Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur l'ouverture de la Cinémathèque de Bercy, Paris le 29 novembre 2005.

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Texte intégral

Madame la Ministre, Chère Lucette Michaux-Chevry,
Monsieur le Directeur Général de la Cinémathèque, Cher Serge Toubiana,
Monsieur le Directeur Général de Réseau France Outre-mer, Cher François Guilbeau,
Cher Christian Lara,
Cher Yann Chayia,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de vous accueillir à la Cinémathèque française, au 51 rue de Bercy, dans ce haut lieu de la cinéphilie, de l'amour du cinéma, de la passion des images et de la création, qui est avant tout ce qui nous réunit ce soir. J'ai eu le plaisir de l'inaugurer il y a quelques semaines, aux côtés de Martin Scorsese, juste avant que la communauté internationale adopte, le 20 octobre dernier, sous les auspices de l'Unesco, à la quasi-unanimité, la convention qui inscrit pour la première fois la diversité culturelle dans le droit international.
Et ce soir là, Scorsese a déclaré que c'est en regardant les films de patrimoine, les films qui ont marqué l'histoire du cinéma, comme ceux qui sont régulièrement projetés ici, qu'il a réalisé « que le cinéma était un langage international et un art international pour tous ».
Oui, je tiens à vous dire combien le combat pour le respect des droits des créateurs, pour la diversité culturelle, unit tous ceux qui, de part et d'autre des mers, et sur tous les continents, ont à c?ur de défendre l'expression des identités et de la créativité dans l'égale dignité de toutes les cultures.
La présentation, ce soir, ici, de vos films, cher Christian Lara, cher Yann Chayia, est doublement symbolique.
D'abord, ce lieu est un lieu de mémoire, la mémoire du cinéma, mais aussi la mémoire des hommes. Et le film que nous allons voir ce soir, cher Christian Lara, 1802 L'Epopée guadeloupéenne, est une grande fresque historique. La fresque d'un peuple en quête de sa liberté alors que, Bonaparte étant premier consul, les tractations reprennent, pour rétablir l'esclavage, qui avait été aboli en 1794 par la Convention, par le fameux décret du 16 pluviôse, An II.
A quelques jours du 2 décembre, c'est un pan de l'histoire de la Guadeloupe, de l'histoire de France et de l'histoire de l'humanité que votre film nous fait revivre, avec la lutte de tous ceux qui, sous l'impulsion du lieutenant-colonel Louis Delgrès, ont choisi, il y a deux cents ans, d'offrir leur vie en sacrifice à leur liberté, à leur dignité, à nos valeurs.
Cher Christian Lara, vous êtes un pionnier. Depuis votre premier court métrage, Lorsque l'herbe court, en 1968, jusqu'à votre premier long métrage, en 1978, Coco la fleur, candidat, c'est avec votre ?uvre que naît le cinéma antillais. Depuis, vos treize films nous parlent des Antilles, de l'histoire de ces îles et de leurs peuples, de leur quête d'identité et de leur lutte pour la liberté, cette « arme miraculeuse » selon l'expression d'Aimé Césaire.
Depuis, vous avez été suivi par de nombreux talents. Je pense en particulier à Gabriel Glissant, Constant Gros-Dubois, Benjamin Jules-Rosette, Julius Amédée-Laou, Willy Rameau, Guy Deslauriers et enfin Euzhan Palcy qui, grâce au succès international de Rue Cases Nègres, d'après le livre de Joseph Zobel, a donné une reconnaissance mondiale au cinéma antillais.
Je souhaite que vos films et que le film que nous allons voir ce soir, soit vu sur nos écrans, petits et grands, partout en France, dans l'hexagone, et je tiens à remercier pour leur engagement à vos côtés, le Conseil régional de Guadeloupe - Lucette Michaux-Chevry a soutenu dès le départ votre projet - et RFO, ainsi que votre coproducteur Albert Pigot, qui vous ont permis de réaliser ce film. Je tiens à saluer l'action de RFO pour diffuser et faire connaître la créativité artistique exceptionnelle de l'Outre-mer, au sein de notre paysage audiovisuel.
Tout récemment, le Président de la République, en décidant qu'un canal de la TNT serait attribué à France Ô, dans des conditions à définir, a manifesté à RFO cette confiance, et a pris là une décision pleine de sens.
Et au-delà, je veux saisir l'occasion de votre présence ce soir pour vous dire combien nous avons besoin de votre richesse, de votre expression, de votre identité, dans leur diversité, dans leur pluralité, qui doivent s'exprimer dans la production artistique et culturelle en général, et notamment au cinéma et dans les médias.
C'est pourquoi, et c'est la seconde portée symbolique forte de notre rencontre ce soir, je suis heureux de découvrir avec vous le court métrage Monsieur Etienne de Yann Chayia. Ce film qui est votre quatrième court métrage, a été sélectionné à Cannes cette année par la semaine de la critique. Depuis, il a été présenté dans une quinzaine de festivals à travers le monde. Et je sais que vous travaillez à votre premier long métrage, intitulé Chroniques antillaises.
Vous incarnez la nouvelle génération aux côtés de Christian Grandman, Jean-Claude Flamand Barny, dont nous avons pu apprécier le premier film très réussi Neg Marron, produit par Mathieu Kassovitz, Marc Barrat, Chris Delaporte et Djibril Glissant, ancien élève de la Fémis, dont le premier film, L'Eclaireur, a reçu l'avance sur recettes et sort le 15 février prochain. Je prie ceux que j'aurais oubliés de bien vouloir m'en excuser.
J'ai tenu à ce que vos films soient présentés, non seulement aux professionnels du cinéma ici présents ? et c'est très important ? mais aussi à de jeunes talents, à des artistes, à des créateurs, que je salue, et qui sont actifs dans de nombreuses disciplines artistiques, et notamment les arts plastiques, mais aussi les arts de la scène.
Vous ne faîtes pas seulement partie de votre paysage culturel. Vous n'êtes pas seulement « différemment français », comme le disait Greg Germain du théâtre de l'Outre-mer en Avignon, vous faites la force du rayonnement culturel de la France, qui a beaucoup à gagner à reconnaître, à respecter, et à mettre en commun, à rassembler, non seulement votre histoire et votre mémoire, mais aussi vos talents d'aujourd'hui.
Je vous remercie.(Source http://www.culture.gouv.fr, le 1er décembre 2005)