demain matin. On ne va pas la commenter avant.
Quant au 133-5, nous avons fait une proposition, elle est claire. Encore une fois, je ne vais pas commenter davantage une proposition, qui par ailleurs n'a pas encore fait l'accord.
Q - Est ce qu'il vous semble que l'augmentation des pouvoirs du président de la Commission qui est inscrite dans le dernier papier sur la table, pourrait compenser ce que vous appeliez il y a encore quelques jours l'inefficacité d'une Commission à 27 ?
R - Hubert Védrine - Cela ne compense pas tout à fait, mais cela ne peut pas faire de mal.
Au cours des discussions, je rappelle qu'il a toujours été question d'augmenter les pouvoirs du président de la Commission et on se demandait est ce que l'on fait cela et autre chose, on fera cela et un peu autre chose.
Q - Je voulais savoir si dans la proposition sur la repondération des voix de demain matin, sans la révéler évidemment, vous envisagez de mettre la parité entre deux états membres, par exemple, Espagne, et la Pologne, puisque le ministre, votre collègue espagnol, ne s'y oppose pas ; et pourquoi la Présidence ne revient pas éventuellement sur la double majorité puisqu'il semble qu'une majorité d'Etats membres souhaitent revenir dessus ?
R - Hubert Védrine - Sur le second point, ce n'est pas exact. Une majorité d'Etats membres acceptent tout à fait de travailler sur la base de la repondération sur laquelle nous faisons des propositions. Sur la première partie de votre question, je ne peux pas y répondre, précisément sans commencer à donner les éléments de la proposition qui sera faite demain matin Vous dites sans dévoiler, non, on ne peut pas traiter le premier sujet sans dévoiler, donc on va en parler demain matin dans les discussions.
R - Pierre Moscovici - Je voulais juste faire un tout petit commentaire là dessus, parce que, comme le disait Hubert Védrine, c'est normal d'ailleurs, beaucoup de commentaires ici ou là, officieux, officiels, et voire même une protestation officielle. Je voulais simplement indiquer contrairement à ce que j'ai lu, ce n'est pas la délégation française qui avait pris cette initiative.
Voilà la Présidence, encore une fois, comme je vous l'ai dit ce matin, avait fait au nom du secret de la confession. Ce n'était pas une proposition française."
Q - Pourquoi avez-vous le deuxième papier pour bouger sur l'article 133-5 et pourquoi avez vous fait un premier papier qui manifestement allait heurter les petits pays en matière de repondération ?
R - Pierre Moscovici - Sur le 133-5, vous suivez la négociation depuis le début, la position française jusqu'à l'ouverture de ce Conseil était de penser que nous pouvions très bien vivre avec le statu quo. Donc, nous avons bougé en deux temps, pour le dire différemment, nous avons bougé deux fois. Nous avons bougé une première fois en présentant une liste positive de sujets qui pouvaient passer au vote à la majorité qualifiée, cette démarche n'a pas convaincu et donc nous avons cherché encore une fois, à partir des travaux qui avaient été menés auparavant, y compris entre le Conseil et la Commission, un terrain de discussion, une logique générale. La France considère, pour le coup, avoir beaucoup bougé, deux fois, levé sa réserve absolue et évolué relativement. Je crois que c'est une démarche dont il faudrait que tout le monde s'inspire, si on veut parvenir à un bon traité. Quant à la repondération on en parlera demain.
Q - On parle beaucoup de la repondération concernant les petits pays sans anticiper sur demain ; est-ce qu'aujourd'hui il y a eu un consensus maintenu quant au fait que les grands pays gardent tous le même nombre de voix ?
R - Hubert Védrine - Même chose, la repondération on en parlera demain et donc on vous commentera les choses en temps utiles. On ne peut pas commenter avant parce que l'on a pas traité le sujet.
Je sais bien que vous aimeriez bien que l'on commente les choses avant qu'elles aient lieu, pour faciliter la rédaction de vos papiers, mais c'est difficile pour nous.
Q - Un de vos collègues a décrit le papier ce matin comme un papier franco-français et justement quand vous dites que vous n'avez plus de réserves sur les points, alors vous n'avez rien sur l'asile, vous avez un propos sur 133-5 qui est effectivement très bien pour la France toujours, même si vous dites que vous bougez, vous n'avez pas de décrochage avec le vote de l'Allemagne. Comment répondez-vous à des collègues qui disent : effectivement ce n'est pas un papier présidentiel, c'est un papier français ?
R - Pierre Moscovici - Je crois que c'est, je cherche le mot juste, pour ne pas être excessif, que c'est un contresens que de parler de la sorte. Souvenons-nous de ce que sont les positions françaises depuis longtemps sur la CIG. Déjà à Amsterdam, nous souhaitions une Commission de 12 membres ou 14 membres extrêmement restreinte, pourquoi pas tout de suite. Vous voyez bien que nous n'en sommes pas là. Et donc, la position qui se dessine est un compromis acceptable par tous et donc nous sommes dans l'esprit du compromis, mais ce n'est pas la position française, loin de là.
Quant au vote à la majorité qualifiée, on a reproché à la France d'avoir ici ou là des blocages, je constate que nous sommes une des délégations sinon la délégation qui aujourd'hui a le moins de problèmes avec le vote à la majorité qualifiée, que ce soit quantitativement ou qualitativement. Deux exemples parmi d'autres, quant au troisième, nous en reparlerons demain, donc je crois qu'il ne faut pas faire de faux procès à la Présidence, nous n'avons pas eu une approche partiale au cours des négociations et nous n'avons pas, je crois, une approche partiale au cours de ce Conseil européen. Nous sommes là pour trouver un compromis, mais en même temps, je l'ai dit, un compromis qui maintienne un niveau d'ambitions suffisant et jusqu'au bout ce sera l'esprit qui nous animera.
R - Hubert Védrine - Il faudrait que l'on refasse un papier franco-français pour que vous regardiez la différence entre le papier franco-français et notre travail de Présidence.
R - Pierre Moscovici - Comme le disait tout à l'heure le Premier ministre, je ne sais pas si c'est dans un aparté ou ailleurs, au fond, il vaut mieux d'une certaine façon que la France soit la Présidente parce qu'elle accepte des choses qu'elle n'aurait peut être pas acceptée si elle n'avait pas eu la Présidence.
R - Hubert Védrine - Ce sont les responsabilités de la grandeur et servitude de la Présidence.
Q - Vous ne pouvez pas nous dire grand chose sur la repondération, mais est ce que vous pourriez nous donner des informations sur la proposition finnoise qui ne fait pas de décrochage entre la France et l'Allemagne mais d'autres décrochages entre des petits pays et je voudrais savoir si la Présidence en tient compte dans sa version pour demain.
R - Pierre Moscovici - Vous saurez demain matin à 9 h à peu près quelle sera la teneur de la nouvelle proposition de la Présidence, Présidence qui évidemment est bien consciente de l'ensemble des propositions de l'ensemble des délégations autour de la table.
Q - Une question très différente d'ici à la fin de ce Conseil demain soir, enfin disons demain soir, est ce que vous aurez fixé 1 - une date pour l'élargissement, 2 - est ce que vous aurez la majorité qualifiée sur la fiscalité, la sécurité sociale et l'immigration ?
R - Pierre Moscovici - Vous avez déjà eu la réponse à cette question : nous espérons et cela ne dépend pas que de nous, une date pour l'élargissement de toute façon cela ne fait pas partie de l'agenda de la CIG et sachez que l'élargissement était traité ces jours passés, si vous voulez regarder ce qui a été décidé, il vous faut vous référer aux conclusions qui ont été adoptées hier matin ?
Q - Quand vous entendez Michel Barnier ou des représentants de la Commission dire qu'on voit dans ces projets trop de clauses de rendez-vous : 2005 - 2007 - 2010 quand on sera 27 est-ce que selon vous cette crainte est fondée qu'à partir du moment il y a trop de clauses de rendez-vous, on a peu de chance de parvenir à un accord surtout lorsque l'on dit on décidera dans 10 ans ce que l'on devra décider ?
R - Hubert Védrine - Je pense qu'il faut porter une appréciation quand on aura conclu. Ce n'est pas utile et ce n'est pas constructif de porter des appréciations pendant que les choses se déroulent, pendant que les discussions ont lieu. Ce n'est pas la peine d'exprimer des inquiétudes à ce moment là qui portent sur un accord qui n'est pas terminé. Donc nous sommes en train de travailler, il n'y a pas d'accord sur tel ou tel élément tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, donc c'est au vu de l'ensemble que nous apprécierons, vous apprécierez, l'opinion publique appréciera les résultats que les Quinze auront obtenu à Nice.
Q - Est ce que l'on pourrait demander votre réaction à la déclaration de M. Barak qui démissionne et qui va aller aux élections d'Israël ? Est-ce que cela va affecter votre visite dans la région ?
R - Hubert Védrine - L'annonce faite par M. Barak relève de la politique intérieure israélienne, donc nous n'avons pas à porter d'appréciations là dessus. Il en est seul le juge et les Israéliens également. Ce qui continue à nous intéresser, vous le savez bien, c'est le fait que les Israéliens et les Palestiniens tiennent vraiment et complètement et sans détour inutile les engagements qu'ils ont pris à Charm el-Cheik. C'est cela qui est important aux yeux de l'Union européenne et cela ne change pas mon intention de me rendre dans la région la semaine prochaine.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2000)
Conférence de presse de MM. Védrine et Moscovici le 10 décembre 00 :
R - Hubert Védrine - Pour rester sur cette bonne impression, il faut peut être que l'on ne dise rien. Qu'on reparte tout de suite.
Alors, nous continuons avec une louable persévérance à venir vous informer régulièrement de l'avancement des travaux, au fond la formule que j'ai employé il y a quelques heures est la même, nous avançons laborieusement mais ce qui est important dans cette phrase, c'est nous avançons.
Cet après-midi, à partir de 17 heures et à partir des nouvelles propositions françaises, les travaux ont continué, notamment sur la Commission, sur la majorité qualifiée, continué jusque vers 22 h, je crois avec un moment d'interruption pour permettre aux uns et autres de parler entre eux et de se consulter. Un dîner est en cours pour ceux qui le voulaient, ce n'est pas un vrai dîner de travail, c'est un dîner facultatif sans plan de table, à la bonne franquette et avec de la bonne cuisine quand même et les uns et les autres bavardent autour de cette table que nous venons de quitter à regrets pour vous retrouver avec plaisir et les travaux doivent reprendre demain matin à 9 h 30, notamment sur la question de la repondération et quelques autres questions qui restent à traiter.
Mais il restera à cristalliser les éléments de l'accord ; c'est à dire que dans la suite du Conseil telle que l'on peut l'anticiper aujourd'hui, il y a un moment où il faut que la Présidence française récapitule tous les éléments traités dans toutes les discussions pour en faire un document et à ce moment là on procédera, ce qui est classique, à l'examen des conclusions une par une, point par point. J'oubliais de dire que l'on a également parlé de l'après-Nice, à la fin de la séance de la soirée, avant le dîner.
Donc, voilà où nous en sommes. C'était encore une fois prévisible que ce soit très compliqué, mais les choses ne sont pas bloquées, on avance. Pour les pays qui avaient exprimé des impossibilités à bouger, c'est une vraie concession quand ils bougent, parce que s'ils avaient exprimé pendant des semaines, voire pendant des mois leur impossibilité à bouger, ce n'était pas pour compliquer la vie des autres, c'est parce que cela correspond à des vrais problèmes mais on sent malgré les difficultés, la volonté d'aboutir quand même, on sent cette volonté de trouver un cheminement vers la solution que nous espérons et à laquelle nous travaillons avec beaucoup d'énergie.
R - Pierre Moscovici - Je suis venu sans aucune restriction parce que l'on mange bien, on mange un tout petit peu trop et donc il était temps de quitter la table.
Je dirais, moi aussi, que l'on continue de travailler dans le même esprit que ce matin. Comme vous le savez, la Présidence a fait une nouvelle proposition qui a été plutôt bien accueillie, toujours bien sûr avec les différences que l'on connaît, parce qu'elle prend en compte beaucoup de sentiments qui s'étaient exprimés ce matin. Je vais peut-être insister sur deux sujets : la Commission et le vote à la majorité qualifié. Sur la Commission, je dirais qu'il commence à se dessiner un consensus qui a le mérite d'exister même s'il n'est pas pleinement satisfaisant. Vous avez vu les nouvelles propositions de la Présidence, elles consistent à dire qu'il y aura un commissaire par Etat membre jusqu'à 27, donc jusqu'au bout de l'actuel cycle d'élargissement et ensuite on ira vers un nombre inférieur qui devra être précisé avec une rotation égalitaire. Et, nous sommes en train d'esquisser ce que seront des pouvoirs renforcés, de façon claire, pour le président de la Commission.
Sur la Commission, un consensus semble se dessiner, même si certaines réserves demeurent, c'est-à-dire qu'un certain nombre de pays continuent à préférer une simple clause de rendez-vous à une inscription dans le traité.
Je signalerai simplement deux ou trois petits choses. On a beaucoup parlé au cours de la Présidence de l'hégémonisme supposé des grands pays ou d'une opposition entre les grands et les petits. Mais là, indubitablement si l'on raisonnait de cette façon, ce serait une démarche forte de la part de ceux que l'on appelle les grands parce qu'en toute hypothèse ceux qui ont aujourd'hui deux commissaires en perdent un dans la prochaine Commission, ensuite pourraient en perdre deux. La deuxième réflexion que je voulais faire, cette vision d'une Commission qui se plafonne dans le temps, est une vision un peu différente de celle qu'on pouvait avoir quand on souhaitait une Commission resserrée. Alors, cet accord, qui n'est pas encore concrétisé, peut être un élément d'un paquet mais cela suppose, la Présidence continue de le penser, qu'on aille plus loin et même beaucoup plus loin sur les autres questions.
Sur la majorité qualifiée : la Présidence a fait de nouvelles propositions qui ont été saluées et reconnues comme constituant des avancées. Je souligne d'ailleurs qu'il n'y a plus dans ce paquet de réserves françaises, puisqu'il y a une proposition sur l'asile, l'immigration, les visas, qu'il y aussi une proposition sur l'article 133-5 qui n'est pas celle de ce matin, qui se situe sur un terrain déjà connu. Nous continuons de travailler dans le même esprit que ce matin, c'est à dire de souhaiter des avancées sur chacun des grands thèmes qui sont encore sur la table : sur la fiscalité, sur les questions sociales, sur la politique commerciale, sur les visas, l'asile, l'immigration et sur la cohésion.
Si je devais résumer brièvement les débats, je dirais qu'il reste des blocages, en tout cas la Présidence souhaite que l'on dépasse ces blocages. Elle a fait pour cela ses meilleurs efforts, elle continuera de le faire parce que cette question du vote à la majorité qualifiée est une question déterminante pour que l'Union ne soit pas dans une logique de blocage et pour améliorer la démocratie européenne. Comme l'a dit Hubert Védrine, après ce tour de table qui a été plutôt fructueux, nous allons maintenant préparer les éléments d'un traité dont nous étudierons, de façon fine, les articles demain après-midi, après que l'on ait déposé une nouvelle proposition sur la repondération, sur le Parlement européen, et sur l'après-Nice.
Voilà, c'est un très gros travail, il faut se mettre d'accord dans un premier temps sur l'équilibre d'un paquet, nous souhaitons que cela soit fait après l'examen des questions sur la repondération et puis finalement, nous terminerons par une lecture fine des articles du nouveau projet de traité.
Peut-être quelques éléments d'ambiance : je dirais que l'ambiance n'est pas tendue, elle est toujours assez cordiale, sérieuse. Ma conviction c'est que les éléments d'un accord existent. Mais pour faire cet accord, il faut deux choses : il faut d'abord que les efforts soient équitablement répartis, personne ne peut prétendre à être le gagnant ou le perdant sur tout ; personne ne peut dire voilà moi j'ai une situation nationale, comme si les autres n'en avaient pas. Comme l'a dit à plusieurs reprises le Premier ministre, Lionel Jospin, nous avons tous des Parlements, mais en même temps il faut que les gouvernements prennent leurs responsabilités. Et puis, la deuxième condition, c'est que nous conservions un niveau d'ambition suffisant. Il ne s'agit pas de faire un traité au rabais, mais un traité qui permette à l'Europe de s'élargir tout en améliorant son propre fonctionnement. La France, en tant que Présidence, veille et veillera à conserver cette ambition pour l'Europe en espérant qu'elle sera partagée par tous. C'est dans ces conditions que nous achèverons "in due time", comme on dit en anglais, un bon traité de Nice.
Q - Est ce que vous pouvez essayer de nous expliquer en quoi la position de la France a changé sur l'article 133-5
R - Pierre Moscovici - Ce matin nous avions proposé une liste positive de sujets qui pouvaient passer à la majorité qualifiée. Cette fois-ci, nous nous sommes inscrits dans une démarche générale, je ne veux pas être trop technique, mais vous vous souvenez qu'il y avait deux options sur la table dans les discussions de la CIG à un stade préalable, nous sommes plutôt sur cette deuxième option tout en continuant de faire savoir qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous avons des problèmes, des problèmes sérieux : je pense à la santé, à l'éducation, à la culture, l'audiovisuel. J'ajoute d'ailleurs, contrairement à ce que l'on peut dire ici ou là, ce n'est pas un problème spécifiquement français, puisque quatre ou cinq autres délégations ont aussi des problèmes sur des secteurs spécifiques qui les concernent. Je crois que la discussion s'est bien engagée, je pense que l'on trouvera un accord sur le 133-5, je pense et je l'espère.
Q - Quel est le type de logique utilisée par la France lorsqu'elle a accordé 4 membres du Parlement européen à Malte par rapport au Luxembourg donc est-ce qu'il y aura une modification une repondération au profit de Malte ?
R - Pierre Moscovici - Nous déposerons une nouvelle proposition sur la repondération et sur le Parlement européen.
Q - A propos du nombre de commissaires : vous avez dit ensuite un nombre inférieur que l'on précisera, est-ce que vous désirez que ce nombre soit précisé dès aujourd'hui ou bien est-ce que vous fixez une date à laquelle il faudra préciser ce nombre ?
R - Pierre Moscovici - Comme vous avez vu, il y a eu donc deux propositions aujourd'hui, je pense que vous avez eu les deux. Dans la première, nous avions indiqué un nombre qui était le nombre de 20, ce nombre ne figure pas dans la seconde, ce qui figure dans la seconde, c'est le principe d'un nombre inférieur à 27. C'est pour cela que je parlais de concession et d'esprit de compromis. Vous avez vu très exactement comment les choses sont rédigées. Ce sera précisé ultérieurement, ce n'est donc pas dans ce traité, si on veut dire cela.
R - Hubert Védrine - Ceux qui font "fuiter" les documents ne peuvent pas le faire avant qu'ils aient eu les documents eux-mêmes, voyez, c'est cela la difficulté technique.
Q - En ce qui concerne la fiscalité : dans la nouvelle version que vous avez présenté ce soir, il y a encore deux articles concernant la fiscalité, l'un d'entre eux au titre de la coopération financière et douanière et je suis sûr que vous avez entendu un certain nombre d'oppositions sur ce point. Est-ce que vous pourriez nous parler demain matin de ces deux clauses : est-ce qu'elles seront toujours sur la table ces clauses sur la fiscalité ?
R - Pierre Moscovici - Nous n'avons rien retiré. Je voudrais simplement répéter ce qu'est l'attitude de la Présidence. Nous souhaitons qu'il y ait des avancées ; nous verrons quelles avancées, sur chacun des cinq grands sujets, qui restent à traiter en matière de vote à la majorité qualifiée et la Présidence, elle, est prête à faire des avancées sur la fiscalité, sur les questions sociales, sur les questions commerciales, sur les questions des visas, d'asile et d'immigration et sur la politique de cohésion. Encore une fois, je souhaite que chacun fasse les mêmes efforts parce que c'est vrai que l'on se tourne par exemple vers la France en disant "mais sur la politique commerciale extérieure vous étiez bloqués" je l'ai entendu souvent, nous l'avons entendu à Biarritz. Nous avons bougé et donc tout le monde doit bouger en prenant en compte que cela n'est pas simple politiquement de faire un mouvement, donc c'est pour cela que j'évoquais les responsabilités que nous devons prendre. Tout est sur la table, il y aura demain des articles du traité sur toutes ces questions, et c'est à ce moment là que nous ferons les choix définitifs.
Q - Sur la pondération, vous avez sondé les Belges pour savoir s'ils acceptaient un décrochage par rapport aux Néerlandais, j'aimerais savoir si la délégation française elle-même s'est consultée à ce sujet, il semble qu'il y ait de la souplesse du côté de l'Elysée, je voudrais savoir si c'est la même chose du côté de Matignon et du côté du gouvernement ?
Autre question sur le 133-5 : est-ce que l'on comprend bien dans la rédaction de cet article que dorénavant il y a un droit de veto, disons le sur les sujets qui ont été retenus mais que ces sujets ne peuvent pas servir de prise en otage des autres sujets d'une négociation commerciale, à savoir si quelque chose vous déplaît à la majorité qualifiée en agriculture, on ne peut pas bloquer ce paquet agricole sous prétexte que l'on aurait un problème de services sociaux ou de culture ?
R - Pierre Moscovici - Sur le premier point : comme vous pouvez le constater pendant tout le déroulement de ce Conseil européen, il y a une seule position française et la question de la pondération se débattue demain matin. On ne va pas la commenter avant.
Quant au 133-5, nous avons fait une proposition, elle est claire. Encore une fois, je ne vais pas commenter davantage une proposition, qui par ailleurs n'a pas encore fait l'accord.
Q - Est ce qu'il vous semble que l'augmentation des pouvoirs du président de la Commission qui est inscrite dans le dernier papier sur la table, pourrait compenser ce que vous appeliez il y a encore quelques jours l'inefficacité d'une Commission à 27 ?
R - Hubert Védrine - Cela ne compense pas tout à fait, mais cela ne peut pas faire de mal.
Au cours des discussions, je rappelle qu'il a toujours été question d'augmenter les pouvoirs du président de la Commission et on se demandait est ce que l'on fait cela et autre chose, on fera cela et un peu autre chose.
Q - Je voulais savoir si dans la proposition sur la repondération des voix de demain matin, sans la révéler évidemment, vous envisagez de mettre la parité entre deux états membres, par exemple, Espagne, et la Pologne, puisque le ministre, votre collègue espagnol, ne s'y oppose pas ; et pourquoi la Présidence ne revient pas éventuellement sur la double majorité puisqu'il semble qu'une majorité d'Etats membres souhaitent revenir dessus ?
R - Hubert Védrine - Sur le second point, ce n'est pas exact. Une majorité d'Etats membres acceptent tout à fait de travailler sur la base de la repondération sur laquelle nous faisons des propositions. Sur la première partie de votre question, je ne peux pas y répondre, précisément sans commencer à donner les éléments de la proposition qui sera faite demain matin Vous dites sans dévoiler, non, on ne peut pas traiter le premier sujet sans dévoiler, donc on va en parler demain matin dans les discussions.
R - Pierre Moscovici - Je voulais juste faire un tout petit commentaire là dessus, parce que, comme le disait Hubert Védrine, c'est normal d'ailleurs, beaucoup de commentaires ici ou là, officieux, officiels, et voire même une protestation officielle. Je voulais simplement indiquer contrairement à ce que j'ai lu, ce n'est pas la délégation française qui avait pris cette initiative.
Voilà la Présidence, encore une fois, comme je vous l'ai dit ce matin, avait fait au nom du secret de la confession. Ce n'était pas une proposition française."
Q - Pourquoi avez-vous le deuxième papier pour bouger sur l'article 133-5 et pourquoi avez vous fait un premier papier qui manifestement allait heurter les petits pays en matière de repondération ?
R - Pierre Moscovici - Sur le 133-5, vous suivez la négociation depuis le début, la position française jusqu'à l'ouverture de ce Conseil était de penser que nous pouvions très bien vivre avec le statu quo. Donc, nous avons bougé en deux temps, pour le dire différemment, nous avons bougé deux fois. Nous avons bougé une première fois en présentant une liste positive de sujets qui pouvaient passer au vote à la majorité qualifiée, cette démarche n'a pas convaincu et donc nous avons cherché encore une fois, à partir des travaux qui avaient été menés auparavant, y compris entre le Conseil et la Commission, un terrain de discussion, une logique générale. La France considère, pour le coup, avoir beaucoup bougé, deux fois, levé sa réserve absolue et évolué relativement. Je crois que c'est une démarche dont il faudrait que tout le monde s'inspire, si on veut parvenir à un bon traité. Quant à la repondération on en parlera demain.
Q - On parle beaucoup de la repondération concernant les petits pays sans anticiper sur demain ; est-ce qu'aujourd'hui il y a eu un consensus maintenu quant au fait que les grands pays gardent tous le même nombre de voix ?
R - Hubert Védrine - Même chose, la repondération on en parlera demain et donc on vous commentera les choses en temps utiles. On ne peut pas commenter avant parce que l'on a pas traité le sujet.
Je sais bien que vous aimeriez bien que l'on commente les choses avant qu'elles aient lieu, pour faciliter la rédaction de vos papiers, mais c'est difficile pour nous.
Q - Un de vos collègues a décrit le papier ce matin comme un papier franco-français et justement quand vous dites que vous n'avez plus de réserves sur les points, alors vous n'avez rien sur l'asile, vous avez un propos sur 133-5 qui est effectivement très bien pour la France toujours, même si vous dites que vous bougez, vous n'avez pas de décrochage avec le vote de l'Allemagne. Comment répondez-vous à des collègues qui disent : effectivement ce n'est pas un papier présidentiel, c'est un papier français ?
R - Pierre Moscovici - Je crois que c'est, je cherche le mot juste, pour ne pas être excessif, que c'est un contresens que de parler de la sorte. Souvenons-nous de ce que sont les positions françaises depuis longtemps sur la CIG. Déjà à Amsterdam, nous souhaitions une Commission de 12 membres ou 14 membres extrêmement restreinte, pourquoi pas tout de suite. Vous voyez bien que nous n'en sommes pas là. Et donc, la position qui se dessine est un compromis acceptable par tous et donc nous sommes dans l'esprit du compromis, mais ce n'est pas la position française, loin de là.
Quant au vote à la majorité qualifiée, on a reproché à la France d'avoir ici ou là des blocages, je constate que nous sommes une des délégations sinon la délégation qui aujourd'hui a le moins de problèmes avec le vote à la majorité qualifiée, que ce soit quantitativement ou qualitativement. Deux exemples parmi d'autres, quant au troisième, nous en reparlerons demain, donc je crois qu'il ne faut pas faire de faux procès à la Présidence, nous n'avons pas eu une approche partiale au cours des négociations et nous n'avons pas, je crois, une approche partiale au cours de ce Conseil européen. Nous sommes là pour trouver un compromis, mais en même temps, je l'ai dit, un compromis qui maintienne un niveau d'ambitions suffisant et jusqu'au bout ce sera l'esprit qui nous animera.
R - Hubert Védrine - Il faudrait que l'on refasse un papier franco-français pour que vous regardiez la différence entre le papier franco-français et notre travail de Présidence.
R - Pierre Moscovici - Comme le disait tout à l'heure le Premier ministre, je ne sais pas si c'est dans un aparté ou ailleurs, au fond, il vaut mieux d'une certaine façon que la France soit la Présidente parce qu'elle accepte des choses qu'elle n'aurait peut être pas acceptée si elle n'avait pas eu la Présidence.
R - Hubert Védrine - Ce sont les responsabilités de la grandeur et servitude de la Présidence.
Q - Vous ne pouvez pas nous dire grand chose sur la repondération, mais est ce que vous pourriez nous donner des informations sur la proposition finnoise qui ne fait pas de décrochage entre la France et l'Allemagne mais d'autres décrochages entre des petits pays et je voudrais savoir si la Présidence en tient compte dans sa version pour demain.
R - Pierre Moscovici - Vous saurez demain matin à 9 h à peu près quelle sera la teneur de la nouvelle proposition de la Présidence, Présidence qui évidemment est bien consciente de l'ensemble des propositions de l'ensemble des délégations autour de la table.
Q - Une question très différente d'ici à la fin de ce Conseil demain soir, enfin disons demain soir, est ce que vous aurez fixé 1 - une date pour l'élargissement, 2 - est ce que vous aurez la majorité qualifiée sur la fiscalité, la sécurité sociale et l'immigration ?
R - Pierre Moscovici - Vous avez déjà eu la réponse à cette question : nous espérons et cela ne dépend pas que de nous, une date pour l'élargissement de toute façon cela ne fait pas partie de l'agenda de la CIG et sachez que l'élargissement était traité ces jours passés, si vous voulez regarder ce qui a été décidé, il vous faut vous référer aux conclusions qui ont été adoptées hier matin ?
Q - Quand vous entendez Michel Barnier ou des représentants de la Commission dire qu'on voit dans ces projets trop de clauses de rendez-vous : 2005 - 2007 - 2010 quand on sera 27 est-ce que selon vous cette crainte est fondée qu'à partir du moment il y a trop de clauses de rendez-vous, on a peu de chance de parvenir à un accord surtout lorsque l'on dit on décidera dans 10 ans ce que l'on devra décider ?
R - Hubert Védrine - Je pense qu'il faut porter une appréciation quand on aura conclu. Ce n'est pas utile et ce n'est pas constructif de porter des appréciations pendant que les choses se déroulent, pendant que les discussions ont lieu. Ce n'est pas la peine d'exprimer des inquiétudes à ce moment là qui portent sur un accord qui n'est pas terminé. Donc nous sommes en train de travailler, il n'y a pas d'accord sur tel ou tel élément tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, donc c'est au vu de l'ensemble que nous apprécierons, vous apprécierez, l'opinion publique appréciera les résultats que les Quinze auront obtenu à Nice.
Q - Est ce que l'on pourrait demander votre réaction à la déclaration de M. Barak qui démissionne et qui va aller aux élections d'Israël ? Est-ce que cela va affecter votre visite dans la région ?
R - Hubert Védrine - L'annonce faite par M. Barak relève de la politique intérieure israélienne, donc nous n'avons pas à porter d'appréciations là dessus. Il en est seul le juge et les Israéliens également. Ce qui continue à nous intéresser, vous le savez bien, c'est le fait que les Israéliens et les Palestiniens tiennent vraiment et complètement et sans détour inutile les engagements qu'ils ont pris à Charm el-Cheik. C'est cela qui est important aux yeux de l'Union européenne et cela ne change pas mon intention de me rendre dans la région la semaine prochaine.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2000)
Je vais vous rendre compte des travaux de la matinée. En ce moment même les chefs d'Etat et de gouvernement sont en train de déjeuner. Le déjeuner sera consacré aux questions de politique étrangère, de sécurité et de défense, ce qui explique que je sois seul puisque Hubert Védrine fait le rapport introductif à ce déjeuner. Ensuite le président de la République et le Premier ministre, ainsi qu'Hubert Védrine, président du CAG, viendront vous rendre compte de ces questions et commenceront - sous une forme dont nous reparlerons plus tard - les travaux de la Conférence intergouvernementale.
Ce matin, comme je vous l'avais annoncé hier, nous avons consacré une bonne et longue séance de travail à l'adoption des conclusions sur l'ensemble des points en dehors de la CIG. Nous avions pu distribuer le projet de conclusion cette nuit, et non au déjeuner comme c'était initialement prévu, car il y a eu très peu de désaccords constatés lors des discussions d'hier après midi. Néanmoins, l'examen des points de conclusion a été approfondi et détaillé.
Que retenir de ce matin ? D'abord, sur le fond, le Conseil européen a pris acte et précisé les grands résultats engrangés par la Présidence française de l'Union européenne, notamment dans le domaine économique, social et citoyen.
A été rappelé, donc, l'accord général sur l'emploi et sur les questions sociales, y compris sur l'agenda social.
A été acté, et nous en remercions vivement la délégation espagnole, un accord sur le statut de la société européenne. Je crois qu'il faut souligner cela. Cela faisait 30 ans que nous cherchions cet accord sur le volet social de la société européenne. Cet accord a donc été accepté par le Conseil européen de ce matin.
Nous avons aussi marqué notre volonté de poursuivre les travaux sur l'autre directive qui reste en souffrance depuis quelques temps, la directive "information, consultation des travailleurs".
A été introduite aussi une référence, je crois utile, à la poursuite de la modernisation du service public et une référence aux travaux qui ont été faits par les ministres de la Fonction publique sur Galiléo où nous avons souligné la nécessité d'intensifier les travaux pour une décision de lancement au Conseil Transport du 20 décembre.
A été définie une liste restreinte d'indicateurs structurels en matière d'emploi d'ici au Conseil européen de Stockholm. La Présidence a pu constater le fait que nous nous félicitions tous du paquet fiscal et nous avons aussi défini des pistes pour la poursuite des travaux, notamment la négociation du code de conduite concernant la fiscalité des entreprises et de la directive sur l'imposition des revenus du capital.
Voilà pour les sujets économiques et sociaux.
Ensuite, le Conseil européen s'est penché sur les sujets qui sont ceux de l'Europe citoyenne, de l'Europe du quotidien. Je pense notamment à la confirmation du plan d'action pour la mobilité des étudiants et, là-dessus, les conclusions sont parfaitement conformes à ce que nous disions hier et à ce qui a pu être travaillé depuis quelques mois.
En matière de santé et de sécurité alimentaire - et notamment de lutte contre l'ESB- a été décidé le principe de la création de l'Autorité alimentaire européenne qui devrait être opérationnelle début 2002. A été prise en compte la résolution, qui avait été adoptée au Conseil Marché intérieur, sur le principe de précaution. A été aussi demandée la mise en uvre rapide des décisions du Conseil Agricole sur l'ESB, c'est-à-dire un programme de tests, la suspension des farines animales, pour six mois dans un premier temps - c'est vrai qu'il n'y a pas d'opposition de principe à aller plus loin, mais pour l'heure c'est cela qui est décidé - de retrait des animaux à risques. Et puis confirmation également pour les mesures de marché en faveur du marché des producteurs de viande bovine dans le strict respect des perspectives financières décidées à Berlin. Cela ne signifie pas, comme j'ai pu le lire ici ou là ce matin, que cela a un coût nul. Cela signifie que ce coût est compatible avec les dispositions qui ont été arrêtées notamment pour la politique agricole commune lors du Sommet de Berlin sur l'Agenda 2000.
Pour ce qui concerne la sécurité maritime, le paquet maritime a été confirmé tout en mentionnant que nous souhaitions parvenir à un accord plus large dans le cadre de l'Organisation maritime internationale. Ce qui n'exclut pas, si nous n'y parvenons pas, que nous prenions des mesures par nous-mêmes dans le cadre régional que constitue l'Union européenne. Le Conseil européen est également invité à une mise en uvre anticipée.
Pour ce qui concerne les services publics, a été annexée aux conclusions la déclaration sur le service public qui marque bien l'équilibre entre les services d'intérêt général, tels qu'ils sont mentionnés à l'article 7 du Traité, et le marché intérieur.
En matière d'environnement, le Conseil européen a souligné le souhait qu'on puisse poursuivre les travaux, voire même les accélérer afin d'obtenir rapidement une conclusion sur les pistes qui n'avaient pas pu aboutir lors du Sommet de La Haye.
Je dis deux derniers mots sur des sujets qui touchent aux questions de sécurité, de défense et de politique étrangère.
D'abord, sur l'élargissement. Le Conseil européen a fait la synthèse des conclusions du Conseil Affaires générales en marquant de façon très claire son appui à la stratégie de la Commission. Je le dis, parce qu'il n'y a aucune divergence, les choses sont claires et sans ambiguïté, à savoir que nous recherchons la fin des négociations pour les pays qui sont prêts d'ici à fin 2002, avec l'éventualité, qui a été rajoutée dans les conclusions, d'une participation aux élections au Parlement européen en 2004. Donc, c'est là une perspective que nous acceptons. Ce n'est pas un engagement car n'oublions jamais que l'élargissement est une négociation qui suppose que les uns et les autres remplissent les conditions, l'Union européenne en se réformant, et les pays candidats en remplissant les conditions d'adhésion, mais en même temps notre souhait est qu'il soit possible que des pays candidats puissent être de nouveaux adhérents participants aux élections de 2004. La différenciation demeure le principe cardinal. Nous avons aussi décidé d'avoir un rapport d'évaluation sur cette question de l'élargissement lors du Sommet de Göteborg en juin 2001, étant entendu qu'il s'agit là d'une des priorités que s'assigne la Présidence suédoise.
Un dernier mot sur la défense. Vous connaissez les débats qui ont pu agiter les uns et les autres en marge du Conseil. Nous avons pris une option extrêmement simple que vous pourrez lire dans les conclusions, à savoir que nous les avons simplifiées à l'extrême en nous contentant de reprendre le rapport de la Présidence tel qu'il est issu du Conseil Affaires générales plutôt que de délayer ou de commenter, tout en marquant notre souci d'aller plus loin. Donc, le Conseil européen reprend intégralement le rapport du Conseil Affaires générales qui marque toutes les avancées qui ont pu être concrétisées sous la Présidence française, remplissant d'ailleurs ainsi le cahier des charges qui nous avait été confié depuis Helsinki, et, j'oserais même dire - retournons davantage en arrière - depuis Saint-Malo. Donc, la défense européenne aura continué de marquer des progrès.
Ces conclusions sont en cours de finalisation car il y a eu, ici ou là, des amendements et des discussions, elles seront disponibles. Nous n'y reviendrons pas. Ce sont des conclusions sur tout le travail de la Présidence, en dehors de la CIG. Et maintenant, après le déjeuner dont le Président et le Premier ministre vous rendront compte, nous allons concentrer nos efforts, à compter de cet après-midi, sur la Conférence intergouvernementale. Je précise tout de suite que nous sommes non seulement dans les temps mais plutôt en avance sur le calendrier que nous nous étions fixé.
Q - Pour revenir à cette question de la défense, dans une version préliminaire de ces conclusions, il y avait plusieurs paragraphes. Pourquoi avez-vous simplifié ?
R - Nous avons simplifié ces paragraphes parce que nous avons estimé, notamment à la demande du Premier ministre britannique, mais la Présidence y a volontiers accédé, que finalement cette nouvelle rédaction, qui re-rédigeait, qui délayait un peu le rapport du Conseil Affaires générales sans y apporter d'éléments forcément nouveaux, était plus une source de controverses, on a pu le voir ici ou là, qu'un apport essentiel.
Donc, nous avons simplifié à l'extrême nous contentant de dire que le Conseil européen approuvait le rapport de la Présidence et ses annexes concernant la politique européenne de sécurité et de défense, et ajoutant enfin que le Conseil invitait la prochaine présidence à faire avancer les travaux au sein du Conseil Affaires générales, l'objectif étant que l'Union européenne soit rapidement opérationnelle en matière de défense et précisant qu'une décision à cet effet serait prise par le Conseil européen le plus tôt possible au cours de l'année 2001, au plus tard lors du Conseil européen de Laeken sous présidence belge. La Présidence suédoise est invitée à soumettre un rapport sur l'ensemble de ces sujets au Conseil européen de Göteborg.
Je crois que c'est la sagesse, cela ne retire rien au fond de nos travaux, tels qu'ils ont été faits depuis six mois, et cela évite des querelles sémantiques dont nous savons tous qu'elles sont parfois contre-productives. Et je vous précise, car je sais qu'il y a beaucoup de journalistes britanniques et j'ai vu la presse britannique ici ou là, que la délégation britannique, qui était assez demandeuse de cela, et la Présidence sont tombées d'accord sans débat si passionné que cela, nous étions d'accord avec cette demande. Je crois qu'il était plus commode de faire ainsi que de se livrer à un long travail d'amendement ou de re-rédaction.
Q - Pourquoi l'interdiction des farines animales pour six mois dans un premier temps ? Est-ce que cela veut dire qu'il y a eu des oppositions, des débats assez fermes sur l'interdiction définitive ?
R - Non, pas du tout. Je crois que l'esprit général c'est de considérer qu'il est possible, sinon probable, que cette suspension soit confirmée le moment venu. Mais il a été estimé que nous étions parvenus lors du Conseil agricole, vous vous souvenez que cela a été un marathon - je crois qu'il s'est terminé à 8h du matin - à des mesures qui ont été faites dans un équilibre assez complexe. Et donc, nous avons estimé qu'il fallait s'en tenir là pour le moment, ce qui ne change rien à la détermination complète du Conseil européen de lutter dans la durée contre ce fléau.
Q - Monsieur le Ministre, la délégation polonaise a quitté Nice hier très déçue parce qu'elle n'a pas entendu la date qu'elle a tellement souhaitée. Ma question est la suivante : dans le cas de la réussite de la Conférence, c'est-à-dire s'il y a accord sur la réforme institutionnelle, peut-on encore parler de 2003 comme date d'adhésion de la Pologne à l'Europe ?
R - Je crois qu'il y a, depuis le départ, une petite confusion sur cette date. Je voudrais vous rappeler que, depuis quelques temps déjà, l'Union européenne s'est fixé une date : c'est le 1er janvier 2003. Elle s'est fixé comme date le 1er janvier 2003 pour être prête à accueillir de nouveaux pays membres, c'est à dire les pays candidats qui auraient terminé leurs négociations. Voilà où nous en sommes. Cette date, on s'en doute bien, n'a pas été choisie fortuitement. On ne se donne pas une obligation à soi-même si on n'a pas l'intention de l'appliquer. Et c'est pour cela que la même date figure dans les conclusions d'aujourd'hui, à savoir qu'à la fin 2002, le 31 décembre 2002 - c'est encore mieux que le 1er janvier 2003 -, si les pays sont prêts à adhérer, ils adhéreront. A chacun de faire sa part du chemin. Le processus d'élargissement, c'est la rencontre d'une réforme interne de l'Union européenne
- c'est à nous de la faire avec la réforme institutionnelle - et les travaux d'adaptation des pays candidats, le tout dans une négociation. Mais je répète pour la énième fois que si les négociations avec les pays plus avancés sont terminées et si ceux-ci sont prêts - c'est peut-être le cas de la Pologne -, alors le 1er janvier 2003 il peut y avoir des adhésions, à condition bien sûr, par ailleurs que nous menions à bien nos travaux sur la réforme institutionnelle.
Et nous avons été encore plus loin puisque nous avions mentionné, ce qui peut toucher votre ratification, le souhait, si cela est possible, que des pays candidats à l'adhésion participent aux élections européennes de 2004. Ce qui suppose aussi que cela soit ratifié et aussi que le nombre de sièges, sous le plafond de 700, dans le Parlement européen, soit réparti, ce qui est un des sujets de la CIG. Donc, non, je peux comprendre mais je ne vois pas l'objet de déception là-dedans ; l'Union européenne a réaffirmé, au cours de ce sommet, que ce soit à travers la Conférence européenne, ou que ce soit à travers le Conseil européen, sa volonté très claire de poursuivre sa politique en faisant l'élargissement qui est la priorité politique et je dirais même historique qui s'applique à nous tous. Et les conclusions de ce matin vont encore plus loin dans ce sens.
Q - Sans être technique, est-ce que vous pouvez nous dire en quoi la Société européenne est une avancée aussi considérable qu'on semble le dire ?
R - Ce sera difficile de ne pas être technique. Je vais revenir aux conclusions, si vous me le permettez. Le Conseil est parvenu à un accord sur le volet social de la Société européenne, c'est cela dont il s'agit, et c'était cela l'ambiguïté qui demeurait. Il s'agit de prendre en compte la diversité des situations dans les Etats membres en matière de relations sociales, notamment de participation de travailleurs au pouvoir dans l'entreprise. Et cela laissera aux Etats membres la faculté de transposer ou non dans l'ordre national les dispositions de référence relatives à la participation applicable aux sociétés européennes par fusion. On sait que ce souhait d'un statut de la Société européenne est réclamé depuis longtemps par les entreprises. On sait qu'il butait sur les modalités de représentations des salariés, de participation aux organes de direction de l'entreprise.
Je crois que c'est un statut qui permet de traiter davantage les sociétés qui désormais sont établies à l'échelle européenne, et qui permet aussi d'associer, après cette ratification du volet social, davantage les travailleurs à leur gestion.
Donc, je crois que c'est un projet qui est de nature à la fois à satisfaire le monde de l'entreprise et le monde du travail, le but d'ailleurs n'étant pas distinct. Voilà ce qu'apporte tout ce projet, dont je rappelle qu'il est en négociation depuis une trentaine d'années.
Q - Sur la sécurité publique, suite aux violences au sommet de la Banque mondiale de septembre à Prague, la présidence de la Banque et de la conférence s'était rendues à l'hôpital auprès des policiers frappés par des hooligans. Je suis sur que le Président Chirac et Mme Fontaine se rendront à l'hôpital de Nice où 25 policiers français ont été admis pour soigner les blessures qu'ils ont subies hier. A Prague, les journalistes avaient appris cela après cette visite. Pouvez vous maintenant nous fournir l'occasion aux journalistes de faire une visite à cet hôpital pour pouvoir remercier les policiers d'avoir assuré la sécurité des journalistes de façon à ce que ceux-ci puissent travailler en paix ?
R - Je ne vais pas improviser une réponse à cela. Mais il va de soi, le Premier ministre et le président l'ont dit ici-même, que nous avons été assez choqués par certaines violences et que nous éprouvons beaucoup de sympathie, et même plus que cela pour ceux qui ont été blessés dans ces manifestations. Blessés qui, je le signale, sont tous du côté des forces de l'ordre.
Q - Est-ce que vous pourriez nous donner des indications sur le dîner d'hier soir auquel vous ne participiez pas, je crois, mais enfin le dîner des chefs d'Etat et de gouvernement, nous donner des éléments du climat qui a régné. L'un des participants a déjà expliqué que, selon lui, il n'y avait pas la tension nécessaire pour réussir un grand accord
R - le stress
Q - exactement, la dramatisation nécessaire. Et, concernant cet après-midi, pouvez-vous nous dire dans quel ordre seront abordés les principaux points de la CIG ?
R - Je ne peux pas vous parler du dîner hier puisque je n'y étais pas effectivement. Je voudrais faire une petite remarque simplement de climat, c'est que quand le climat est dramatique on s'en plaint, et que quand le climat n'est pas dramatique on s'en plaint aussi. Donc, cela laisse un peu perplexe. Peut-être ne parle-t-on pas d'ailleurs dans les deux cas, de dramatisation dans le même sens du terme. Je crois simplement que ce qui a été dit hier, c'était la volonté commune d'aboutir, c'était un débat, je crois, d'orientation politique sur l'esprit que nous devions suivre et la Présidence a bien reçu le message. La Présidence prendra des initiatives dont elle vous informera, je pense, dans le courant de l'après-midi. Nous avons quelques idées sur la manière de mener ce Conseil européen pour réussir un accord le plus ambitieux et le plus rapide possible. Je crois, en tout cas, que c'était un dîner où le climat était plutôt positif. Encore une fois, ce que j'en ai retenu, c'est surtout cela : la volonté générale d'aboutir à un bon accord à Nice.
Merci.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 décembre 2000)
Conférence de presse conjointe de MM. Védrine et Moscovici le 9 décembre 00 à 14h :
Le ministre - Mesdames et Messieurs, les discussions avancent laborieusement mais elles avancent. Ce sont des discussions difficiles, mais votre situation consistant à attendre est encore plus difficile, j'imagine. Nous essayons de vous apporter quelques éléments qui sont des éléments en cours de discussion. On ne peut que photographier les choses à un moment donné, ce qui est important sera la dynamique générale et l'aboutissement. Ce n'est pas pour que l'on puisse porter à ce stade des jugements qui seraient forcément prématurés mais pour avoir une indication de la façon dont les choses se passent.
Je voudrais rappeler que la Présidence, comme il est normal de la part d'une Présidence dans un Conseil européen aussi difficile, a procédé à ce que vous appelez des "confessionnaux". Cela a pris toute la soirée d'hier. Après quoi la Présidence a élaboré un document qui vise à dégager un compromis dynamique ou à resserrer les oppositions sur certains sujets, qui vise à ce que vraiment on avance, pour dire les choses simplement. On n'en est plus au stade où il faut répéter des thèses connues sur les sujets, c'est ce qui a été fait dans la nuit. Le document qui a été communiqué aux différentes délégations, et à partir duquel s'est organisée une discussion, a porté sur les principaux sujets sur lesquels il faut maintenant déboucher, trouver une solution. Donc pas des vrais tours de table, organisés d'une façon formelle, mais seuls ceux qui ont de vrais problèmes ou qui voulaient faire des contre-propositions sont intervenues sur la Commission, sur la majorité qualifiée, et maintenant sur la repondération. Cela continue.
On est sortis pour vous rencontrer, pour que vous n'attendiez pas trop, mais les choses continuent en ce moment. Je pense qu'après on fera une interruption de séance et il faut bien que les uns et les autres déjeunent malgré tout. La Présidence, tenant compte de tout ce qui aura été fait et dit, pourra ajuster les propositions sur tel ou tel point, toujours pour faire avancer. C'est difficile, comme prévu, mais tout le monde sait cela, tout le monde le savait et l'avait annoncé. Il faut se méfier des jugements précipités, prématurés ou partiels qui ne portent que sur des éléments de ce qui au bout du compte sera un paquet. Aussi, il faut l'avoir à l'esprit.
Voilà du point de vue méthodologique où nous en sommes et le travail se fait dans une bonne ambiance, c'est une ambiance de travail. Personne n'est là pour rigoler. On est là pour travailler et déboucher. C'est une vraie ambiance de travail. Les arguments sont entendus, sont écoutés, on discute, et manifestement les uns et les autres cherchent des solutions. Et nous en premier lieu puisque, en temps que Présidence, c'est la charge qui nous revient.
Pierre Moscovici va vous expliquer maintenant comment nous avons conçu ce paquet et à quelle logique positive et constructive il répond.
Le ministre délégué - En effet, je vais essayer de vous expliquer quel est l'état d'esprit de la Présidence, comment elle essaye de travailler, comment elle a élaboré sa proposition et comment elle va continuer de réfléchir. Comme le dit Hubert Védrine, c'était l'évidence, il fallait un paquet pour avancer. Nous ne pouvions pas recommencer les tours de tables interminables et un peu statiques tels que nous en avions fait trop souvent. D'où la méthode qui a été choisie du "confessionnal", qui est une méthode d'écoute et de dialogue, et qui a été poursuivie jusqu'à assez tard hier soir. Elle a permis de constater ce que nous savions, à savoir que la difficulté de la tâche était très grande puisque chacun a ses interdits et ses priorités, ses lignes rouges. Lignes rouges qui sont d'ailleurs contradictoires et qui viennent annuler certaines ambitions que nous partageons. Je ferai observer que si c'était simple, cela ne ferait pas cinq ans que nous sommes en train de travailler sur ces questions et qu'il n'y aurait pas eu, je n'entre pas dans ce débat, 330 ou 360 heures de négociations sur cette CIG, au cours de cette année, sous les présidences portugaise puis française.
A partir de ces confessionnaux, nous avons essayé de trouver une synthèse autour de quelques principes visant à faire des progrès sur chacun des sujets qui sont sur la table depuis Amsterdam. Ces principes, je crois qu'on les connaît. Nous constatons que la plupart des délégations, beaucoup de délégations en tout cas, veulent un commissaire par Etat membre. Mais il y a aussi la conscience qu'à un moment donné la Commission ne pourra pas être trop nombreuse. D'où l'idée d'un plafonnement à terme. Pour essayer de répondre à cela nous avons avancé deux solutions : une qui suppose que l'on passe à 20 commissaires avec une rotation égalitaire en 2010 et une autre, qui pourrait être à un terme soit un peu plus rapproché soit un peu plus lointain, qui suppose que l'on attende que l'Union européenne ait 27 Etats membres. Et je vous signale que sur ce point notre proposition est extrêmement ouverte.
En ce qui concerne le vote à la majorité qualifiée, nous avons travaillé dans l'esprit qui est un peu celui du Premier ministre italien, M. Amato, c'est à dire de tenter des avancées dont nous savons qu'elles ne pourront pas être aussi complètes que nous le souhaitions sur chacun des grands sujets. Nous souhaitons très sincèrement qu'à l'issue de ce Conseil européen on puisse avoir des avancées sur la fiscalité, qu'on puisse avoir des avancées sur la protection sociale, qu'on puisse avoir des avancées sur des sujets de justice et d'affaires intérieures et qu'on puisse avoir des avancées sur la politique de cohésion et qu'on puisse avoir des avancées sur la politique commerciale extérieure, ce que l'on appelle le 133.5. Je signale d'ailleurs, en enlevant une seconde la casquette de la Présidence, que la France a bougé. Quel a été notre esprit ? Cela a été de chercher dans ce premier paquet qui était là pour discuter, qui est sur la table mais qui n'était pas là pour conclure, une forme d'équilibre. Ce paquet n'est pas aussi ambitieux que certains le souhaiteraient, mais il est beaucoup plus audacieux que d'autres ne le voudraient. Nous pensons qu'il y avait là une base de travail, d'ailleurs nous l'avons constaté.
Sur la repondération des voix, nous avons constaté qu'il y avait une disponibilité, cette fois-ci générale, je ne dirais pas majoritaire mais générale, à travailler sur une repondération simple des voix mais avec plusieurs compléments. D'abord la plupart des délégations ne souhaitaient pas que l'on aille aussi loin que ce que l'on appelait la grille italienne, de 3 à 33 voix. Donc un éventail un peu plus resserré, et aussi que l'on prenne en compte par des formes appropriées à la fois la démographie et les Etats, nombre d'Etats et population. Et nous avons fait une proposition qui respectait ces trois impératifs : pondération simple, filet d'Etat, filet démographique. Avec l'idée de mieux respecter les légitimités des Etats et des peuples, de prendre en compte la démographie, mais aussi de permettre des minorités de blocage qui soient substantielles ou en tout cas significatives. Voilà je crois ce qu'a été l'esprit de notre proposition.
C'est vrai que la première réaction a été difficile, mais je crois qu'il ne faut pas s'en émouvoir. C'est quelque chose de très logique parce qu'un paquet, par définition, ne peut pas satisfaire chacun. S'il satisfaisait chacun, compte tenu des lignes rouges contradictoires que j'évoquais, il n'y aurait rien dedans. Par définition, ce paquet s'écarte des lignes rouges, ou en tout cas, il les transgresse. Je crois que nous sommes maintenant dans la logique du compromis et un compromis suppose de faire des efforts, des mouvements. Chacun doit faire des efforts, chacun doit faire des mouvements, y compris sur les points les plus sensibles pour les nations. Je note d'ailleurs que la France a bougé en levant ses deux réserves telles qu'on les évoquait à un moment donné, que ce soit sur les problèmes de justice et d'affaires intérieures ou sur les problèmes de politique commerciale extérieure. Nous sommes entrés dans la négociation sur ces sujets là.
Comme l'a dit Hubert Védrine, nous avons commencé le travail à la fois globalement par une première prise de contact générale puis thème par thème. Je crois comme lui qu'il y a une volonté d'aboutir, que quelques principes de travail se dégagent et à partir de cela une nouvelle proposition sera élaborée et sera examinée dans l'après-midi en tenant compte des demandes et des sensibilités des uns et des autres. Si je devais chercher une formule peut-être imprudente d'optimisme pour donner la température, je dirais que le climat est un climat de travail, un climat serein, et qu'il y a une volonté d'aboutir et que la présidence peut tirer les premiers éclaircissements de ce débat. Mais en même temps, il est clair que cela reste difficile, beaucoup de chemin reste à parcourir, et nous allons le parcourir ensemble. J'ajoute que nous allons le parcourir avec la Commission, qui est respectée, écoutée, consultée par la présidence, et dont les propositions sont précieuses. Mais en même temps il faut que chacun soit conscient de la nature de l'exercice. C'est un exercice intergouvernemental et donc la présidence prend, a pris et prendra ses responsabilités, en tenant compte de tous ceux qui sont autour de la table : les 14 Etats membres autres que la France et la Commission, représentée par son Président et par le Commissaire Barnier. Voilà ce que l'on peut dire à cette heure.
Q - Est ce que cela veut dire que l'on va rédiger un nouveau texte dans l'après-midi qui va donc être soumis à nos partenaires en fin de soirée ou que l'on va peaufiner le texte actuel ?
Le ministre - Cela revient au même. C'est tout à fait probable que pour avancer on adapte le texte, et si on l'adapte beaucoup, c'est un nouveau texte. On refera une proposition après l'interruption, ne serait-ce que pour le déjeuner qui suivra la fin des discussions actuelles sur les points dont Pierre Moscovici vous a parlé.
Le ministre délégué - Sur les principes que j'évoquais, même si bien sûr il y a des réactions, je constate que ces principes peuvent constituer des axes de travail pour tout le monde. Et ça c'est important. Ce qui signifie qu'effectivement un nouveau texte sera élaboré mais en tenant compte de ces principes.
Le ministre - En fait, c'est l'existence de ce texte ce matin qui a permis les discussions qui ont lieu depuis et qui prennent une tournure de vraie négociation quand même.
Q - J'ai trouvé un peu hermétique le texte sur l'article 133. Est-ce que vous pouvez nous expliquer exactement ce qui est en dehors de la liste ? Et puis j'ai eu l'impression que l'Espagne était très bien traitée dans l'ensemble des propositions. Et quelle est la raison pour laquelle vous avez suggéré cette différence pour la repondération des voix entre l'Espagne et la Pologne ?
Le ministre délégué - Sur le 133.5, je ne vais pas longuement m'étendre. Je vais simplement marquer deux choses. D'abord qu'il n'y avait effectivement pas de préalable pour nous. Nous ne refusons pas d'en discuter. D'autres peuvent peut être dire, ici ou là, qu'on ne peut pas discuter de ceci, de cela, du social, du fiscal, ou je ne sais quoi. Nous n'avons pas de préalable. C'est important. Par ailleurs, la démarche que nous avons suggérée consiste à proposer une liste positive de sujets qui peuvent passer au vote à la majorité qualifiée. C'est une démarche. Il y en a d'autres, on les connaît. Il y a une option finlandaise qui est sur la table et un autre option qui a été présentée à un moment donné dans les travaux de la CIG. La discussion se poursuit. Mais voilà quelle a été la logique, quel est l'état d'esprit.
Quant à l'Espagne, on sait qu'elle rencontre des problèmes spécifiques qui ont déjà été abordés dans les précédentes Conférences intergouvernementales, notamment à Amsterdam. C'est en fonction de cela que nous avons voulu répondre à ce problème qui est un problème spécifique. Si je parle d'un problème spécifique c'est bien pour dire qu'il y a une logique des propositions sur la repondération, mais elles sont en train d'être discutées, elles bougeront, soyons clairs. Cette logique n'est pas une logique purement démographique. Nous avons maintenu ou constitué des groupes d'Etats.
Q - Quel est la logique pour ce décrochage entre l'Espagne et la Pologne ? Est ce qu'il est vrai, comme le disent les petits pays, qu'il s'agit justement ici de prononcer la plus grande différence entre les grands la Pologne ?
Le ministre délégué - Je voudrais quand même faire observer une chose. Encore une fois on va reparler de tout cela à nos amis polonais. Mais la logique n'est pas purement démographique et si l'on s'attache à la démographie, la Pologne est plutôt très bien servie. Parce qu'avec 26 voix dans ce schéma, alors que l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la France ou l'Italie en ont 30, cela ne reflète absolument pas les 20 voire 40 millions d'habitants en plus que peuvent avoir ou l'Allemagne, ou le France, l'Italie ou la Grande Bretagne.
Le ministre - La discussion continue là dessus.
Q - Dans la liste que vous avez préparée sur la repondération des voix, on trouve les douze pays candidats et pas la Turquie. Comment expliquez vous cela ?
Le ministre - Par ce que la Turquie n'est pas dans la même position que les autres pays puisqu'il s'agit des douze pays avec lesquels des négociations ont été entamées. La Turquie est dans une position qui est différente, qui est à part, spéciale. Depuis Helsinki où la Turquie a été reconnue comme pays candidat, et pour des tas de raisons que vous connaissez bien, la négociation n'est pas entamée.
Q - Envisagez vous de refaire une tournante de confessionnaux si dans les heures qui viennent la situation n'a pas avancé ?
Le ministre - On fera tout ce qui est utile pour que cela avance. Mais ce n'est pas fixé à l'avance, on verra. Des séances plénières, des confessionnaux, des rencontres bilatérales, des suspensions de séance, de nouvelles initiatives, d'autres textes, tous les moyens sont disponibles pour avancer.
Q - Sans dévoiler le secret du confessionnal, est ce que vous pouvez nous expliquer en quoi le texte que vous avez produit ce matin ne pouvait pas être présenté dès hier en début d'après-midi ? Est-ce que les confessionnaux ont vraiment apporté des éléments nouveaux alors que le président de la République et vous-même aviez effectué une tournée une semaine avant ?
Le ministre - Oui ils ont apporté certains éléments nouveaux, et je pense que sans ces rencontres, que d'ailleurs les uns et les autres demandaient, on n'aurait pas pu faire le texte et introduire ces éléments de mouvement dans le texte de ce matin.
Le ministre délégué - La confession a été utile et secrète. Chacun a tout de même dit vraiment, cette fois ci dans le blanc des yeux et en très peu de temps, ce sur quoi il pouvait avancer, ce à quoi il pouvait renoncer et en contrepartie de quoi il souhaitait le faire. Encore une fois, je crois qu'après, chacun apprécie et c'est normal qu'il y ait des réactions. Mais le paquet de la Présidence est une tentative honnête de chercher une synthèse difficile entre des positions qui sont effectivement contradictoires.
Q - Vous avez dit que vous alliez continuer à discuter autant qu'il le faudrait. Est-ce que vous vous êtes fixé une date limite pour la poursuite de ces discussions ou est ce que c'est non-stop jusqu'à arriver à un accord quel que soit le temps ?
Le ministre - Je crois que nous n'avons rien à ajouter à ce qui a été dit ces derniers jours par le président de la République et par nous qui est que l'on s'est organisé sur le plan technique et logistique pour que cela puisse durer jusqu'à demain s'il le faut. Là il n'y a pas d'éléments nouveaux par rapport à cela. Nous sommes en train de débattre, pas de tourner en rond. Donc on est entrain d'avancer. Laborieusement, mais en train d'avancer et pour le moment ce qui nous préoccupe c'est d'avancer et d'atteindre l'objectif.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2000)
Point de presse conjoint de MM. Védrine et Moscovici le 9 décembre 00 à 22h :
R - Hubert Védrine - Pour rester sur cette bonne impression, il faut peut être que l'on ne dise rien. Qu'on reparte tout de suite.
Alors, nous continuons avec une louable persévérance à venir vous informer régulièrement de l'avancement des travaux, au fond la formule que j'ai employé il y a quelques heures est la même, nous avançons laborieusement mais ce qui est important dans cette phrase, c'est nous avançons.
Cet après-midi, à partir de 17 heures et à partir des nouvelles propositions françaises, les travaux ont continué, notamment sur la Commission, sur la majorité qualifiée, continué jusque vers 22 h, je crois avec un moment d'interruption pour permettre aux uns et autres de parler entre eux et de se consulter. Un dîner est en cours pour ceux qui le voulaient, ce n'est pas un vrai dîner de travail, c'est un dîner facultatif sans plan de table, à la bonne franquette et avec de la bonne cuisine quand même et les uns et les autres bavardent autour de cette table que nous venons de quitter à regrets pour vous retrouver avec plaisir et les travaux doivent reprendre demain matin à 9 h 30, notamment sur la question de la repondération et quelques autres questions qui restent à traiter.
Mais il restera à cristalliser les éléments de l'accord ; c'est à dire que dans la suite du Conseil telle que l'on peut l'anticiper aujourd'hui, il y a un moment où il faut que la Présidence française récapitule tous les éléments traités dans toutes les discussions pour en faire un document et à ce moment là on procédera, ce qui est classique, à l'examen des conclusions une par une, point par point. J'oubliais de dire que l'on a également parlé de l'après-Nice, à la fin de la séance de la soirée, avant le dîner.
Donc, voilà où nous en sommes. C'était encore une fois prévisible que ce soit très compliqué, mais les choses ne sont pas bloquées, on avance. Pour les pays qui avaient exprimé des impossibilités à bouger, c'est une vraie concession quand ils bougent, parce que s'ils avaient exprimé pendant des semaines, voire pendant des mois leur impossibilité à bouger, ce n'était pas pour compliquer la vie des autres, c'est parce que cela correspond à des vrais problèmes mais on sent malgré les difficultés, la volonté d'aboutir quand même, on sent cette volonté de trouver un cheminement vers la solution que nous espérons et à laquelle nous travaillons avec beaucoup d'énergie.
R - Pierre Moscovici - Je suis venu sans aucune restriction parce que l'on mange bien, on mange un tout petit peu trop et donc il était temps de quitter la table.
Je dirais, moi aussi, que l'on continue de travailler dans le même esprit que ce matin. Comme vous le savez, la Présidence a fait une nouvelle proposition qui a été plutôt bien accueillie, toujours bien sûr avec les différences que l'on connaît, parce qu'elle prend en compte beaucoup de sentiments qui s'étaient exprimés ce matin. Je vais peut-être insister sur deux sujets : la Commission et le vote à la majorité qualifié. Sur la Commission, je dirais qu'il commence à se dessiner un consensus qui a le mérite d'exister même s'il n'est pas pleinement satisfaisant. Vous avez vu les nouvelles propositions de la Présidence, elles consistent à dire qu'il y aura un commissaire par Etat membre jusqu'à 27, donc jusqu'au bout de l'actuel cycle d'élargissement et ensuite on ira vers un nombre inférieur qui devra être précisé avec une rotation égalitaire. Et, nous sommes en train d'esquisser ce que seront des pouvoirs renforcés, de façon claire, pour le président de la Commission.
Sur la Commission, un consensus semble se dessiner, même si certaines réserves demeurent, c'est-à-dire qu'un certain nombre de pays continuent à préférer une simple clause de rendez-vous à une inscription dans le traité.
Je signalerai simplement deux ou trois petits choses. On a beaucoup parlé au cours de la Présidence de l'hégémonisme supposé des grands pays ou d'une opposition entre les grands et les petits. Mais là, indubitablement si l'on raisonnait de cette façon, ce serait une démarche forte de la part de ceux que l'on appelle les grands parce qu'en toute hypothèse ceux qui ont aujourd'hui deux commissaires en perdent un dans la prochaine Commission, ensuite pourraient en perdre deux. La deuxième réflexion que je voulais faire, cette vision d'une Commission qui se plafonne dans le temps, est une vision un peu différente de celle qu'on pouvait avoir quand on souhaitait une Commission resserrée. Alors, cet accord, qui n'est pas encore concrétisé, peut être un élément d'un paquet mais cela suppose, la Présidence continue de le penser, qu'on aille plus loin et même beaucoup plus loin sur les autres questions.
Sur la majorité qualifiée : la Présidence a fait de nouvelles propositions qui ont été saluées et reconnues comme constituant des avancées. Je souligne d'ailleurs qu'il n'y a plus dans ce paquet de réserves françaises, puisqu'il y a une proposition sur l'asile, l'immigration, les visas, qu'il y aussi une proposition sur l'article 133-5 qui n'est pas celle de ce matin, qui se situe sur un terrain déjà connu. Nous continuons de travailler dans le même esprit que ce matin, c'est à dire de souhaiter des avancées sur chacun des grands thèmes qui sont encore sur la table : sur la fiscalité, sur les questions sociales, sur la politique commerciale, sur les visas, l'asile, l'immigration et sur la cohésion.
Si je devais résumer brièvement les débats, je dirais qu'il reste des blocages, en tout cas la Présidence souhaite que l'on dépasse ces blocages. Elle a fait pour cela ses meilleurs efforts, elle continuera de le faire parce que cette question du vote à la majorité qualifiée est une question déterminante pour que l'Union ne soit pas dans une logique de blocage et pour améliorer la démocratie européenne. Comme l'a dit Hubert Védrine, après ce tour de table qui a été plutôt fructueux, nous allons maintenant préparer les éléments d'un traité dont nous étudierons, de façon fine, les articles demain après-midi, après que l'on ait déposé une nouvelle proposition sur la repondération, sur le Parlement européen, et sur l'après-Nice.
Voilà, c'est un très gros travail, il faut se mettre d'accord dans un premier temps sur l'équilibre d'un paquet, nous souhaitons que cela soit fait après l'examen des questions sur la repondération et puis finalement, nous terminerons par une lecture fine des articles du nouveau projet de traité.
Peut-être quelques éléments d'ambiance : je dirais que l'ambiance n'est pas tendue, elle est toujours assez cordiale, sérieuse. Ma conviction c'est que les éléments d'un accord existent. Mais pour faire cet accord, il faut deux choses : il faut d'abord que les efforts soient équitablement répartis, personne ne peut prétendre à être le gagnant ou le perdant sur tout ; personne ne peut dire voilà moi j'ai une situation nationale, comme si les autres n'en avaient pas. Comme l'a dit à plusieurs reprises le Premier ministre, Lionel Jospin, nous avons tous des Parlements, mais en même temps il faut que les gouvernements prennent leurs responsabilités. Et puis, la deuxième condition, c'est que nous conservions un niveau d'ambition suffisant. Il ne s'agit pas de faire un traité au rabais, mais un traité qui permette à l'Europe de s'élargir tout en améliorant son propre fonctionnement. La France, en tant que Présidence, veille et veillera à conserver cette ambition pour l'Europe en espérant qu'elle sera partagée par tous. C'est dans ces conditions que nous achèverons "in due time", comme on dit en anglais, un bon traité de Nice.
Q - Est ce que vous pouvez essayer de nous expliquer en quoi la position de la France a changé sur l'article 133-5
R - Pierre Moscovici - Ce matin nous avions proposé une liste positive de sujets qui pouvaient passer à la majorité qualifiée. Cette fois-ci, nous nous sommes inscrits dans une démarche générale, je ne veux pas être trop technique, mais vous vous souvenez qu'il y avait deux options sur la table dans les discussions de la CIG à un stade préalable, nous sommes plutôt sur cette deuxième option tout en continuant de faire savoir qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous avons des problèmes, des problèmes sérieux : je pense à la santé, à l'éducation, à la culture, l'audiovisuel. J'ajoute d'ailleurs, contrairement à ce que l'on peut dire ici ou là, ce n'est pas un problème spécifiquement français, puisque quatre ou cinq autres délégations ont aussi des problèmes sur des secteurs spécifiques qui les concernent. Je crois que la discussion s'est bien engagée, je pense que l'on trouvera un accord sur le 133-5, je pense et je l'espère.
Q - Quel est le type de logique utilisée par la France lorsqu'elle a accordé 4 membres du Parlement européen à Malte par rapport au Luxembourg donc est-ce qu'il y aura une modification une repondération au profit de Malte ?
R - Pierre Moscovici - Nous déposerons une nouvelle proposition sur la repondération et sur le Parlement européen.
Q - A propos du nombre de commissaires : vous avez dit ensuite un nombre inférieur que l'on précisera, est-ce que vous désirez que ce nombre soit précisé dès aujourd'hui ou bien est-ce que vous fixez une date à laquelle il faudra préciser ce nombre ?
R - Pierre Moscovici - Comme vous avez vu, il y a eu donc deux propositions aujourd'hui, je pense que vous avez eu les deux. Dans la première, nous avions indiqué un nombre qui était le nombre de 20, ce nombre ne figure pas dans la seconde, ce qui figure dans la seconde, c'est le principe d'un nombre inférieur à 27. C'est pour cela que je parlais de concession et d'esprit de compromis. Vous avez vu très exactement comment les choses sont rédigées. Ce sera précisé ultérieurement, ce n'est donc pas dans ce traité, si on veut dire cela.
R - Hubert Védrine - Ceux qui font "fuiter" les documents ne peuvent pas le faire avant qu'ils aient eu les documents eux-mêmes, voyez, c'est cela la difficulté technique.
Q - En ce qui concerne la fiscalité : dans la nouvelle version que vous avez présenté ce soir, il y a encore deux articles concernant la fiscalité, l'un d'entre eux au titre de la coopération financière et douanière et je suis sûr que vous avez entendu un certain nombre d'oppositions sur ce point. Est-ce que vous pourriez nous parler demain matin de ces deux clauses : est-ce qu'elles seront toujours sur la table ces clauses sur la fiscalité ?
R - Pierre Moscovici - Nous n'avons rien retiré. Je voudrais simplement répéter ce qu'est l'attitude de la Présidence. Nous souhaitons qu'il y ait des avancées ; nous verrons quelles avancées, sur chacun des cinq grands sujets, qui restent à traiter en matière de vote à la majorité qualifiée et la Présidence, elle, est prête à faire des avancées sur la fiscalité, sur les questions sociales, sur les questions commerciales, sur les questions des visas, d'asile et d'immigration et sur la politique de cohésion. Encore une fois, je souhaite que chacun fasse les mêmes efforts parce que c'est vrai que l'on se tourne par exemple vers la France en disant "mais sur la politique commerciale extérieure vous étiez bloqués" je l'ai entendu souvent, nous l'avons entendu à Biarritz. Nous avons bougé et donc tout le monde doit bouger en prenant en compte que cela n'est pas simple politiquement de faire un mouvement, donc c'est pour cela que j'évoquais les responsabilités que nous devons prendre. Tout est sur la table, il y aura demain des articles du traité sur toutes ces questions, et c'est à ce moment là que nous ferons les choix définitifs.
Q - Sur la pondération, vous avez sondé les Belges pour savoir s'ils acceptaient un décrochage par rapport aux Néerlandais, j'aimerais savoir si la délégation française elle-même s'est consultée à ce sujet, il semble qu'il y ait de la souplesse du côté de l'Elysée, je voudrais savoir si c'est la même chose du côté de Matignon et du côté du gouvernement ?
Autre question sur le 133-5 : est-ce que l'on comprend bien dans la rédaction de cet article que dorénavant il y a un droit de veto, disons le sur les sujets qui ont été retenus mais que ces sujets ne peuvent pas servir de prise en otage des autres sujets d'une négociation commerciale, à savoir si quelque chose vous déplaît à la majorité qualifiée en agriculture, on ne peut pas bloquer ce paquet agricole sous prétexte que l'on aurait un problème de services sociaux ou de culture ?
R - Pierre Moscovici - Sur le premier point : comme vous pouvez le constater pendant tout le déroulement de ce Conseil européen, il y a une seule position française et la question de la pondération se débattue demain matin. On ne va pas la commenter avant.
Quant au 133-5, nous avons fait une proposition, elle est claire. Encore une fois, je ne vais pas commenter davantage une proposition, qui par ailleurs n'a pas encore fait l'accord.
Q - Est ce qu'il vous semble que l'augmentation des pouvoirs du président de la Commission qui est inscrite dans le dernier papier sur la table, pourrait compenser ce que vous appeliez il y a encore quelques jours l'inefficacité d'une Commission à 27 ?
R - Hubert Védrine - Cela ne compense pas tout à fait, mais cela ne peut pas faire de mal.
Au cours des discussions, je rappelle qu'il a toujours été question d'augmenter les pouvoirs du président de la Commission et on se demandait est ce que l'on fait cela et autre chose, on fera cela et un peu autre chose.
Q - Je voulais savoir si dans la proposition sur la repondération des voix de demain matin, sans la révéler évidemment, vous envisagez de mettre la parité entre deux états membres, par exemple, Espagne, et la Pologne, puisque le ministre, votre collègue espagnol, ne s'y oppose pas ; et pourquoi la Présidence ne revient pas éventuellement sur la double majorité puisqu'il semble qu'une majorité d'Etats membres souhaitent revenir dessus ?
R - Hubert Védrine - Sur le second point, ce n'est pas exact. Une majorité d'Etats membres acceptent tout à fait de travailler sur la base de la repondération sur laquelle nous faisons des propositions. Sur la première partie de votre question, je ne peux pas y répondre, précisément sans commencer à donner les éléments de la proposition qui sera faite demain matin Vous dites sans dévoiler, non, on ne peut pas traiter le premier sujet sans dévoiler, donc on va en parler demain matin dans les discussions.
R - Pierre Moscovici - Je voulais juste faire un tout petit commentaire là dessus, parce que, comme le disait Hubert Védrine, c'est normal d'ailleurs, beaucoup de commentaires ici ou là, officieux, officiels, et voire même une protestation officielle. Je voulais simplement indiquer contrairement à ce que j'ai lu, ce n'est pas la délégation française qui avait pris cette initiative.
Voilà la Présidence, encore une fois, comme je vous l'ai dit ce matin, avait fait au nom du secret de la confession. Ce n'était pas une proposition française."
Q - Pourquoi avez-vous le deuxième papier pour bouger sur l'article 133-5 et pourquoi avez vous fait un premier papier qui manifestement allait heurter les petits pays en matière de repondération ?
R - Pierre Moscovici - Sur le 133-5, vous suivez la négociation depuis le début, la position française jusqu'à l'ouverture de ce Conseil était de penser que nous pouvions très bien vivre avec le statu quo. Donc, nous avons bougé en deux temps, pour le dire différemment, nous avons bougé deux fois. Nous avons bougé une première fois en présentant une liste positive de sujets qui pouvaient passer au vote à la majorité qualifiée, cette démarche n'a pas convaincu et donc nous avons cherché encore une fois, à partir des travaux qui avaient été menés auparavant, y compris entre le Conseil et la Commission, un terrain de discussion, une logique générale. La France considère, pour le coup, avoir beaucoup bougé, deux fois, levé sa réserve absolue et évolué relativement. Je crois que c'est une démarche dont il faudrait que tout le monde s'inspire, si on veut parvenir à un bon traité. Quant à la repondération on en parlera demain.
Q - On parle beaucoup de la repondération concernant les petits pays sans anticiper sur demain ; est-ce qu'aujourd'hui il y a eu un consensus maintenu quant au fait que les grands pays gardent tous le même nombre de voix ?
R - Hubert Védrine - Même chose, la repondération on en parlera demain et donc on vous commentera les choses en temps utiles. On ne peut pas commenter avant parce que l'on a pas traité le sujet.
Je sais bien que vous aimeriez bien que l'on commente les choses avant qu'elles aient lieu, pour faciliter la rédaction de vos papiers, mais c'est difficile pour nous.
Q - Un de vos collègues a décrit le papier ce matin comme un papier franco-français et justement quand vous dites que vous n'avez plus de réserves sur les points, alors vous n'avez rien sur l'asile, vous avez un propos sur 133-5 qui est effectivement très bien pour la France toujours, même si vous dites que vous bougez, vous n'avez pas de décrochage avec le vote de l'Allemagne. Comment répondez-vous à des collègues qui disent : effectivement ce n'est pas un papier présidentiel, c'est un papier français ?
R - Pierre Moscovici - Je crois que c'est, je cherche le mot juste, pour ne pas être excessif, que c'est un contresens que de parler de la sorte. Souvenons-nous de ce que sont les positions françaises depuis longtemps sur la CIG. Déjà à Amsterdam, nous souhaitions une Commission de 12 membres ou 14 membres extrêmement restreinte, pourquoi pas tout de suite. Vous voyez bien que nous n'en sommes pas là. Et donc, la position qui se dessine est un compromis acceptable par tous et donc nous sommes dans l'esprit du compromis, mais ce n'est pas la position française, loin de là.
Quant au vote à la majorité qualifiée, on a reproché à la France d'avoir ici ou là des blocages, je constate que nous sommes une des délégations sinon la délégation qui aujourd'hui a le moins de problèmes avec le vote à la majorité qualifiée, que ce soit quantitativement ou qualitativement. Deux exemples parmi d'autres, quant au troisième, nous en reparlerons demain, donc je crois qu'il ne faut pas faire de faux procès à la Présidence, nous n'avons pas eu une approche partiale au cours des négociations et nous n'avons pas, je crois, une approche partiale au cours de ce Conseil européen. Nous sommes là pour trouver un compromis, mais en même temps, je l'ai dit, un compromis qui maintienne un niveau d'ambitions suffisant et jusqu'au bout ce sera l'esprit qui nous animera.
R - Hubert Védrine - Il faudrait que l'on refasse un papier franco-français pour que vous regardiez la différence entre le papier franco-français et notre travail de Présidence.
R - Pierre Moscovici - Comme le disait tout à l'heure le Premier ministre, je ne sais pas si c'est dans un aparté ou ailleurs, au fond, il vaut mieux d'une certaine façon que la France soit la Présidente parce qu'elle accepte des choses qu'elle n'aurait peut être pas acceptée si elle n'avait pas eu la Présidence.
R - Hubert Védrine - Ce sont les responsabilités de la grandeur et servitude de la Présidence.
Q - Vous ne pouvez pas nous dire grand chose sur la repondération, mais est ce que vous pourriez nous donner des informations sur la proposition finnoise qui ne fait pas de décrochage entre la France et l'Allemagne mais d'autres décrochages entre des petits pays et je voudrais savoir si la Présidence en tient compte dans sa version pour demain.
R - Pierre Moscovici - Vous saurez demain matin à 9 h à peu près quelle sera la teneur de la nouvelle proposition de la Présidence, Présidence qui évidemment est bien consciente de l'ensemble des propositions de l'ensemble des délégations autour de la table.
Q - Une question très différente d'ici à la fin de ce Conseil demain soir, enfin disons demain soir, est ce que vous aurez fixé 1 - une date pour l'élargissement, 2 - est ce que vous aurez la majorité qualifiée sur la fiscalité, la sécurité sociale et l'immigration ?
R - Pierre Moscovici - Vous avez déjà eu la réponse à cette question : nous espérons et cela ne dépend pas que de nous, une date pour l'élargissement de toute façon cela ne fait pas partie de l'agenda de la CIG et sachez que l'élargissement était traité ces jours passés, si vous voulez regarder ce qui a été décidé, il vous faut vous référer aux conclusions qui ont été adoptées hier matin ?
Q - Quand vous entendez Michel Barnier ou des représentants de la Commission dire qu'on voit dans ces projets trop de clauses de rendez-vous : 2005 - 2007 - 2010 quand on sera 27 est-ce que selon vous cette crainte est fondée qu'à partir du moment il y a trop de clauses de rendez-vous, on a peu de chance de parvenir à un accord surtout lorsque l'on dit on décidera dans 10 ans ce que l'on devra décider ?
R - Hubert Védrine - Je pense qu'il faut porter une appréciation quand on aura conclu. Ce n'est pas utile et ce n'est pas constructif de porter des appréciations pendant que les choses se déroulent, pendant que les discussions ont lieu. Ce n'est pas la peine d'exprimer des inquiétudes à ce moment là qui portent sur un accord qui n'est pas terminé. Donc nous sommes en train de travailler, il n'y a pas d'accord sur tel ou tel élément tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, donc c'est au vu de l'ensemble que nous apprécierons, vous apprécierez, l'opinion publique appréciera les résultats que les Quinze auront obtenu à Nice.
Q - Est ce que l'on pourrait demander votre réaction à la déclaration de M. Barak qui démissionne et qui va aller aux élections d'Israël ? Est-ce que cela va affecter votre visite dans la région ?
R - Hubert Védrine - L'annonce faite par M. Barak relève de la politique intérieure israélienne, donc nous n'avons pas à porter d'appréciations là dessus. Il en est seul le juge et les Israéliens également. Ce qui continue à nous intéresser, vous le savez bien, c'est le fait que les Israéliens et les Palestiniens tiennent vraiment et complètement et sans détour inutile les engagements qu'ils ont pris à Charm el-Cheik. C'est cela qui est important aux yeux de l'Union européenne et cela ne change pas mon intention de me rendre dans la région la semaine prochaine.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2000)
Conférence de presse de MM. Védrine et Moscovici le 10 décembre 00 :
R - Hubert Védrine - Pour rester sur cette bonne impression, il faut peut être que l'on ne dise rien. Qu'on reparte tout de suite.
Alors, nous continuons avec une louable persévérance à venir vous informer régulièrement de l'avancement des travaux, au fond la formule que j'ai employé il y a quelques heures est la même, nous avançons laborieusement mais ce qui est important dans cette phrase, c'est nous avançons.
Cet après-midi, à partir de 17 heures et à partir des nouvelles propositions françaises, les travaux ont continué, notamment sur la Commission, sur la majorité qualifiée, continué jusque vers 22 h, je crois avec un moment d'interruption pour permettre aux uns et autres de parler entre eux et de se consulter. Un dîner est en cours pour ceux qui le voulaient, ce n'est pas un vrai dîner de travail, c'est un dîner facultatif sans plan de table, à la bonne franquette et avec de la bonne cuisine quand même et les uns et les autres bavardent autour de cette table que nous venons de quitter à regrets pour vous retrouver avec plaisir et les travaux doivent reprendre demain matin à 9 h 30, notamment sur la question de la repondération et quelques autres questions qui restent à traiter.
Mais il restera à cristalliser les éléments de l'accord ; c'est à dire que dans la suite du Conseil telle que l'on peut l'anticiper aujourd'hui, il y a un moment où il faut que la Présidence française récapitule tous les éléments traités dans toutes les discussions pour en faire un document et à ce moment là on procédera, ce qui est classique, à l'examen des conclusions une par une, point par point. J'oubliais de dire que l'on a également parlé de l'après-Nice, à la fin de la séance de la soirée, avant le dîner.
Donc, voilà où nous en sommes. C'était encore une fois prévisible que ce soit très compliqué, mais les choses ne sont pas bloquées, on avance. Pour les pays qui avaient exprimé des impossibilités à bouger, c'est une vraie concession quand ils bougent, parce que s'ils avaient exprimé pendant des semaines, voire pendant des mois leur impossibilité à bouger, ce n'était pas pour compliquer la vie des autres, c'est parce que cela correspond à des vrais problèmes mais on sent malgré les difficultés, la volonté d'aboutir quand même, on sent cette volonté de trouver un cheminement vers la solution que nous espérons et à laquelle nous travaillons avec beaucoup d'énergie.
R - Pierre Moscovici - Je suis venu sans aucune restriction parce que l'on mange bien, on mange un tout petit peu trop et donc il était temps de quitter la table.
Je dirais, moi aussi, que l'on continue de travailler dans le même esprit que ce matin. Comme vous le savez, la Présidence a fait une nouvelle proposition qui a été plutôt bien accueillie, toujours bien sûr avec les différences que l'on connaît, parce qu'elle prend en compte beaucoup de sentiments qui s'étaient exprimés ce matin. Je vais peut-être insister sur deux sujets : la Commission et le vote à la majorité qualifié. Sur la Commission, je dirais qu'il commence à se dessiner un consensus qui a le mérite d'exister même s'il n'est pas pleinement satisfaisant. Vous avez vu les nouvelles propositions de la Présidence, elles consistent à dire qu'il y aura un commissaire par Etat membre jusqu'à 27, donc jusqu'au bout de l'actuel cycle d'élargissement et ensuite on ira vers un nombre inférieur qui devra être précisé avec une rotation égalitaire. Et, nous sommes en train d'esquisser ce que seront des pouvoirs renforcés, de façon claire, pour le président de la Commission.
Sur la Commission, un consensus semble se dessiner, même si certaines réserves demeurent, c'est-à-dire qu'un certain nombre de pays continuent à préférer une simple clause de rendez-vous à une inscription dans le traité.
Je signalerai simplement deux ou trois petits choses. On a beaucoup parlé au cours de la Présidence de l'hégémonisme supposé des grands pays ou d'une opposition entre les grands et les petits. Mais là, indubitablement si l'on raisonnait de cette façon, ce serait une démarche forte de la part de ceux que l'on appelle les grands parce qu'en toute hypothèse ceux qui ont aujourd'hui deux commissaires en perdent un dans la prochaine Commission, ensuite pourraient en perdre deux. La deuxième réflexion que je voulais faire, cette vision d'une Commission qui se plafonne dans le temps, est une vision un peu différente de celle qu'on pouvait avoir quand on souhaitait une Commission resserrée. Alors, cet accord, qui n'est pas encore concrétisé, peut être un élément d'un paquet mais cela suppose, la Présidence continue de le penser, qu'on aille plus loin et même beaucoup plus loin sur les autres questions.
Sur la majorité qualifiée : la Présidence a fait de nouvelles propositions qui ont été saluées et reconnues comme constituant des avancées. Je souligne d'ailleurs qu'il n'y a plus dans ce paquet de réserves françaises, puisqu'il y a une proposition sur l'asile, l'immigration, les visas, qu'il y aussi une proposition sur l'article 133-5 qui n'est pas celle de ce matin, qui se situe sur un terrain déjà connu. Nous continuons de travailler dans le même esprit que ce matin, c'est à dire de souhaiter des avancées sur chacun des grands thèmes qui sont encore sur la table : sur la fiscalité, sur les questions sociales, sur la politique commerciale, sur les visas, l'asile, l'immigration et sur la cohésion.
Si je devais résumer brièvement les débats, je dirais qu'il reste des blocages, en tout cas la Présidence souhaite que l'on dépasse ces blocages. Elle a fait pour cela ses meilleurs efforts, elle continuera de le faire parce que cette question du vote à la majorité qualifiée est une question déterminante pour que l'Union ne soit pas dans une logique de blocage et pour améliorer la démocratie européenne. Comme l'a dit Hubert Védrine, après ce tour de table qui a été plutôt fructueux, nous allons maintenant préparer les éléments d'un traité dont nous étudierons, de façon fine, les articles demain après-midi, après que l'on ait déposé une nouvelle proposition sur la repondération, sur le Parlement européen, et sur l'après-Nice.
Voilà, c'est un très gros travail, il faut se mettre d'accord dans un premier temps sur l'équilibre d'un paquet, nous souhaitons que cela soit fait après l'examen des questions sur la repondération et puis finalement, nous terminerons par une lecture fine des articles du nouveau projet de traité.
Peut-être quelques éléments d'ambiance : je dirais que l'ambiance n'est pas tendue, elle est toujours assez cordiale, sérieuse. Ma conviction c'est que les éléments d'un accord existent. Mais pour faire cet accord, il faut deux choses : il faut d'abord que les efforts soient équitablement répartis, personne ne peut prétendre à être le gagnant ou le perdant sur tout ; personne ne peut dire voilà moi j'ai une situation nationale, comme si les autres n'en avaient pas. Comme l'a dit à plusieurs reprises le Premier ministre, Lionel Jospin, nous avons tous des Parlements, mais en même temps il faut que les gouvernements prennent leurs responsabilités. Et puis, la deuxième condition, c'est que nous conservions un niveau d'ambition suffisant. Il ne s'agit pas de faire un traité au rabais, mais un traité qui permette à l'Europe de s'élargir tout en améliorant son propre fonctionnement. La France, en tant que Présidence, veille et veillera à conserver cette ambition pour l'Europe en espérant qu'elle sera partagée par tous. C'est dans ces conditions que nous achèverons "in due time", comme on dit en anglais, un bon traité de Nice.
Q - Est ce que vous pouvez essayer de nous expliquer en quoi la position de la France a changé sur l'article 133-5
R - Pierre Moscovici - Ce matin nous avions proposé une liste positive de sujets qui pouvaient passer à la majorité qualifiée. Cette fois-ci, nous nous sommes inscrits dans une démarche générale, je ne veux pas être trop technique, mais vous vous souvenez qu'il y avait deux options sur la table dans les discussions de la CIG à un stade préalable, nous sommes plutôt sur cette deuxième option tout en continuant de faire savoir qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous avons des problèmes, des problèmes sérieux : je pense à la santé, à l'éducation, à la culture, l'audiovisuel. J'ajoute d'ailleurs, contrairement à ce que l'on peut dire ici ou là, ce n'est pas un problème spécifiquement français, puisque quatre ou cinq autres délégations ont aussi des problèmes sur des secteurs spécifiques qui les concernent. Je crois que la discussion s'est bien engagée, je pense que l'on trouvera un accord sur le 133-5, je pense et je l'espère.
Q - Quel est le type de logique utilisée par la France lorsqu'elle a accordé 4 membres du Parlement européen à Malte par rapport au Luxembourg donc est-ce qu'il y aura une modification une repondération au profit de Malte ?
R - Pierre Moscovici - Nous déposerons une nouvelle proposition sur la repondération et sur le Parlement européen.
Q - A propos du nombre de commissaires : vous avez dit ensuite un nombre inférieur que l'on précisera, est-ce que vous désirez que ce nombre soit précisé dès aujourd'hui ou bien est-ce que vous fixez une date à laquelle il faudra préciser ce nombre ?
R - Pierre Moscovici - Comme vous avez vu, il y a eu donc deux propositions aujourd'hui, je pense que vous avez eu les deux. Dans la première, nous avions indiqué un nombre qui était le nombre de 20, ce nombre ne figure pas dans la seconde, ce qui figure dans la seconde, c'est le principe d'un nombre inférieur à 27. C'est pour cela que je parlais de concession et d'esprit de compromis. Vous avez vu très exactement comment les choses sont rédigées. Ce sera précisé ultérieurement, ce n'est donc pas dans ce traité, si on veut dire cela.
R - Hubert Védrine - Ceux qui font "fuiter" les documents ne peuvent pas le faire avant qu'ils aient eu les documents eux-mêmes, voyez, c'est cela la difficulté technique.
Q - En ce qui concerne la fiscalité : dans la nouvelle version que vous avez présenté ce soir, il y a encore deux articles concernant la fiscalité, l'un d'entre eux au titre de la coopération financière et douanière et je suis sûr que vous avez entendu un certain nombre d'oppositions sur ce point. Est-ce que vous pourriez nous parler demain matin de ces deux clauses : est-ce qu'elles seront toujours sur la table ces clauses sur la fiscalité ?
R - Pierre Moscovici - Nous n'avons rien retiré. Je voudrais simplement répéter ce qu'est l'attitude de la Présidence. Nous souhaitons qu'il y ait des avancées ; nous verrons quelles avancées, sur chacun des cinq grands sujets, qui restent à traiter en matière de vote à la majorité qualifiée et la Présidence, elle, est prête à faire des avancées sur la fiscalité, sur les questions sociales, sur les questions commerciales, sur les questions des visas, d'asile et d'immigration et sur la politique de cohésion. Encore une fois, je souhaite que chacun fasse les mêmes efforts parce que c'est vrai que l'on se tourne par exemple vers la France en disant "mais sur la politique commerciale extérieure vous étiez bloqués" je l'ai entendu souvent, nous l'avons entendu à Biarritz. Nous avons bougé et donc tout le monde doit bouger en prenant en compte que cela n'est pas simple politiquement de faire un mouvement, donc c'est pour cela que j'évoquais les responsabilités que nous devons prendre. Tout est sur la table, il y aura demain des articles du traité sur toutes ces questions, et c'est à ce moment là que nous ferons les choix définitifs.
Q - Sur la pondération, vous avez sondé les Belges pour savoir s'ils acceptaient un décrochage par rapport aux Néerlandais, j'aimerais savoir si la délégation française elle-même s'est consultée à ce sujet, il semble qu'il y ait de la souplesse du côté de l'Elysée, je voudrais savoir si c'est la même chose du côté de Matignon et du côté du gouvernement ?
Autre question sur le 133-5 : est-ce que l'on comprend bien dans la rédaction de cet article que dorénavant il y a un droit de veto, disons le sur les sujets qui ont été retenus mais que ces sujets ne peuvent pas servir de prise en otage des autres sujets d'une négociation commerciale, à savoir si quelque chose vous déplaît à la majorité qualifiée en agriculture, on ne peut pas bloquer ce paquet agricole sous prétexte que l'on aurait un problème de services sociaux ou de culture ?
R - Pierre Moscovici - Sur le premier point : comme vous pouvez le constater pendant tout le déroulement de ce Conseil européen, il y a une seule position française et la question de la pondération se débattue demain matin. On ne va pas la commenter avant.
Quant au 133-5, nous avons fait une proposition, elle est claire. Encore une fois, je ne vais pas commenter davantage une proposition, qui par ailleurs n'a pas encore fait l'accord.
Q - Est ce qu'il vous semble que l'augmentation des pouvoirs du président de la Commission qui est inscrite dans le dernier papier sur la table, pourrait compenser ce que vous appeliez il y a encore quelques jours l'inefficacité d'une Commission à 27 ?
R - Hubert Védrine - Cela ne compense pas tout à fait, mais cela ne peut pas faire de mal.
Au cours des discussions, je rappelle qu'il a toujours été question d'augmenter les pouvoirs du président de la Commission et on se demandait est ce que l'on fait cela et autre chose, on fera cela et un peu autre chose.
Q - Je voulais savoir si dans la proposition sur la repondération des voix de demain matin, sans la révéler évidemment, vous envisagez de mettre la parité entre deux états membres, par exemple, Espagne, et la Pologne, puisque le ministre, votre collègue espagnol, ne s'y oppose pas ; et pourquoi la Présidence ne revient pas éventuellement sur la double majorité puisqu'il semble qu'une majorité d'Etats membres souhaitent revenir dessus ?
R - Hubert Védrine - Sur le second point, ce n'est pas exact. Une majorité d'Etats membres acceptent tout à fait de travailler sur la base de la repondération sur laquelle nous faisons des propositions. Sur la première partie de votre question, je ne peux pas y répondre, précisément sans commencer à donner les éléments de la proposition qui sera faite demain matin Vous dites sans dévoiler, non, on ne peut pas traiter le premier sujet sans dévoiler, donc on va en parler demain matin dans les discussions.
R - Pierre Moscovici - Je voulais juste faire un tout petit commentaire là dessus, parce que, comme le disait Hubert Védrine, c'est normal d'ailleurs, beaucoup de commentaires ici ou là, officieux, officiels, et voire même une protestation officielle. Je voulais simplement indiquer contrairement à ce que j'ai lu, ce n'est pas la délégation française qui avait pris cette initiative.
Voilà la Présidence, encore une fois, comme je vous l'ai dit ce matin, avait fait au nom du secret de la confession. Ce n'était pas une proposition française."
Q - Pourquoi avez-vous le deuxième papier pour bouger sur l'article 133-5 et pourquoi avez vous fait un premier papier qui manifestement allait heurter les petits pays en matière de repondération ?
R - Pierre Moscovici - Sur le 133-5, vous suivez la négociation depuis le début, la position française jusqu'à l'ouverture de ce Conseil était de penser que nous pouvions très bien vivre avec le statu quo. Donc, nous avons bougé en deux temps, pour le dire différemment, nous avons bougé deux fois. Nous avons bougé une première fois en présentant une liste positive de sujets qui pouvaient passer au vote à la majorité qualifiée, cette démarche n'a pas convaincu et donc nous avons cherché encore une fois, à partir des travaux qui avaient été menés auparavant, y compris entre le Conseil et la Commission, un terrain de discussion, une logique générale. La France considère, pour le coup, avoir beaucoup bougé, deux fois, levé sa réserve absolue et évolué relativement. Je crois que c'est une démarche dont il faudrait que tout le monde s'inspire, si on veut parvenir à un bon traité. Quant à la repondération on en parlera demain.
Q - On parle beaucoup de la repondération concernant les petits pays sans anticiper sur demain ; est-ce qu'aujourd'hui il y a eu un consensus maintenu quant au fait que les grands pays gardent tous le même nombre de voix ?
R - Hubert Védrine - Même chose, la repondération on en parlera demain et donc on vous commentera les choses en temps utiles. On ne peut pas commenter avant parce que l'on a pas traité le sujet.
Je sais bien que vous aimeriez bien que l'on commente les choses avant qu'elles aient lieu, pour faciliter la rédaction de vos papiers, mais c'est difficile pour nous.
Q - Un de vos collègues a décrit le papier ce matin comme un papier franco-français et justement quand vous dites que vous n'avez plus de réserves sur les points, alors vous n'avez rien sur l'asile, vous avez un propos sur 133-5 qui est effectivement très bien pour la France toujours, même si vous dites que vous bougez, vous n'avez pas de décrochage avec le vote de l'Allemagne. Comment répondez-vous à des collègues qui disent : effectivement ce n'est pas un papier présidentiel, c'est un papier français ?
R - Pierre Moscovici - Je crois que c'est, je cherche le mot juste, pour ne pas être excessif, que c'est un contresens que de parler de la sorte. Souvenons-nous de ce que sont les positions françaises depuis longtemps sur la CIG. Déjà à Amsterdam, nous souhaitions une Commission de 12 membres ou 14 membres extrêmement restreinte, pourquoi pas tout de suite. Vous voyez bien que nous n'en sommes pas là. Et donc, la position qui se dessine est un compromis acceptable par tous et donc nous sommes dans l'esprit du compromis, mais ce n'est pas la position française, loin de là.
Quant au vote à la majorité qualifiée, on a reproché à la France d'avoir ici ou là des blocages, je constate que nous sommes une des délégations sinon la délégation qui aujourd'hui a le moins de problèmes avec le vote à la majorité qualifiée, que ce soit quantitativement ou qualitativement. Deux exemples parmi d'autres, quant au troisième, nous en reparlerons demain, donc je crois qu'il ne faut pas faire de faux procès à la Présidence, nous n'avons pas eu une approche partiale au cours des négociations et nous n'avons pas, je crois, une approche partiale au cours de ce Conseil européen. Nous sommes là pour trouver un compromis, mais en même temps, je l'ai dit, un compromis qui maintienne un niveau d'ambitions suffisant et jusqu'au bout ce sera l'esprit qui nous animera.
R - Hubert Védrine - Il faudrait que l'on refasse un papier franco-français pour que vous regardiez la différence entre le papier franco-français et notre travail de Présidence.
R - Pierre Moscovici - Comme le disait tout à l'heure le Premier ministre, je ne sais pas si c'est dans un aparté ou ailleurs, au fond, il vaut mieux d'une certaine façon que la France soit la Présidente parce qu'elle accepte des choses qu'elle n'aurait peut être pas acceptée si elle n'avait pas eu la Présidence.
R - Hubert Védrine - Ce sont les responsabilités de la grandeur et servitude de la Présidence.
Q - Vous ne pouvez pas nous dire grand chose sur la repondération, mais est ce que vous pourriez nous donner des informations sur la proposition finnoise qui ne fait pas de décrochage entre la France et l'Allemagne mais d'autres décrochages entre des petits pays et je voudrais savoir si la Présidence en tient compte dans sa version pour demain.
R - Pierre Moscovici - Vous saurez demain matin à 9 h à peu près quelle sera la teneur de la nouvelle proposition de la Présidence, Présidence qui évidemment est bien consciente de l'ensemble des propositions de l'ensemble des délégations autour de la table.
Q - Une question très différente d'ici à la fin de ce Conseil demain soir, enfin disons demain soir, est ce que vous aurez fixé 1 - une date pour l'élargissement, 2 - est ce que vous aurez la majorité qualifiée sur la fiscalité, la sécurité sociale et l'immigration ?
R - Pierre Moscovici - Vous avez déjà eu la réponse à cette question : nous espérons et cela ne dépend pas que de nous, une date pour l'élargissement de toute façon cela ne fait pas partie de l'agenda de la CIG et sachez que l'élargissement était traité ces jours passés, si vous voulez regarder ce qui a été décidé, il vous faut vous référer aux conclusions qui ont été adoptées hier matin ?
Q - Quand vous entendez Michel Barnier ou des représentants de la Commission dire qu'on voit dans ces projets trop de clauses de rendez-vous : 2005 - 2007 - 2010 quand on sera 27 est-ce que selon vous cette crainte est fondée qu'à partir du moment il y a trop de clauses de rendez-vous, on a peu de chance de parvenir à un accord surtout lorsque l'on dit on décidera dans 10 ans ce que l'on devra décider ?
R - Hubert Védrine - Je pense qu'il faut porter une appréciation quand on aura conclu. Ce n'est pas utile et ce n'est pas constructif de porter des appréciations pendant que les choses se déroulent, pendant que les discussions ont lieu. Ce n'est pas la peine d'exprimer des inquiétudes à ce moment là qui portent sur un accord qui n'est pas terminé. Donc nous sommes en train de travailler, il n'y a pas d'accord sur tel ou tel élément tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, donc c'est au vu de l'ensemble que nous apprécierons, vous apprécierez, l'opinion publique appréciera les résultats que les Quinze auront obtenu à Nice.
Q - Est ce que l'on pourrait demander votre réaction à la déclaration de M. Barak qui démissionne et qui va aller aux élections d'Israël ? Est-ce que cela va affecter votre visite dans la région ?
R - Hubert Védrine - L'annonce faite par M. Barak relève de la politique intérieure israélienne, donc nous n'avons pas à porter d'appréciations là dessus. Il en est seul le juge et les Israéliens également. Ce qui continue à nous intéresser, vous le savez bien, c'est le fait que les Israéliens et les Palestiniens tiennent vraiment et complètement et sans détour inutile les engagements qu'ils ont pris à Charm el-Cheik. C'est cela qui est important aux yeux de l'Union européenne et cela ne change pas mon intention de me rendre dans la région la semaine prochaine.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2000)