Texte intégral
Monsieur le Président,
Avec M. Breton et Mme Colonna, j'accompagnerai le président de la République à Bruxelles pour participer au Conseil européen de printemps consacré aux questions européennes et sociales, qui traite traditionnellement de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi. Malgré des résultats positifs, celle-ci est encore mal comprise des citoyens européens : nous devons la rendre moins abstraite et plus lisible.
Un premier progrès dans ce sens est l'élaboration par chaque Etat membre d'un programme national de réforme, tenant compte des spécificités nationales. La France a élaboré son programme national à l'automne dernier, en portant l'accent sur les nouveaux pôles de compétitivité, l'Agence pour la recherche et l'Agence pour l'innovation industrielle, qui témoignent de la volonté de notre pays d'être en phase avec l'évolution du continent et de peser sur elle.
Mais d'autres progrès, concrets et visibles, sont nécessaires pour démontrer que l'Europe est en mesure d'apporter une réelle plus-value à notre économie. Nous attendons des résultats tangibles de ce Conseil européen dans plusieurs domaines.
Renforcer la sécurité de notre approvisionnement en énergie est devenue une priorité dont la crise gazière de janvier entre la Russie et l'Ukraine a montré l'urgence. L'Europe peut d'abord aider les Etats membres à identifier les capacités de production et de transport énergétiques qui d'évidence doivent être construites. Nous devons ensuite développer une politique énergétique européenne externe, avec une attention particulière pour la Russie, le Caucase, l'Asie centrale et l'Afrique du Nord. L'Europe peut aider nos entreprises à mieux exploiter et acheminer les ressources en énergie des zones voisines. Enfin, la politique énergétique européenne doit être compatible avec l'environnement, ce qui implique le développement des sources d'énergie alternatives et une réflexion sur la place du nucléaire.
La France souhaite que le Conseil européen adopte des objectifs précis et un programme d'action en la matière, pour affirmer une volonté politique commune.
Nous voulons également agir pour la recherche, notamment avec le lancement d'un institut européen de technologie qui mettra en réseau les compétences européennes en matière de recherche et d'enseignement et contribuera au développement de l'excellence et de l'innovation.
Nous entendons aussi soutenir l'effort européen de financement de la recherche. Le président de la République a ainsi incité la Banque européenne d'investissement à y consacrer quelque dix milliards d'euros : cette initiative devrait induire près de trente milliards d'euros de ressources supplémentaires destinées aux entreprises européennes, et en particulier aux PME.
Investir dans la recherche, c'est bâtir l'activité et la croissance de demain. Là encore, la France travaillera pour que le Conseil européen prenne des décisions concrètes pour compléter l'effort prévu dans les perspectives financières 2007-2013, avec près de 50 milliards d'euros consacrés au programme cadre de recherche.
Nous devons aussi répondre à l'inquiétude de l'opinion sur la question des délocalisations. Pour gagner la confiance des citoyens dans la durée, il faut accompagner les reclassements économiques des secteurs les plus fragilisés. A la demande de la France, l'Europe mettra en place un fonds pour venir en aide aux Etats membres confrontés aux conséquences des délocalisations. Le prochain conseil en approuvera la création.
Nous nous félicitons que l'Europe se dote ainsi de moyens concrets et visibles de soutenir les salariés victimes des restructurations.
Enfin, nous souhaitons que l'Union fasse un effort supplémentaire pour les bourses Erasmus et Leonardo. Favoriser la mobilité des étudiants et des jeunes travailleurs européens fait partie intégrante d'une stratégie globale de soutien à l'emploi et permet de renforcer le sentiment d'appartenance européen, sans lequel il ne saurait y avoir de projet politique solide et durable.
Nous comptons fermement sur cette décision du Conseil, qui contribuerait à la formation et à l'insertion des jeunes sur le marché du travail européen.
Autre sujet d'importance : la directive "services". Après le vote du Parlement européen du 16 février, nous disposons d'une base solide pour bâtir un texte compatible avec le modèle social européen. Les points controversés de la directive Bolkestein sont écartés : rétablissement de nombreuses dérogations pour les services publics, abandon du principe du pays d'origine, garanties pour les consommateurs, respect des droits du travail nationaux.
Il revient à la Commission d'en prendre acte pour transmettre une autre proposition au Conseil. Toute autre démarche serait vouée à l'échec. L'esprit de responsabilité doit prévaloir. Le moment est venu de trouver un accord et de mettre fin à une trop longue polémique.
Si nous voulons que les Français retrouvent confiance dans l'Union, nous devons lancer des initiatives concrètes. C'est pourquoi nous voulons, lors de ce Conseil, mettre l'accent sur l'énergie et la recherche.
L'Union doit aussi devenir un projet partagé, doté d'une direction claire à laquelle les citoyens se sentent associés. Le défi est pédagogique et démocratique. Cela exige de poursuivre notre réflexion sur l'avenir des institutions et du processus d'élargissement. Qu'est-ce qui mettra l'Union européenne à même d'aborder d'autres candidats ? Les récents débats sur la Turquie ou la République yougoslave de Macédoine ont montré la pertinence de cette question.
Que signifie la poursuite de l'élargissement en termes de réforme des politiques communes ou d'effort financier ? Comment s'assurer du soutien des opinions publiques ? Question d'autant plus importante que la France a prévu une procédure référendaire pour toute nouvelle adhésion.
Comment, enfin, cette Europe élargie fonctionnerait-elle dans des institutions adaptées ?
Ces questions domineront le Conseil du mois de juin. Mais la présidence autrichienne a souhaité un échange de vues dès jeudi soir, pour nourrir et préparer la discussion de juin entre les chefs d'Etat et de gouvernement.
Ce conseil de printemps s'annonce comme une nouvelle étape vers une Europe de projets. Une Union à 25 Etats, rassemblant 450 millions d'habitants dispose d'un potentiel considérable : ITER, Galileo sont autant d'exemples de ce que nous pouvons faire ensemble. Ce potentiel immense n'est hélas que partiellement exploité. Pour promouvoir l'emploi, la croissance, la sécurité énergétique, l'environnement, la santé, l'Europe doit aussi se doter d'une base industrielle solide, avec des entreprises d'une taille suffisante pour affronter la concurrence internationale, tant dans le domaine de l'énergie que dans d'autres. Il nous faut pour cela des champions. Nul sentiment protectionniste dans cette ambition, mais la volonté de promouvoir nos intérêts sur la scène internationale.
Sur l'emploi, la France a aussi une haute ambition pour l'Europe. Au-delà, l'Union européenne peut s'affirmer comme un facteur de paix et de stabilité, dès lors qu'elle aura repris confiance pour faire valoir son projet dans le concert des nations.
L'intérêt de la France réside plus que jamais dans une Europe forte et unie, audacieuse, à l'écoute de ses citoyens. C'est celle que nous voulons faire prévaloir à Bruxelles. Concilier le dynamisme et la justice sociale c'est donner un contenu exigeant et concret à l'Europe. Le Conseil européen de jeudi et vendredi s'annonce comme un rendez-vous important. Il y en aura d'autres : c'est un travail de longue haleine. La France y prendra toute sa part.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2006
Avec M. Breton et Mme Colonna, j'accompagnerai le président de la République à Bruxelles pour participer au Conseil européen de printemps consacré aux questions européennes et sociales, qui traite traditionnellement de la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi. Malgré des résultats positifs, celle-ci est encore mal comprise des citoyens européens : nous devons la rendre moins abstraite et plus lisible.
Un premier progrès dans ce sens est l'élaboration par chaque Etat membre d'un programme national de réforme, tenant compte des spécificités nationales. La France a élaboré son programme national à l'automne dernier, en portant l'accent sur les nouveaux pôles de compétitivité, l'Agence pour la recherche et l'Agence pour l'innovation industrielle, qui témoignent de la volonté de notre pays d'être en phase avec l'évolution du continent et de peser sur elle.
Mais d'autres progrès, concrets et visibles, sont nécessaires pour démontrer que l'Europe est en mesure d'apporter une réelle plus-value à notre économie. Nous attendons des résultats tangibles de ce Conseil européen dans plusieurs domaines.
Renforcer la sécurité de notre approvisionnement en énergie est devenue une priorité dont la crise gazière de janvier entre la Russie et l'Ukraine a montré l'urgence. L'Europe peut d'abord aider les Etats membres à identifier les capacités de production et de transport énergétiques qui d'évidence doivent être construites. Nous devons ensuite développer une politique énergétique européenne externe, avec une attention particulière pour la Russie, le Caucase, l'Asie centrale et l'Afrique du Nord. L'Europe peut aider nos entreprises à mieux exploiter et acheminer les ressources en énergie des zones voisines. Enfin, la politique énergétique européenne doit être compatible avec l'environnement, ce qui implique le développement des sources d'énergie alternatives et une réflexion sur la place du nucléaire.
La France souhaite que le Conseil européen adopte des objectifs précis et un programme d'action en la matière, pour affirmer une volonté politique commune.
Nous voulons également agir pour la recherche, notamment avec le lancement d'un institut européen de technologie qui mettra en réseau les compétences européennes en matière de recherche et d'enseignement et contribuera au développement de l'excellence et de l'innovation.
Nous entendons aussi soutenir l'effort européen de financement de la recherche. Le président de la République a ainsi incité la Banque européenne d'investissement à y consacrer quelque dix milliards d'euros : cette initiative devrait induire près de trente milliards d'euros de ressources supplémentaires destinées aux entreprises européennes, et en particulier aux PME.
Investir dans la recherche, c'est bâtir l'activité et la croissance de demain. Là encore, la France travaillera pour que le Conseil européen prenne des décisions concrètes pour compléter l'effort prévu dans les perspectives financières 2007-2013, avec près de 50 milliards d'euros consacrés au programme cadre de recherche.
Nous devons aussi répondre à l'inquiétude de l'opinion sur la question des délocalisations. Pour gagner la confiance des citoyens dans la durée, il faut accompagner les reclassements économiques des secteurs les plus fragilisés. A la demande de la France, l'Europe mettra en place un fonds pour venir en aide aux Etats membres confrontés aux conséquences des délocalisations. Le prochain conseil en approuvera la création.
Nous nous félicitons que l'Europe se dote ainsi de moyens concrets et visibles de soutenir les salariés victimes des restructurations.
Enfin, nous souhaitons que l'Union fasse un effort supplémentaire pour les bourses Erasmus et Leonardo. Favoriser la mobilité des étudiants et des jeunes travailleurs européens fait partie intégrante d'une stratégie globale de soutien à l'emploi et permet de renforcer le sentiment d'appartenance européen, sans lequel il ne saurait y avoir de projet politique solide et durable.
Nous comptons fermement sur cette décision du Conseil, qui contribuerait à la formation et à l'insertion des jeunes sur le marché du travail européen.
Autre sujet d'importance : la directive "services". Après le vote du Parlement européen du 16 février, nous disposons d'une base solide pour bâtir un texte compatible avec le modèle social européen. Les points controversés de la directive Bolkestein sont écartés : rétablissement de nombreuses dérogations pour les services publics, abandon du principe du pays d'origine, garanties pour les consommateurs, respect des droits du travail nationaux.
Il revient à la Commission d'en prendre acte pour transmettre une autre proposition au Conseil. Toute autre démarche serait vouée à l'échec. L'esprit de responsabilité doit prévaloir. Le moment est venu de trouver un accord et de mettre fin à une trop longue polémique.
Si nous voulons que les Français retrouvent confiance dans l'Union, nous devons lancer des initiatives concrètes. C'est pourquoi nous voulons, lors de ce Conseil, mettre l'accent sur l'énergie et la recherche.
L'Union doit aussi devenir un projet partagé, doté d'une direction claire à laquelle les citoyens se sentent associés. Le défi est pédagogique et démocratique. Cela exige de poursuivre notre réflexion sur l'avenir des institutions et du processus d'élargissement. Qu'est-ce qui mettra l'Union européenne à même d'aborder d'autres candidats ? Les récents débats sur la Turquie ou la République yougoslave de Macédoine ont montré la pertinence de cette question.
Que signifie la poursuite de l'élargissement en termes de réforme des politiques communes ou d'effort financier ? Comment s'assurer du soutien des opinions publiques ? Question d'autant plus importante que la France a prévu une procédure référendaire pour toute nouvelle adhésion.
Comment, enfin, cette Europe élargie fonctionnerait-elle dans des institutions adaptées ?
Ces questions domineront le Conseil du mois de juin. Mais la présidence autrichienne a souhaité un échange de vues dès jeudi soir, pour nourrir et préparer la discussion de juin entre les chefs d'Etat et de gouvernement.
Ce conseil de printemps s'annonce comme une nouvelle étape vers une Europe de projets. Une Union à 25 Etats, rassemblant 450 millions d'habitants dispose d'un potentiel considérable : ITER, Galileo sont autant d'exemples de ce que nous pouvons faire ensemble. Ce potentiel immense n'est hélas que partiellement exploité. Pour promouvoir l'emploi, la croissance, la sécurité énergétique, l'environnement, la santé, l'Europe doit aussi se doter d'une base industrielle solide, avec des entreprises d'une taille suffisante pour affronter la concurrence internationale, tant dans le domaine de l'énergie que dans d'autres. Il nous faut pour cela des champions. Nul sentiment protectionniste dans cette ambition, mais la volonté de promouvoir nos intérêts sur la scène internationale.
Sur l'emploi, la France a aussi une haute ambition pour l'Europe. Au-delà, l'Union européenne peut s'affirmer comme un facteur de paix et de stabilité, dès lors qu'elle aura repris confiance pour faire valoir son projet dans le concert des nations.
L'intérêt de la France réside plus que jamais dans une Europe forte et unie, audacieuse, à l'écoute de ses citoyens. C'est celle que nous voulons faire prévaloir à Bruxelles. Concilier le dynamisme et la justice sociale c'est donner un contenu exigeant et concret à l'Europe. Le Conseil européen de jeudi et vendredi s'annonce comme un rendez-vous important. Il y en aura d'autres : c'est un travail de longue haleine. La France y prendra toute sa part.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2006