Texte intégral
M. le Ministre - Je suis content de vous accueillir en même temps qu'Elisabeth Guigou dans cette maison pour ce point de presse sur les questions de la transparence de la vie économique, de la lutte contre la corruption et de la délinquance financière.
Initialement, il était prévu que cette communication au Conseil se ferait plutôt en décembre. Puis, il nous a semblé plus logique de la ramener aujourd'hui où, au Conseil des ministre, Hubert Vedrine pour la partie ratification de la Convention OCDE et Elisabeth Guigou pour le texte « transposition en droit interne » intervenaient pour mettre en oeuvre les dispositions de l'accord que nous avions signé tous les deux à l'OCDE, en décembre 1997
Je vous propose que le Garde des Sceaux développe ce point qui, ce matin au Conseil des Ministres, a fait l'objet de la présentation de deux textes sur la lutte contre la corruption à l'échelle internationale ; c'est la suite du paquet OCDE.
J'en profiterai, ensuite, pour développer trois autres points qui font le bilan de l'ensemble de l'action du gouvernement dans ce domaine, notamment sur la question des paradis fiscaux, sur la question des marchés publics, puis sur la question des centres off shore et de la délinquance internationale.
Ensuite, nous nous plierons, comme nous avons coutume de le faire, à toutes vos questions.
Elisabeth, si tu veux, nous commençons comme cela : tu prends le premier point et j'interviendrai ensuite.
Mme la ministre - Merci, Dominique, de me passer la parole pour parler de ce projet de loi que j'ai présenté en Conseil des ministres ce matin. C'est un projet de loi qui transpose, dans notre droit interne, c'est-à-dire dans notre Code pénal, les dispositions qui sont incluses dans une série de textes européens, dont le texte de l'OCDE que nous avons signé ensemble en décembre dernier, mais aussi des dispositions qui sont contenues dans cinq textes de l'Union européenne (conventions et protocoles).
Il s'agit d'adapter notre Code pénal à ces textes européens qui seront ratifiés très prochainement. Hubert Védrine a présenté, ce matin, les projets de loi de ratification.
Qu'apporte ce projet de loi ? Essentiellement le fait que désormais, les juridictions françaises pourront poursuivre, pour des faits de corruption, des fonctionnaires publics étrangers. Actuellement, dans notre Code pénal, on ne peut poursuivre que des fonctionnaires français, du fait de la corruption.
Dans le texte OCDE, il est prévu que les juridictions françaises puissent poursuivre pour corruption active, c'est-à-dire les gens qui corrompent, des fonctionnaires étrangers. Dans le texte de l'Union européenne, puisque nous sommes un espace plus intégré, il est prévu que l'on puisse poursuivre non seulement la corruption active, mais aussi la corruption passive, c'est-à-dire les fonctionnaires d'autres pays ou de l'Union européenne qui auraient accepté de se laisser corrompre.
Ce texte prévoit les pénalités qui sont celles que prévoit notre Code pénal pour la corruption réalisée sur le territoire français.
Un mot encore, si tu le permets Dominique, sur d'autres points qui me paraissent importants dans notre effort commun de lutte contre la corruption. Nous avons entrepris, entre ministres de la Justice, tout un effort pour améliorer la coopération judiciaire, la coopération entre juges et la coopération entre Etats, pour développer la lutte contre la corruption. Il faut savoir que cet effort de coopération porte sur l'amélioration des mécanismes d'entre aide, notamment l'accélération de la coopération entre juges.
Vous vous souvenez, par exemple sur le dossier Dassault, j'avais renvoyé à la justice belge des scellés qui avaient été apposés par le gouvernement précédent. Nous avons tout cet effort là.
D'autre part, nous portons notre effort aussi sur l'amélioration des procédures d'extradition. Il faut savoir que nos systèmes nationaux sont d'une très grande lenteur, que dans ces mécanismes d'entre aide judiciaire, qu'ils comportent ou non des demandes d'extradition, on opère par commissions rogatoires internationales, que ces commissions rogatoires internationales circulent extrêmement lentement. D'abord parce que vous avez des systèmes de recours nationaux qui sont évidemment très développés et qu'il est évidemment très important d'aller plus vite.
Sur cette question, javais fait un colloque à Avignon où mes collègues présents ont pris un certain nombre d'engagements.
En ce qui me concerne, j'ai deux projets de loi en cours. D'une part, un premier projet de loi sur la simplification des procédures pénales, actuellement en navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qui prévoit un certain nombre de mesures pour faciliter les relations d'entre aide entre juges français. En clair, le contrôle de l'intérêt essentiel passera désormais par les procureurs généraux.
D'autre part, un projet de loi réformant la procédure d'extradition en France qui date de 1927, ainsi qu'un certain nombre de mesures non-législatives mais très importantes quand même. Je les cite pour mémoire, puis je répondrai à vos questions si vous le souhaitiez : les pôles économiques et financiers qui sont destinés -et c'est là vraiment une action en coopération entre nous- à développer la capacité des juges de travailler en équipes sur les dossiers de délinquance économique et financière.
Le ministère des Finances doit, d'ici l'an 2000, mettre à disposition des magistrats quarante-cinq agents du ministère des Finances et de la Banque de France. C'est extrêmement important. Les décrets sortent. On a deux pôles, l'un à Bastia et l'autre à Paris. Mon objectif est d'en avoir six à huit le plus vite possible.
Puis, je voudrais dire aussi, car c'est un point en discussion depuis longtemps au sein du gouvernement, que je suis favorable à ce que l'on donne la qualité d'officier de police judiciaire aux agents des douanes. Cela constituera, à mes yeux, un progrès très important pour la lutte contre le blanchiment, mais aussi pour la lutte contre les trafics de drogue que nous voulons développer, dont nous allons parler au Conseil de sécurité intérieure. Bien entendu, j'espère que nous pourrons, le plus rapidement possible, faire voter le projet de loi nécessaire au Parlement.
C'est un projet qui date d'il y a pas mal de temps. Les ministres de la Justice sont rarement favorables à la diversification à la qualité d'OPJ. Pour ma part, je considère que ce sera un progrès extrêmement important, notamment pour lutter contre la délinquance économique et financière.
M.le Ministre - Merci, Elisabeth. Autour de ce texte, qui passera au Parlement sous peu, l'occasion me semble bienvenue de faire le point sur l'ensemble de ce qui a été fait par le gouvernement depuis une vingtaine de mois dans ce domaine.
Il faut savoir quau-delà de la justification morale de la lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent, etc., il y a évidemment une justification économique très importante, à savoir la lutte contre des situations de rente ou de concurrence déloyale qui peuvent être mises en oeuvre et qui, notamment en matière de localisation d'entreprises, ont des effets parfois dévastateurs simplement parce que certains sites sont capables de mettre en place des fiscalités exagérément attractives qui sont à l'origine de délocalisations importantes.
Le premier point sur lequel je voulais insister porte sur les questions de fraude fiscale et de paradis fiscaux. La France, vous le savez, a toujours considéré qu'il fallait mener une lutte très active contre la concurrence déloyale. Deux canaux internationaux sont aujourd'hui à l'oeuvre.
Premier canal, la réunion, qui travaille sous l'égide de l'OCDE, est coprésidée par la France et par le Japon, a été à l'origine d'un rapport en avril dernier pour lequel les travaux de listage et de repérage de l'ensemble des paradis fiscaux et de leurs caractéristiques sont en train d'arriver à leur terme.
L'autre canal, au sein de l'Union européenne dont s'occupe très directement Christian Sauter, vise à définir le code de bonne conduite que, théoriquement, la présidence allemande s'est engagée à faire adopter avant la fin du premier semestre. Là aussi, s'agissant pour le coup de l'Union européenne, la liste des situations fiscales entraînant des concurrences déloyales a été faite par le groupe dirigé par Mme Primarolo, aujourd'hui entrée au gouvernement britannique, qui devrait avoir terminé ses travaux dans quelques mois pour permettre au Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement à Cologne d'enregistrer ces résultats et de prendre un stand de décisions.
De ce côté-là, ce travail qui est évidemment lent, difficile et toujours un peu exploratoire, mené parallèlement par l'OCDE et par l'Union européenne, arrive à son terme à peu près à la même période, c'est-à-dire au cours du premier semestre 1999.
Parallèlement, en France -mais je n'insiste pas là-dessus-, la Loi de Finances pour 1998 comme la Loi de Finances pour 1999 ont considérablement renforcé les moyens de lutte contre la fraude fiscale. L'une des illustrations, non pas anecdotique mais qui est particulière et qui renvoie à ce que disait Elisabeth Guigou à l'instant sur Bastia, c'est évidemment l'effort fait en Corse suite aux travaux menés par les missions d'enquêtes qui mettaient en évidence ce que chacun savait, mais n'avait pas toujours mesuré correctement, à savoir les faiblesses tant en matière de déclarations que de recouvrements. L'action de redressement est en cours. Elle donne de bons résultats et elle sera poursuivie pendant toute l'année 1999.
Cest un premier thème qui arrive à maturité et qui devrait être à l'origine des décisions du premier semestre 1999.
Le deuxième thème est celui de la commande publique. Nous avons, dans notre pays, un droit assez complexe, la commande publique pour les collectivités locales, mais aussi pour l'Etat ou pour les établissements publics. Ce droit assez complexe comporte aujourd'hui, en raison même de l'évolution des pratiques commerciales et financières, beaucoup de faiblesses.
Si bien que le ministère de l'Economie et des Finances a en chantier une réforme, aujourd'hui achevé, de la loi sur les textes sur les marchés publics qui vise - c'est là un aspect qui ne concerne pas directement notre conversation d'aujourd'hui- à faciliter l'accès des PME à ces marchés publics, sachant que ce sont principalement les grandes entreprises qui, aujourd'hui, récupèrent l'ensemble des marchés publics - c'est un sujet très important, mais annexe à notre conversation d'aujourd'hui -, et sur les problèmes de transparence, à accroître la transparence dans la façon dont ces marchés publics sont attribués, dont ensuite ils sont suivis, et aussi à créer un cadre juridique pour les acheteurs publics qui présentent plus de sécurité que ce n'est le cas aujourd'hui.
Beaucoup d'entre vous le savent, de nombreux élus locaux dans les Commissions d'appel d'offres, lors d'ouvertures de plis, sont très hésitants sur les décisions à prendre de peur de se trouver eux-mêmes en infraction simplement parce que le Code des marchés publics présente des faiblesses manifestes.
Il faut assurer les acheteurs publics dune plus grande sécurité juridique, mais, dans le même temps, mettre en oeuvre des instruments de transparence et de contrôle de cette transparence plus puissants. Cela va avec les moyens mis à la disposition de la Justice par le ministère ; cest parallèle à la réforme de la justice commerciale -dont Elisabeth Guigou et moi avons parlé place Vendôme, voici quelques semaines-, et cela va aussi avec la réforme des Chambres régionales des comptes qui a été engagée par ce ministère, en discussion évidemment avec Pierre Joxe, pour que lensemble du cadre juridique dans lequel tout ceci sexerce puisse être suffisamment rénové pour assurer à la fois un meilleur contrôle et une plus grande sécurité des opérateurs.
Le quatrième sujet, qui est peut-être un peu plus neuf, jinsisterai donc un peu plus longuement, cest celui de la lutte contre la délinquance financière internationale et en particulier des centres off shore.
La France a transmis au GAFI (Groupe dactions financières international), groupe qui réunit vingt-six pays plus une forme dorganismes internationaux auquel le G7 a confié plusieurs fois la mission de faire des propositions dans ce domaine, la France a donc transmis au GAFI il y a quelques semaines une note remplie et documentée faisant suite à la réunion des chefs dEtat et de Gouvernement à Birmingham en mai 1998 qui, justement, avait demandé au ministre des Finances de faire des propositions.
Cette note, dont lexistence na pas été rendue publique avant ce matin, comprend à la fois une analyse du problème posé par les centres off shore et aussi un certain nombre de propositions dactions graduées en fonction des réactions que lon peut en attendre.
Le premier niveau consiste à diffuser, à lensemble des pays, en dehors de ceux qui participent au GAFI, y compris les centres off shore, un certain nombre de règles de fonctionnement établies par le GAFI avec une demande pressante de bien vouloir sy conformer. Cest ce que lon appelle, dans le jargon interne, les « quarante recommandations », sachant quil y a quarante recommandations faites à chacune des institutions financières, à chacun des pays concernés pour une régulation raisonnable du système.
Dans lhypothèse ou ceci ne suffirait, car les mauvais esprits que vous êtes auront vite fait de me dire « pourquoi les centres off shore se plieraient-ils à ces recommandations », il est prévu une montée en puissance forte de la pression diplomatique internationale, notamment à lencontre des centres off shore qui dépendent directement dun certain nombre de pays qui sont membres du GAFI. Car il y a des centres off shore qui sont totalement indépendants, mais dautres sont très directement proches de pays qui sont membres de linstitution et pour lesquels ils doivent être capables de faire la police chez eux.
Enfin, troisième étape, si elle savère nécessaire, un certain nombre de contre-mesures ont été évoquées. Pour le moment, il ne sagit bien entendu que de propositions françaises qui nont pas encore été adoptées par lensemble de la mécanique internationale, propositions consistant à renforcer les obligations de vigilance des institutions financières membres des pays du GAFI, consistant à rendre obligatoires les déclarations de soupçon qui existent dores et déjà et qui conduisent, en France par exemple, les institutions financières, lorsquelles ont un soupçon sur tel ou tel flux financier, de le déclarer à la cellule qui travaille dans ce ministère et que vous connaissez, qui sappelle TRACFIN, et dont lactivité a considérablement augmenté.
Tout a lheure, jexaminais un graphique de lactivité de TRACFIN depuis cinq ans, il apparaît quen 1993, le nombre de déclarations de soupçon était de 648 pour 1200 environ aujourdhui. Il y a pratiquement un doublement de lactivité de la cellule TRACFIN.
Tout comme pour les statistiques de délinquance quElisabeth Guigou connaît bien, on peut linterpréter comme une amélioration du contrôle ou comme une augmentation des pratiques frauduleuses. Je crois quil y a dans cette affaire une augmentation de la qualité du contrôle.
Ces déclarations de soupçon pourraient être rendues obligatoires pour tous les établissements financiers appartenant à des pays faisant partie du GAFI.
Enfin, une dernière étape si nécessaire -dont nous pensons pouvoir y échapper, mais qui est la bombe atomique de lopération-, consiste tout simplement, dans les pays membres du GAFI, cest-à-dire tous les grands pays de lOCDE plus quelques autres, à interdire, partiellement ou totalement, les relations financières entre les institutions financières de ces pays et celles qui sont situées dans les centres off shore qui ne se plieraient pas aux recommandations de transparence et de déclaration qui leur auront été transmises.
Il y a là toute une gradation dactions à conduire, dont nous pouvons espérer quil ne sera évidemment pas nécessaire darriver jusquau stade ultime et qui, si elles sont reprises par lensemble de nos partenaires, puisque la transmission de cette date a été faites il y a quelques semaines seulement, peuvent être à lorigine dun changement relativement important et dune régulation relativement importante de lactivité des centres off shore, dont chacun sait bien que, pour partie, ils sont très directement liés à des opérations de blanchiment de fonds et de délinquance financière.
Tel est le tableau général qui arrive à son terme, après plusieurs mois de réflexion, délaboration, de contacts internationaux. De ce point de vue, comme je le disais tout à lheure à propos de la fraude fiscale -mais cela va bien au-delà des questions de fraude fiscale-, le premier semestre 1999 ou, sans être trop ambitieux, lannée 1999 peut être une année dans laquelle des décisions internationales dimportance seraient prises. Il a semblé au gouvernement que cétait une bonne occasion, que celle de la transposition des différentes textes de lOCDE et ce quElisabeth Guigou évoquait tout à lheure en droit interne, pour faire le point sur lensemble de ces opérations.
Maintenant, nous sommes à votre disposition sur toutes les précisions que vous voudriez avoir.
Un intervenant. - Madame le ministre, lamélioration au niveau de lUnion européenne en ce qui concerne la poursuite des fonctionnaires se limite aux fonctionnaires de lU.E. ?
Mme la Ministre. - Non, cela touche aussi des fonctionnaires nationaux des autres Etats membres.
Lintervenant. - Le champ dapplication nest pas seulement celui des fonctionnaires communautaires ou des fonctionnaires nationaux des Quinze, mais est-ce que cela sapplique également aux vingt-quatre ou vingt-cinq de lOCDE ?
Mme la Ministre. - Non, cest la différence entre le système de convention de lUnion européenne et le système de la convention de lOCDE. Dans lUnion européenne, parce que nous avons une intégration plus importante, on peut donner, par exemple à un juge français, la possibilité de poursuivre un fonctionnaire national qui se serait livré à de la corruption passive, qui serait laissé corrompre dans dautres pays.
Dans lOCDE, non parce que nous navons pas une suffisante intensité des relations judiciaires. Ce que lon réprime dans le texte OCDE, cest la corruption active. Un cadre dentreprise français a corrompu un fonctionnaire étranger dans un pays de lOCDE pour obtenir un marché -cest bien le cadre de lobtention des marchés, de la signature de contrats commerciaux, cest un champ défini-, celui qui a corrompu est poursuivi.
Ensuite, il y a les procédures nationales éventuelles contre le fonctionnaire qui sest laissé corrompre, mais cest dans le cadre du national.
Un intervenant. - Deux précisions, si possible. Sur ce point, comment sont traitées aujourdhui, par ladministration fiscale, les sommes versées par les entreprises françaises pour obtenir des contrats ? Cest un premier point.
Deuxième point, sur laffaire de la concurrence fiscale à lintérieur de lEurope, la liste des cinquante cas identifiés comme des cas de compétition fiscale discutables, combien y en a-t-il où la France est dénoncée comme paradis fiscal par dautres pays de lUnion européenne pour des non-résidents ?
M. le Ministre. - Il ny en a pas beaucoup, mais il y en a. Il y a des sujets sur lesquels nos partenaires considèrent que les pratiques fiscales françaises ont besoin dêtre améliorées, mais cela représente une très faible minorité par rapport à lensemble des sujets traités. Je dirais presque que ces sujets sont marginaux. Ils existent, il faudra donc les traiter.
La première question est un sujet de grande importance. Les pratiques de cette nature étaient, jusquà il y a peu, enregistrées dans les comptes des entreprises comme des charges normales. Le gouvernement a décidé de modifier la pratique dans ce domaine. Depuis que le gouvernement est en place, ladministration fiscale peut admettre (mais ne ladmet pas par principe) la déductibilité des sommes susceptibles dêtre versées sous forme de commissions occultes à loccasion de marchés passés à létranger.
Nous avons fait voter la non déductibilité de ces sommes dans la loi de finances rectificative à la fin de lannée 1997. Cela entrera en vigueur exactement au même moment où la convention sur lOCDE sera ratifiée. A ce moment-là, dans le délai qui couvre entre ce conseil des ministres, la ratification et la transmission interne de la convention de lOCDE, il y aura non déductibilité totale des sommes versées de cette manière par les entreprises.
Un intervenant. - Vous avez évoqué lidée dune simplification des procédures, notamment en matière dextradition en passant uniquement par le procureur. Concernant les infractions économiques et financières, un dispositif est-il prévu pour faire en sorte que dans certains pays considérés comme des paradis fiscaux, lexécution de ces commissions rogatoires internationales soient plus rapides et quelles ne traînent pas souvent un an, deux ans ou trois ans comme cest la cas à Londres ou dans des pays plus proches ?
Mme la Ministre. - Cest évidemment un sujet très difficile sur lequel nous navons pas beaucoup de prise puisquil sagit pour chaque pays de modifier sa législation interne, quoique les choses évoluent.
Par exemple, vous avez noté quen Suisse, depuis quelque temps maintenant, on commence à lever le secret bancaire. Cest évidemment très important. Lorsquune procédure judiciaire est entamée, il faudrait quil puisse y avoir entre pays, notamment de lUnion européenne et pays proches, un accord pour lever le secret bancaire face aux demandes des juges.
La difficulté rencontrée, notamment en Suisse et au Royaume-Uni, est quil existe un système de droit de la défense extrêmement protecteur prévoyant de multiples recours. Par exemple, lorsque des informations sont demandées sur quelquun, il peut y avoir des recours pour empêcher les informations de revenir. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet au sein de lUnion européenne. Jai saisi de ce sujet mes partenaires, notamment au colloque dAvignon et je continue.
En effet, jestime que lon ne peut pas, alors que la criminalité notamment la criminalité organisée prend des proportions sans précédents... Je ne sais pas ce que valent les chiffres des estimations mais ils sont relativement concordants. Quand cest le directeur dInterpol qui me les donne, jai plutôt tendance à le croire. Sil estime à 500 milliards de dollars par an le produit de la criminalité organisée, cela doit être lordre de grandeur. Comment estime-t-il cela, je nen sais rien mais, cela montre bien quil existe une explosion de ce genre de chose. Nous avons besoin de ne pas rester dans un cadre strictement national. Laction menée par les ministres des Finances est absolument décisive. Cest en levant lanonymat sur largent que lon arrivera à vraiment lutter contre le blanchiment de largent qui est le produit de la criminalité organisée et le secret bancaire. Cela me paraît très clair.
Ensuite, entre ministres de la Justice, il faut absolument que nous accélérions nos procédures de coopération. Je vais même plus loin : tant que nous restons dans un cadre strictement national sur la criminalité organisée dont on sait quelle implique des réseaux multiples, nous narriverons probablement pas à être suffisamment efficaces. Cest la raison pour laquelle jai proposé à mes collègues de réfléchir, dans ce champ de criminalité organisée, évidemment pas dans tout le champ du droit pénal, à la possibilité davoir un droit européen et un jour une juridiction européenne qui puissent trancher à ce propos.
Ce sont des projets à moyen et long terme. Il sont, aujourdhui, probablement encore de lordre de lutopie tout comme létait leuro quelques années auparavant. Cela ne nous dispense pas de réfléchir sur ces questions-là. Si lon reste ainsi dans le cadre déchanges nationaux, cela restera toujours évidemment trop lent. Jai un certain espoir. Je le dis pour Dominique, car je crois que je ne lui en avais pas parlé.
Par exemple, mon homologue britannique a tout à fait conscience de la nécessité pour son pays de lutter plus efficacement contre les paradis fiscaux et les centres off shore. Il souhaite même quun travail plus intense soit entrepris au sein de lUnion européenne. Je sais quils réfléchissent à la modification de leur législation mais cest le système des droits de la défense.
Un intervenant. - Je voudrais revenir sur le traitement fiscale des commissions destinées à huiler les marchés, à obtenir des marchés. Ne pensez-vous pas quil y aurait un problème de concurrence déloyale à ce sujet, au niveau des Onze, dans la mesure où, si je me souviens bien, le Parlement allemand, au début de lannée dernière, sous lancien gouvernement, avait reconduit la déductibilité fiscale de ce genre dopérations ? Ce sujet fait-il partie des points ou de la liste des points à problème ?
M. le Ministre. - Oui et non, cest-à-dire que ce nest plus un problème. Lorsque la convention OCDE entrera en vigueur dans lensemble des pays de lUnion, il faudra que la pratique soit harmonisée sur ces questions de déductibilité. Il ny aura pas de débat. Que le problème de la concurrence déloyale continue dexister avec dautres pays qui continueraient de pratiquer, cest clair et, en luttant contre cela, on espère faire reculer. Mais au sein de lUnion, la pratique doit disparaître.
Un intervenant. - Madame Guigou, je voudrais poursuivre sur lidée que vous avez évoquée. Souvenez vous, à Maastricht, au moment du traité, Helmut Kohl avait déjà parlé de la nécessité absolue de créer une sorte de FBI européen. Cette idée a complètement disparue, on nen parle plus.
Ma question est la suivante : comment faire alors ? Des déclarations, des conventions sont passées côté OCDE, G7 et Union européenne depuis au moins dix ans. Comment faire pour créer lorganisation internationale avec le droit dintervenir auprès des pays européens qui ne sont pas très chauds avec lidée de coopérer ? Je pense aux pays qui ne sont pas des paradis fiscaux mais qui ont un secret bancaire rendant lintervention par des juges dinstruction quasiment impossible. Je pense au Luxembourg, lAllemagne et la Suisse par exemple. Comment faire concrètement ? Faut-il donner à la Commission de Bruxelles plus de pouvoirs ? Faut-il traiter cette question au niveau du G7 ? Par exemple, ce problème préoccupe beaucoup les Etats-Unis et le Japon. Faut-il continuer avec les déclarations de bonnes intentions et despoir ?
Mme la Ministre. - Jai le même souvenir de Maastricht, et même avant. Ce sont les chefs dEtats et de gouvernements qui, déjà en 1985, et déjà Kohl et Mitterrand, ont créé Chengen. Chengen a donné naissance à Europol. Europol est très intéressant, notamment en matière de lutte conte la drogue, beaucoup moins en matière de lutte contre la délinquance économique et financière.
En matière de lutte contre la drogue, ils font vraiment des choses tenant la route. Le problème, cest que lon sest intéressé à laspect police mais pas aux contrôles judiciaires et aux actions judiciaires qui, nécessairement, comme dans tous nos pays démocratiques, accompagnent et dirigent laction de la police. Cest une première chose.
Deuxième chose : il faut agir aussi bien au sein de lUnion européenne quau sein du G8. Avec mes collègues du G8, nous avons tenu récemment une conférence vidéo parce que nous travaillons ensemble sur ces problèmes. Avec Jeannette Raynaud, jai plus particulièrement déjà eu des conversations. Notre action est commune concernant ces sujets. Il faut évidemment agir dans plusieurs cadres.
Au sein de lUnion européenne, tout dabord, je déplore quil ny ait as eu dinitiative de la Commission sur ces sujets.
Elle peut prendre des initiatives, elle le pourra encore plus avec le Traité dAmsterdam. Je pense quil faudrait sortir de la gangue de tous ces sujets, du fatras des sujets que lon brasse, mais aucun na de visibilité, les trois ou quatre qui sont vraiment importants.
Le secret bancaire. Il est vrai quil y a des pays de lUnion européenne... et vous avez oublié de citer lAutriche par exemple. Quand jai reçu le procureur général de Colombie il y a peu de temps, à Paris. Il a passé deux ans comme ambassadeur là-bas et il a découvert que Pablo Escobar avait un compte de 80 millions de dollars dans une banque autrichienne. Ce nest pas une paille quand même !
Je pense que nous devrions arriver à nous mettre daccord et quil faut un travail conjoint des ministres des Finances et des ministres de la Justice pour que lon définisse les conditions dans lesquelles, dans lUnion européenne, on doit lever le secret bancaire. Pas tout le temps, mais notamment dans le cadre de procédures judiciaires.
Deuxièmement, je pense que nous avons à avoir des définitions communes sur un certain nombre de sujets clés. Par exemple, la définition de la criminalité organisée. Quest-ce que cest ? En France, on a retardé pendant douze ans lextradition en Italie dun membre de la Camera parce que navons pas dans notre droit de définition de ce quest une organisation criminelle. Cela a duré du début des années 80 jusquau début des années 90.
Nous avons besoin dharmoniser un certain nombre de choses dans notre droit. Pour ma part, je dis quil faut que nous ayons une définition commune de la criminalité organisée et de la clause de sauvegarde en matière dextradition ou dentre aide. Je crois quil faut garder la clause de sauvegarde parce que nous sommes des Etats souverains et nous resterons des Etats nations.
Evidemment, on peut toujours, pour un intérêt essentiel, ne pas transmettre certaines pièces, mais auquel cas il faudrait une définition beaucoup plus commune et, à mon avis, beaucoup plus restrictive et qui ne donne pas lieu à interprétation.
Je dis quil faut travailler là-dessus. Après, ce nest pas demain que lon va donner une compétence pénale à la Cour de justice européenne ou que lon aura un Tribunal pénal européen. Après tout, je trouve quen matière de criminalité organisée, cela vaut le coût de se poser cette question au sein de lUnion européenne.
Un intervenant. - Je voudrais reprendre un point que vous avez évoqué sur cette même question. Je sais que cest très délicat et jignore si vous pouvez répondre ou pas. Vous avez évoqué le cas de M. Dassault. Dassault était impliqué dans une affaire en Belgique, affaire que tout le monde connaît. Le Groupe Augusta, qui était véritablement à lorigine de cette histoire, na pas été condamné.
Ma question est la suivante. Il paraît que le groupe Dassault et son président ont été condamnés par la plus Haute instance belge. Est-il vulnérable en France, maintenant, ou le serait-il éventuellement sur un plan juridique en France, suite aux propositions que vous faites. Il a été condamné pour avoir fait ce que tout le monde fait dans lindustrie aérospatiale, surtout au Moyen Orient, mais aussi en Belgique, cest-à-dire que lon verse largent, cela sappelle des « commissions ». En fait, cela peut être considéré comme de la corruption. Telle était en tout cas la décision de la Belgique.
(Source http://www.finances.gouv.fr)
Quen est-il pour la France en face de cette question ?
Mme la Ministre. - Tout dabord, je ne commente pas les décisions des tribunaux français. Je ne vais donc pas commenter celles des tribunaux belges.
Ensuite, il y a des procédures. Il y a une procédure Augusta en Italie. Par ailleurs, vous voyez bien que les tribunaux français sintéressent aussi à ce type daffaire. Cest tout ce que je peux dire.
Maintenant, je nai pas en charge la direction de laction des tribunaux français. Vous le savez. Jai rompu définitivement avec une pratique, hélas, par trop répandue avant que ce gouvernement ne sinstalle.
Un intervenant. - Une précision concernant ce que vous avez indiqué au sujet des agents des douanes qui pourraient obtenir le statut dOPJ. Est-ce à dire quils seraient soumis au même mode de fonctionnement que les autres OPJ, cest-à-dire quils travailleraient sous le contrôle du Parquet ? Est-ce quils seraient complètement calés sur tout OPJ existant actuellement ?
Mme la Ministre. - Evidemment. Cest la condition pour que ce soit le cas. Selon notre Code pénal, toute personne ayant la qualité dofficier de police judiciaire est sous lautorité du Parquet. Cest pourquoi la Chancellerie est assez réticente à donner la qualité dofficier de police judiciaire.
Beaucoup de demandes sont faites par beaucoup de fonctionnaires, mais jestime quà partir du moment où lon prend des précautions nécessaires sur la formation juridique par exemple, sur la qualité aussi, je trouve que pour les agents des douanes -et je ne dirais pas la même chose dautres fonctionnaires- cela se justifie tout à fait compte tenu des nouvelles formes de criminalités que nous voyons se développer au plan européen, international ou même dans nos quartiers.
Je suis convaincue que les agents des douanes sont particulièrement qualifiés pour nous aider à mieux lutter contre les trafics de drogue.
M. le Ministre. - Jai oublié de remercier Elisabeth Guigou davoir finalement basculé du bon côté dans ce vieux débat entre nos deux ministères. Cest une vieille revendication des douaniers que de pouvoir, pour partie dentre eux éventuellement et dans certaines circonstances qui viennent dêtre évoquées, disposer de cette qualité dOPJ. Cest, à mon sens, une avancée très importante. Elle va permettre, dabord, de multiplier les effectifs à la disposition des Parquets et, dans certains cas particuliers, dutiliser des compétences spécifiques de la douane. Cest vrai pour les saisies de drogue, mais aussi pour un certain nombre dautres sujets de ce genre.
Un intervenant. - Pour ce qui est du Traité de lOCDE et la ratification par la France, dans un cas concret des J.O. (Jeux Olympiques), quest-ce que cela changerait dans la controverse que lon a vu récemment ? Est-ce que lapplication en France de ce Traité et dans les autres pays de lOCDE changerait quelque chose dans ce domaine ?
M. le Ministre. - Très honnêtement, je nen sais trop rien. La question est de savoir, dans lopération Jeux Olympiques que vous évoquez, si les corrupteurs passifs étaient des fonctionnaires ou pas. Cest lune des questions qui permet dentrer ou pas dans le cadre de la convention en question.
Je ne suis pas certain, mais je ne peux pas vous garantir les choses, que la convention en question modifie directement la situation dans ce domaine-là. Elisabeth est peut-être plus éclairée que moi en la matière ?
Mme la Ministre. - Non. Dans un premier temps, la convention OCDE prévoit que lon sanctionne les marchés internationaux. Il faut dores et déjà savoir si ce qui peut être reproché au Comité olympique international, cest la passation de marchés. Cest un point important.
Deuxièmement, la convention OCDE na pas deffet rétroactif. Autrement dit, elle sappliquera sur les marchés qui seront conclus à partir de la date où cette convention aura été ratifiée et transposée chez nous. Autre point important.
Voilà les éléments pour linstant.
Un intervenant. - Une précision sur la ratification. Quand les textes doivent-ils passer, faire la navette et être adoptés ?
M. le Ministre. - Cest là un sombre problème de calendrier parlementaire.
Mme la Ministre. - Cest prévu rapidement maintenant. Je crois que lon avait arrêté le premier semestre.
Lintervenant. - Une deuxième question portant sur lampleur de ce que représentent ces commissions. Avez-vous une idée de ce que cela peut représenter à peu près.
M. le Ministre. - Elisabeth évoquait cela tout à lheure. Lestimation est difficile. Elle se fonde sur pas grand-chose, vous le comprenez. En effet, lensemble de cette délinquance fait 2 à 3 % du PIB mondial. Honnêtement, cest très difficile à estimer.
Lintervenant. - Dès lors que cest déductible, vos services doivent avoir une idée approximative de ce que lon peut cacher sous le terme de « commissions ».
M. le Ministre. - Cétait déductible, mais cela ne touchait que les commissions qui nétaient pas occultes. Or, il y a tout un ensemble de commissions qui sont occultes. Cest pourquoi lestimation devient très hypothétique.
Lintervenant. - Une dernière question sur les douaniers. Sauf erreur, je crois quil existe des conditions dans lesquels les douaniers peuvent rémunérer certains de leurs informateurs. Sils accèdent au statut dOPJ, cela sera-t-il compatible ou pas ?
M le Ministre. - Je ne sais pas doù vous tenez cette information. Ce nest pas une rémunération.
Lintervenant. - Le terme nest peut-être pas exact.
Mme la Ministre. - Là-dessus, je vous parlais dEuropol tout à lheure, les policiers font ce que lon appelle « des livraisons contrôlées de drogue ». Limportant est quil y ait un contrôle judiciaire. Quand Europol le fait, cest une succession de contrôles judiciaires nationaux si cela se passe dans plusieurs pays. En général, quand Europol intervient, cest parce que plusieurs pays sont concernés.
Chez nous, cest sous contrôle judiciaire. A lévidence, cest le même raisonnement que pour les écoutes téléphoniques.
Un intervenant. - On na peut-être pas le meilleur exemple aux Etats-Unis mais vous pouvez quand même téléphoner au FBI et avoir des personnes qui soccupent des secrets financiers. ils ont un service de presse. Il y a un an, jai essayé de consulter TRACFIN et on ma dit très clairement : « il est hors de question dexpliquer ce que nous faisons ».
Dans la mesure où vous êtes plus transparents dans vos efforts, serait-il possible de se réunir, pour un point de presse, afin de connaître la façon dont cela peut fonctionner opérationnellement face à un problème global ?
M. le Ministre. - Je ne vois pas dinconvénient à ce que le secrétaire général de TRACFIN, qui est le directeur général de la douane, fournisse quelques informations sur la façon dont cette cellule fonctionne. Ceci dit, je ne sais pas si linstance que vous évoquez aux Etats-Unis révèle par téléphone à tous les gens les appelant la manière dont elle procède pour essayer davoir des informations. Nous nirons pas jusque là. Si dune manière ou dune autre, vous souhaitez que le mécanisme, le fonctionnement et les statistiques de TRACFIN vous soient plus largement communiqués, je ny vois pas dinconvénient. On peut effectivement organiser une information à ce sujet.
Un intervenant. - Ma question concerne les missions denquêtes parlementaires sur les paradis fiscaux annoncées plusieurs mois auparavant. Javais cru comprendre que certaines difficultés intervenaient avec le ministère de lEconomie sur la définition exacte à donner à ces missions. Jaurais voulu savoir où en était le projet ?
M. le Ministre. - Tout dabord, les missions denquêtes parlementaires sont libres. On peut demander son avis au ministère concerné, en loccurrence le mien, mais pour autant, si les parlementaires veulent une enquête sur un sujet quelconque, cela les regarde.
Pour que ce soit efficace, il est souvent nécessaire et en tout cas souhaitable que les parlementaires puissent avoir le soutien le plus absolu de ladministration concernée, en loccurrence de ladministration des Finances. Je nai donc rien contre cette mission. Je veux simplement quelle dispose de moyens de fonctionnement réels et que lon définisse clairement avec eux quel est leur champ dinvestigation. Les parlementaires concernés ont été reçus, ici, il y a une quinzaine de jours. Le contact avec eux est régulier. On devrait arriver à définir un cadre pour la mission et donc les moyens que lon est capable, en termes dinformation mais aussi de soutien logistique, de leur fournir dans les semaines à venir. En tout cas, le projet nest pas enterré.
Un intervenant. - Puis-je élargir un peu sur ce qui sest dit tout à lheure sur lespace judiciaire européen ? Je ne sais comment il faut lappeler. Un sujet sensible est en cours de discussion, à savoir les problèmes de protection de lépargne en Europe. En étudiant ces problèmes, on se rend compte que de nombreux problèmes existent au niveau des voies de recours, notamment lorsque les personnes se sont fait escroquer par un organisme, résident allemand ou autres. Avez-vous des idées à ce sujet ?
M. le Ministre. - Le problème est un peu différent. Il me semble que cela concerne largement celui de la création éventuelle (car elle nest pas encore décidée) dune instance de régulation type COB par exemple au niveau européen. Ce sujet est sur la table. Il nest pas très simple parce que les droits à la sécurité des financiers, des épargnants nest pas la même pour chacun des clients.
En France, on va considérablement la renforcer par le texte qui passera à lAssemblée dans quelque temps, concernant les Caisses dépargne, dun côté, mais dun autre côté, concernant la sécurité financière. Les pratiques de chacun des pays se sont développées de façon qui, à lévidence, ne sont pas parallèles. Il nest pas simple davoir une instance normalisant tout cela à léchelle européenne.
A contrario, lunification du marché financier européen impose que, dune manière ou dune autre, les règles finissent par être les mêmes. Ce débat avance lentement mais il avance. Dailleurs, nous avons fait des propositions très précises pour que le siège de cette instance soit à Paris. Cela montre combien on y porte de lintérêt.
On va peut-être sarrêter là.
Un mot pour finir : je suis très frappé par une remarque qua faite Elisabeth Guigou tout à lheure sur la nécessité de traiter ces questions globalement.
Délits financiers internationaux, fraudes fiscales, blanchiment dargent, etc..., cest pourquoi la France a fait, au niveau européen, une proposition de réunion conjointe des ministres des Finances et des ministres de la Justice pour que nous essayons, non pas de traiter chacun le bout du problème qui nous concerne directement mais que lon essaie de voir collectivement et de façon interministérielle à léchelon européen comment les choses peuvent avancer.
Jespère que cette proposition française aura de lécho. Si cest le cas, il me semble que les expériences de chacun des pays et les expériences différentes encore une fois des ministères approchant la question par des facettes variées est un des moyens davancer assez sensiblement au-delà des textes, des rapports établis ou des propositions qui sont aujourdhui sur la table.
Mme la Ministre. - Juste un mot à ce sujet. Ma collègue, ministre de la justice allemande, est tout à fait convaincue mais me dit que cest du côté des ministres des Finances quil faut agir. Cest donc à toi !
M. le Ministre. - Je vais donc moccuper de cela.
(Source http://www.finances.gouv.fr )
Initialement, il était prévu que cette communication au Conseil se ferait plutôt en décembre. Puis, il nous a semblé plus logique de la ramener aujourd'hui où, au Conseil des ministre, Hubert Vedrine pour la partie ratification de la Convention OCDE et Elisabeth Guigou pour le texte « transposition en droit interne » intervenaient pour mettre en oeuvre les dispositions de l'accord que nous avions signé tous les deux à l'OCDE, en décembre 1997
Je vous propose que le Garde des Sceaux développe ce point qui, ce matin au Conseil des Ministres, a fait l'objet de la présentation de deux textes sur la lutte contre la corruption à l'échelle internationale ; c'est la suite du paquet OCDE.
J'en profiterai, ensuite, pour développer trois autres points qui font le bilan de l'ensemble de l'action du gouvernement dans ce domaine, notamment sur la question des paradis fiscaux, sur la question des marchés publics, puis sur la question des centres off shore et de la délinquance internationale.
Ensuite, nous nous plierons, comme nous avons coutume de le faire, à toutes vos questions.
Elisabeth, si tu veux, nous commençons comme cela : tu prends le premier point et j'interviendrai ensuite.
Mme la ministre - Merci, Dominique, de me passer la parole pour parler de ce projet de loi que j'ai présenté en Conseil des ministres ce matin. C'est un projet de loi qui transpose, dans notre droit interne, c'est-à-dire dans notre Code pénal, les dispositions qui sont incluses dans une série de textes européens, dont le texte de l'OCDE que nous avons signé ensemble en décembre dernier, mais aussi des dispositions qui sont contenues dans cinq textes de l'Union européenne (conventions et protocoles).
Il s'agit d'adapter notre Code pénal à ces textes européens qui seront ratifiés très prochainement. Hubert Védrine a présenté, ce matin, les projets de loi de ratification.
Qu'apporte ce projet de loi ? Essentiellement le fait que désormais, les juridictions françaises pourront poursuivre, pour des faits de corruption, des fonctionnaires publics étrangers. Actuellement, dans notre Code pénal, on ne peut poursuivre que des fonctionnaires français, du fait de la corruption.
Dans le texte OCDE, il est prévu que les juridictions françaises puissent poursuivre pour corruption active, c'est-à-dire les gens qui corrompent, des fonctionnaires étrangers. Dans le texte de l'Union européenne, puisque nous sommes un espace plus intégré, il est prévu que l'on puisse poursuivre non seulement la corruption active, mais aussi la corruption passive, c'est-à-dire les fonctionnaires d'autres pays ou de l'Union européenne qui auraient accepté de se laisser corrompre.
Ce texte prévoit les pénalités qui sont celles que prévoit notre Code pénal pour la corruption réalisée sur le territoire français.
Un mot encore, si tu le permets Dominique, sur d'autres points qui me paraissent importants dans notre effort commun de lutte contre la corruption. Nous avons entrepris, entre ministres de la Justice, tout un effort pour améliorer la coopération judiciaire, la coopération entre juges et la coopération entre Etats, pour développer la lutte contre la corruption. Il faut savoir que cet effort de coopération porte sur l'amélioration des mécanismes d'entre aide, notamment l'accélération de la coopération entre juges.
Vous vous souvenez, par exemple sur le dossier Dassault, j'avais renvoyé à la justice belge des scellés qui avaient été apposés par le gouvernement précédent. Nous avons tout cet effort là.
D'autre part, nous portons notre effort aussi sur l'amélioration des procédures d'extradition. Il faut savoir que nos systèmes nationaux sont d'une très grande lenteur, que dans ces mécanismes d'entre aide judiciaire, qu'ils comportent ou non des demandes d'extradition, on opère par commissions rogatoires internationales, que ces commissions rogatoires internationales circulent extrêmement lentement. D'abord parce que vous avez des systèmes de recours nationaux qui sont évidemment très développés et qu'il est évidemment très important d'aller plus vite.
Sur cette question, javais fait un colloque à Avignon où mes collègues présents ont pris un certain nombre d'engagements.
En ce qui me concerne, j'ai deux projets de loi en cours. D'une part, un premier projet de loi sur la simplification des procédures pénales, actuellement en navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qui prévoit un certain nombre de mesures pour faciliter les relations d'entre aide entre juges français. En clair, le contrôle de l'intérêt essentiel passera désormais par les procureurs généraux.
D'autre part, un projet de loi réformant la procédure d'extradition en France qui date de 1927, ainsi qu'un certain nombre de mesures non-législatives mais très importantes quand même. Je les cite pour mémoire, puis je répondrai à vos questions si vous le souhaitiez : les pôles économiques et financiers qui sont destinés -et c'est là vraiment une action en coopération entre nous- à développer la capacité des juges de travailler en équipes sur les dossiers de délinquance économique et financière.
Le ministère des Finances doit, d'ici l'an 2000, mettre à disposition des magistrats quarante-cinq agents du ministère des Finances et de la Banque de France. C'est extrêmement important. Les décrets sortent. On a deux pôles, l'un à Bastia et l'autre à Paris. Mon objectif est d'en avoir six à huit le plus vite possible.
Puis, je voudrais dire aussi, car c'est un point en discussion depuis longtemps au sein du gouvernement, que je suis favorable à ce que l'on donne la qualité d'officier de police judiciaire aux agents des douanes. Cela constituera, à mes yeux, un progrès très important pour la lutte contre le blanchiment, mais aussi pour la lutte contre les trafics de drogue que nous voulons développer, dont nous allons parler au Conseil de sécurité intérieure. Bien entendu, j'espère que nous pourrons, le plus rapidement possible, faire voter le projet de loi nécessaire au Parlement.
C'est un projet qui date d'il y a pas mal de temps. Les ministres de la Justice sont rarement favorables à la diversification à la qualité d'OPJ. Pour ma part, je considère que ce sera un progrès extrêmement important, notamment pour lutter contre la délinquance économique et financière.
M.le Ministre - Merci, Elisabeth. Autour de ce texte, qui passera au Parlement sous peu, l'occasion me semble bienvenue de faire le point sur l'ensemble de ce qui a été fait par le gouvernement depuis une vingtaine de mois dans ce domaine.
Il faut savoir quau-delà de la justification morale de la lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent, etc., il y a évidemment une justification économique très importante, à savoir la lutte contre des situations de rente ou de concurrence déloyale qui peuvent être mises en oeuvre et qui, notamment en matière de localisation d'entreprises, ont des effets parfois dévastateurs simplement parce que certains sites sont capables de mettre en place des fiscalités exagérément attractives qui sont à l'origine de délocalisations importantes.
Le premier point sur lequel je voulais insister porte sur les questions de fraude fiscale et de paradis fiscaux. La France, vous le savez, a toujours considéré qu'il fallait mener une lutte très active contre la concurrence déloyale. Deux canaux internationaux sont aujourd'hui à l'oeuvre.
Premier canal, la réunion, qui travaille sous l'égide de l'OCDE, est coprésidée par la France et par le Japon, a été à l'origine d'un rapport en avril dernier pour lequel les travaux de listage et de repérage de l'ensemble des paradis fiscaux et de leurs caractéristiques sont en train d'arriver à leur terme.
L'autre canal, au sein de l'Union européenne dont s'occupe très directement Christian Sauter, vise à définir le code de bonne conduite que, théoriquement, la présidence allemande s'est engagée à faire adopter avant la fin du premier semestre. Là aussi, s'agissant pour le coup de l'Union européenne, la liste des situations fiscales entraînant des concurrences déloyales a été faite par le groupe dirigé par Mme Primarolo, aujourd'hui entrée au gouvernement britannique, qui devrait avoir terminé ses travaux dans quelques mois pour permettre au Conseil des chefs d'Etat et de gouvernement à Cologne d'enregistrer ces résultats et de prendre un stand de décisions.
De ce côté-là, ce travail qui est évidemment lent, difficile et toujours un peu exploratoire, mené parallèlement par l'OCDE et par l'Union européenne, arrive à son terme à peu près à la même période, c'est-à-dire au cours du premier semestre 1999.
Parallèlement, en France -mais je n'insiste pas là-dessus-, la Loi de Finances pour 1998 comme la Loi de Finances pour 1999 ont considérablement renforcé les moyens de lutte contre la fraude fiscale. L'une des illustrations, non pas anecdotique mais qui est particulière et qui renvoie à ce que disait Elisabeth Guigou à l'instant sur Bastia, c'est évidemment l'effort fait en Corse suite aux travaux menés par les missions d'enquêtes qui mettaient en évidence ce que chacun savait, mais n'avait pas toujours mesuré correctement, à savoir les faiblesses tant en matière de déclarations que de recouvrements. L'action de redressement est en cours. Elle donne de bons résultats et elle sera poursuivie pendant toute l'année 1999.
Cest un premier thème qui arrive à maturité et qui devrait être à l'origine des décisions du premier semestre 1999.
Le deuxième thème est celui de la commande publique. Nous avons, dans notre pays, un droit assez complexe, la commande publique pour les collectivités locales, mais aussi pour l'Etat ou pour les établissements publics. Ce droit assez complexe comporte aujourd'hui, en raison même de l'évolution des pratiques commerciales et financières, beaucoup de faiblesses.
Si bien que le ministère de l'Economie et des Finances a en chantier une réforme, aujourd'hui achevé, de la loi sur les textes sur les marchés publics qui vise - c'est là un aspect qui ne concerne pas directement notre conversation d'aujourd'hui- à faciliter l'accès des PME à ces marchés publics, sachant que ce sont principalement les grandes entreprises qui, aujourd'hui, récupèrent l'ensemble des marchés publics - c'est un sujet très important, mais annexe à notre conversation d'aujourd'hui -, et sur les problèmes de transparence, à accroître la transparence dans la façon dont ces marchés publics sont attribués, dont ensuite ils sont suivis, et aussi à créer un cadre juridique pour les acheteurs publics qui présentent plus de sécurité que ce n'est le cas aujourd'hui.
Beaucoup d'entre vous le savent, de nombreux élus locaux dans les Commissions d'appel d'offres, lors d'ouvertures de plis, sont très hésitants sur les décisions à prendre de peur de se trouver eux-mêmes en infraction simplement parce que le Code des marchés publics présente des faiblesses manifestes.
Il faut assurer les acheteurs publics dune plus grande sécurité juridique, mais, dans le même temps, mettre en oeuvre des instruments de transparence et de contrôle de cette transparence plus puissants. Cela va avec les moyens mis à la disposition de la Justice par le ministère ; cest parallèle à la réforme de la justice commerciale -dont Elisabeth Guigou et moi avons parlé place Vendôme, voici quelques semaines-, et cela va aussi avec la réforme des Chambres régionales des comptes qui a été engagée par ce ministère, en discussion évidemment avec Pierre Joxe, pour que lensemble du cadre juridique dans lequel tout ceci sexerce puisse être suffisamment rénové pour assurer à la fois un meilleur contrôle et une plus grande sécurité des opérateurs.
Le quatrième sujet, qui est peut-être un peu plus neuf, jinsisterai donc un peu plus longuement, cest celui de la lutte contre la délinquance financière internationale et en particulier des centres off shore.
La France a transmis au GAFI (Groupe dactions financières international), groupe qui réunit vingt-six pays plus une forme dorganismes internationaux auquel le G7 a confié plusieurs fois la mission de faire des propositions dans ce domaine, la France a donc transmis au GAFI il y a quelques semaines une note remplie et documentée faisant suite à la réunion des chefs dEtat et de Gouvernement à Birmingham en mai 1998 qui, justement, avait demandé au ministre des Finances de faire des propositions.
Cette note, dont lexistence na pas été rendue publique avant ce matin, comprend à la fois une analyse du problème posé par les centres off shore et aussi un certain nombre de propositions dactions graduées en fonction des réactions que lon peut en attendre.
Le premier niveau consiste à diffuser, à lensemble des pays, en dehors de ceux qui participent au GAFI, y compris les centres off shore, un certain nombre de règles de fonctionnement établies par le GAFI avec une demande pressante de bien vouloir sy conformer. Cest ce que lon appelle, dans le jargon interne, les « quarante recommandations », sachant quil y a quarante recommandations faites à chacune des institutions financières, à chacun des pays concernés pour une régulation raisonnable du système.
Dans lhypothèse ou ceci ne suffirait, car les mauvais esprits que vous êtes auront vite fait de me dire « pourquoi les centres off shore se plieraient-ils à ces recommandations », il est prévu une montée en puissance forte de la pression diplomatique internationale, notamment à lencontre des centres off shore qui dépendent directement dun certain nombre de pays qui sont membres du GAFI. Car il y a des centres off shore qui sont totalement indépendants, mais dautres sont très directement proches de pays qui sont membres de linstitution et pour lesquels ils doivent être capables de faire la police chez eux.
Enfin, troisième étape, si elle savère nécessaire, un certain nombre de contre-mesures ont été évoquées. Pour le moment, il ne sagit bien entendu que de propositions françaises qui nont pas encore été adoptées par lensemble de la mécanique internationale, propositions consistant à renforcer les obligations de vigilance des institutions financières membres des pays du GAFI, consistant à rendre obligatoires les déclarations de soupçon qui existent dores et déjà et qui conduisent, en France par exemple, les institutions financières, lorsquelles ont un soupçon sur tel ou tel flux financier, de le déclarer à la cellule qui travaille dans ce ministère et que vous connaissez, qui sappelle TRACFIN, et dont lactivité a considérablement augmenté.
Tout a lheure, jexaminais un graphique de lactivité de TRACFIN depuis cinq ans, il apparaît quen 1993, le nombre de déclarations de soupçon était de 648 pour 1200 environ aujourdhui. Il y a pratiquement un doublement de lactivité de la cellule TRACFIN.
Tout comme pour les statistiques de délinquance quElisabeth Guigou connaît bien, on peut linterpréter comme une amélioration du contrôle ou comme une augmentation des pratiques frauduleuses. Je crois quil y a dans cette affaire une augmentation de la qualité du contrôle.
Ces déclarations de soupçon pourraient être rendues obligatoires pour tous les établissements financiers appartenant à des pays faisant partie du GAFI.
Enfin, une dernière étape si nécessaire -dont nous pensons pouvoir y échapper, mais qui est la bombe atomique de lopération-, consiste tout simplement, dans les pays membres du GAFI, cest-à-dire tous les grands pays de lOCDE plus quelques autres, à interdire, partiellement ou totalement, les relations financières entre les institutions financières de ces pays et celles qui sont situées dans les centres off shore qui ne se plieraient pas aux recommandations de transparence et de déclaration qui leur auront été transmises.
Il y a là toute une gradation dactions à conduire, dont nous pouvons espérer quil ne sera évidemment pas nécessaire darriver jusquau stade ultime et qui, si elles sont reprises par lensemble de nos partenaires, puisque la transmission de cette date a été faites il y a quelques semaines seulement, peuvent être à lorigine dun changement relativement important et dune régulation relativement importante de lactivité des centres off shore, dont chacun sait bien que, pour partie, ils sont très directement liés à des opérations de blanchiment de fonds et de délinquance financière.
Tel est le tableau général qui arrive à son terme, après plusieurs mois de réflexion, délaboration, de contacts internationaux. De ce point de vue, comme je le disais tout à lheure à propos de la fraude fiscale -mais cela va bien au-delà des questions de fraude fiscale-, le premier semestre 1999 ou, sans être trop ambitieux, lannée 1999 peut être une année dans laquelle des décisions internationales dimportance seraient prises. Il a semblé au gouvernement que cétait une bonne occasion, que celle de la transposition des différentes textes de lOCDE et ce quElisabeth Guigou évoquait tout à lheure en droit interne, pour faire le point sur lensemble de ces opérations.
Maintenant, nous sommes à votre disposition sur toutes les précisions que vous voudriez avoir.
Un intervenant. - Madame le ministre, lamélioration au niveau de lUnion européenne en ce qui concerne la poursuite des fonctionnaires se limite aux fonctionnaires de lU.E. ?
Mme la Ministre. - Non, cela touche aussi des fonctionnaires nationaux des autres Etats membres.
Lintervenant. - Le champ dapplication nest pas seulement celui des fonctionnaires communautaires ou des fonctionnaires nationaux des Quinze, mais est-ce que cela sapplique également aux vingt-quatre ou vingt-cinq de lOCDE ?
Mme la Ministre. - Non, cest la différence entre le système de convention de lUnion européenne et le système de la convention de lOCDE. Dans lUnion européenne, parce que nous avons une intégration plus importante, on peut donner, par exemple à un juge français, la possibilité de poursuivre un fonctionnaire national qui se serait livré à de la corruption passive, qui serait laissé corrompre dans dautres pays.
Dans lOCDE, non parce que nous navons pas une suffisante intensité des relations judiciaires. Ce que lon réprime dans le texte OCDE, cest la corruption active. Un cadre dentreprise français a corrompu un fonctionnaire étranger dans un pays de lOCDE pour obtenir un marché -cest bien le cadre de lobtention des marchés, de la signature de contrats commerciaux, cest un champ défini-, celui qui a corrompu est poursuivi.
Ensuite, il y a les procédures nationales éventuelles contre le fonctionnaire qui sest laissé corrompre, mais cest dans le cadre du national.
Un intervenant. - Deux précisions, si possible. Sur ce point, comment sont traitées aujourdhui, par ladministration fiscale, les sommes versées par les entreprises françaises pour obtenir des contrats ? Cest un premier point.
Deuxième point, sur laffaire de la concurrence fiscale à lintérieur de lEurope, la liste des cinquante cas identifiés comme des cas de compétition fiscale discutables, combien y en a-t-il où la France est dénoncée comme paradis fiscal par dautres pays de lUnion européenne pour des non-résidents ?
M. le Ministre. - Il ny en a pas beaucoup, mais il y en a. Il y a des sujets sur lesquels nos partenaires considèrent que les pratiques fiscales françaises ont besoin dêtre améliorées, mais cela représente une très faible minorité par rapport à lensemble des sujets traités. Je dirais presque que ces sujets sont marginaux. Ils existent, il faudra donc les traiter.
La première question est un sujet de grande importance. Les pratiques de cette nature étaient, jusquà il y a peu, enregistrées dans les comptes des entreprises comme des charges normales. Le gouvernement a décidé de modifier la pratique dans ce domaine. Depuis que le gouvernement est en place, ladministration fiscale peut admettre (mais ne ladmet pas par principe) la déductibilité des sommes susceptibles dêtre versées sous forme de commissions occultes à loccasion de marchés passés à létranger.
Nous avons fait voter la non déductibilité de ces sommes dans la loi de finances rectificative à la fin de lannée 1997. Cela entrera en vigueur exactement au même moment où la convention sur lOCDE sera ratifiée. A ce moment-là, dans le délai qui couvre entre ce conseil des ministres, la ratification et la transmission interne de la convention de lOCDE, il y aura non déductibilité totale des sommes versées de cette manière par les entreprises.
Un intervenant. - Vous avez évoqué lidée dune simplification des procédures, notamment en matière dextradition en passant uniquement par le procureur. Concernant les infractions économiques et financières, un dispositif est-il prévu pour faire en sorte que dans certains pays considérés comme des paradis fiscaux, lexécution de ces commissions rogatoires internationales soient plus rapides et quelles ne traînent pas souvent un an, deux ans ou trois ans comme cest la cas à Londres ou dans des pays plus proches ?
Mme la Ministre. - Cest évidemment un sujet très difficile sur lequel nous navons pas beaucoup de prise puisquil sagit pour chaque pays de modifier sa législation interne, quoique les choses évoluent.
Par exemple, vous avez noté quen Suisse, depuis quelque temps maintenant, on commence à lever le secret bancaire. Cest évidemment très important. Lorsquune procédure judiciaire est entamée, il faudrait quil puisse y avoir entre pays, notamment de lUnion européenne et pays proches, un accord pour lever le secret bancaire face aux demandes des juges.
La difficulté rencontrée, notamment en Suisse et au Royaume-Uni, est quil existe un système de droit de la défense extrêmement protecteur prévoyant de multiples recours. Par exemple, lorsque des informations sont demandées sur quelquun, il peut y avoir des recours pour empêcher les informations de revenir. Nous sommes en train de travailler sur ce sujet au sein de lUnion européenne. Jai saisi de ce sujet mes partenaires, notamment au colloque dAvignon et je continue.
En effet, jestime que lon ne peut pas, alors que la criminalité notamment la criminalité organisée prend des proportions sans précédents... Je ne sais pas ce que valent les chiffres des estimations mais ils sont relativement concordants. Quand cest le directeur dInterpol qui me les donne, jai plutôt tendance à le croire. Sil estime à 500 milliards de dollars par an le produit de la criminalité organisée, cela doit être lordre de grandeur. Comment estime-t-il cela, je nen sais rien mais, cela montre bien quil existe une explosion de ce genre de chose. Nous avons besoin de ne pas rester dans un cadre strictement national. Laction menée par les ministres des Finances est absolument décisive. Cest en levant lanonymat sur largent que lon arrivera à vraiment lutter contre le blanchiment de largent qui est le produit de la criminalité organisée et le secret bancaire. Cela me paraît très clair.
Ensuite, entre ministres de la Justice, il faut absolument que nous accélérions nos procédures de coopération. Je vais même plus loin : tant que nous restons dans un cadre strictement national sur la criminalité organisée dont on sait quelle implique des réseaux multiples, nous narriverons probablement pas à être suffisamment efficaces. Cest la raison pour laquelle jai proposé à mes collègues de réfléchir, dans ce champ de criminalité organisée, évidemment pas dans tout le champ du droit pénal, à la possibilité davoir un droit européen et un jour une juridiction européenne qui puissent trancher à ce propos.
Ce sont des projets à moyen et long terme. Il sont, aujourdhui, probablement encore de lordre de lutopie tout comme létait leuro quelques années auparavant. Cela ne nous dispense pas de réfléchir sur ces questions-là. Si lon reste ainsi dans le cadre déchanges nationaux, cela restera toujours évidemment trop lent. Jai un certain espoir. Je le dis pour Dominique, car je crois que je ne lui en avais pas parlé.
Par exemple, mon homologue britannique a tout à fait conscience de la nécessité pour son pays de lutter plus efficacement contre les paradis fiscaux et les centres off shore. Il souhaite même quun travail plus intense soit entrepris au sein de lUnion européenne. Je sais quils réfléchissent à la modification de leur législation mais cest le système des droits de la défense.
Un intervenant. - Je voudrais revenir sur le traitement fiscale des commissions destinées à huiler les marchés, à obtenir des marchés. Ne pensez-vous pas quil y aurait un problème de concurrence déloyale à ce sujet, au niveau des Onze, dans la mesure où, si je me souviens bien, le Parlement allemand, au début de lannée dernière, sous lancien gouvernement, avait reconduit la déductibilité fiscale de ce genre dopérations ? Ce sujet fait-il partie des points ou de la liste des points à problème ?
M. le Ministre. - Oui et non, cest-à-dire que ce nest plus un problème. Lorsque la convention OCDE entrera en vigueur dans lensemble des pays de lUnion, il faudra que la pratique soit harmonisée sur ces questions de déductibilité. Il ny aura pas de débat. Que le problème de la concurrence déloyale continue dexister avec dautres pays qui continueraient de pratiquer, cest clair et, en luttant contre cela, on espère faire reculer. Mais au sein de lUnion, la pratique doit disparaître.
Un intervenant. - Madame Guigou, je voudrais poursuivre sur lidée que vous avez évoquée. Souvenez vous, à Maastricht, au moment du traité, Helmut Kohl avait déjà parlé de la nécessité absolue de créer une sorte de FBI européen. Cette idée a complètement disparue, on nen parle plus.
Ma question est la suivante : comment faire alors ? Des déclarations, des conventions sont passées côté OCDE, G7 et Union européenne depuis au moins dix ans. Comment faire pour créer lorganisation internationale avec le droit dintervenir auprès des pays européens qui ne sont pas très chauds avec lidée de coopérer ? Je pense aux pays qui ne sont pas des paradis fiscaux mais qui ont un secret bancaire rendant lintervention par des juges dinstruction quasiment impossible. Je pense au Luxembourg, lAllemagne et la Suisse par exemple. Comment faire concrètement ? Faut-il donner à la Commission de Bruxelles plus de pouvoirs ? Faut-il traiter cette question au niveau du G7 ? Par exemple, ce problème préoccupe beaucoup les Etats-Unis et le Japon. Faut-il continuer avec les déclarations de bonnes intentions et despoir ?
Mme la Ministre. - Jai le même souvenir de Maastricht, et même avant. Ce sont les chefs dEtats et de gouvernements qui, déjà en 1985, et déjà Kohl et Mitterrand, ont créé Chengen. Chengen a donné naissance à Europol. Europol est très intéressant, notamment en matière de lutte conte la drogue, beaucoup moins en matière de lutte contre la délinquance économique et financière.
En matière de lutte contre la drogue, ils font vraiment des choses tenant la route. Le problème, cest que lon sest intéressé à laspect police mais pas aux contrôles judiciaires et aux actions judiciaires qui, nécessairement, comme dans tous nos pays démocratiques, accompagnent et dirigent laction de la police. Cest une première chose.
Deuxième chose : il faut agir aussi bien au sein de lUnion européenne quau sein du G8. Avec mes collègues du G8, nous avons tenu récemment une conférence vidéo parce que nous travaillons ensemble sur ces problèmes. Avec Jeannette Raynaud, jai plus particulièrement déjà eu des conversations. Notre action est commune concernant ces sujets. Il faut évidemment agir dans plusieurs cadres.
Au sein de lUnion européenne, tout dabord, je déplore quil ny ait as eu dinitiative de la Commission sur ces sujets.
Elle peut prendre des initiatives, elle le pourra encore plus avec le Traité dAmsterdam. Je pense quil faudrait sortir de la gangue de tous ces sujets, du fatras des sujets que lon brasse, mais aucun na de visibilité, les trois ou quatre qui sont vraiment importants.
Le secret bancaire. Il est vrai quil y a des pays de lUnion européenne... et vous avez oublié de citer lAutriche par exemple. Quand jai reçu le procureur général de Colombie il y a peu de temps, à Paris. Il a passé deux ans comme ambassadeur là-bas et il a découvert que Pablo Escobar avait un compte de 80 millions de dollars dans une banque autrichienne. Ce nest pas une paille quand même !
Je pense que nous devrions arriver à nous mettre daccord et quil faut un travail conjoint des ministres des Finances et des ministres de la Justice pour que lon définisse les conditions dans lesquelles, dans lUnion européenne, on doit lever le secret bancaire. Pas tout le temps, mais notamment dans le cadre de procédures judiciaires.
Deuxièmement, je pense que nous avons à avoir des définitions communes sur un certain nombre de sujets clés. Par exemple, la définition de la criminalité organisée. Quest-ce que cest ? En France, on a retardé pendant douze ans lextradition en Italie dun membre de la Camera parce que navons pas dans notre droit de définition de ce quest une organisation criminelle. Cela a duré du début des années 80 jusquau début des années 90.
Nous avons besoin dharmoniser un certain nombre de choses dans notre droit. Pour ma part, je dis quil faut que nous ayons une définition commune de la criminalité organisée et de la clause de sauvegarde en matière dextradition ou dentre aide. Je crois quil faut garder la clause de sauvegarde parce que nous sommes des Etats souverains et nous resterons des Etats nations.
Evidemment, on peut toujours, pour un intérêt essentiel, ne pas transmettre certaines pièces, mais auquel cas il faudrait une définition beaucoup plus commune et, à mon avis, beaucoup plus restrictive et qui ne donne pas lieu à interprétation.
Je dis quil faut travailler là-dessus. Après, ce nest pas demain que lon va donner une compétence pénale à la Cour de justice européenne ou que lon aura un Tribunal pénal européen. Après tout, je trouve quen matière de criminalité organisée, cela vaut le coût de se poser cette question au sein de lUnion européenne.
Un intervenant. - Je voudrais reprendre un point que vous avez évoqué sur cette même question. Je sais que cest très délicat et jignore si vous pouvez répondre ou pas. Vous avez évoqué le cas de M. Dassault. Dassault était impliqué dans une affaire en Belgique, affaire que tout le monde connaît. Le Groupe Augusta, qui était véritablement à lorigine de cette histoire, na pas été condamné.
Ma question est la suivante. Il paraît que le groupe Dassault et son président ont été condamnés par la plus Haute instance belge. Est-il vulnérable en France, maintenant, ou le serait-il éventuellement sur un plan juridique en France, suite aux propositions que vous faites. Il a été condamné pour avoir fait ce que tout le monde fait dans lindustrie aérospatiale, surtout au Moyen Orient, mais aussi en Belgique, cest-à-dire que lon verse largent, cela sappelle des « commissions ». En fait, cela peut être considéré comme de la corruption. Telle était en tout cas la décision de la Belgique.
(Source http://www.finances.gouv.fr)
Quen est-il pour la France en face de cette question ?
Mme la Ministre. - Tout dabord, je ne commente pas les décisions des tribunaux français. Je ne vais donc pas commenter celles des tribunaux belges.
Ensuite, il y a des procédures. Il y a une procédure Augusta en Italie. Par ailleurs, vous voyez bien que les tribunaux français sintéressent aussi à ce type daffaire. Cest tout ce que je peux dire.
Maintenant, je nai pas en charge la direction de laction des tribunaux français. Vous le savez. Jai rompu définitivement avec une pratique, hélas, par trop répandue avant que ce gouvernement ne sinstalle.
Un intervenant. - Une précision concernant ce que vous avez indiqué au sujet des agents des douanes qui pourraient obtenir le statut dOPJ. Est-ce à dire quils seraient soumis au même mode de fonctionnement que les autres OPJ, cest-à-dire quils travailleraient sous le contrôle du Parquet ? Est-ce quils seraient complètement calés sur tout OPJ existant actuellement ?
Mme la Ministre. - Evidemment. Cest la condition pour que ce soit le cas. Selon notre Code pénal, toute personne ayant la qualité dofficier de police judiciaire est sous lautorité du Parquet. Cest pourquoi la Chancellerie est assez réticente à donner la qualité dofficier de police judiciaire.
Beaucoup de demandes sont faites par beaucoup de fonctionnaires, mais jestime quà partir du moment où lon prend des précautions nécessaires sur la formation juridique par exemple, sur la qualité aussi, je trouve que pour les agents des douanes -et je ne dirais pas la même chose dautres fonctionnaires- cela se justifie tout à fait compte tenu des nouvelles formes de criminalités que nous voyons se développer au plan européen, international ou même dans nos quartiers.
Je suis convaincue que les agents des douanes sont particulièrement qualifiés pour nous aider à mieux lutter contre les trafics de drogue.
M. le Ministre. - Jai oublié de remercier Elisabeth Guigou davoir finalement basculé du bon côté dans ce vieux débat entre nos deux ministères. Cest une vieille revendication des douaniers que de pouvoir, pour partie dentre eux éventuellement et dans certaines circonstances qui viennent dêtre évoquées, disposer de cette qualité dOPJ. Cest, à mon sens, une avancée très importante. Elle va permettre, dabord, de multiplier les effectifs à la disposition des Parquets et, dans certains cas particuliers, dutiliser des compétences spécifiques de la douane. Cest vrai pour les saisies de drogue, mais aussi pour un certain nombre dautres sujets de ce genre.
Un intervenant. - Pour ce qui est du Traité de lOCDE et la ratification par la France, dans un cas concret des J.O. (Jeux Olympiques), quest-ce que cela changerait dans la controverse que lon a vu récemment ? Est-ce que lapplication en France de ce Traité et dans les autres pays de lOCDE changerait quelque chose dans ce domaine ?
M. le Ministre. - Très honnêtement, je nen sais trop rien. La question est de savoir, dans lopération Jeux Olympiques que vous évoquez, si les corrupteurs passifs étaient des fonctionnaires ou pas. Cest lune des questions qui permet dentrer ou pas dans le cadre de la convention en question.
Je ne suis pas certain, mais je ne peux pas vous garantir les choses, que la convention en question modifie directement la situation dans ce domaine-là. Elisabeth est peut-être plus éclairée que moi en la matière ?
Mme la Ministre. - Non. Dans un premier temps, la convention OCDE prévoit que lon sanctionne les marchés internationaux. Il faut dores et déjà savoir si ce qui peut être reproché au Comité olympique international, cest la passation de marchés. Cest un point important.
Deuxièmement, la convention OCDE na pas deffet rétroactif. Autrement dit, elle sappliquera sur les marchés qui seront conclus à partir de la date où cette convention aura été ratifiée et transposée chez nous. Autre point important.
Voilà les éléments pour linstant.
Un intervenant. - Une précision sur la ratification. Quand les textes doivent-ils passer, faire la navette et être adoptés ?
M. le Ministre. - Cest là un sombre problème de calendrier parlementaire.
Mme la Ministre. - Cest prévu rapidement maintenant. Je crois que lon avait arrêté le premier semestre.
Lintervenant. - Une deuxième question portant sur lampleur de ce que représentent ces commissions. Avez-vous une idée de ce que cela peut représenter à peu près.
M. le Ministre. - Elisabeth évoquait cela tout à lheure. Lestimation est difficile. Elle se fonde sur pas grand-chose, vous le comprenez. En effet, lensemble de cette délinquance fait 2 à 3 % du PIB mondial. Honnêtement, cest très difficile à estimer.
Lintervenant. - Dès lors que cest déductible, vos services doivent avoir une idée approximative de ce que lon peut cacher sous le terme de « commissions ».
M. le Ministre. - Cétait déductible, mais cela ne touchait que les commissions qui nétaient pas occultes. Or, il y a tout un ensemble de commissions qui sont occultes. Cest pourquoi lestimation devient très hypothétique.
Lintervenant. - Une dernière question sur les douaniers. Sauf erreur, je crois quil existe des conditions dans lesquels les douaniers peuvent rémunérer certains de leurs informateurs. Sils accèdent au statut dOPJ, cela sera-t-il compatible ou pas ?
M le Ministre. - Je ne sais pas doù vous tenez cette information. Ce nest pas une rémunération.
Lintervenant. - Le terme nest peut-être pas exact.
Mme la Ministre. - Là-dessus, je vous parlais dEuropol tout à lheure, les policiers font ce que lon appelle « des livraisons contrôlées de drogue ». Limportant est quil y ait un contrôle judiciaire. Quand Europol le fait, cest une succession de contrôles judiciaires nationaux si cela se passe dans plusieurs pays. En général, quand Europol intervient, cest parce que plusieurs pays sont concernés.
Chez nous, cest sous contrôle judiciaire. A lévidence, cest le même raisonnement que pour les écoutes téléphoniques.
Un intervenant. - On na peut-être pas le meilleur exemple aux Etats-Unis mais vous pouvez quand même téléphoner au FBI et avoir des personnes qui soccupent des secrets financiers. ils ont un service de presse. Il y a un an, jai essayé de consulter TRACFIN et on ma dit très clairement : « il est hors de question dexpliquer ce que nous faisons ».
Dans la mesure où vous êtes plus transparents dans vos efforts, serait-il possible de se réunir, pour un point de presse, afin de connaître la façon dont cela peut fonctionner opérationnellement face à un problème global ?
M. le Ministre. - Je ne vois pas dinconvénient à ce que le secrétaire général de TRACFIN, qui est le directeur général de la douane, fournisse quelques informations sur la façon dont cette cellule fonctionne. Ceci dit, je ne sais pas si linstance que vous évoquez aux Etats-Unis révèle par téléphone à tous les gens les appelant la manière dont elle procède pour essayer davoir des informations. Nous nirons pas jusque là. Si dune manière ou dune autre, vous souhaitez que le mécanisme, le fonctionnement et les statistiques de TRACFIN vous soient plus largement communiqués, je ny vois pas dinconvénient. On peut effectivement organiser une information à ce sujet.
Un intervenant. - Ma question concerne les missions denquêtes parlementaires sur les paradis fiscaux annoncées plusieurs mois auparavant. Javais cru comprendre que certaines difficultés intervenaient avec le ministère de lEconomie sur la définition exacte à donner à ces missions. Jaurais voulu savoir où en était le projet ?
M. le Ministre. - Tout dabord, les missions denquêtes parlementaires sont libres. On peut demander son avis au ministère concerné, en loccurrence le mien, mais pour autant, si les parlementaires veulent une enquête sur un sujet quelconque, cela les regarde.
Pour que ce soit efficace, il est souvent nécessaire et en tout cas souhaitable que les parlementaires puissent avoir le soutien le plus absolu de ladministration concernée, en loccurrence de ladministration des Finances. Je nai donc rien contre cette mission. Je veux simplement quelle dispose de moyens de fonctionnement réels et que lon définisse clairement avec eux quel est leur champ dinvestigation. Les parlementaires concernés ont été reçus, ici, il y a une quinzaine de jours. Le contact avec eux est régulier. On devrait arriver à définir un cadre pour la mission et donc les moyens que lon est capable, en termes dinformation mais aussi de soutien logistique, de leur fournir dans les semaines à venir. En tout cas, le projet nest pas enterré.
Un intervenant. - Puis-je élargir un peu sur ce qui sest dit tout à lheure sur lespace judiciaire européen ? Je ne sais comment il faut lappeler. Un sujet sensible est en cours de discussion, à savoir les problèmes de protection de lépargne en Europe. En étudiant ces problèmes, on se rend compte que de nombreux problèmes existent au niveau des voies de recours, notamment lorsque les personnes se sont fait escroquer par un organisme, résident allemand ou autres. Avez-vous des idées à ce sujet ?
M. le Ministre. - Le problème est un peu différent. Il me semble que cela concerne largement celui de la création éventuelle (car elle nest pas encore décidée) dune instance de régulation type COB par exemple au niveau européen. Ce sujet est sur la table. Il nest pas très simple parce que les droits à la sécurité des financiers, des épargnants nest pas la même pour chacun des clients.
En France, on va considérablement la renforcer par le texte qui passera à lAssemblée dans quelque temps, concernant les Caisses dépargne, dun côté, mais dun autre côté, concernant la sécurité financière. Les pratiques de chacun des pays se sont développées de façon qui, à lévidence, ne sont pas parallèles. Il nest pas simple davoir une instance normalisant tout cela à léchelle européenne.
A contrario, lunification du marché financier européen impose que, dune manière ou dune autre, les règles finissent par être les mêmes. Ce débat avance lentement mais il avance. Dailleurs, nous avons fait des propositions très précises pour que le siège de cette instance soit à Paris. Cela montre combien on y porte de lintérêt.
On va peut-être sarrêter là.
Un mot pour finir : je suis très frappé par une remarque qua faite Elisabeth Guigou tout à lheure sur la nécessité de traiter ces questions globalement.
Délits financiers internationaux, fraudes fiscales, blanchiment dargent, etc..., cest pourquoi la France a fait, au niveau européen, une proposition de réunion conjointe des ministres des Finances et des ministres de la Justice pour que nous essayons, non pas de traiter chacun le bout du problème qui nous concerne directement mais que lon essaie de voir collectivement et de façon interministérielle à léchelon européen comment les choses peuvent avancer.
Jespère que cette proposition française aura de lécho. Si cest le cas, il me semble que les expériences de chacun des pays et les expériences différentes encore une fois des ministères approchant la question par des facettes variées est un des moyens davancer assez sensiblement au-delà des textes, des rapports établis ou des propositions qui sont aujourdhui sur la table.
Mme la Ministre. - Juste un mot à ce sujet. Ma collègue, ministre de la justice allemande, est tout à fait convaincue mais me dit que cest du côté des ministres des Finances quil faut agir. Cest donc à toi !
M. le Ministre. - Je vais donc moccuper de cela.
(Source http://www.finances.gouv.fr )