Eléments de discours de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, sur la nécessité d'aider au développement d'entreprises de taille moyenne, grâce aux financement, à l'accès aux marchés et à l'innovation, Lyon le 7 mars 2006

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Circonstance : Forum du financement de l'innovation et de la compétitivité, à Lyon le 7 mars 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Monsieur Chauvin,
Mesdames et Messieurs,
I. D'abord, le diagnostic : pour augmenter notre capacité d'innovation et d'exportation, nous devons aider nos PME à grandir
Nos créations d'entreprises sont très dynamiques, l'esprit d'entreprise est bien présent
Les chiffres de création d'entreprises sont excellents : 225 000 créations pures en 2004, générant 400.000 emplois
- En revanche, la France souffre d'un déficit d'entreprises moyennes. Le déficit de la France par rapport aux Etats-Unis, que ce soit en nombre d'entreprises ou en nombre de salariés pour 10 000 habitants, est de 50 % pour les entreprises de 50 à 99 salariés, et de 33 % pour la tranche 1000 à 1500 salariés. Nous n'avons donc pas assez d'entreprises moyennes.
- Cela a des répercussions directes sur notre capacité à exporter. En France, seulement 4 % des PME [0 à 249 salariés] exportent, ce qui nous place loin derrière l'Allemagne (18 % des PME allemandes exportent) car notre voisin dispose d'une proportion plus forte d'entreprises de taille intermédiaire.
- Conséquences de cela : notre capacité à exporter et à innover en pâtit. Au niveau national la recherche industrielle est de l'ordre de la moitié de ce qu'elle est chez les entreprises japonaises. En fait, les grandes entreprises françaises sont très actives, et le retard français vient de ce que nous manquons d'entreprises moyennes. Ainsi, par rapport à l'Allemagne ou aux Etats-Unis, le nombre d'entreprises industrielles moyennes est de moitié inférieur en France.
- Cela est particulièrement sensible dans les biens de consommation ; l'exemple du secteur automobile est frappant. Il représente 1 400 000 emplois en France, dont 300 000 directs, 450 000 indirects et 650 000 pour les services associés. Or les constructeurs eux-mêmes représentent 73 % des exportations de la filière, 60 % de la R&D mais 35 % des emplois ; en contre-partie, les sous-traitants de rang 2 et plus représentent 40 % de l'emploi, mais seulement 15 % de la R&D et 11 % des exports.
Nous aidons donc nos PME à grandir.
II - Pour aider nos PME à croître, nous leur apportons tout d'abord des financements
Pour préserver leur compétitivité et leur savoir faire, pour financer leur développement et leur effort d'innovation, nos entreprises et plus particulièrement les PME doivent être en mesure de se projeter dans le long terme. Il est donc essentiel qu'elles trouvent en France un environnement favorable à leur développement, et des actionnaires prêts à les accompagner dans la durée.
- Pour renforcer le bilan des PME, nous avons encouragé l'émergence d' un actionnariat stable et fidèle
Nous avons fait deux propositions qui ont été transcrites dans les lois de finances de la fin d'année autour de deux idées :
(i) récompenser la fidélité en allégeant progressivement les impôts en fonction de la durée de détention. C'est pour favoriser un actionnariat stable à nos entreprises, que le Président de la République nous avait demandé, au début de l'année, d'étudier le moyen d'encourager la détention longue d'actions, en prenant comme référence le régime fiscal de l'immobilier : c'est maintenant chose faite, tant pour le particulier qui épargne, que pour le chef d'entreprise qui cède son entreprise et part la retraite. Je rappelle que nous attendons 700 000 transmissions d'entreprises au cours des dix prochaines années.
(ii) ne pas surfiscaliser la détention des actions, en particulier pour les salariés ou dirigeants de l'entreprise. D'où la proposition consistant à ouvrir aux salariés dirigeants ou non, une exonération d'ISF de 75 % sur les titres de leur entreprise. Nous avons aussi ouvert au cet abattement au dirigeant qui part en retraite, pour faciliter les transmissions d'entreprises. En effet, auparavant, un dirigeant qui voulait passer la main à la génération suivante devait payer l'ISF sur la totalité de la valeur de son entreprise ; le système précédant incitait les dirigeants âgés à rester plus longtemps que de raison aux commandes, ce qui était problématique.
- Développer l'action des investisseurs
Nous avons publié un document de présentation et de consultation sur la mise en uvre de l'investissement de deux milliards d'euros au capital des PME les plus dynamiques, comme annoncé par le Président. Ce programme fait suite à un groupe de travail animé depuis plus d'un an par les services de Bercy, auquel participaient CDC, Oséo et l'AFIC.
L'idée en est que les investisseurs en capital couvrent bien le LBO, et dans une moindre mesure le capital-risque technologique, mais ne financent pas assez l'amorçage et le développement des PME. Et comme je l'ai dit, nous souhaitons donner aux PME les plus dynamiques les moyens de leur développement.
Nous souhaitons que ce dispositif comporte plusieurs modes d'intervention, afin de tenir compte de la diversité de situations et de stade de développement des PME : de l'amorçage à la pré-introduction en bourse. Les apports de capitaux effectués au titre du programme, le plus souvent à travers le renforcement de fonds d'investissement et de sociétés de capital risque, se feront après instruction par une société de gestion selon les meilleures pratiques professionnelles.
C'est dans cet esprit aussi que le Président de la République a annoncé jeudi dernier, lors de la remise du prix de l'audace créatrice, que les banques seraient amenées à rendre compte des financements qu'elles accordent aux jeunes entreprises.
- Organiser ces rencontres
C'est au service de l'utilisateur, en particulier des PME innovantes, que j'ai organisé ces forums du financement de l'innovation et de la compétitivité. C'est pour présenter ce que nous faisons, et mettre en relation les PME des pôles avec les grands comptes et les investisseurs.
Cette première manifestation a trouvé un grand succès : plus de 600 demandes d'inscriptions, dont 72 investisseurs, 40 grands comptes et plus de 200 PME innovantes. Nous avons eu plus de 1000 demandes de rencontres avec des PME innovantes. J'espère que ces contacts entre les PME, les banques, les grands comptes, les investisseurs en capital et investisseurs providentiels, qui se déroulent tout au long de cette journée, seront fructueux. Je suis heureux qu'ils aient lieu.
III - Au-delà de l'apport de financements, nous nous attaquons aux deux faiblesses des PME que j'ai indiquées : l'accès aux marchés et l'innovation
Rien ne sert d'offrir des financements aux PME si celles-ci n'ont pas de marché.
- L'export
S'agissant d'appui à l'exportation comme je le rappelais il y a un instant, les PME françaises ne sont pas suffisamment internationalisées. Cela nuit à leur développement, à nos exportations et à nos emplois.
C'est pour cela que Thierry Breton et Christine Lagarde ont lancé le plan CAP EXPORT le 5 octobre dernier, qui rend notre dispositif de soutien aux exportations plus simple et au service des PME qui souhaitent exporter.
- L'accès aux grands comptes, publics et privés. (pacte PME)
Il ne faut surtout pas restreindre l'exercice aux comptes publics, même si à l'évidence ceux-ci ont aussi leur rôle à jouer.
Mais c'est l'accès des PME à l'ensemble de la commande des grands comptes, publics et privés, qu'il faut faciliter pour leur permettre de se développer. C'est tout le mérite de la démarche de mobilisation positive, lancée à Bercy, et dont le partenariat stratégique entre Oséo et le Comité Richelieu, signé à Bercy en septembre dernier, est une composante importante. Plusieurs comptes publics et privés, dont le Ministère des Finances, ont signé le « Pacte PME », par lequel ils s'engagent à veiller à la part de leurs achats confiés à des PME. Je suis très heureux des nouvelles signatures de ce pacte qui ont eu lieu tout à l'heure. Je suis certain que ce sera pour le bénéfice mutuel de l'ensemble des signataires, et pas uniquement des PME innovantes.
- La commande publique
Les accords multilatéraux font aujourd'hui obstacle à l'inscription dans notre droit d'une préférence pour les PME dans l'attribution de marchés publics telle que le Small Business Act américain. Comme annoncé, nous allons chercher à aller plus loin, dans un cadre européen, et à l'OMC, afin de tenter d'obtenir une renégociation de cette partie des accords et d'inscrire cette possibilité en droit européen.
Nous avons déjà sensibilisé nos homologues européens à cette question dans le cadre des discussions préparatoires aux négociations à l'OMC.
Cela dit, il y a déjà quantité de choses que l'on peut faire : dans les limites du droit français et international actuel, nous avons proposé de poursuivre les efforts d'amélioration du droit de la commande publique afin de favoriser l'accès des PME aux marchés publics par exemple par l' allotissement, la limitation des références à des marchés antérieurs, ou la modération dans les exigences de solidité de bilan.
- Créer un environnement favorable au financement de l'innovation.
Trois nouvelles agences de moyens, répondant de façon ciblée aux besoins des différents acteurs de l'innovation, ont été créées :
- OSEO a été inaugurée en janvier 2005; issue du rapprochement de l'ANVAR et de la BDPME. Cette agence, qui rassemble donc les ingénieurs et les financiers, est en charge du soutien aux PME à tous les stades de leur développement, en particulier de leur accompagnement vers l'innovation.
- L'Agence Nationale de la Recherche (ANR), créée en février 2005 ; elle a pour mission de concentrer des moyens en direction de projets de recherche sélectionnés, aussi bien dans des laboratoires publics que dans les entreprises.
- L'Agence de l'innovation industrielle (AII), elle vise à soutenir de programmes mobilisateurs d'innovation industrielle (PMII).
Dans la loi de programme pour la recherche, divers dispositifs, tel la mise en place du label Carnot, amélioreront la capacité de nos établissements publics de recherche à effectuer des innovations technologiques et à travailler en partenariat avec des entreprises, notamment avec des PME innovantes.
Dans la loi de finances pour 2006, des mesures fiscales inciteront les entreprises à accroître leur effort de recherche, tout en améliorant leur structure financière. Ainsi, le crédit d'impôt collection permettra de reconnaître des activités de design, de style, comme la recherche. Le crédit d'impôt recherche a été considérablement renforcé, par l'introduction puis l'élargissement de sa base de calcul qui prend en compte le volume des dépenses de recherche, et non plus seulement leur accroissement, et par le rehaussement du plafond des dépenses désormais confiées à d'autres entités, afin d'aider les PME innovantes. C'est une modification considérable : le coût du CIR était de 480 M? en 2004, il est passé à 730 M? en 2005, et devrait augmenter d'une centaine de millions d'euros en 2006. Ce sont 5 833 entreprises qui ont souscrit une déclaration de crédit d'impôt. La mesure profite tout particulièrement aux PME : les entreprises de moins de 250 salariés réalisent 23 % des dépenses globales de R&D et obtiennent 54 % des crédits consentis au niveau national.
Dans les lois précédentes, la taxation des redevances de brevet a été abaissée. Un statut de jeune entreprise innovante a été créé, qui permet à une PME en phase de création de financer son innovation, par des allégements substantiels de charges sociales sur les emplois de chercheurs, et des exonérations fiscales importantes. Pour 2006, le coût de cette mesure augmentera fortement, à 120 M?, à comparer à 40 M?. Lors de la première année d'application, 980 entreprises ont demandé à bénéficier de ce statut, représentant environ 6 000 personnes affectées à des projets de R&D.
Parce qu'on innove moins bien tout seul, nous souhaitons encourager la recherche coopérative, particulièrement public-privé.
- C'est pourquoi nous avons mis en place les pôles de compétitivité, élément stratégique de la mise en réseau des acteurs de l'économie industrielle de demain et que l'Etat accompagnera résolument (1500 M? sur 2006-2008, plus le financement de premiers projets dès 2005). En effet, la clé de l'innovation réside dans le travail conjoint des acteurs et dans la mise en réseau des compétences sur des filières ou des projets communs. Les pôles permettront donc, en concentrant le financement des organismes que j'ai cités sur les projets coopératifs des entreprises et des laboratoires, d'augmenter le contenu en savoir de la production de nos entreprises. Nous en attendons une plus forte qualification des emplois, la montée en gamme de notre production, de manière à mieux positionner nos produits face à ceux de nos concurrents ; nous en attendons aussi l'approfondissement des relations entre grands donneurs d'ordres et sous traitants, ce qui enracinera plus profondément la production de ceux-ci dans nos bassins. Mais ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, qui comptez 12 pôles de compétitivité en Rhône Alpes, et plus particulièrement les deux pôles qui nous réunissent aujourd'hui, Lyon Biopôle et Axelera.
- Enfin, s'agissant des projets des pôles, le Premier ministre a annoncé hier les simplifications du mode de financement que je lui avais proposés : les porteurs des pôles auront désormais face à eux un interlocuteur unique, et un financeur unique. Les dossiers des pôles seront expertisés par le ministère compétent, mais tous les porteurs de tous les projets seront invités à répondre au même appel à projets, qui se tiendra trois fois par an, sur le Fonds de compétitivité des Entreprises, géré par mes services (DGE). De sorte qu'un porteur de projet n'aura pas à monter plusieurs dossiers aux formats différents ni être renvoyé à différents ministères qui auraient des calendriers non coordonnés. Nous avons retenu l'organisation la plus simple, au service de l'utilisateur.
- En plus des 1500 M? sur trois ans, j'ai mis à disposition des pôles 43 M? dès 2005 pour commencer à financer les projets les plus avancés sans attendre. ce sont 19 projets qui ont été financés.
Pour 2006, nous avions lancé un deuxième appel à projets, doté de 40 M?, qui s'est clos le 15 février dernier. le Premier ministre a annoncé à Toulon il y a dix jours, qu'il portait cet appel à projets à 100 M?. Nous avons reçu un grand nombre de dossiers, ce qui témoigne de la réalité du travail en commun des acteurs des pôles, depuis la labellisation, qui est intervenue il y a tout juste huit mois.
Ceci est très encourageant pour le dynamisme de notre tissu industriel. Je suis certain que nos trois appels à projets par an sur trois ans permettront de soutenir ces initiatives.
En conclusion :
Je vous remercie de votre attention, et suis heureux de céder la parole aux signataires du Pacte PME, pour de nouvelles signatures.
Je l'ai dit, vous êtes venus nombreux à cette première manifestation, je vous félicite pour votre mobilisation.
Je suis heureux d'avoir organisé ces forums du financement de l'innovation et de la compétitivité. Mais nous n'en sommes pas les seuls organisateurs, c'est pourquoi je souhaite aujourd'hui remercier vivement toutes les organisations qui soutiennent les Forums, qui ont accepté d'y participer, d'expliquer ce qu'ils font ou tout simplement prendre des contacts.
Je souhaite naturellement adresser des remerciements particuliers à l'IFP, qui nous héberge aujourd'hui, ainsi qu'aux deux pôles de compétitivité, LyonBiopôle et Axelera.
Source http://www.industrie.gouv.fr, le 9 mars 2006