Conférence de presse conjointe de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères et Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur le bilan de la présidence française de l'Union européenne (Europe sociale, sécurité alimentaire, sécurité maritime, la lutte contre le réchauffement climatique,...), la durée des négociations pour l'élargissement de l'UE et l'opposition de la Grande-Bretagne à l'intégration de la défense dans les coopérations renforçées.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil européen de Nice du 7 au 11 décembre 2000

Texte intégral

M. Védrine - Mesdames et Messieurs,
Vous savez que la présidence de ce Conseil européen a souhaité que vous soyez très régulièrement informés de nos travaux. Nous sommes donc venus vous voir, ce soir, Pierre Moscovici et moi-même, pour vous parler de ce qui s'est passé cet après-midi puisque vous avez déjà pu entendre le président de la République et le Premier ministre vous parler de la réunion de la conférence européenne de ce matin qui a été suivie d'un déjeuner. Nous allons donc maintenant vous dire quelques mots sur les travaux de cet après-midi et répondre à vos éventuelles questions.
M. Moscovici - Cet après-midi, nous avons traité les sujets économiques et de société et c'est aussi peut-être l'occasion de faire un début de bilan de la Présidence, un bilan quantitatif en ce qui concerne la présidence française, cela a représenté 35 conseils des ministres à Bruxelles et Luxembourg, 25 réunions et séminaires informels de ministres et plus d'une soixantaine d'auditions ou d'interventions plénières devant le Parlement européen. Bien sûr, derrière tout cela, il y a la CIG, les grandes problématiques et institutionnelles - l'élargissement, la défense -, la Charte qui a été proclamée solennellement tout à l'heure. Mais il y a aussi ce dont nous avons parlé cet après-midi et dont nous tirerons les conclusions demain matin, c'est-à-dire les grands thèmes de l'Europe du quotidien : la croissance et l'emploi, la sécurité alimentaire, la sécurité des transports maritimes, la protection de l'environnement. Je vais vous donner quelques exemples de cela à travers de ce qui a été débattu cet après-midi.
D'abord, les résultats que nous avons atteints dans le domaine économique et social et qui, je le pense, sont importants. Il y a d'abord l'accord sur le paquet fiscal ; c'est une vieille affaire dans les travaux des Quinze puisque ce sujet est à l'ordre du jour depuis 1995, puis toutes les présidences successives s'étaient essayées jusqu'au Conseil européen de Santa Maria de Feira à travailler là-dessus. A Feira, les choses ont commencé à se débloquer. On sait que c'est un élément essentiel de la lutte contre la concurrence fiscale et déloyale en Europe. Nous sommes allés au bout avec l'accord du paquet fiscal obtenu par les ministres de l'Economie et des Finances la semaine dernière et qui sera donc dans les conclusions de ce Sommet.
Que dit cet accord ? Aujourd'hui si vous êtes français, vous avez le choix entre placer votre épargne en France où elle sera taxée et au Luxembourg où elle ne l'était pas jusqu'à présent. Et c'est bien cette rupture de concurrence qu'il fallait traiter. Nous y sommes parvenus dans la droite ligne des conclusions de Feira puisque vous savez que cet accord fixe un taux de retenues à la source ainsi que les modalités de partage de la recette fiscale entre l'Etat taxateur et l'Etat de résidence. Il officialise aussi le principe des échanges d'informations sur les conditions de taxation des non-résidents. C'est donc un accord extrêmement important.
Deuxième chose : l'Europe sociale dont il a aussi été débattu cet après-midi. J'ai lu et entendu des choses assez diverses sur ce sujet. J'ai même lu que les initiatives prises par notre présidence dans le domaine social seraient à usage interne et destinées à l'opinion publique française. Ce n'est pas du tout l'état d'esprit dans lequel nous avons travaillé depuis cinq mois. Ce qui est vrai c'est que les initiatives que nous avons prises, les résultats que nous avons recherchés sont totalement cohérents par rapport aux efforts faits depuis trois ans pour introduire une dimension sociale forte dans les travaux de l'Union. Là encore, quels résultats ? D'abord, nous avons obtenu un accord sur les textes qui étaient en discussion depuis très longtemps, je pense notamment aux accords sur la lutte contre les discriminations, en matière d'emploi mais aussi à l'adoption de programmes importants sur la lutte contre l'exclusion sociale et la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes. Ensuite, nous avons lancé une grande initiative que nous appelons " l'agenda social " qui sera donc - je pense - adoptée avec les conclusions. C'est le véritable programme de travail des Quinze pour les cinq ans à venir qui identifie un certain nombre de domaines sur lesquels il est essentiel d'avancer pour renforcer le modèle social européen : qualité de l'emploi, lutte contre la pauvreté, modernisation des systèmes de la protection sociale. Nous allons décider de travailler ensemble avec la Commission européenne qui fera des propositions, mais aussi en liaison avec les partenaires sociaux.
Il reste deux textes qui, dans ce domaine aussi, sont extrêmement importants : les directives information et consultation des travailleurs d'une part, et d'autre part le statut de la société européenne. Là encore, les ambitions sont très anciennes. Pour la société européenne, cela fait plus de 30 ans que nous tâchons de parvenir à ce statut. Nous avons vraiment progressé au cours des dernières semaines. Nous sommes en train d'examiner les conditions d'un accord éventuel qui permettraient l'adoption de cette directive. Cela sera débattu demain matin au moment des conclusions et je ne suis pas pessimiste.
Voilà donc ce que je pouvais dire sur le volet économique. Il y a d'autres résultats dont il a été fait état cet après-midi. Je pense à la mise en uvre de la stratégie européenne dans le domaine de la société de l'information qui a été adoptée par le Conseil européen de Lisbonne. En un an, notamment grâce aux efforts de la présidence portugaise, nous avons beaucoup progressé sur ces sujets, notamment sur ce qu'on appelle " le dégroupage de la boucle locale " qui sont essentiels pour moderniser l'économie européenne. Nous sommes donc en train de rattraper le retard que nous avions pris.
Nous avons décidé - et c'est ce dont il a été également question cet après-midi- de mieux suivre les programmes en matière d'emploi, de croissance et d'innovation c'est ce que nous appelons " le suivi de Lisbonne " grâce à un jeu assez restreint d'indicateurs structurels.
En ce qui concerne les sujets de société, là aussi je voudrais mentionner quelques résultats qui ont été obtenus dans plusieurs domaines qui sont extrêmement sensibles pour nos concitoyens et qui ont fait l'objet des débats de cet après-midi. D'abord la sécurité des transports maritimes. Je ne reviendrai pas sur les mesures qui ont été adoptées en quelques mois à notre initiative. Je crois qu'elles vont encore pouvoir être améliorées notamment grâce au dialogue avec le Parlement européen. Elles seront très prochainement complétées grâce un second train de décisions. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'après les naufrages de l'Erika et de Ievoli Sun, nous ne sommes pas restés inactifs puisqu'il y a des mesures qui vont dans le sens d'un renforcement des contrôles dans les ports, d'un contrôle sur les sociétés de classification mais aussi vers l'élimination de ce qu'on appelle "les bateaux-poubelles" et ce qu'on pourrait appeler plus simplement "les navires à simple coque". Le mot est plus compliqué, mais ce qui est le plus compliqué c'est qu'un navire à simple coque n'est pas forcément une poubelle. Bref, élimination des navires à simple coque !
Ce qu'il faut retenir, ce que nous espérons obtenir dans les conclusions - là nous le verrons encore demain matin - c'est que l'application de ce paquet puisse être immédiat. Cela est important. Que ces mesures prises puissent être tout de suite appliquées !
Sur la sécurité alimentaire, je signalerai simplement deux choses, d'abord que nous allons vers l'interdiction complète des farines carnées en Europe. Il y a eu, au sein du Conseil européen, un débat sur la compatibilité entre cette interdiction d'une part, les mesures qui doivent être prises dans le cadre communautaire en faveur du cheptel et l'Agenda 2000. Il nous semble qu'il faut en rester, qu'il est possible de rester dans le cadre des perspectives financières qui ont été adoptées à Berlin en mars 1999.
La deuxième chose sur laquelle j'insiste, c'est la création de l'autorité alimentaire indépendante dont les Quinze ont besoin et qui viendra conforter la mise en uvre du principe de précaution. Nous allons - je le crois - en adopter le principe.
S'agissant des services publics, le troisième sujet, la présidence française a aussi souhaité les inscrire à l'ordre du jour de nos travaux parce que nous sommes convaincus que les services publics sont essentiels pour maintenir la cohésion sociale et territoriale de nos sociétés. Bien sûr, il faut moderniser nos économies, évidemment cela passe par l'approfondissement du marché intérieur, mais nous pensons profondément que cette logique du marché intérieur, logique de concurrence, est tout à fait compatible avec celle des services d'intérêt économique général. La Commission a fait là-dessus une excellente communication. Nous avons travaillé avec elle et nous avons pu adopter une déclaration sur les services d'intérêt économique général qui marque bien cet équilibre entre marché intérieur et services publics. Il sera probablement, en tout cas nous le proposerons, annexé aux conclusions, donc une déclaration sur les services publics annexée aux conclusions.
J'ajoute deux ou trois derniers mots :
Sur le sport, qui ne doit pas être considéré et encore mois les sportifs, comme une marchandise, là encore c'est le sens du texte un peu doctrinal sur le rôle et les spécificités du sport dans nos sociétés qui a été adopté ce semestre et qui sera également annexé aux conclusions de Nice.
Je pourrais parler de bien d'autres sujets dans le domaine culturel, dans le domaine de la justice et des affaires intérieures avec des textes pour la lutte contre le blanchiment. Plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement ont d'ailleurs insisté sur la nécessité d'approfondir la démarche de Tempere en la matière.
Sur l'environnement, après l'échec de la Conférence de la Haye, échec qui je crois était nécessaire dans les conditions de ce débat pour faire pièce à certaines thèses américaines. Il vaut parfois mieux refuser un accord que d'en signer un mauvais. Le Conseil européen a eu cet après-midi des débats sur la nécessité et la façon de reprendre rapidement les négociations sur la lutte contre le réchauffement climatique. La France souhaite que nous - les Européens -puissions marquer notre volonté de le faire dans le semestre qui vient.
Je vous ai résumé à grands traits les débats de cet après-midi, il va de soi que tout ce que je viens de vous dire devra être vérifié demain dans le débat sur les conclusions qui aura lieu demain matin. Demain matin, nous aurons cette discussion sur les conclusions ensuite nous passerons au débat sur la Conférence intergouvernementale.
Q - Je suis un peu étonné par cette méthode, au fond, c'est quelque chose de complètement inédit puisque jusqu'à présent les Conseils européens servent à négocier sur des sujets qui n'ont pas encore été traités. Au fond, si je comprends bien, l'après-midi a servi à faire l'inventaire de ce qui s'est passé au cours des semaines précédentes. Comment cela s'est-il passé ? Tout le monde a parlé ? Tout le monde est intervenu ? C'est tellement étrange comme méthode.
R - M. Moscovici - Je ne crois pas que cela soit étrange. Dans tout Conseil européen, on se doit se conclure, donc de tirer des conclusions. Elles sont en général précédées d'un débat. Pour jeter des coups de projecteurs sur certains des sujets que je viens d'évoquer d'une part. D'autre part, pour en entériner d'autres. Il y a eu effectivement durant les trois heures de discussion de cet après-midi deux séries de discussion : une première sur les sujets économiques et sociaux ; une seconde, sur les sujets sociétaux, où il a été davantage été question de l'environnement, d'une part, et de la sécurité alimentaire, d'autre part. Je crois qu'il était bon de faire ainsi. Chacun est intervenu sur les sujets qu'il souhaitait, cela permet de lever toute ambiguïté, d'aborder donc le débat sur les conclusions de demain à partir d'une base de travail sérieuse.
Nous avons aussi choisi de présenter les conclusions sur ces sujets avant de passer sur ce qui au fond constitue une sorte de deuxième Conseil européen, la Conférence intergouvernementale, pour avoir cela devant nous et pour pouvoir concentrer ensuite toutes nos énergies sur la réforme des institutions européennes.
R - M. Védrine - Tous nos partenaires ont pensé que c'était une très bonne méthode d'acter solennellement niveau du Conseil européen, des conclusions auxquelles nous étions parvenus sur la plupart de ces sujets et qui forment un bilan important et dont ils voulaient avoir l'occasion de dire un mot. Voilà qui est fait.
Q - Je voudrais parler des conclusions : savez-vous quand se terminera la conférence ? Quand pensez-vous arriver aux conclusions ?
R - M. Védrine - Comment voulez-vous qu'on le sache avant ? Les paris sont ouverts. Elle sera terminée quand elle sera finie.
Q - Est-ce que dans le cadre des discussions sur la sécurité alimentaire, la présidence française a demandé qu'on prenne des décisions sur le financement des mesures qui ont été prises à propos des farines animales ? L'énumération des accords que vous avez fait tout à l'heure signifie-t-elle qu'on accélère le calendrier de ce sommet ? Cette information vient d'une délégation présente, il semble qu'il y ait un accord, là je parle de l'élargissement, pour intégrer le maximum de candidats à l'adhésion à l'Europe en 2004 de façon qu'ils puissent participer aux prochaines élections européennes, est-ce exact ?
R - M. Védrine - Oui, accélération puisque nous allons pouvoir travailler sur les conclusions de cette première partie dès demain matin alors que c'était prévu pour après le déjeuner, cela a donc été beaucoup plus vite. D'autre part, sur l'élargissement, les conclusions que vous verrez sont parfaitement claires. Il y a une grande cohérence entre le Conseil et les propositions de la Commission. Il est inutile de se perdre en spéculation ou sur les dates. Il y a une accélération, une intensification des négociations, ce qui veut dire un effort accru de la part de l'Union européenne, un effort accru de la part des pays candidats. Nous avons augmenté ces efforts de part et d'autre pendant la présidence française et cela va continuer pendant les autres. Nous avons tous à l'esprit l'objectif exprimé par le commissaire Verheugen qui dit qu'avec les pays qui auront démontré d'ici là qu'ils sont en mesure de reprendre tout l'acquis, il devrait être possible de terminer vers la fin 2002. Nous sommes donc dans un bon rythme.
R - M. Moscovici - Je crois effectivement qu'il ne faut pas avoir d'émotions sur la durée du Sommet. C'est vrai que les paris sont ouverts. Dans la lettre du président de la République il est précisé qu'il peut durer jusqu'à dimanche midi. Nous souhaitons qu'il se termine le plus tôt possible, comme le dit Hubert Védrine, dés que la discussion sera finie. Le plus tôt sera la mieux. En tout cas, nous tenons effectivement à donner aux travaux du Conseil européen, je crois que c'est l'esprit général, un rythme soutenu, qui doit permettre d'avoir à la fois le plus de temps possible pour débattre mais aussi de conclure dans les délais les plus rapides. C'est cela le sens de ce que vous appelez une accélération. C'est tout simplement la volonté que nous avons d'aller au fond des problèmes et d'y aller vite. Pour ce qui concerne le financement, il y a effectivement des discussions sur le financement dont la thématique principale est celle que j'indiquais. C'est à dire celle de la recherche de la compatibilité entre les mesures qui peuvent être prises dans ce domaine et les perspectives financières décidées à Berlin. Il apparaît à la présidence et à la Commission qu'il est tout à fait possible de respecter les décisions prises à Berlin dans le cadre de l'Agenda 2000. Mais nous aurons sans doute, ou peut-être, à y revenir demain matin.
Q - A propos de la Conférence européenne, les prochaines élections auront lieu autour du dimanche 6 juin 2004 qui est le soixantième anniversaire du débarquement en Normandie, lorsque les troupes polonaises et tchèques participèrent à la libération de la France et de l'Europe. Ferez-vous de votre mieux pour qu'au moins les ressortissants polonais et tchèques prennent part aux prochaines élections du Parlement européen ?
Cette question s'adresse à M. Moscovici : A quinze kilomètres de Nice, Monaco est le seul pays européen membre des Nations Unies qui n'a jamais eu une femme ministre. Compte tenu du fait que la France propose le Ministre d'Etat de Monaco et que depuis peu la France a eu la plus grande proportion parmi les démocraties majeures de femmes ministres (40 %,) pensez-vous bientôt remédier à ce déficit démocratique en proposant des femmes capables en tant que ministre d'Etat de Monaco ?
R - M. Védrine: Sur la question des élections européennes de 2004, ce problème des négociations d'adhésion est très simple. Nous souhaitons aller le plus vite possible mais pour aller le plus vite possible, il faut résoudre les problèmes posés par les négociations d'adhésion. Nous ne détenons pas seuls la réponse. Ce n'est pas les Quinze qui peuvent décider quand la négociation sera conclue. La négociation a lieu à deux : l'Union européenne et la Pologne ; l'Union européenne et la Hongrie... Et pour que la négociation puisse aboutir il faut que l'Union européenne franchisse cette étape fondamentale que nous pensons tous les deux franchir à Nice qui est celle de la réforme institutionnelle préalable.
Il faut que les négociations d'adhésion permettent de résoudre tous les problèmes que pose chaque négociation d'adhésion. A l'heure actuelle, par exemple, si vous additionnez les douze pays candidats, ils ont déposé 500 demandes de périodes transitoires ou d'exception ou de période d'adaptation des différents règlements formant l'acquis communautaire. L'Union européenne ne peut pas accepter toutes ces demandes naturellement, sinon il n'y a plus d'Union européenne. Et l'Union européenne ne peut pas les rejeter en bloc sinon les adhésions sont trop compliquées. Il y a donc une négociation à avoir et la négociation se fait à deux. Cela ne sert donc à rien de demander sans arrêt à l'Union européenne à quelle date ces choses vont être conclues. Elles seront conclues quand on aura réglé les problèmes que pose chaque adhésion. Il faut les régler dans le respect de ce qu'est l'Union européenne et de l'acquis communautaire. Vous savez que le principe de base de la négociation est la reprise de tout l'acquis. Mais, dans certains cas, il y a certainement des adaptations qu'il faudra accepter.
Cela dépend aussi des efforts que peut faire chaque pays candidat. Ce sont donc des questions qui s'adressent aussi bien à chaque pays candidat qu'à l'Union européenne. Donc, une fois qu'on a dit qu'on allait faire de notre mieux pour que les problèmes des adhésions soient réglés le plus tôt possible et le plus vite possible on ne peut pas dire plus. Mais ce sera comme cela même si les questions sont posées 100 fois, les réponses seront 100 fois les mêmes jusqu'à ce que les négociations soient arrivées à leur terme. Et si le terme est très rapproché, tant mieux, si cela veut dire que les problèmes ont été réglés entre temps. C'est aussi simple que cela. Il n'y a donc pas d'autre façon de répondre. Je ne sais pas qui, en 2004, sera en mesure de participer aux élections que vous citez. On peut avoir des espérances, mais la seule façon sérieuse de répondre sur la négociation est ce que je viens de dire.
R - M. Moscovici - Evidement, je pourrais me contenter d'évoquer le principe de non-ingérence dans les affaires des Etats souverains, cela dit je ferais remarquer qu'à Monaco d'une part, il y a un phénomène très important qui est les princesses, dont il faut absolument tenir compte et du point de vue de la couverture médiatique, la parité est au moins assurée et plus qu'assurée, c'est donc pour cela que je l'évoque. D'autre part , je redeviens plus sérieux car la question est pertinente sans aucun doute, elle s'adresse d'abord au souverain monégasque mais dont j'ai lu quelque part il y a quelque temps qu'il souhaitait que ce ne soit plus la France qui nomme le ministre d'Etat.
Q - J'aimerais savoir si la France aura un entretien bilatéral sur les possibilités de réformes avec l'un des pays présents, surtout l'Allemagne. Croyez vous possible d'avoir demain un accord sur la réforme et de conclure et si vous avez des nouvelles ouverture sur la position française sur le volet commercial ?
R - M. Védrine - Ce point fait partie des sujets qui seront abordés par les chefs d'Etat et de gouvernement dans le dîner et le seront ensuite dans les discussions de demain. Donc je ne crois pas que nous ayons quoi que ce soit à ajouter maintenant. Au fur et à mesure que la discussion se développera vous pourrez la suivre.
Q - Pour être clair, peut-on dire aujourd'hui que les chefs d'Etat et de gouvernement ont marqué leur accord sur la création de l'autorité alimentaire, sur l'agenda social, et est ce que vous pouvez également confirmer qu'ils ont marqué leur accord pour une interdiction définitive des farines carnées et non plus pour six mois ?
R - M. Moscovici - Je vous renvoie aux discussions que nous aurons demain matin sur les conclusions. Aujourd'hui nous avons eu le débat. Je vous informais sur la teneur du débat qui a repris au mot un certain nombre de travaux que nous avions déjà eus. Les conclusions seront débattues demain matin, donc en avance sur l'horaire qui prévoyait demain après midi. C'est simplement à la fin de l'examen des conclusions qu'on sait exactement à quoi on s'est arrêté. N'importe quelle discussion peut être complétée sur n'importe quel point dans la lecture des conclusions par les chefs d'Etat et de gouvernement.
Q - Si vous accélérez ainsi le rythme du Conseil est-ce parce que les problèmes de la CIG vous paraissent finalement encore plus compliqués à résoudre que vous ne le croyiez ou c'est pour finir plus vite ?
R - M. Védrine - C'est ni l'un ni l'autre. C'est parce qu'on s'est très vite mis d'accord sur les sujets qui étaient à l'ordre du jour du début. C'est donc normal qu'en tant que présidence, on ne sait jamais combien de temps cela va durer par sujet. Et là, nous avions donc prévu un certain temps pour traiter les sujets dont Pierre Moscovici a parlé tout à l'heure. Il se trouve que l'accord a été facile, cela a été vite. Il reste la lecture des conclusions naturellement pour que chacun soit bien sûr de s'y retrouver. Et c'est la seule raison. Cela a été vite parce que les problèmes ont été facilement traités.
Q - Vous n'avez pas senti de tension ?
R - M. Védrine - Non, il régnait une très bonne atmosphère de travail. S'il y avait eu de la tension cela aurait plutôt ralenti les choses. Peut être cela prouve-t-il que les choses ont été bien préparées.
Q - Le gouvernement anglais est assez fâché au sujet de la défense aujourd'hui et il pense que la clause J dans le traité ne marchera pas. Dans le chapitre sur les coopérations renforcées, il voudrait que la défense ne soit pas dans le traité.
R - M. Védrine - D'abord on ne peut pas dire que les Anglais soient globalement fâchés de la défense puisque nous avons fait en deux ans un chemin extraordinaire en matière d'élaboration d'Europe de la défense. Et on l'a fait parce qu'au départ la Grande-Bretagne et la France ont su rapprocher leurs positions et proposer une voie qui a été soutenue et admise par tous leurs autres partenaires. Le gouvernement britannique est donc autant à l'origine que la France de ce mouvement nouveau dont il ne peut qu'être heureux et je sais que c'est le cas du gouvernement britannique. Il peut rester des discussions de détail sur tel ou tel point.
Ce à quoi vous faites allusion est le problème de l'application éventuelle des coopérations renforcées au deuxième pilier. Cela fait partie de la discussion à l'intérieur de la Conférence intergouvernementale. C'est un des quatre points et ce n'est pas le plus compliqué et on peut espérer qu'on trouvera une formulation qui permettra d'appliquer l'assouplissement des coopérations renforcées également au deuxième pilier. On n'a pas encore tout à fait trouvé la formule puisqu'il y a en effet un désaccord entre les pays qui tiennent beaucoup à ce que cela puisse être appliqué à la défense et les pays qui estiment que ce n'est pas possible. Mais cela fait partie de la discussion qui commence demain à l'intérieur de la Conférence intergouvernementale. Ce n'est pas un problème particulièrement compliqué si on le compare aux autres.
Q - La façon dont vous présentez les choses donne l'impression que le bilan de la Présidence française ce sont tous les sujets que vous venez d'aborder qui sont - disons- les sujets classiques d'une présidence et que le résultat éventuellement négatif de la CIG n'appartient pas véritablement au bilan de la présidence française.
R - M. Védrine - Pas du tout. D'abord ce ne sont pas des sujets classiques. Je crois que, s'agissant de n'importe quelle présidence si vous faisiez la récapitulation que nous pouvons faire des problèmes qui ont été réglés au cours des derniers mois, et dont certains étaient pendants depuis extrêmement longtemps, parfois depuis des années, vous verriez que de toute façon c'est déjà un bilan considérable. Pourquoi est ce qu'on présente les conclusions à ce moment là ? C'est parce que nous souhaitons que nos partenaires aient l'esprit tout à fait libre pour se concentrer sur ce sujet important de la CIG. Plutôt que d'attendre la fin de la réunion, si cela dure longtemps, il vaut mieux avoir traité ces questions afin qu'elles ne soient plus des problème sur lesquels il y a un accord à faire. L'avoir fait, c'est l'avoir derrière nous. Ainsi, on peut se consacrer uniquement à ce que Pierre décrivait tout à l'heure comme étant un deuxième Conseil européen. Mais nous n'oublions pas que ce deuxième conseil est aussi sous notre présidence et qu'il est aussi de notre responsabilité même si ce sont les Quinze tout entiers qui sont face à leur responsabilité d'aujourd'hui. Donc, c'est tout simplement une méthode que nous avons proposée à nos partenaires et je crois que c'est une bonne méthode. Nous avions un ordre du jour tellement chargé qu'il fallait être un peu innovants.
Q - Alistair Campbell a dit plus tôt aujourd'hui, que le gouvernement anglais allait soutenir les Allemands au sujet de la répartition des compétences entre l'Union Européenne, les nations et les régions. Etant donné que la répartition des pouvoirs semble si sensible ici en France, quelle est votre réaction ?
R - M. Védrine - Notre réaction est que cela fait partie des sujets qui seront abordés à partir de demain et qu'il vaut mieux attendre que le Conseil européen ait commencé à en parler pour qu'on puisse en parler. On verra. Le sujet sera peut-être abordé déjà lors du dîner et abordé après. Il y a plusieurs façons au sein du Conseil européen d'aborder cette question de l'après-Nice et on verra quel sera le résultat.
Q - Un différent serait apparu cet après midi entre les Allemands et vous même au sujet du financement et du remboursement des éleveurs de vaches. Est-ce que vous pouvez le confirmer ou l'infirmer? Et deuxièmement est-ce que la parité en terme de voix entre les Allemands et vous même est une ligne rouge que vous ne souhaitez pas franchir, et dans ce cas est ce que ce n'est pas une façon de ne pas aller jusqu'à la fin de la normalisation de l'Allemagne sur la scène européenne ?
R - M. Moscovici - Je crois que sur ce deuxième point je vous ferai la réponse que fait inlassablement Hubert Védrine depuis le début de cette conférence, à savoir que les positions des uns et des autres sont connues et que la discussion sur la CIG commencera demain lors de la conférence et ce soir lors du dîner. Pour le reste, je vous renvoie aux très nombreuses déclarations qui ont été faites pas les uns et par les autres et surtout par le Président de la République qui s'est exprimé très clairement à plusieurs reprises. Par ailleurs, je ne connais pas vos sources et je vous rappelle ce que je disais, c'est à dire qu'il y a une discussion dans le cadre du Conseil européen sur le financement des conséquences de la crise de l'ESB dont nous estimons qu'elle pouvait être compatible avec l'agenda 2000.
R - M. Védrine - Il semblerait qu'il y ait beaucoup de sources sur ces différents sujets. Je ne sais pas si vous connaissez une région de France qui s'appelle le plateau de Millevaches. Et on se trompe souvent car étymologiquement en fait c'est un mot celte à l'origine de ce terme et cela dire "mille sources". Cela n'a pas de rapport avec les vaches, mais vous êtes environnés par de très nombreuses sources et nous cherchons à vous apporter une eau limpide et claire d'alimentation sur ce qui se passe.
R - M. Moscovici - De source à peu près autorisée et transparente.
Q - Monsieur le Ministre vous venez de dire que l'atmosphère était bonne. J'aimerais savoir si les chefs d'Etats sont entrés dans une vraie discussion ou est ce qu'il y a seulement une lecture de positions ?
R - M. Védrine - Cet après-midi, à propos des sujets dont a parlé Pierre Moscovici, tous souhaitaient que ce soit à l'ordre du jour du début de ce Conseil pour marquer le plus solennellement que c'est le Conseil lui même qui avait endossé ces différents accords, donc ça s'est passé de façon travailleuse, en même temps rapide et détendue. Je pense que votre question s'applique plus aux sujets de la Conférence intergouvernementale et cela commence dans quelques minutes par un dîner. Je suis convaincu qu'ils ne sont pas là pour répéter les 330 heures de négociation qui ont précédé sur la CIG, et très certainement ils vont être dans peu de temps dans une vraie discussion sur tous ces sujets.
Q - Vous présentez le bilan de la présidence française comme un succès mais l'agenda social a été beaucoup affaibli par rapport à la proposition originale de la présidence française. Est ce que vous n'avez pas des regrets personnels?
R - M. Moscovici - Nous n'avons aucun regret personnel. D'abord je ne partage pas votre pronostic ou diagnostic sur l'agenda social. Je crois que nous avons à la fois lancé l'idée de définir un programme de travail et que nous avons su prendre en compte les remarques que d'autres nous adressaient pour parvenir à un compromis. Je crois qu'il est de bonne qualité car c'est la première fois que l'Union Européenne se dote, de la sorte, d'un programme de travail pour les cinq prochaines années sur de très grands sujets. Pour le reste, je rappelle que nous sommes encore en train de travailler sur le statut de la société européenne et que nous aurons peut être l'occasion d'en reparler positivement demain matin. En tout cas c'est ce que j'espère.
Q - Quand peut-on attendre une proposition chiffrée sur la pondération des voix ?
R - M. Védrine - La discussion formelle commence demain, donc ce n'est pas l'exercice du dîner qui correspond à cette démarche. Donc c'est dans le courant de la discussion demain et la Présidence fera des propositions au moment où cela lui paraîtra le plus utile pour maintenir ce bon rythme de la discussion dont on a parlé tout à l'heure et qui a aujourd'hui bien commencé.
Au fond, ce n'est pas le sommet qui prend du retard, mais vous qui êtes un peu impatients.
Ce soir il y a un dîner entre les chefs d'Etats et de gouvernements qui sera l'occasion d'avoir un échange libre sur l'approche politique de la conférence inter-gouvernementale. C'est très important car c'est dans ce genre de dîner que se définit de façon probablement essentielle le climat, et nous voulons faire en sorte que ce climat soit bon, soit très bon.
A demain.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 décembre 2000)