Déclaration de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, sur le bilan de la politique économique et budgétaire menée par le gouvernement depuis 1997et sur la loi de finance rectificative du budget 2000 tenant compte de l'augmentation des recettes et de la création de la Taxe générale sur les activités polluantes, Paris, le 15 novembre 2000.

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Circonstance : Présentation de la loi de finances rectificative du budget 2000, à Paris, le 15 novembre 2000

Texte intégral

Ce collectif d'automne marque le troisième acte de la politique budgétaire pour 2000, après la loi de finances initiale et la loi de finances rectificative du printemps. Il s'inscrit dans la continuité de la politique économique poursuivie depuis 1997, sous l'impulsion de Lionel JOSPIN : une politique volontariste de croissance au service de l'emploi et de la réduction des inégalités.
La politique menée, tournée vers la croissance, porte ses fruits.
Depuis juin 1997, ce sont 850 000 personnes qui ont retrouvé une activité et plus d'un million d'emplois qui ont été créés dans les entreprises. Ces résultats ont été obtenus grâce à une croissance qui se situe depuis trois ans sur un rythme proche de 3% l'an. En 2000 elle devrait être comprise entre 3,2 et 3,6%, au delà des estimations prudentes qui nous avaient conduit, il y a un an, en plein trou d'air, à n'anticiper que 2,8% lors de l'élaboration de la loi de finances pour cette année.
Cette vigueur de l'activité économique s'explique par une demande soutenue. En 1997, nous avons su stimuler la demande, puis nous l'avons protégée notamment grâce à l'Euro au moment des crises asiatiques et russes. Cette année, nous l'avons nourrie par d'importantes baisses d'impôts pour les ménages qui ont conforté le pouvoir d'achat, pouvoir d'achat fragilisé par la hausse des prix du pétrole. Pour les automobilistes, la suppression historique d'un impôt qui datait de 1958, la vignette, inscrite dans ce collectif, sera aujourd'hui appréciée.
Grâce à la vigueur de l'activité, nous avons donc bénéficié de surplus de recettes qui s'élèvent à 40 MdF supplémentaires et qui sont inscrits dans ce collectif.
La réduction continue des déficits publics a été un instrument de cette politique de croissance.
La baisse des déficits a été un élément du dialogue qui s'est établi avec la Banque Centrale européenne pour préserver les taux d'intérêt les plus bas possible le plus longtemps possible. Elle permet de libérer des marges de manuvre budgétaires pour pouvoir affronter dans les meilleures conditions possibles un éventuel ralentissement de l'activité, que nous n'anticipons pas.
Depuis 1997, que de chemin parcouru ! Pour l'ensemble des administrations publiques, le processus de réduction des déficits a été poursuivi. Ils atteignaient 3,5% du PIB en 1997 et seront réduit à 1% en 2001. Nous étions en retard sur nos partenaires en 1997, nous rejoignons la moyenne en 2001. Avec 1% de déficit public en 2001, nous aurons la meilleure performance depuis vingt ans. Avec 1% l'année prochaine, nous resterons en avance sur notre programme pluriannuel de finances publiques qui tablait sur 1,2%. Nous respectons donc pleinement nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens.
Pour rendre durable la croissance, nous avons fait le choix des allégements d'impôts
Nous avons considéré en 2000 qu'il fallait baisser les prélèvements sur le travail et nous mettrons en uvre dés l'année prochaine le plan triennal de baisses d'impôts annoncé fin août par Laurent Fabius et par moi-même. Ces baisses d'impôts, qui ont aussi des vertus conjoncturelles, servent d'abord un objectif structurel : mieux rémunérer le travail pour favoriser l'emploi et la qualification. Elles permettront cette année une baisse d'un demi-point du taux de prélèvements obligatoires. Nous rendons par là même aux Français les fruits de leur travail.
Comment sommes-nous parvenus dans une même dynamique à réduire les déficits et les impôts ?
D'abord et surtout par un respect strict des objectifs que nous nous sommes fixés en matière de dépenses.
Depuis 1997, les objectifs de dépenses ont été tenus. Au total, elles n'auront progressé en moyenne et en francs constants que d'un quart de point par an. Cette évolution tranche avec celle mise en uvre par certains " pères la rigueur " : la progression en volume des dépenses de l'Etat a en effet atteint 1,7% par an de 1993 à 1997 ! Vous apprécierez la comparaison.
Cette année nous avions décidé de stabiliser en volume les moyens réels de l'Etat. Cette stabilité en francs constants des dépenses de l'Etat sera elle aussi tenue. Pour la troisième année consécutive, nous tiendrons donc notre objectif de dépenses.
Permettez-moi, sur cette question, de répondre à une polémique qui insinue que cet objectif ne serait atteint que grâce à une inflation plus forte ; je remarque simplement que quand l'année dernière l'inflation avait été beaucoup plus faible que prévu et que l'objectif de dépenses a néanmoins été tenu, nous n'avons pas entendu cet argument. Cette année nous ne changerons pas de cap. Ce qui compte, c'est le respect de l'objectif de dépenses en volume. En 2000, le choix a été fait de la stabilité Quand les prix montent, il est donc légitime d'ajuster les enveloppes pour maintenir les moyens réels des administrations. Car c'est l'évidence, les lois de finances sont présentées et votées non pas en volume mais en valeur.
Les ouvertures de crédit, 22 milliards, sont strictement gagées par 22 milliards d'économies sur la dépense. L 'équation de ce collectif est simple.
Dans le collectif que nous présentons, nous franchissons une nouvelle étape dans la réduction des déficits
Le déficit est en effet fixé à 209 milliards. Ce déficit sera inférieur aux 215 milliards de la loi de finance initiale et du collectif de printemps. Il marque donc une nouvelle étape dans la réduction des déficits.
On nous oppose le déficit de l'exécution 1999, 206 milliardsComme on le sait, il n'est pas légitime de comparer le déficit inscrit dans une loi de finances et celui obtenu en exécution, car ils correspondent à deux logiques différentes (cf. graphique du dossier de presse).
Dans un cas, celui des lois de finances, les dépenses correspondent à des ouvertures de crédits, qui le plus souvent sont limitatives : c'est l'enveloppe de moyens mis à la disposition des différents ministères, à charge pour eux d'en faire le meilleur usage. Le rythme naturel de consommation des crédits conduit parfois les ministères à ne pas tous les consommer. C'est ainsi que depuis 1997, la consommation des crédits a été systématiquement plus faible que les crédits ouverts.
En 2000, il en sera probablement de même et le déficit d'exécution sera inférieur à celui inscrit dans ce collectif. Nous tablons aujourd'hui sur un déficit d'exécution inférieur à 200 milliards de francs.
Après vous avoir présenté l'architecture du collectif, je voudrais en préciser le contenu.
Dans ce cadre, le projet que Laurent FABIUS et moi-même avons présenté tout à l'heure en conseil des Ministres affiche un déficit de 209 milliards F, en réduction de 5,8 milliards F par rapport au collectif de printemps et à la loi de finances initiale.
D'abord l'évolution des recettes
Les recettes fiscales nettes progressent tendanciellement de 40,6 milliards F, soit 10 milliards F de plus que ce que nous anticipions en juillet. Cette évaluation est conforme à la révision des estimations de recettes pour 2000 associées au projet de loi de finances pour 2001,
La suppression attendue résulte principalement de l'impôt sur les sociétés (+12 milliards F), l'impôt sur le revenu (+7,6 milliards F), la TVA (+20 milliards F).
Les informations dont nous disposons aujourd'hui et que nous avons largement diffusé sur les recettes nous laissent penser que nous n'aurons pas de nouveaux surplus de recettes d'ici la fin de l'année.
La progression des recettes fiscales nettes est ramenée à 28,5 MdF après prise en compte de diverses mesures fiscales :
5 milliards F sont consacrés à notre volonté d'atténuer pour les Français la hausse des prix des carburants. Grâce aux mesures que vous connaissez : mesures en faveur des transporteurs routiers et du fioul domestique, mise en oeuvre depuis le 1er octobre du mécanisme atténuateur de la fiscalité pétrolière, abaissement pour les agriculteurs de la fiscalité sur le fioul dès le 1er janvier 2000.
La décision que nous avons prise de supprimer dès 2000 la vignette des véhicules des particuliers et des artisans, trouve évidemment sa place dans ce collectif pour un coût de 10,25 MdF.
Ce collectif traduit également pour 4,2 milliards F la décision de la Cour de Justice des Communautés européennes sur la soumission des sociétés autoroutières à la TVA et pour 3 milliards F l'attribution au FOREC des droits sur les tabacs revenant encore à l'Etat.
Quant aux recettes non fiscales, elles diminuent de 18,4 MdF, notamment sous l'effet du non-prélèvement en 2000 de 15 MdF de recettes non fiscales permis par la bonne tenue des recettes fiscales.
De plus, les prélèvements sur les recettes de l'Etat diminuent de 4,3 MdF, du fait de la révision à la baisse du prélèvement au profit de l'Union européenne. Le solde excédentaire du budget européen est en effet plus important que prévu en 1999, ce qui permet d'alléger les appels de fonds sur ressources propres en direction des Etats membres.
Au total, les recettes nettes de l'Etat progressent de 14,5 milliards F par rapport à la loi de finances rectificative de printemps.
Après les recettes, les dépenses.
Les ouvertures de crédits portent pour le budget général sur 22 milliards F.
Je ne les citerai pas toutes, vous en retrouverez le détail dans le dossier de presse qui vous a été remis. Près de la moitié d'entre elles concernent des dépenses à caractère social prises en charge par l'Etat : 4 MdF sont ouverts au titre du financement des diverses exonérations de cotisations sociales prises en charge par l'Etat, 1,7 MdF au titre de la contribution de l'Etat au financement du solde de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS), 0,9 MdF pour traduire la prise en charge par l'Etat du fonds d'action sociale en faveur des travailleurs immigrés et de leur famille (FASTIF), conformément aux engagements pris par l'Etat lors de la conférence famille, 1,1 MdF pour compléter les crédits du revenu minimum d'insertion et de l'allocation aux adultes handicapés, et 1,8 MdF sur la subvention au budget annexe des prestations agricoles (BAPSA).
Plusieurs ouvertures importantes de crédits permettent le règlement de dettes internationales de l'Etat, vis à vis des instances européennes pour 3 milliards F et vis à vis de l'ONU pour 0,9 milliard F.
Par ailleurs, conformément aux engagements pris par le Premier ministre à la suite du rapport Mattéoli sur les spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation, nous ouvrons 0,7 milliard F pour la première tranche de la contribution de l'Etat à la dotation de la fondation pour la mémoire de la Shoah.
Enfin, 0,9 milliard F sont prévus au profit du ministère de la défense pour financer les dépenses de carburant, les opérations extérieures et un renforcement des moyens de la gendarmerie.
Ces ouvertures de crédits sont gagées par des annulations de crédits d'un montant équivalent, soit 22 milliards.
Les redéploiements portent principalement sur le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité (4,6 milliards F) aux fins de financer l'évolution du coût des exonérations prises en charge par l'Etat, sur le budget de l'agriculture (2,8 milliards F) qui bénéficie au total de 4,2 milliards F d'ouvertures et sur le budget de la santé et de la solidarité (1 milliard F) compte tenu notamment des besoins liés aux minima sociaux. 3,9 milliards F sont annulés sur le titre V du budget de la défense, en cohérence avec les niveaux de consommation prévus en 2000, qui permettent notamment des redéploiements au profit des dépenses de fonctionnement.
En outre, une économie est réalisée sur le service de la dette (1,3 MdF).
Ce collectif comporte enfin un certain nombre de dispositions fiscales notables.
Toutes les mesures fiscales annoncées par Laurent Fabius et moi-même le 31 août et le 20 septembre figuraient dans le projet de loi de finances pour 2001, y compris les adaptations rendues nécessaires par la conjoncture pétrolière et devant s'appliquer dès 2000 : baisse de la TIPP sur le fioul domestique, amélioration des remboursements aux professionnels de la route, prise en compte des spécificités des agriculteurs.
Ce collectif comporte donc une douzaine de mesures qui peuvent vous apparaître plus techniques. Elles sont pourtant tout à fait essentielles puisqu'il s'agit en particulier du volet de fiscalité environnementale annoncé de longue date, je veux parler de la taxation des consommations intermédiaires d'énergie des entreprises.
Cette extension de la Taxe générale sur les activités polluantes, ou cette " écotaxe " n'est pas une surprise : le gouvernement en avait annoncé le principe dès le mois de mai 1999, il avait ouvert une consultation de tous les acteurs économiques, par un Livre blanc et plusieurs groupes de travail, et Dominique Voynet en a annoncé les grandes lignes le 3 octobre dernier. De quoi s'agit-il ? De respecter les engagements de l'Europe et notamment de la France, pris à Kyoto et confirmés à La Haye, et d'inciter, par la voie fiscale, les entreprises à modérer et à réduire leurs consommations d'énergie et leurs émissions de gaz carbonique.
Comme le gouvernement l'avait annoncé, les ménages ne seront pas concernés par cette taxe. Ils paient déjà des taxes significatives sur les produits pétroliers et sur l'électricité. L'énergie consacrée aux transports ne le sera pas non plus.
La taxe sera due par environ 40 000 redevables. Pour les entreprises dites " intensives ", qui consomment de grandes quantités d'énergie, un système d'abattement sera mis en place.
Dès 2001, et c'est tout à fait novateur, ces entreprises pourront aussi conclure avec l'Etat des engagements de réduction de leurs émissions de gaz carbonique et de consommation d'énergie. Cet engagement, pris pour cinq ans, leur garantira, s'il est respecté, un allégement supplémentaire de taxe à partir de 2002.
Comme les autres éléments de la taxe générale sur les activités polluantes, cette taxe sera affectée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, c'est à dire le fonds qui contribue au financement des 35 heures. Cette nouvelle taxe, dont le produit attendu est de 3 milliards 800 millions F, se crée donc à prélèvement constant, car elle est largement équilibrée par les réductions de charges.
Le collectif, et nous y sommes très attachés au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, comporte également plusieurs mesures de simplification, d'allégement ou de modernisation.
J'insisterai par exemple sur la mise en place de la direction des grandes entreprises au sein de la direction générale des impôts. A partir du 1er janvier 2002, ce nouveau service de la direction générale des impôts assurera une gestion plus efficace et plus professionnelle des plus grandes entreprises de ce pays, soit 1 200 groupes représentant 17 000 sociétés. C'est un pas important dans la " réforme-modernisation " de Bercy. dans l'amélioration du service rendu à cette catégorie particulière d'usagers que sont les grandes entreprises. Ce sera aussi pour l'administration un moyen de mieux s'adapter à la réalité des grandes entreprises, dans leurs préoccupations et leurs contraintes mais aussi, disons-le, dans les risques qu'elles présentent.
Je mentionnerai encore la suppression de la majoration de 3 % qui s'appliquait spécifiquement sur les mensualisations d'impôt en cas de retard et qui dissuadait parfois nos concitoyens de recourir à ce moyen de paiement pratique et prudent que nous encourageons. Cette mesures constitue une incitation supplémentaire.
Je veux aussi signaler, sur un tout autre plan, l'exonération des primes attribuées aux athlètes médaillés aux Jeux Olympiques de Sydney. Cette mesure n'est pas inhabituelle mais elle concerne pour la première fois les médaillés des Jeux Paraolympiques. C'est un geste de reconnaissance fort à l'égard de nos tous nos sportifs qui ont représenté nos couleurs en donnant le meilleur d'eux-mêmes.
En conclusion je voudrais retenir trois points saillants de ce rapide exposé :
En matière de dépenses, on dit ce qu'on fait et fait ce qu'on dit. Nous avions un objectif de stabilité des dépenses en volume pour 2000 et nous le respectons.
En matière d'impôts, 2000 débute une période d'allégements significatifs d'impôts qui va se poursuivre dans les trois prochaines années. Mais, pour 2000, nous n'attendons d'ici la fin de l'année de nouveau surplus de recettes.
En matière de déficit, nous poursuivons par étape notre programme pluriannuel de finances publiques, et nous sommes même en avance, et je serai, pour ma part, extrêmement vigilante sur cette question.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 22 novembre 2000)