Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur le bilan de l'année 2000 et sur la politique menée en matière d'environnement et d'aménagement du territoire, Paris le 17 janvier 2001.

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Circonstance : Voeux à la presse à Paris le 17 janvier 2001

Texte intégral

Mesdames,
Mesdemoiselles,
Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir de vous retrouver pour la quatrième année consécutive pour la traditionnelle cérémonie des voeux. C'est à la fois l'occasion de vous dire que je vous souhaite très sincèrement que cette année puisse vous apporter les joies et les satisfactions de tous ordres auxquelles vous aspirez. Et c'est aussi l'occasion de porter avec vous un regard un peu plus distancié sur ce qui constitue " l'actualité ", dans laquelle malheureusement un clou chasse l'autre, trop souvent, et où l'événement qui fait l'objet de commentaires passionnés un jour est oublié le lendemain. Et je suis certaine que cela vous frustre autant que moi.
1 - En raison de l'actualité qui l'a marquée, l'année 2000 aura beaucoup sollicité le Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Nous nous réunissions il y a un an alors que la France venait d'être durement marquée par des tempêtes d'une gravité exceptionnelle et par la marée noire consécutive au naufrage du pétrolier Erika. La crise de la vache folle et ses développements, qui ont conduit à l'interdiction des farines animales ; le naufrage du chimiquier Ievoli Sun il y a quelques semaines et puis, tout récemment, les inondations qui ont frappé la Bretagne et l'ouest de la France ont été autant d'occasions d'interpellation et de mobilisation de ce ministère.
Evidemment, on pourrait se désoler de la répétition d'un scénario qui paraît presque immuable. Avant l'arrivée des catastrophes, les points de vue que nous défendons, les mesures de prévention et de précaution que nous cherchons à introduire pour protéger l'environnement, pour aménager de façon intelligente le territoire, sont souvent dénoncés comme excessifs et tatillons. Et puis lorsque les catastrophes arrivent on se tourne vers les Pouvoirs publics pour les tancer de ne pas en avoir fait suffisamment.
Mais c'est mon rôle et celui de mon ministère que de chercher à convaincre nos concitoyens, mais aussi et surtout mes collègues du gouvernement et les responsables à tous niveaux, qu'il ne faut pas attendre pour agir et prendre les décisions qui doivent être prises et en assurer la mise en uvre.
De ce point de vue, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a joué tout au long de l'année 2000 pleinement son rôle. Je rappellerai simplement la tenue de " comités interministériels d'aménagement du territoire " spécifiques, consacrés aux suites de la marée noire et des tempêtes. Ceux-ci ont permis la négociation dans des délais extrêmement rapides de conventions additionnelles aux contrats de plan définissant les actions conjointes de l'Etat et des régions pour faire face à ces catastrophes. Notre Ministère a également très fortement contribué à la définition et à la conduite des positions françaises, pour renforcer la sécurité maritime au plan national communautaire et multilatéral. Enfin et tout récemment le Ministère a joué un rôle très important dans la définition des mesures à mettre en uvre pour rendre effective l'interdiction des farines carnées dans l'alimentation animale.
2 - Au-delà de ces grandes actions interministérielles, il m'est difficile de choisir entre les centaines d'actions, de décisions et de mesures prises par le ministère.
Il y a ce dont les médias ont le plus parlé, les projets de lois qui ont fait l'objet de débats agités, parfois polémiques :
- Vous vous souvenez sûrement, en tout cas moi je m'en souviens, des longs et difficiles débats parlementaires qui ont conduit à l'adoption de la loi relative à l'organisation de la chasse en France, au début de l'été dernier. Tous les problèmes n'ont pas disparu comme par enchantement. Je considère qu'il y a avec cette loi un progrès significatif réalisé dans notre pays. Les principes communautaires ont enfin été transposés dans notre droit national ; notre droit est désormais en conformité avec les décisions des juridictions internationales notamment de la Cour Européenne des Droits de l'homme. L'organisation d'une chasse moderne, organisée dans le cadre du respect des chasseurs et des non chasseurs est désormais possible dans notre pays.
- Un projet de loi permettant la ratification de directives communautaires très importantes pour notre ministère, notamment la directive Natura 2000, a été adopté par le Parlement à la fin de l'année. Il autorise le Gouvernement a procéder par voie d'ordonnances pour transposer ces textes, ce qui va être fait dans les semaines qui viennent.
- Les décrets d'application de la loi d'orientation pour l'aménagement durable du territoire sont quasiment tous publiés, et les travaux vont bon train, dans tout le pays, pour construire les pays, les agglomérations et mettre en uvre dans les faits les orientations figurant dans cette loi.
- Et puis cette année 2000 aura été très lourdement marquée par l'activité internationale du ministère. J'ai assumé la présidence du Conseil des Ministres de l'environnement de l'Union européenne au second semestre, et je considère que nous pouvons être fiers du bilan de notre travail. Dans des domaines aussi importants que la lutte contre le bruit, le traitement des déchets, les conditions d'autorisation de mise en culture des O.G.M., la responsabilité environnementale ou la qualité de l'air, nous avons obtenu des progrès décisifs qui permettront l'adoption de textes communautaires dans des délais rapides.
L'idée d'une organisation mondiale de l'environnement a fait des progrès décisifs parmi les quinze. La nécessité de disposer d'un tel instrument de négociations internationales pour traiter des problèmes globaux comme le sont ceux de l'environnement est maintenant partagée par nos partenaires de l'Union européenne. Ceux qui ont assisté à nos premières discussions en juillet dernier savent quel chemin parcouru cela représente ! Je suis convaincue que la décennie qui s'ouvre ne s'achèvera pas sans avoir vu non seulement la création, mais aussi l'affirmation d'une organisation mondiale de l'environnement, traitant les grands problèmes que notre planète doit affronter, désertification, climat, biodiversité, etc...et devenue partenaire à part entière de l'OMC ou de l'OMS.
Vous avez tous suivi les épisodes des négociations sur le climat et la Conférence de La Haye. Je regrette qu'en raison de l'opposition d'un certain nombre de pays, au premier rang desquels les Etats-Unis d'Amérique, une issue positive n'ait pas pu être trouvée qui permette de conclure, au moins provisoirement, le travail entrepris à Rio puis à Kyoto. Pour autant les négociations reprendront rapidement et je souhaite vivement qu'une solution puisse être trouvée au cours du premier semestre de cette année.
Mais tout cela ne constitue qu'une très petite partie de l'activité du ministère, et ne représente pas davantage que les dizaines de kilomètres de littoral supplémentaires acquis par le conservatoire du littoral pour les préserver, les réserves naturelles supplémentaires créées, l'action quotidienne des services d'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement pour assurer notre sécurité, ou le renforcement de l'efficacité du service d'annonce des crues.
4 - Si je me tourne maintenant vers l'avenir, malgré une session parlementaire qui sera raccourcie en raison des échéances électorales que vous connaissez le pain ne manquera pas sur la planche en 2001.
- Le conseil des ministres examinera dans quelques semaines, sur ma proposition, un important projet de réforme de la politique de l'eau. Ensuite viendra le temps du débat parlementaire qui devrait se conclure avant la fin de cette année. C'est une réforme majeure, attendue par tous ceux qui veulent renforcer la démocratie, l'efficacité et l'équité dans la gestion de ce secteur, et à laquelle j'attache la plus grande importance.
- Le projet de loi relatif à la sûreté et à la transparence dans le domaine nucléaire devrait aussi enfin voir le jour. Il permettra une réorganisation de l'administration française dans ce domaine qui la rende plus efficace et plus cohérente. L'expertise nucléaire sera à la fois regroupée pour les domaines de la sûreté et de la radioprotection, et séparée du Commissariat à l'énergie Atomique. Une direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection sera chargée de définir les règles dans ces deux domaines et d'en contrôler les applications.
- 2001 devrait être également l'année de la création de l'Agence française de sécurité sanitaire et de l'environnement. La création de cette agence viendra compléter le dispositif déjà composé de l'Agence des produits de santé et de l'Agence sanitaire de sécurité des aliments.
- Je souhaite également faire aboutir la réforme de l'utilité publique, très attendue par tous les acteurs de l'aménagement, et qui doit ancrer dans notre société la culture du débat public et de la concertation. Les dispositions législatives que nous préparons dans ce sens seront intégrées au projet de loi sur la démocratie et l'action locale, que prépare actuellement mon collègue D.Vaillant, dans le prolongement du rapport remis il y a quelques mois au premier ministre par P.Mauroy.
- Et puis il faut bien en parler, nous devons recommencer le travail sur la taxation de l'énergie à la suite de la décision du Conseil Constitutionnel. L'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie constitue un élément important du programme national de lutte contre le changement climatique adopté par le Gouvernement au début de l'année 2000. Il n'est pas question pour moi d'y renoncer. C'est pourquoi nous travaillons d'arrache-pied pour adapter les propositions du gouvernement aux observations qui ont pu être faites par le Conseil Constitutionnel sur le texte qui avait été adopté par le Parlement, et qui, je dois le dire, sur un certain nombre de points s'écartait de ce qu'avait souhaité le ministère.
5 - L'activité du ministère ne se résume pas à la préparation de textes de lois
- J'ai annoncé à la fin de l'année dernière la mise en uvre d'un programme de renforcement de l'efficacité énergétique de notre économie. L'ADEME jouera un rôle essentiel dans la mise en uvre de ce programme. Au total ce sont un milliard et demi de francs qui vont être mobilisés à cette fin. C'est un effort considérable de reconstruction des efforts publics dans un domaine qui avait été totalement abandonné lorsque j'ai trouvé ce ministère en 1997.
Il nous revient maintenant de traduire dans les faits ce programme et de le faire le plus vite possible. La maîtrise de l'énergie et l'environnement seront d'ailleurs à l'honneur dans la communication gouvernementale dans les mois qui viennent puisque deux grandes campagnes de communication sur ces sujets sont en cours de préparation.
- Dans le domaine de l'aménagement du territoire, la conduite à son terme de la concertation sur les schémas de services collectifs constitue ma toute première priorité. C'est un lourd travail, mais qui doit permettre de concrétiser la réorientation de long terme de la politique d'aménagement du territoire que nous avons engagée avec les contrats de plan Etat /régions. Nous avons six mois pour le faire aboutir. Et puis, il faut que nous soyons en mesure de présenter à l'été prochain un bilan convainquant de la mise en uvre des contrats territorialisés autour des pays et des agglomérations, car c'est à cette aune là que nous mesurerons vraiment la réalité des changements opérés dans notre politique d'aménagement du territoire.
6 - Je voudrais maintenant profiter de cette rencontre avec vous pour commenter des affirmations que j'ai l'occasion de lire très régulièrement dans les journaux ces derniers temps. Je pourrais les résumer de la façon suivante : les préoccupations environnementales viennent désormais au premier rang des préoccupations de nos concitoyens. Les écologistes, qui ont posé de bonnes questions dans le passé, ne servent plus à rien puisque ces questions désormais tout le monde se les pose. Et au fond, il est temps maintenant de laisser les gens sérieux s'en occuper. Bref, la défense de l'environnement n'a plus besoin des écologistes. D'ailleurs, pour faire bonne mesure, on se demande à quoi sert le ministère de l'environnement puisque tout le monde s'occupe d'environnement.
Je crois qu'il est temps de répondre fermement à ce discours aussi complaisamment repris qu'il est infondé.
- D'abord, il faut le dire, l'eau que nous buvons, l'air que nous respirons, les milieux dont notre vie dépend, la nature ou ce qu'il en reste, n'ont été aussi menacés qu'ils ne le sont aujourd'hui. Les rapports établis par l'IFEN dont c'est le travail, en France, l'Agence européenne de l'environnement en Europe et le World Watch Institute dans le monde établissent ce triste constat, année après année : les atteintes à l'environnement se poursuivent, la biodiversité régresse, les menaces globales qui pèsent sur la planète sont toujours plus lourdes et les actions résolues pour y faire face tardent à être entreprises. Telle est la réalité, en dépit des beaux discours tenus de toutes parts. L'échec provisoire des négociations sur les moyens à mettre en uvre pour lutter contre le réchauffement climatique illustre cet état de fait.
La croissance économique mondiale, dont tout le monde se félicite, parce qu'elle fait reculer le chômage, notamment en France et dans toute l'Europe, constitue une formidable menace pour notre environnement. Si la croissance économique signifie comme par le passé explosion de la consommation énergétique, multiplication des transports mondiaux de marchandises, consommation accélérée d'espace, etc...bref si la croissance économique n'est pas profondément modifiée dans son contenu, dans sa répartition et dans ses conséquences, dans le sens d'un développement soutenable, elle sera porteuse de nouvelles destructions massives de l'environnement. Bien entendu, ces " dégâts collatéraux " de la croissance ne sont pas pris en compte dans les bilans annuels dressés par l'OCDE ou le FMI, et nos instruments de mesure de la réalité économique et de son évolution reflètent toujours l'ignorance absolue de l'économie et de ceux qui la dominent, pour l'environnement en dépit des efforts consentis.
- J'observe, parfois avec amusement, parfois avec indignation, les leçons qui depuis quelques temps sont adressées aux écologistes. Les mêmes qui nous expliquaient hier que nous n'étions que des irresponsables ou des gens sympathiques mais incapables de s'occuper de choses sérieuses, lorsque nous dénoncions dans l'indifférence générale les conséquences d'un système économique et des comportements conduisant à la catastrophe, pérorent et font des déclarations définitives. Ils n'ont pas de mots assez durs pour décrire les conséquences des marées noires sur les plages, mais ils s'opposeront à toute mesure permettant de réduire la consommation de pétrole ou les transports inutiles, au nom du réalisme économique. Ils réclament avec force, mais avec quel retard, l'interdiction des farines animales, après en avoir justifié l'utilisation pendant des années au nom de la modernité, et expliqué que là se trouvait la clé d'une agriculture française compétitive et exportatrice. Et puis bien sûr ils continuent à s'opposer opposés par tous les moyens à une réforme profonde et véritable de la politique agricole commune.
Ils dresseront un tableau terrifiant des effets de l'accumulation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère, pour notre climat, mais s'opposeront à la mise en place d'une taxation, pourtant bien modeste, des émissions de gaz carbonique dans l'atmosphère. Et pour couronner le tout, ils se tourneront vers les écologistes pour leur demander des comptes sur ce bilan, et feindront de s'étonner : comment, vous n'avez pas réussi à empêcher cela ?
- Ces donneurs de leçons, situés souvent, mais pas toujours à droite de l'échiquier politique, se moquent du monde. Leurs arguments changent avec le temps, et ils ont du mal à masquer que seul l'opportunisme les amène à parler d'environnement. Que je prenne une mesure réglementaire, pour protéger un espace naturel ou une espèce menacée, et ils protesteront contre la bureaucratie, le manque de souplesse...Que je prenne une mesure permettant d'influencer les comportements économiques pour les rendre si possible plus respectueux de l'environnement, et les mêmes n'hésiteront pas à dire qu'en taxant la pollution je ne prends pas vraiment les mesures pour la supprimer, comme s'il était possible par exemple de supprimer toute émission de C02...Pour résumer, les seules mesures acceptables à leurs yeux seraient des " mesures incitatives ", ce qui se traduit en français usuel par le mot " subventions ". L'Etat se trouve ainsi placé dans le rôle qu'aiment lui voir jouer vis à vis des entreprises ceux qui se disent libéraux : il ne doit ni prescrire, ni orienter, mais il doit financer les réparations des dégâts résultant des initiatives privées, financer les mesures de préventions des pollutions. Très loin du pollueur-payeur, le pollueur-payé, très peu pour moi.
- Ce n'est pas ma conception du rôle de l'Etat, de la politique, et de la mission de mon ministère. Le MATE n'est pas le ministère de la réparation des catastrophes naturelles ou produites par l'activité humaine. Mon travail, c'est le travail de long terme pour éviter que ces catastrophes ne surviennent, ou en tout cas les rendre plus rares. Contre ceux qui encouragent l'irresponsabilité au non du progrès et de l'initiative, puis invoquent la solidarité nationale lorsque survient la catastrophe, je prône la responsabilité, la précaution, le débat public permettant des choix partagés et réfléchis.
- La prise de conscience de l'existence de problèmes environnementaux est nécessaire, elle n'est pas suffisante. Il n'y a pas de solution miracle aux problèmes écologiques que rencontre notre société. Il n'y a pas de réglementation miracle, pas de mécanisme de marché intelligent qui permette à lui seul de régler la contradiction entre la recherche du profit maximum dans l'activité économique et la préservation de l'environnement.
S'il suffisait d'inciter les citoyens et les entreprises à se bien comporter, il y a longtemps que nous n'aurions même plus à parler d'environnement.
Quant à invoquer la volonté politique, ou une grande loi cadre de la politique environnementale, comme je l'ai lu récemment, cela peut faire un bel effet de tribune, mais ne contribue guère à améliorer l'état de la planète.
- La vraie difficulté de mise en uvre d'une politique environnementale efficace et cohérente, c'est qu'elle doit être quotidienne, complète, et qu'elle doit guider chacune des décisions prises dans tous les domaines et à tous les niveaux.
La lutte contre le réchauffement climatique, ce n'est pas seulement quand les journalistes sont réunis à La Haye qu'il faut s'en préoccuper, mais aussi lorsque l'on définit des règles de taxation des carburants et de financement des routes qui subventionnent les camions au détriment du rail ; lorsque la bataille fait rage pour imposer une nouvelle autoroute à travers les Alpes, sans se soucier de savoir si ces milliards manqueront pour réaliser les traversées alpines par le rail, toujours repoussées faute d'argent. Et je n'évoque même pas les atteintes aux paysages portées par ce type de projets.
Et qui , à part les verts, pose la question de l'opportunité, et pas seulement de la localisation, d'un nouvel aéroport international en France, notamment au regard de l'impact désastreux du transport aérien sur les émissions de C02 ?
- L'environnement ne mérite pas que l'on s'y intéresse seulement lorsque surgit une crise sanitaire. Avant que celle-ci n'arrive, il s'est souvent passé beaucoup de temps pendant lequel les avertissements n'ont pas été entendus, les objections ont été balayées au nom du développement et de l'efficacité, bref pendant lequel le court terme l'a emporté sur le long terme. Beaucoup de temps pendant lequel les écologistes se seront battus contre tout le monde en faveur d'une agriculture qui respecte les sols, l'eau, les produits, les consommateurs, et au fond les agriculteurs eux-mêmes.
Et c'est bien là le fond du problème. Tout le monde est d'accord sur la nécessité d'agir à long terme pour modifier des évolutions dont le caractère menaçant n'est contesté par personne. Mais le bât blesse lorsqu'il faut choisir " ici et maintenant " de faire prévaloir le long terme sur le court terme, de décider " de ne pas faire " plutôt que " de faire ", dans certains cas ; de se priver d'un bénéfice privé possible immédiat pour éviter une perte collective plus lourde ensuite.
- Pour agir dans ce sens, les écologistes sont indispensables, et le seront encore longtemps, hélas, car ils sont les seuls à considérer que la protection de l'environnement n'est pas ce qui mérite d'être traité quand tout le reste l'a été, la croissance, le social, l'éducation, etc...
Nous dépendons plus sûrement et plus durablement de l'état de l'eau que nous buvons, de l'air que nous respirons, du sol qui nous nourrit, du climat qui nous fait vivre, que de tout autre chose. C'est parce qu'ils élaborent leurs propositions politiques à partir de cette conception du monde que les Verts sont les seuls à être en mesure de répondre réellement aux questions du développement soutenable de la planète.
- Bien que nous soyons tournés vers l'avenir, bien que l'écologie ce soit d'abord la capacité d'intégrer le long terme dans la politique, nous ne nous contentons pas de regarder loin devant.
Notre action consiste au moins autant à éviter les mauvais choix qui pourraient être faits aujourd'hui qu'à indiquer les solutions pour demain. De ce point de vue, j'attacherai une importance particulière à la réalisation du débat public qui doit précéder toute décision relative à la construction d'un nouvel aéroport international en France. Je suivrai avec attention l'évolution de la situation dans les Alpes, pour que la réalisation de la liaison Grenoble - Sisteron soit conforme aux décisions du gouvernement, ou pour que la réouverture du tunnel du Mt-Blanc ne se fasse pas sans concertation avec la population et dans des conditions conformes à la nécessaire réorientation du trafic vers le rail dans cette région.
En faisant cela, je poursuivrai l'action qui est la mienne depuis bientôt quatre ans au ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
- Le bilan est là, il est bon. Mais aussi bon soit-il, il paraîtra toujours insuffisant au regard de la masse des problèmes qui demeurent, du nombre de choix " insoutenables " qui continuent à être faits, parce que les rapports de forces au sein de la société sont tels que trop souvent l'intérêt privé continue à l'emporter sur l'intérêt collectif . Parce que, trop souvent aussi, l'intérêt collectif est capté par ceux qui sont censés en être les représentants, au profit des institutions elles-mêmes.
- Dans ces conditions, le rôle de ce ministère, et mon rôle à sa tête, c'est d'être le gardien vigilant des intérêts qui ne sont défendus par personne. Si l'on peut sans difficulté identifier dans notre pays un lobby agricole, un lobby nucléaire, un lobby des médecins ou du BTP, avec autant de ministères dans lesquels ils sont reçus et soutenus, la protection de l'environnement est trop multiforme pour s'appuyer sur un lobby organisé et puissant. Ce n'est pas mésestimer les efforts considérables consentis chaque jour par les militants associatifs que de dire cela.
Je vois la justification de mon action politique et de celle du mouvement auquel j'appartiens, dans ce travail quotidien d'interpellation, de mise en question des décisions prises, de mobilisation de tous ceux qui peuvent l'être pour faire prévaloir l'intérêt général contre l'intérêt particulier. Quelle plus grande utilité peut-il y avoir à l'action publique que de permettre à ceux qui ne le peuvent pas habituellement de s'exprimer et de mettre en cause des choix mal préparés et injustifiés ?
C'est aussi la grandeur de ce ministère, que de contribuer à faire progresser cette conception d'une société au fond plus démocratique et organisée en fonction des besoins des femmes et des hommes qui la composent, et non plus en fonction des intérêts de ceux qui la dominent.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite une fois encore une bonne et fructueuse année 2001.

(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 19 janvier 2001)